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LancelotModérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice David Nash Ford a un gros défaut, même si son site est une mine d'informations il ne cite jamais ou presque ses sources. Ce qui fait que ces biographies présentent beaucoup d'interprétations. Ainsi, pour le Gerren/Gereint qui est dit être mort combattant la Bernicia on a juste un passage d'Y Gododdin qui parle d'un Gerren... sans forcément que ce soit un roi dumnonéen.
Mais des Gereint et des Constantin/Cystennin, on en a beaucoup en Dumnonia, une tradition trouvant probablement ses origines avec Constantin III et son général Gerontius. Et des Kynwar, il y en a quelques un aussi http://letavia.canalblog.com
Letavia - Troupe de reconstitution des Bretons armoricains aux alentours de l'an 500. Benjamin Franckaert (Agraes/Morcant)
Mélar, "avatar christanisé" de Nodons/Nuada : il me semble que c'est un peu plus compliqué que cela ; en tout cas, comme dirait M. de la Palice, c'est un résumé un peu "réducteur" pour les 248 pages de ma thèse EPHE.
... Mais comme justement j'ai consacré beaucoup de temps et d'énergie à essayer de montrer, dans ce cas comme dans d'autres, la complexité de la relation entre culture savante et traditions populaires dans le processus de création littéraire qui est à l'origine de chaque vita de saint , je n'y reviendrai pas ici. N'oubliez pas dans le cas de saint Mélar, qu'il dispose de deux prothèses animées : une main d'argent et un pied d'airain, ce qui déjà doit nous orienter vers une adaptation par l'hagiographe de traditions multiples ou vers une capacité d'invention plus grande de cet auteur... Il me semblait que depuis Pierre Saintyves et ses travaux sur l'hagiographie, les études "folkloriques" consacrées à cette approche avaient beaucoup progressé. Me serais-je trompé ? Cordialement, André-Yves Bourgès www.hagio-historiographie-medievale.fr
Bonjour à tous.
Quelques interrogations sur les sources de Geoffroy, à partir du chapitre 197 (retour de Cadvallo de Bretagne, alliance avec Peanda, bataille d’Hetfeld) jusqu’a la fin de l’HRB? Je m'en tiendrai ici uniquement à l'HRB, Bède et les Annales Cambria. Bède est la source principale de cette dernière partie du roman, quoique : Le retour de Cadvallo et les renforts bretons-armoricains : En règle générale, que ce soit pour Constantin, Aurèle Ambroise, Cadvallo, ou Cadvalladr Geoffroy ne s’est pas inspiré de Bède qui n’évoque jamais la petite Bretagne. Peanda assiège Brian à Exeter (Exonia chez Geoffroy qui précisait d’ailleurs au chapitre 69 « Kaerpenhuelgoit, c’est dire Exonia »), mais vaincu par Cadvallo, il se soumet : Je ne retrouve pas cet épisode chez Bède. Batailles d’ Hedfeld où Edwin est tué et d’Hevenfeld , conformes à Bède. Geoffroy peut ignorer la mort de Cadvallo en 635: en effet, Bède dit seulement que Caedwalla , roi des Bretons fut vaincu à Denisburne . Geoffroy rapporte fautivement qu’Oswald fut tué à Burne. En fait à Maes Cogwy en 642 comme le dit Bède. Geoffroy ne retient de la bataille du fleuve Vunued que Peanda et trente chefs furent tués (655) : car Bède passe sous silence la présence et l’attitude des Bretons et les évènements qui s’ensuivent pour ceux-ci. Geoffroy : « Après 48 ans de règne… Cadvallo quitta cette vie », ce qui nous mène en 682. Rien chez Bède…. Mais date de la mort de Catwaladr lors d’une épidémie de peste selon les annales Cambria : « Cadvalladr gouverna pacifiquement sont royaume pendant 12 ans. » Se rapporte plutôt à la fin de règne de Catwaladr sans évènement marquant après 670 « puis il tomba malade ». « et la guerre civile éclata parmi les bretons » Rien chez Bède évidemment de l’exil de Cadvalladr chez Alan d’Armorique, mais ces épisodes armoricains, cycliques, font parti du fil conducteur de L’HRB ..... et Geoffroy reprend , pour la troisième fois dans l'HRB, les thèmes de l’exil selon