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Evangélisation du Pays de GallesModérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice
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Bonjour
Dans la vita de saint Judicaël, l'hagiographe raconte l'anecdote suivante : confronté à un rêve dont il voulait connaître la signification, Judhaël, le père du futur saint, "envoya un de ses serviteurs dans le Broérec, à Saint-Gildas, où, pèlerin venu d’outre-mer, se trouvait, pratiquant la vie religieuse, le barde Taliesin, fils de Don, prophète très habile à prophétiser par la divination des présages" (misit aliquem sibi fidelem ad provinciam Gueroci, ad locum Gilde, ubi erat, religionem suam peregrinus exul transmarinus colens, Taliosinus haldus filius Donis, fatidicus presagissimus per divinationem presagorum). Le terme haldus qui figure dans le manuscrit tardif (XVIe siècle) et fautif qui nous a conservé ce texte, est transcrit bardus dans le Chronicon Briocense dont le manuscrit est antérieur d’un siècle. La tradition du séjour armoricain de Taliesin, également connue de Geoffroy de Monmouth qui en fait mention dans sa vita Merlini, est évidemment d’origine insulaire : son acclimatation à Rhuys est un témoignage des relations entre cette abbaye et quelque monastère du pays de Galles, probablement le grand centre de Llancarfan. André-Yves Bourgès
Je découvre ce sujet avec plaisir !
Il est généralement admis par les historiens que les Bretons (entendu ici les insulaires mais aussi les continentaux) sont largement chrétiens à partir du Ve siècle et a forciori au VIe siècle. Certes on manque de preuves directes pour affirmer cet état de faits, mais on n'a pas plus de preuves pour affirmer la persistance d'un paganisme celtique ou romano-celtique si tardivement. Bien sur leur christianisme devait être largement différent de celui que nous connaissons, mêlé de quantité de traditions païennes dont on retrouve largement l'écho dans les traditions galloises ultérieures. On a cependant des preuves plus ou moins indirectes : - si Gildas critique largement ses contemporains, leurs rois et leurs prêtres il s'abstient de les accuser d'un quelconque paganisme, ce qu'il n'aurai pas manqué de faire si ces derniers étaient païens. Il fait bien le contraste avec les barbares saxons, qui sont eux encore à l'époque largement païens. A noter que les "tyrans" qu'il mentionne sont tous (à l'exception peut être d'Aurelius Caninus) établis dans les franges moins romanisées de la Bretagne insulaire, ce que nous connaissons aujourd'hui comme les Cornouailles et le Pays de Galles - dans ces mêmes régions un état de fait est frappant d'un point de vue archéologique. C'est l'apparition de nombreuses inscriptions latines à partir du Ve siècle, alors qu'en dehors de quelques bornes miliaires on en avait très peu jusque lors. Il y a aussi le commerce avec l'Orient Byzantin, avec par exemple Tintagel dont l'importance économique n'est plus à prouver. Pour Ken Dark dans Britain and the End of the Roman Empire c'est la preuve de la propagation d'une culture romano-chrétienne aux franges les plus occidentales de l'île depuis les civitates voisines, paradoxalement à l'époque où l'empire d'Occident est mourant. Ces élites bretonnes tendent ainsi à se romaniser, ce qui passe nécessairement par l'adoption du christianisme, mais ce qui n'implique pas nécessairement la perte de coutumes plus ancestrales. Pensons également à l'existence de prêtres avec leurs autels ambulants, voir le cas de Catihern et Lovocat en Bretagne armoricaine justement au VIe siècle. http://letavia.canalblog.com
Letavia - Troupe de reconstitution des Bretons armoricains aux alentours de l'an 500. Benjamin Franckaert (Agraes/Morcant)
Salut à tous, Pierre, je suis d'accord avec JCE et Alexandre. Il ne faut pas oublier non plus que l'église catholique romaine n'est qu'au départ une secte par d'autres sectes chrétiennes, qui va progressivement s'imposer aux autres branches hérétiques, l'arianisme et d'autres courants non chrétiens comme le manichéisme ou les sectes gnostiques. J'emploie le mot secte dans un sens non péjoratif, au sens de petit groupe. Les conciles sont un moyen de fixer la "vulgate" de l'époque : cf le Concile de Trente qui lancera la Contre-Réforme. Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
