Voici le poème de Taliesin, Les Dépouilles de l’Abîme, telle qu’on la trouve dans le livre de Jean Markale, Les Grands bardes gallois, aux éditions Falaize, 1956. Il me semble que la traduction est de Joseph Loth, mais je n’en suis pas sûr. J’ai retranscrit le texte tel quel, y compris dans la syntaxe et les notes de bas de page. Hélas, les textes gallois ne figurent pas dans le bouquin. En préambule, Markale rappelle tout de même que nombre de poèmes attribués à Taliesin sont apocryphes.
Gloire au Maître, Suprême Ordonnateur des Hautes Régions,
qui a étendu sa puissance jusqu’aux rives de ce monde.
Total fut l’emprisonnement de Gwair à Kaer Sidhi (1)
par la vengeance de Pwyll et de Pryderi. (2)
Personne avant lui n’avait pu pénétrer dans la Cité.
Une lourde chaîne bleue retient le courageux jeune homme
qui chante tristement parmi les dépouilles de l’abîme.
Jusqu’au jugement, il sera le barde de la supplique.
Trois fois plein le navire Prytwen (3), nous y allâmes.
Sauf sept, personne ne revint de Kaer Sidhi.
Ne suis-je pas promis à la gloire si mon chant est entendu ?
A Kaer Pedryfan, la citadelle des quatre enceintes,
ce fut la première parole exprimée du chaudron.
Il est doucement chauffé par l’haleine de neuf filles.
N’est-ce pas le chaudron du Maître de l’Abîme. (4)
A son sommet sont des cercles de perles.
Il ne bout pas la nourriture d’un lâche, ce n’est pas son rôle.
Une épée brillante, homicide avait été tendue vers lui
et dans la main de Llyminawc elle fut laissée.
Devant la porte de l’enfer, une lampe brûle.
Quand nous allâmes avec Arthur en ses nobles entreprises,
sauf sept, personne ne revint de Kaer Fedwyd, la citadelle des hommes parfaits,
Ne suis-je pas promis à la gloire si mon chant est entendu ?
A Kaer Pedryfan, en l’Ile à la Puissante Porte,
où le crépuscule et le jet de nuit se confondent,
le breuvage était un vin brillant porté devant le cortège. (5)
Trois fois plein le navire Prytwen nous allâmes sur la mer,
sauf sept, personne ne revint de Kaer Rigor, la citadelle des assemblées royales.
Je ne ferai pas l’éloge des maîtres de la littérature,
car loin de Kaer Wydr (6) ils n’ont pu voir les prouesses d’Arthur
Trois fois vingt centaines d’hommes se tenaient sur les murs
et il était difficile d’approcher les sentinelles.
Trois fois plein le navire Prytwen, nous partîmes avec Arthur.
Sauf sept, personne ne revint de Kaer Kolud, la citadelle obscure.
Je ne ferai pas l’éloge des hommes sans courage.
Ils ne savent pas quel jour le chef arriva,
ni quelle heure d’un jour splendide naquit le maître,
ni quel est l'animal à tête d’argent qui se trouve là .
Quand nous partîmes avec Arthur pour le triste combat,
sauf sept, personne ne revint de Kaer Ochren, la citadelle sur la pente.
Je ne ferai pas l’éloge des hommes aux longs boucliers,
car ils ne savent pas quel jour ni pourquoi,
ni à quelle heure de ce jour splendide Kwy (7) naquit,
ni qui l’empêcha d'atteindre les rives de la Dewy.
Ils ne connaissent pas le bœuf Brych à l’épais bandeau
qui a sept vingtaines de bosses à son cou. (8)
Quand nous partîmes avec Arthur, ô triste souvenir,
sauf, sept, personne ne revint de Kaer Fandify, la citadelle des hauteurs.
Notes :
1)