Henri Martin a écrit: -------------------------- GAULE INDEPENDANTE.
RITES ET SYMBOLES.
-----Ces quelques mots disent déjà de bien grandes choses : les Triades, les poésies bardiques, les légendes des peuples qui ont conservé les dialectes gaulois, sont en parfait accord avec les témoignages classiques et leur fournissent de larges commentaires. Les allusions aux renouvellements du monde par l'eau et par le feu sont fréquentes dans les Triades et dans les chants des bardes ; ces allusions semblent à la fois révéler, sous une forme mythique, une vague intuition des révolutions vulcaniennes et neptuniennes de la géologie, et rappeler les cataclysmes locaux, déluges, éruptions volcaniques, qui ont frappé si vivement l'imagination de tous les peuples primitifs 1. Tout ce qui se rapporte à la doctrine de la mort et de la renaissance périodique du monde et de tous les êtres paraît avoir été concentré dans les rites et les croyances de la nuit du premier novembre, nuit pleine de mystères, que le druidisme a léguée au christianisme, et que le glas des morts annonce encore aujourd'hui à tous les peuples catholiques, oublieux des origines de cette antique commémoration. Chacune des grandes régions du monde gallo-kimrique avait un centre, un milieu sacré, auquel ressortissaient toutes les parties du territoire confédéré, et dans lequel on a cru reconnaître le symbole du soleil au centre du système planétaire. Dans ce centre brûlait un feu perpétuel qu'on nommait le père-feu 2. La nuit du premier novembre, les traditions irlandaises rapportent que les druides se rassemblaient autour du père-feu, gardé par un pontife forgeron, et l'éteignaient : à ce signal, de proche en proche s'éteignaient tous les feux de l'île ; partout régnait un silence de mort ; la nature entière semblait replongée dans une nuit primitive. Tout à coup le feu jaillissait de nouveau sur la montagne sainte, et des cris d'allégresse éclataient de toutes parts; la flamme empruntée au père-feu courait de foyer en foyer, d'un bout à l'autre de l'île, et ranimait partout la vie 1. Des cérémonies analogues se répétaient sans doute dans toutes les régions gauloises. [...]
-----1. V. le Myvyrian, passim, et le chant druidique retrouvé par M. de La Villemarqué en Bretagne, et intitulé : Ar-Rannou (les Rangs, les Séries) ; Barzaz-Breiz, t. I, p. 9-l9. Ces séries, que le druide enseigne à l'enfant blanc (au néophyte, partent de la Nécessité et de la Mort (nous verrons tout à l'heure ce que signifie cette mort d'où procède la vie), pour aboutir à la fin du monde, exprimée sous des symboles extraordinaires. [...]
-----2. " Le père-feu allumé sur la montagne de la guerre. " Ar-Rannou.
-----1. D'Eckstein, le Catholique, oct. 1829, p. 156. Il y avait une autre fête du feu le 1er mai, en l'honneur du dieu Bel. C'était la fête du soleil et du printemps, comme l'antre était celle de la nuit et de l'hiver. Dans l'ile d'Érin, on immolait des chevaux à Bel, à Ouisneach, au centre de l'île. On allumait, dans chaque canton, deux feux en l'honneur de ce dieu, et l'on faisait passer les troupeaux entre ces deux feux pour les purifier, usage dont il reste des traces dans notre Bretagne. La fête des mariages se célébrait le 1er août. Il y avait aussi de grandes réunions aux solstices. C'était, à ce qu'il paraît, au solstice d'été qu'avaient lieu les concours bardiques. La saint Jean a remplacé la fête du solstice d'été, et l'on y a transporté les feux du 1er mai. Le solstice d'hiver était consacré par une fête très singulière, qu'on a retrouvée chez les peaux-rouges de l'Amérique du Nord. On y prenait toutes sortes de déguisements d'animaux. Les statuettes gallo-romaines d'hommes et de femmes enveloppées de dépouilles d'animaux ou même à formes semi-animales doivent se rattacher à cette fête appelée mastruca, d'où masque et mascarade. Cette fête correspondait à la fois à notre jour de l'an et à nos jours gras. C'est là qu'on poussait ce fameux cri : Éguinané, ou plutôt, Enghin-an-eit ; le blé germe, qui est le synonyme d'étrennes, en breton, parce qu'il est encore le signal de la distribution des étrennes. v. Émile Souvestre, les Derniers Bretons, t. I, p. XIV. Ce cri s'est conservé, avec le même sens, dans des parties de la France d'où la langue celtique a disparu depuis bien des siècles. M. Augustin Thierry nous a raconté qu'à Blois, il avait encore entendu les enfants nommer l'aguilanlé un jour de fête où ils quêtaient des pièces de monnaie sur une pomme (le fruit sacré des druides) fichée au bout d'une baguette enrubannée. — Notre bœuf gras, qu'on appelait le bœuf vilé ou viellé (velec'h, belec'h), est très certainement le taureau de Bel.
Histoire de France, Furne Libraire-Éditeur, Tome I, quatrième édition, 1865, 486 pages, p. pp. 71-2.
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Que valent les compilations enflammées de notre inestimable Henri Martin ? Particulièrement deux affirmations à soumettre à la perspicacité, à l'œil exercé et à la plume des éminents spécialistes des Indiens d'Amérique du Nord et, ou, aux Celtes de l'Irlande qui fréquentent ce forum. La première :
Henri Martin a écrit:Le solstice d'hiver était consacré par une fête très singulière, qu'on a retrouvée chez les peaux-rouges de l'Amérique du Nord.
La seconde :
Henri Martin a écrit:La nuit du premier novembre, les traditions irlandaises rapportent que les druides se rassemblaient autour du père-feu, gardé par un pontife forgeron, et l'éteignaient : à ce signal, de proche en proche s'éteignaient tous les feux de l'île ; partout régnait un silence de mort ; la nature entière semblait replongée dans une nuit primitive. Tout à coup le feu jaillissait de nouveau sur la montagne sainte, et des cris d'allégresse éclataient de toutes parts ; la flamme empruntée au père-feu courait de foyer en foyer, d'un bout à l'autre de l'île, et ranimait partout la vie 1. Des cérémonies analogues se répétaient sans doute dans toutes les régions gauloises.
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