Gildas. Il est clair que Geoffroy n’a pas eu connaissance des annales Cambria : (629 : exil de Cadwallon à l’ile Glannauc, 630 : Mort d’Edwin à la bataille de Meigen contre Cadwallon, 631 : Mort de Cadwallon à la bataille de Cantscaul, 644, Bataille de Cogfry où tombent Oswald roi des « normands », 656 : bataille de Campus Gaius, 657 : mort de Penda) Geoffroy : « la mère de Cadvalladr était la sœur du roi Peanda » : Rien chez Bède Par contre « issue de la noble ligné des Gewisséens » comme Caedwalla le jeune, de Bède (qu’il cite) ; Pourtant Geoffroy ne retient rien du texte de Bède sinon que le fait qu’il soit un prince exilé, la date de son baptême par le pape Serge et de sa mort en 689, la mention de son épitaphe à Rome ainsi que le nom de son successeur Ine-Ini. Rien chez Bède d’Yvor frère d’Ini selon Geoffroy. (Ifwr fils de Cadwaladr selon David Nash, quelles sources ? Son gros défaut comme le dit justement Agraes. ) A la fin de l’HRB selon Geoffroy § 207, Adelstan fut le premier des Saxons, désormais maîtres de la Loegrie, à porter la couronne. Il fait là un bel anachronisme sans rapport direct bien sur, mais qui n’est pas sans rappeler l’erreur de datation des Annales Cambria dont on n’a déjà parlé antérieurement.
Bonjour
Euh...en quoi mon dernier message est-il un résumé réducteur de votre thèse, que je ne cite à aucun moment ? Sinon, j'admets volontiers que le terme "avatar christianisé" est certainement mal approprié. Concernant les relations entre culture savante et traditions "populaires", je parlerais plutôt d'échanges entre la culture savante écrite et latine des moines et la tradition orale aristocratique transmise par des bardes et conteurs professionnels. Deux de ces conteurs sont attestés du temps d'Hoël II : Cadiou citharista et Pontellus "joculator comitis". Sur ce point, voir entre autres Bernard Merdrignac, "Ut uulgo refertur..." tradition orale et littérature hagiographique en Bretagne au Moyen Age, Mondes de l'Ouest....p. 105-114, et notamment la conclusion p. 114. Pour le pied d'airain de Melar, c’est effectivement une différence importante entre Melar et Nuada, à qui l’on n’a jamais coupé le pied. Encore qu’un texte irlandais indique que Nuada eut Boann pour épouse : De la source du juste Mochua à la limite de la vaste plaine de Mide, le poignet de la femme de Nuadha et sa jambe ont deux noms brillants et élevés. Nuada aurait-il souffert de la même infirmité que sa femme ? On pourrait le penser, car si le substantif masculin nuada signifie parfois « roi, héros, guerrier » dans les textes irlandais, Nodons/Nuada est probablement issu de la racine indo-européenne *snoudh-/*sneudh- désignant l’humidité en général, et à laquelle se rattache le gotique niuta, « pêcheur ». Or, c’est bien une statuette de pêcheur harponnant un saumon qu’on a retrouvé dans temple de Lydney Park dédié à Nodons, et le Roi-Pêcheur des romans arthuriens est blessé à la jambe, non au bras, ce qui le rend impuissant et entraîne aussi la stérilité de son royaume. Il se pourrait peut-être que la Bretagne armoricaine ait conservé des traditions plus complètes au sujet de Nodons, et que la disqualification royale portait à la fois sur le bras - rôle distributeur et protecteur - et sur la jambe, substitut du pénis. L’amputation du pied de Melar équivaut donc à une castration et lui empêche tout accès à la royauté. On notera aussi que Boann, femme de Nuada, fut punie par une ordalie lors de sa visite au puits de Nechtan : trois vagues sortant du puits lui arrachèrent un bras, une jambe et un oeil. L'ordalie par aveuglement se retrouve justement dans la Vie de Mélar, la victime en est Kerialtan. Pris seul, ce motif n'apporte pas grand-chose, mais ajouté au reste, il prend une certaine valeur. Sur ce, bon dimanche Les Bretons sont plus grands et mieux proportionnés que les Celtes. Ils ont les cheveux moins blonds, mais le corps beaucoup plus spongieux.