Salut, Je pense qu'il faut envisager qu'entre le paganisme celtique, le druidisme au sens large, et l'adoption volontaire du christianisme, il y a le paganisme romain ce qui inclut le culte impérial et les religions orientales notamment le culte de Mithra, omniprésent chez les militaires. Taliesin est-il vraiment un personnage historique ? Si oui, a-t-on beaucoup de choses sur lui ? Les poèmes de Taliesin pourraient bien être ceux attribués à Taliesin... Les bardes n'écrivent pas, ils composent. Merci à André-Yves et Agraes pour les info. Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
A l'instar de celui d'Arthur ou, pour prendre une comparaison dans un domaine que je connais moins mal, de ceux de la plupart des saints bretons, on ne sait rien (ou presque rien) du personnage historique de Taliesin ; son personnage littéraire est en revanche beaucoup mieux connu, notamment grâce à une "biographie" tardive rédigée vers 1550 par Elis Gruffydd, Gallois qui fit carrière dans l'armée anglaise et qui fut notamment en garnison à Calais, d'où son surnom y milwr o galais, "le soldat de Calais". Sur la chronique de Gruffyd, qui contient donc la plus ancienne version de la naissance et et de l'enfance de Taliesin, voir C. Lloyd-Morgan, "Oral et écrit dans la chronique d'Elis Gruffyd", Kreiz 5, Etudes sur la Bretagne et les pays celtiques (1995) Brest, 1996, p. 179-186. André-Yves Bourgès
Salut à tous,
Je crois qu’il faut accepter une bonne fois pour toutes l’idée que les Celtes insulaires ont accepté volontairement le christianisme suite à la romanisation pour la Grande Bretagne et à la mission de Patrick en Irlande. Que cela vienne à la suite d’un affaiblissement de leur propre tradition et/ou à cause du prestige du christianisme devenu religion dominante dans l’Empire romain. Cela n’a pas empêché la subsistance de structures mentales païennes ainsi que d’une foule de croyances devenues au fil du temps des superstitions. L’attitude d’abord offensive puis plus volontiers tolérante du catholicisme allait aussi dans ce sens. Si on prend l’exemple des derniers païens d’Europe, les Prutènes ou Vieux-Prussiens de langue balte, on s’aperçoit qu’ils sont au XIIIe siècle de vrais païens avec polythéisme, sacrifices humains et chasses sauvages (non christianisées). Leur conquête et leur conversion violentes par les Teutoniques sera suivie par une acceptation de la part des Teutoniques d’une part de paganisme, sous la forme d’une indifférence « tolérante » et intéressée qui subsistera jusqu’au XVIIe, voire XVIIIe siècle, alors même que la langue prussienne disparaît carrément au XVIe siècle. Intéressée parce que des païens peuvent être soumis à des impôts, tributs et prélèvements d'esclaves, que leur conversion au christianisme diminuerait. Au pays de Galles, l’adoption forcée de la réforme méthodiste qui a eu pour effet l’abandon des noms gallois au profit de noms bibliques, je pense aux innombrables Jones aura plus d’effet sur la disparition des vieilles croyances que l’attitude plus conciliante de l’église catholique romaine en Irlande et en Bretagne armoricaine. Ce qui amènera un Saint Bernard à vitupérer contre les Irlandais accusés d’être des païens sous un masque chrétien, reproche tout de même exagéré quand on sait l’attachement des Irlandais au christianisme. Soit dit en passant, ce détail montre bien que ledit Saint Bernard n’est en aucune façon le continuateur d’un druidisme, clandestin qui aurait survécu sous la bure. Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
Conséquence de la réforme au pays de Galles, la pratique d'une religion austère, dépourvue de décorum à l'exception du chant polyphonique, amènera de nombreux pasteurs qui s'ennuient à créer un néobardisme qui deviendra le néodruidisme au XVIII et XIXe siècle en partie par sa cohabitation avec la Franc-Maçonnerie spéculative née à Londres en 1717. Ce qui précède vient d'une communication orale de Christian Guyonvarc'h.
Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
Au temps pour moi Je savais que le concile d'Ephése avait introduit le culte de Sainte-Anne mère de Marie, ainsi que le culte marial. Or, il semblerait bien qu'il a aussi déclaré Marie comme étant "Mère de Dieu". Je concevais très bien qu'elle fut considérer comme une sainte tardivement, mais je pensais franchement que "Mère de Dieu" faisait partie de l'emballage d'origine Moralité: Ne pas écouter ce que raconte les curés @+Pierre Pierre Crombet
Fourberie en tout genre ... stock illimité (outrecuidance sur commande uniquement) Membre du Front de Libération des Dolmens et Menhirs....
