ALLONNES

[Thierry]

Bonjour Pierre,

Il s'agit de l'ouvrage: "Le sanctuaire de Mars Mullo - Allonnes (Sarthe)"
sous la direction de Katherine GRUEL et Véronique BROUQUIER-REDDE.

Editions de la Reinette - sous le patronnage du CNRS

[ejds]

La Tour aux Fées, le vieux nom de la Forêterie : le bois Marshain …! En voilà des noms évocateurs veillant sur le site d’Allonnes.

Aussi de quoi apporter quelques infos sur « la » route, ou une des routes présumées, de l’étain, les remarquables commentaires sur le dieu Mullo par, un auteur auquel on ne fait pas suffisamment référence dans le forum, Henri-Paul Eydoux (1907-1986) :

LE TEMPLE D’ALLONNES

Quel dieu était Mars Mullo ?

Voilà donc un magnifique sanctuaire, aux majestueuses dimensions. A quel dieu était-il donc consacré ? On était anxieux de le savoir. On pouvait craindre, en effet, qu’Allonnes demeurât anonyme comme tant de temples gallo-romains, par exemple ceux de Sanxay (chap. VI) et de Chassenon (chap. VII). Mais des hasards fortunés comblent parfois les archéologues tenaces. Justement, Pierre Térouanne découvrait, au cours de l’été 1959, deux autels votifs dédiés à Mars Mullo, ainsi qu’un fragment d’inscription qui semble être une dédicace au même dieu. Ce double nom était une preuve de la symbiose des religions gauloise et romaine. Le grand dieu de la guerre avait coiffé une divinité gauloise exprimée par le surnom de Mullo.

Mais qui était donc ce Mullo? On a beaucoup épilogué là-dessus, mais je ne me laisserai pas entraîner dans ces discussions. D’autres inscriptions mentionnent cette divinité ; elles ont été toutes découvertes dans l'ouest : à Rennes, à Nantes, dans la Mayenne aussi. Apparemment, il s’agit donc bien d'un culte régional. On avait d'abord voulu associer Mullo à mulio, « celui qui a soin des mulets » et, par extension, un palefrenier, un cocher. Mullo aurait été ainsi un patron des muletiers, des convoyeurs.

Les linguistes ont rejeté cette interprétation et, cependant, elle était séduisante. En effet, Pierre Térouanne s'est livré à un recensement, par origine, des monnaies gauloises qu'il a trouvées sur le site d’Allonnes. Il en a fait le report sur une carte. Constatation curieuse : ces monnaies paraissent bien jalonner un itinéraire classique — celui qui, partant de Marseille, se dirigeait vers les ports de Normandie par les vallées du Rhône et de la Loire, puis passait à travers le pays des Carnutes, dont la capitale était Chartres, et celui des Cénonans, qui couvrait la majeure partie des départements de la Sarthe et de la Mayenne. Or, justement, Allonnes domine le gué de Chaouet, qui permettait de franchir la Sarthe. C'était un point de passage important sur un grand itinéraire. Les transporteurs gaulois, qui assuraient les liaisons entre la Méditerranée et la Manche, s'arrêtaient au temple du dieu Mullo et y laissaient en ex-voto les monnaies des peuples à travers lesquels cheminaient leurs convois.

Il restait donc à interpréter ce nom de Mullo. On peut retrouver en lui un vieux mot celtique : mul, qui voulait dire tas et qu'on retrouve en irlandais. Pierre Térouanne fait alors d'actives recherches. Un jour, un léger accident dont il a été victime sur son chantier l'oblige au repos. Il en profite pour se confiner dans une bibliothèque. Aucun dictionnaire classique ne mentionne mullo, mais il finit par ouvrir un gros bouquin que, à vrai dire, on consulte rarement : le Glossarium ad inscriptiones mediæ et infimæ latinatis qu'un célèbre érudit, Charles du Cange, a publié en 1678. Et là, il trouve mullo, dont les synonymes proposés sont cumulus (« amas », « entassement ») et acervus (« monceau », « tas »).