Hippocrate
Bède, Histoire Ecclésiastique du Peuple Anglais : A propos d'Oswald à Denisesburna (Livre III, chapitre I) ; http://www.ccel.org/ccel/bede/history.v.iii.i.html "Ce roi, après la mort de son frère Eanfrid, s'avança avec une armée, petite en nombre mais renforcée par la foi du Christ ; et l'impieux (??) commandant des Bretons, malgré la taille de ses armées, dont il pensait que rien ne pouvait y résiter, fut tué au lieu dit dans la langue anglaise Denisesburna, ce qui est le brook de Denis." Bède rapporte donc clairement la mort de Cadwallon. http://letavia.canalblog.com
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Merci de vos souhaits de bon dimanche que je vous retourne.
Si ce n'est pas l'endroit, qu'on veuille bien m'en excuser, mais je souhaiterais poser une question de méthode : comment fonctionne la science du folklore ? Suffit-il de faire des rapprochements, plus analogiques que réels (comme le soulignait déjà en son temps, en le déplorant, A. Van Gennep, pourtant lui même spécialiste de ces questions) pour tirer des conclusions sur l'origine de mythèmes transmis par des auteurs, sans tenir compte des processus de formation intellectuelle de ces auteurs et de leurs capacités d'invention et de créativité ? Au besoin, peut-on abolir les faits et solliciter les sources sans jamais prendre de précautions oratoires ? Enfin, peut-on faire fi de l'état actuel d'une question tel qu'il a été exposé récemment dans une publication scientifique reconnue ? Dans le cas de saint Mélar et de ses différents avatars : 1/ on évoque Kernuz près de Lanmeur pour étayer un rapprochement, par ailleurs très vraisemblable avec l'irlandaix Nuadu/Nuada ; mais il n'y a pas de Kernuz en Lanmeur, ni même à proximité immédiate : qu'à cela ne tienne, "qu'il y ait un Kernuz en Lanmeur ou pas, ça ne change pas grand-chose : le dieu Nodons, devenu le héros légendaire Nudd était connu dans les deux Bretagnes. Et Mélar semble bien être l'avatar christianisé de cet ancien dieu". En fait, plutôt que de faire plonger loin dans le fond culturel commun aux peuples celtes l'origine de ces mythèmes traités par l'hagiographe mélarien et compte tenu notamment de ce que "la parenté de la Bretagne avec l'Irlande et le monde goïdélique est plus lointaine et moins directement évidente" (B. Merdrignac) qu'avec le monde brittonique, ne pourrait-on y reconnaître un exemple démonstratif de ce que "la filière trégoroise" a pu apporter aux relations Irlande-Bretagne tout au long du Moyen Age ; on peut en effet conjecturer, au-delà des échanges commerciaux entre l'Irlande et le Trégor, attestés déjà au IXe siècle dans la vita de saint Guénolé par Wrdisten, des échanges "culturels" aux multiples dimensions, peut-être renforcés "par la participation de moines irlandais à la reconstruction religieuse de la Bretagne armoricaine après les raids vikings" de la fin du IXe et du début du Xe siècle : non seulement formation scolaire et religieuse, tout ce dont faisait déjà montre la Vie de saint Guénolé et dont témoigne surtout, de manière plus ou moins directe, la production hagiographique trégoroise du XIe au XIVe siècle (saint Tugdual, saint Maudez, saint Efflam, saint Budoc) ; mais également légendes populaires, souvenirs historiques ou mythiques, dont l' "inventaire systématique" peut désormais intégrer les anecdotes de la main d'argent animée et de l'offrande des noix dans la vita ancienne de saint Melar. 