Ephèse est en Anatolie, la patrie de Cybèle, et ceci explique très clairement cela. Une "déesse-mère à l'enfant" de plus de 4000 ans, photographiée au musée archéologique d'Ankara :
Incontestablement, au moins depuis le milieu du IVe siècle, car Julien l'Apostat ne se fait pas faute de reprocher aux chrétiens de proclamer que "vous, Galiléens, vous ne cessez de donner à Marie le nom de Mère de Dieu". Sensiblement à la même époque une version grecque de la prière Sub tuum praesidium, conservée dans un fragment de papyrus contient l'invocation à la Theotokos. [url=http://books.google.fr/books?id=MEuKcfOrIqQC&pg=PA246&lpg=PA246&dq=Sub+tuum+Giamberardini&source=web&ots=Gq3SFSNib1&sig=2RblXJ2d4LncTwMV540C2bm-AyI&hl=fr#PPA245,M1] Voir ici[/url] En tout état de cause, dogme ou simple croyance, la Theotokos était certainement populaire chez les membres de l'église d'Alexandrie. Et voir aussi l'Histoire ecclésiastique de Socrate le Scholastique. André-Yves Bourgès
Toujours à propos de Theotokos... je trouve ce lien qui me paraît donner une synthèse mesurée de la question, bien que nous ayons affaire à un travail de "curés".
AYB
C'est une page intéressante, dès lors qu'on la lit sans passion.
Marie : fille, épouse, et mère de Dieu. Comme LA Grande déesse celtique. Les civilisations d'Occident ne pouvaient qu'y adhérer. ----------------------- suite de Willam Rees : JCE "Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu".
Hugues de Saint-Victor.
Bonjour,
Je ne pense pas qu'il faille se focaliser autant sur le culte marial pour le succès de l'évangélisation chez les celtes insulaires. Le mythe christique en lui même est un mythe solaire et pouvait se glisser "comme un gant" sur le culte de Lug, celui de Sol ou le mithraïsme. N'oublions pas que les bardes étaient avant tout des courtisans et que les nobles de cette époque étaient proches des cultures véhiculées par l'armée romaine où les cultes de Sol et de Mithra étaient importants. Le culte de la déesse, s'il perdurait de manière obscure dans certains rites agraires, était détrôné depuis longtemps. Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Salut à tous,
Le questionnement sur la romanisation de la Bretagne insulaire qui a du influer sur la christianisation passe par une réflexion sur le nombre de Bretons servant dans les armées romaines à partir des IIe et IIIe siècles. On sait que sous le règne de Domitien, assassiné en 96 apr. J.-C., celui-ci a accordé la citoyenneté romaine aux cavaliers et fantassins auxiliaires de l’armée de Germanie Inférieure basée à Cologne. Y avait-il des Bretons parmi eux ? Cela semble trop tôt. Plutôt des Gaulois et des Germains. Dans les siècles suivants, l’octroi de la citoyenneté aux auxiliaires de l’armée a dû se poursuivre en parallèle avec l’arrivée de nouveaux contingents d’auxiliaires avec forcément des Bretons parmi eux. En 208, Septime Sévère arrive jusqu’à l’extrémité la plus septentrionale de l’île de Bretagne. Il aura fallu deux siècles pour coloniser la Bretagne et il y a une révolte des Calédoniens en 210 pendant l’hiver. En 212 l’édit de Caracalla, fils du précédent, accorde le droit de cité aux hommes libres de l’empire. Les armées romaines en Bretagne ont amené le culte de la déesse Rome et celui de l’empereur, plus les cultes orientaux virils évoqués par Muskull et moi-même, Mithra, Sol Invictus. C’est sur ce terreau là que va se faire l’implantation du christianisme plus que sur celui du druidisme. La destruction du sanctuaire de Mona et la défaite de Boudicca au premier siècle apr. J.-C. ont dû avoir des conséquences catastrophiques au sens où ils ont révélé la puissance de Rome et de ses armées et de ses dieux ! La romanisation très rapide de la Gaule a dû aussi avoir des effets au moins sur le sud et sud-est de l’île. Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
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