C'était une première précision, mais qui n'expliquait pas pour autant le lien entre le « tas » désigné par le mot mullo et le dieu Mullo d'Allonnes. Poursuivant ses recherches, Pierre Térouanne relit, à tout hasard, le De bello gallico de César. Il s'arrête, au livre VI, à un passage relatif à Mars. Il lui semble alors que ce passage lui apporte de lumineux éclaircissements :

« A ce dernier (le dieu Mars), note César, ils (les Gaulois) vouent au début d'une guerre tout ce qu'ils auront pris ; une fois vainqueurs, ils immolent le butin vivant et entassent tout le reste dans un lieu. Chez beaucoup de peuplades, on peut voir de ces tas ainsi formés avec des dépouilles dans des lieux consacrés ; et il n'est pas arrivé souvent qu'un homme osât, au mépris de la loi religieuse, dissimuler chez lui son butin ou toucher aux offrandes ; semblable crime est puni d'une mort terrible dans les tortures. »


Résurrection de la Gaule, Henri-Paul Eydoux, Librairie Plon, 1961, 427 pages, pp. 318-20.

e.

[Thierry]

Merci ejds, pour ce texte très instructif et qui prend une acuité particulière quand on se rappelle la découverte au confluent de l'huisne et de la sarthe à deux trois kilomètres de là d'un véritable trésor composé de pièces gauloises en or.

Je ne connais pas le détail de ce trésor mais pour avoir vu quelques photos elles semblaient assez anciennes (aucune trace écrite) et avaient l'air de statères ou de division de statères rappelant les modèles les plus anciens connus en Gaule (milieu - fin III° siècle av JC) - sauf à ce que les photos accompagnant l'article dont je me rappelle ne soient pas celles les bonnes pièces.

Je rappelle également que le site d'Allones est très étendu, ne se limite pas à un seul sanctuaire et qu'il remonte très loin puisque que si on a découvert toute sa magnificence et importance de l'époque romaine, le sanctuaire de Mars Mullo est un lieu dont on a des traces de fréquentation qui remontent au V° siècle av JC.

Enfin je rappelle également que ce site archéologique fait l'objet de fouilles continuelles encore aujourd'hui et qu'on ne cesse d'y faire des découvertes.

Les Cénomans n'ont pas dit leur dernier mot

[Jarry]

Jugement des pilleurs d'Allonnes pris sur le fait en 2001.

3 personnes pillaient le site à l'aide de détecteurs de métaux et revendaient le fruit de leur pillage sur le net (nous connaissons tous le site aux enchères - valeur des enchères sur ce site 4000 euros, c'est important pour la suite!) et chez des numismates de la région.

le jugement est mis en délibération jusqu'au 18 Février 2008 mais les réquisitions de la procureur sont de 24 mois de prisons pour le meneur et de 8 mois pour les complices, les amendes requises ne sont que de 1000 à 2000 euros...

affaire à suivre...

[Jarry]

le jugement est tombé hier : 10 mois de prison ferme pour le principal pilleur accompagné de 800 euros d'amende
les deux autres ont eu 12 mois avec sursis et des amendes de 1000 et 250 euros.
les trois pilleurs doivent aussi verser conjointement 3000 euros au Mans Métropole partie civile dans cette affaire.

[Thierry]

Oui ce jugement mérite d'être souligné car j'ai l'impression qu'il s'agit d'un précédent qui marque un attachement des juges (du Mans, en tout cas) à la défense du patrimoine archéologique, en l'occurence ici, gaulois et gallo-romain....

Voilà qui devrait donner à réfléchir à certains...

[Jarry]

c'est, à ma connaissance, la première fois que des pilleurs sont condamnés à de la prison ferme. Cela correspond à une volonté nettement affichée par le ministère de la culture ET celui de la justice (cf table ronde de décembre dernier) de faire cesser ces pillages quotidiens. Ce n'est qu'un début car les procureurs ont reçu comme consigne de ne plus classer sans suite les affaires de pillage.

[ejds]

Pierre après pierre, un temple se dévoile…

Dans la Sarthe, un sanctuaire du ve siècle avant J.-C. passionne toujours, après trente ans de fouilles. Aujourd'hui, les dernières découvertes permettent d'en savoir un peu plus sur ce lieu dédié au culte du dieu Mars Mullo.

http://www2.cnrs.fr/presse/journal/3790.htm

e.