2/ on nous dit que la femme de Nuadu/Nuada était atteinte d'une infirmité à la jambe, qui serait en fait (si j'ai bien compris) une sorte de projection symbolique de la seconde mutilation subie par son époux, lequel devient ainsi un prototype du Roi-Pêcheur ; mais l'amputation du pied droit de Mélar l'empéchait surtout de monter à cheval, ce qui entrainait bien évidemment sa disqualification chevaleresque. Les traditions irlandaise et galloise sont apparemment muettes en ce qui concerne l'éventuelle amputation du pied gauche de leurs héros respectifs et son remplacement par le même type de prothèse magique. Il s’agit à l'évidence d'un élément spécifique de la légende de saint Melar et dont il est intéressant de rechercher l'origine. En effet, c'est précisément le souvenir du pied d'airain de Melar, à l'exclusion de celui de sa main d'argent, que la tradition populaire a choisi de privilégier à Lanmeur, haut lieu sinon chef lieu du culte rendu au jeune prince martyr : depuis longtemps elle désigne sous le nom de "botez sant Melar" (la botte, la chaussure, le sabot de saint Melar), une cavité qui ressemble effectivement à l'empreinte d'un pied, creusée dans un bloc de diorite, lequel gît dans les fossés de l'ancien «château» de Beuzit en Lanmeur : on sait que l'hagiographe mélarien plaçait à Beuzit la résidence du fameux Commor, présenté en l'occurrence comme l'oncle et le protecteur de Melar . Quelle est la nature archéologique du bloc de diorite qui présente la cavité dans laquelle les lanmeuriens veulent reconnaître l'empreinte du pied de Melar ? En l'absence de tout témoignage direct, deux hypothèses paraissent recevables. Il pourrait s'agir d'un ancien "perron" qui facilitait autrefois la montée du cavalier sur son cheval : rappelons à cette occasion que l'enjambement de la croupe se faisant sur le flanc gauche de l'animal, c'est donc la jambe droite du cavalier qui opère ce mouvement et son pied gauche demeure alors sa seule assise. De tels perrons ont existé dans de nombreuses résidences aristocratiques et sont d'ailleurs attestés dans la littérature arthurienne et courtoise ; les auteurs de ce genre, tel Chrétien de Troyes, ont souvent préféré montrer que leurs héros masculins, grâce à leur force physique et à leur fougue, pouvaient se passer de montoirs et que l'usage de ces derniers était plutôt réservé aux femmes . Néanmoins les perrons ont été utilisé par les cavaliers tout au long du Moyen Age, en particulier avant la généralisation de l'usage de l'étrier acquise dès le XIe siècle, mais surtout au fur et à mesure que le poids de l'armure du combattant à cheval devint, pour ce dernier, un empêchement à se servir de l'étrier. Le perron servait également, bien sûr, à faciliter la mise à pied du cavalier : ainsi la pierre qui porte l'empreinte du "pied de la duchesse Anne", sur la route de Morlaix à Saint-Jean-du-Doigt, et qui a servi par la suite de socle pour une croix appelée "Kroaz ar rouanez" (la croix de la reine), érigée en commémoration du passage de la reine et duchesse Anne de Bretagne en 1505, était en fait le perron utilisé par ceux des pèlerins qui voyageaient montés et qui s'obligeaient, selon l'usage, à descendre de leur monture à cet endroit pour terminer à pied leur pèlerinage vers la relique du Baptiste . L'autre hypothèse renvoie à ce que nous connaissons de certains rituels d'intronisation et que les mythologues désignent "monosandalisme" : dans certaines circonstances précises et le plus souvent à l'occasion de cérémonies de passation de pouvoir ou d'accession au pouvoir, on retrouve, aussi bien en Bretagne qu'en Irlande ou en Ecosse, des pierres de serment creusées de l'empreinte d'un pied ; l'impétrant — chef religieux ou chef civil — devait, pour que son pouvoir fût reconnu, mettre un pied dans l'empreinte en question et prononcer et/ou écouter telle formule convenue . Quoi qu'il en soit de l'une ou l'autre de ces hypothèses, l'hagiographe mélarien, confronté à la trace physique de ce qui était interprété localement comme l'empreinte du pied gauche du saint — et que le frottement d'un pied naturel, même chaussé, n'aurait pas pu occasionner — a "inventé" la prothèse d'airain : ainsi le phénomène physique d'usure de la pierre pouvait-il être expliqué "rationnellement" et en même temps contribuer à l'édification de la légende du jeune prince martyr honoré en ce lieu. On constate ainsi que le mythème du pied d'airain, qui se retrouve dans toutes les pièces du dossier littéraire mélarien — à Amesbury, à Paris ou à Meaux — s'inscrit donc dans un contexte très localisé qui vient renforcer l'hypothèse de l'origine spécifiquement lanmeurienne de la tradition transmise par la vita ancienne de saint Melar. En outre, B. Merdrignac a souligné le mouvement de "rationalisation" dans le traitement des thèmes hagiographiques traditionnels qui lui paraît caractériser les vitae de l'époque romane (XIIe-XIIIe siècles) ; si tant est que la vita ancienne de saint Melar soit plutôt à dater du dernier tiers du XIe siècle, elle pourrait donc constituer un témoignage relativement précoce de ce courant "rationalisant" dans lequel elle s'inscrit de toute façon. 3/on ne cite pas le travail consacré au dossier hagiographique de saint Mélar ; mais dans toute démarche historique, il est d'usage de partir de l'état le plus récent de la question : cela ne vaut-il pas pour le science du folklore ? Enfin, j'avoue qu'il m'est difficile d'échanger des points de vue avec quelqu'un qui porte un masque : ce n'est pas dans mes habitudes et je suis trop vieux pour en changer. Cordialement André-Yves Bourgès www.hagio-historiographie-medievale.fr
Re,
le fait que je ne cite pas votre thèse ne signifie pas que je ne l'ai pas lue. Mais, dans le cadre de ce forum, s'il est parfois utile de s'appuyer sur des références, faut-il pour autant citer une abondante bibliographie en rapport avec chaque sujet abordé ? Quant à l'état récent de la question, sur un plan mythologique en tout cas, je renvoie au mémoire de Gaël Hily - élève de Claude Sterckx -, et en particulier au paragraphe sur le Dieu-Roi, p. 71-81 ; aux travaux de Claude Sterckx lui-même, notamment l'article Nûtons, Lûtons et dieux celtes paru dans ZCP, article que vous citez dans votre thèse, mais sans en tirer toutes les conséquences, notamment la comparaison faite par Claude Sterckx entre Nuada, Nechtan, Neptune et Apam Napat. Enfin, l'article de Bernard Sergent : « Elcmar, Nechtan, Oengus : qui est qui ? » paru dans Ollodagos, 2000, 179-277 et particulièrement les pages 261-273 : Bernard Sergent reprend la comparaison de Claude Sterckx et l'étend à Poséidon. Au sujet du symbolisme pied-pénis, je renvoie également à Claude Sterckx : les mutilations des ennemis chez les Celtes préchrétiens, la Tête, les Seins, le Graal. Les blessures au pied, au genou, à la cuisse, équivalentes à une castration, sont particulièrement bien attestées dans la littérature galloise. Quant au rituel du monosandalisme, il était répandu dans tous les pays celtiques. Il me semble que l'amputation de Melar - héritier du royaume de Cornouaille, il ne faut pas l'oublier - va un peu plus loin qu'un simple empêchement de monter à cheval. Et je vous retourne donc la question : pourquoi l'hagiographe de Melar aurait-il emprunté à des traditions irlandaises, alors que tout porte à croire que ces traditions, remontant à un fond commun celtique, et même indo-européen, pouvaient lui être accessibles en Bretagne armoricaine même, par l'intermédiaire de bardes et de conteurs ? Vous indiquez vous-même que l'hagiographe s'est inspiré de traditions et de sources essentiellement orales et locales, qui remontent au moins au 9ème siècle (emprunt de Bili pour sa Vie de saint Malo). C'est également au 9ème siècle que le nom d'homme Nodent est attesté dans le cartulaire de Redon.... De toute façon, la question de l'emprunt ou du fond commun est indissoluble pour ce qui concerne les pays celtiques médiévaux : même origine et contacts fréquents sur environ un millénaire. Patrice Marquand Les Bretons sont plus grands et mieux proportionnés que les Celtes. Ils ont les cheveux moins blonds, mais le corps beaucoup plus spongieux.
Hippocrate
de l'anecdotique (dossier mélarien) à la méthodologieBonsoir Patrice,
Je vous remercie de votre message. Le problème, vous l'avez bien compris, n'est pas que vous citiez ou que vous ne citiez pas mon travail sur le dossier hagiographique de saint Melar ; mais simplement que vous vouliez bien tenir compte de ses apports comme étant (à ma connaissance) l'état le plus récent de la question, y compris sur ces aspects folkloriques, puisque tout un chapitre est précisément consacré aux rapports entre "thématique légendaire et réalité historique". Vous relevez d'ailleurs que ce travail prend en compte, quant à lui, deux articles de C.Streckx, parus respectivement dans ZCP et dans les actes du colloque de Rennes sur Irlande et Bretagne : c'est précisément à la lecture de ce dernier article, croisée avec celui de B. Merdrignac qui figure dans le même volume, que l'hypothèse d'un emprunt par l'hagiographe à deux traditions mythologiques irlandaises distinctes (main d'argent + offrande des noix valant hommage) pouvait avoir été la conséquence de ce courant d'échanges (parfois indirects, via la Bretagne insulaire) bien attesté dans l'hagiographie trégoroise. Pour le reste, je n'ai pas vu de réponse à ma question plus générale sur la méthologie de la science du folklore. Je crains de devoir m'en tenir à ce que C. Sterckx soulignait en 1992 (Mélanges Fleuriot, p. 403) comme le principal défaut de sa spécialité : "L'hypothèse de souvenirs réels de la mythologie celtique dans le folklore breton des contes et des traditions, a longtemps été tenue pour invraisemblable et dénoncée -souvent il est vrai à bon droit - comme fondée tantôt sur les forgeries de zèles nationalistes excessifs, tantôt sur des emprunts plus ou moins directs aux publications du matériel insulaire irlandais ou gallois". Cordialement André-Yves Bourgès www.hagio-historiographie-medievale.fr
J’ai l’impression qu' il va y avoir du ruz boutou ici.
Mais c’est passionnant, et on a tout le temps, c’est l’essentiel. Sinon, autant pour moi, Agraes : Slay, slew, Slain = Tuer… you kill me ! Il est donc vrai qu’objectivement, Geoffroy ne pouvait ignorer la mort de Cadvallo, pas plus que celle d’Oswald à Maes Cogwy. Je ne peux pas expliquer pourquoi il l’a crédité de 48 ans de règne supplémentaires, sinon que cela lui permettai, sur le plan littéraire de combler un vide générationnel d’une quarantaine d’années avec Caedwalla le jeune, identifié (avec tout autant d’ambiguité) à Cadvaladr. Les travaux de John Morris concernant le Wessex que tu te proposai de fouiller sont évidemment les bien venus. Si également tu pouvais donner quelques indications sur les sources de David Nash Ford : “655 - King Cadafael Cadomedd of Gwynedd and his army join King Penda of Mercia and march on the Northumbrians. Penda clashes with King Oswiu at the Battle of Gai Campus (Winwaed), but Cadafael withdraws before the battle begins. c.655 - King Morfael of Pengwern (re-)takes Wall (Staffs). 656 - King of Oswiu of Northumbria invades Pengwern and kills King Cynddylan in battle. His brother, King Morfael, and the remains of the family flee to Glastening. Mercians take control of Pengwern and may have invaded Powys at this time. 658 - King Cenwalh and the Wessex Saxons make a push against Dumnonia (possibly under a King Culmin). They are victorious at the Battle of Penselwood and the Dumnonia-Wessex border is set at the River Parrett. 661 - King Cenwalh of Wessex invades Dumnonia. He is victorious at the Battle of Posbury. Saxon settlers found Somerset in Eastern Dumnonia. » Merci d’avance, Agraes. Comme j’ai l’impression que Jean Yves et Patrice se connaissent, je quitte la piste de danse. De toute façon, ici, on laisse les armes à l’entré du saloon.
Re: de l'anecdotique (dossier mélarien) à la méthodologie
Voici la suite : "ces prétentions cèdent toutefois depuis quelques années devant l'accumulation de documents sérieux attestant la persistance d'échos indéniables du cycle arthurien et même incontestablement du panthéon préchrétien : sainte Anne née de la cuisse de son père comme Dionysos ou Athéna, selon certaines traditions tardives, patronne le pays sous un nom qui rappelle directement celui des déesses Ana/Dana de l'Irlande païenne, Anna/Dôn du pays de Galles pré-chrétien ; le Mars celtique - Irlandais Nuadha Airgeadlamh, Gallois Lludd Llawarian - a laissé son nom dans la toponymie et, surtout dans l'écho de son principal mythème dans la légende de saint Méloir ; la mère de ce dernier, sainte Gwenn, dérive également de prototypes pré-chrétiens bien reconnus et son trimastisme comme toute sa légende s'inscrivent aujourd'hui dans un système aujourd'hui bien étudié. Surtout, le vieux Jupiter celte - le Daghdha irlandais - a été reconnu depuis quelques années comme survivant directement à travers la figure de l'Ankou, tandis que des détails précis de sa mythologie se distinguent dans diverses vies de saints bretons ou dans la figure de contes populaires (Yann ar Vazh Houarn). Un remarquable cas de survivance vient encore d'être révélé par la belle édition qu'a donnée M. Jef Philippe du conte Jozebig ha Merlin qu'il a recueillie auprès du conteur traditionnel Jean-Louis Rolland (1906-1985), lequel l'avait lui-même reçu de la tradition orale - en l'occurence du meunier-conteur Yves Le Floc'h - aux jours de son enfance en Trébrivan." Ensuite, Claude Sterckx compare l'un des épisodes du conte de Jean-Louis Rolland avec un récit du livre de Leinster concernant le Daghdha : l'histoire des trois frères. Il y a non seulement identité de motifs, mais aussi identité de structure. En fait, après un première phrase de mise en garde, Claude Sterckx - et d'autres que lui, voir les travaux de Donatien Laurent sur la gwerz de Skolan, Enori, etc.. - montre bien que même jusqu'aux 19ème-20ème siècles, des débris mythologiques ont subsisté dans la tradition orale de Basse-Bretagne. On peut légitimement penser que ces débris devaient être nettement plus consistants au Moyen Âge, lorsqu'ils étaient transmis non par par des mendiants ou des paysans, mais par des conteurs au service de l'aristocratie et payés pour cela. Une bonne partie des lais médiévaux - je dirais au moins les trois-quart - ont été transmis aux écrivains vieux-français par des conteurs breton-armoricains, sans conter un roman comme Erec et Enide, qui s'inspire de deux traditions, l'une galloise, l'autre bretonne armoricaine. Bref, sans vouloir majorer à tout prix la part de la Bretagne armoricaine dans la tradition celtique médiévale - qui a servi à alimenter aussi bien les romans arthuriens que les vies de saints- j'estime qu'il ne faut pas non plus tomber dans l'excès inverse en considérant comme systématiquement emprunté tout motif attesté dans les littératures celtiques insulaires et qui ne se retrouve pas de ce côté-ci de la Manche, sauf dans des contes collectés très tardivement, dans la littérature hagiographique, ou dans les littératures de langues non celtiques. Quant à la méthode, il me semble que je ne me trompe pas trop si je dis que la plupart des spécialistes de mythologie comparée suivent les traces de Georges Dumézil et de Claude Lévi-Strauss (voir notamment son article "la structure des mythes" dans Anthropologie structurale, p. 235-265) Une petite question pour finir : comment expliquer vous que le folklore relatif aux Nuitons ou Luitons, qui se rattache à Nuada, se retrouve aussi bien en Belgique (voir Claude Sterckx dans ZCP) qu'en Dauphiné (voir l'article d'Alice Joisten et Christian Abry : "Le nuiton n’a qu’un œil au milieu du front" dans Tradition et histoire dans la culture populaire : rencontre autour de l’œuvre de Jean-Michel Guilcher, Grenoble : Centre alpin et rhodanien d’ethnologie, 1990, p. 219-252.) Emprunts à l'Irlande ou restes d'une mythologie commune ? Les Bretons sont plus grands et mieux proportionnés que les Celtes. Ils ont les cheveux moins blonds, mais le corps beaucoup plus spongieux.
Hippocrate
Bonsoir,
Faire du "reuz" n'est guère dans ma nature, cher Jakes, d'autant que je ne crois pas que nous voulions vraiment en découdre, Patrice et moi ; en tout cas, je me préfère m'en tenir pour ma part à la petite partie du continent historique qui m'est un peu moins inconnue que de m'aventurer sur les terres duméziliennes et levi-straussiennes dont Patrice connaît intimement la géographie. Patrice a eu raison de citer la suite du texte de C. Sterckx ; je ne l'avais pas fait pour ne pas avoir à relever chez ce très estimable chercheur une nouvelle approximation : selon les différents dossiers hagiographiques concernés, sainte Guen (sancta Alba trimammis) n'est pas la mère de saint Mélar, mais bien celle de saint Guénolé, Jacut et Guézennec. Sans doute s'agit-il là encore, à l'instar de Kernuz-près-de-Lanmeur, du genre de détail avec lequel le folkloriste peut prendre des libertés. En ce qui concerne l'historien, cela ne lui est pas possible. Quand en revient-on à Lancelot, dont je crois que la résidence à Castel-an-Trebez constitue une hypothèse d'histoire littéraire très convenable ? Cordialement, André-Yves Bourgès www.hagio-hagiographie-medievale.fr
------------- C'est vrai, mais c'est à la fois difficile à éviter, parce que la culture bretonne est un tout, un ensemble. Et ainsi, on a vite fait de dériver d'un sujet sur l'autre, puisque tout est inter-dépendant. Au moment de la réorganisation du forum de l'Arbre Celtique par Guillaume et Pierre, c'était un peu la même chose : beaucoup de fils se mélangeaient. C'est pour cela que j'avais conseillé, en son temps (déjà immémorial pour certains), de bien distinguer les fils d'histoire, de littérature, de linguistique, et de mythologies-religions', etc . En rester au fil de la question, c'est souhaitable. Mais ce qui nous unit, c'est notre tendance à évoquer d'autres sujets pour confirmer ou pour expliquer un fil, tout en s'éloignant de celui-ci petit à petit cf Ernest Renan : "On s'éloigne de la nature à force de la sonder". -------------- (ceci n'est qu'une observation interméaire qui ne doit pas interrompre le fil). JCE "Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu".
Hugues de Saint-Victor.
Et au vu de la qualité des interventions c'est bien pardonnable
Même si ça peut dérouter ! http://letavia.canalblog.com
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