http://lefebvre.jeremie.free.fr/arthur/pictes.htm
Attention, il s'agit bien d'un "article" sur les Pictes à l'époque d'Arthur
Qui sont les Pictes à l’époque d’Arthur ?
Les Pictes constituent l’un des problèmes les plus ardus en ce qui concerne celui qui cherche à reconstituer l’époque arthurienne. En soi, ils sont déjà un mystère, mais ce mystère devient à proprement parler insondable lorsque l’on parle de pictes de l’époque arthurienne, comme nous allons le voir.
Le nom des Pictes
Le nom de Pictes en lui-même – Picti – apparaît à la fin du IIIème Siècle, à la fois sous la plume des auteurs, et via d’autres sources. Il semble désigner les tribus au Nord du Mur d’Hadrien, ou alors celles au Nord du Mur d’Antonin le Pieux. Il semble leur venir de leurs tatouages, et avoir la même signification que le nom qui a été à l’origine de celui de Bretagne. En effet, les bretons tirent leur nom de celui par lequel ils ont été désignés à Pythéas, Pretani, et qui est synonyme de celui que porteront les pictes en gaélique : Cruithni, les Hommes Peints.
Le fait qu’ils se colorent, voire se tatouent la peau est aujourd’hui un consensus, même si les modalités exactes sont encore parfois discutées. Cependant l’Eglise essaiera de supprimer cette pratique qu’elle jugera païenne.
Le nom de Pictes restera en usage jusqu’à l’avènement du Royaume d’Ecosse. A ce moment, c’est-à -dire à la fin de « l’Ere picte », la Chronique Picte reconnaît aux Pictes 7 Royaumes plus ou moins légendaires. Auparavant, la seule division que l’on connaît aux Pictes est celle donnée à la fin du IVème Siècle, où les Pictes sont nommément divisés en Dicalydones et Verturiones.
Le premier nom semble se rapporter assez évidemment aux Calédoniens, c’est-à -dire les tribus qui occupent cette même zone géographique avant que le nom de Pictes n’apparaissent, et que les Romains combattent depuis longtemps. Le deuxième nom, disparait pendant quelques siècles pour se retrouver plus tard dans le nom du Royaume picte de Fortriu, ou Fortrenn.
C’est à peu près tout ce que l’on sait des Pictes par leur nom.
Une remarque mérite tout de même d’être faite : un siècle même avant que le nom de pictes ne nous apparaisse, l'Historien Dion Cassius nomme dans cette même région deux peuples : les Calédoniens et les Meatae. Ces Meatae seront également combattus trois siècles plus tard par les Angles. Il faut donc noter que, quels qu’ils soient, ils sont présents du IIIème au VIIème Siècle, même s’ils ne sont pas cités (ou alors, sont-ils partis et revenus, ce qui semble peu probable).
La Culture des Pictes
On ne sait pratiquement rien de leur culture. Archéologiquement, on leur reconnaît une division tripartite : une zone que nous baptiserons Atlantique, qui couvre toute la face ouest de l’Ecosse, une Zone Nord qui va du Cape Wrath jusqu’au Firth Dornoch, et une zone Mer du Nord du Firth Dornoch au Firth de Forth, à peu près. Les trois zones se caractérisent par des différences majeures.
En Zone Atlantique, qui est la plus montagneuse, la plupart des établissements se trouvent en bord de mer. Elle partage de nombreux points communs avec la Zone Nord : jusqu’en 200 à peu près, on y trouve des habitats très typiques, les brochs, sortes de maisons rondes fortifiées (à noter qu’on en retrouve aussi quelques-uns dans certaines parties des Hébrides). À partir de cette date, il semble que de nombreux brochs furent abandonnés, voire démontés pour donner naissance à des maisons moins défensives, toujours de structures rondes. La théorie qui prévaut est que c’est à partir du moment où les romains n’ont plus le contrôle de la mer que les habitats défensifs perdent leur raison d’être. Cela peut être aussi dû à la plus faible menace de la Zone Mer du Nord. Les Brochs les plus anciens semblent être originaires de l’île de Skye. Il est à noter que si leur disposition implique clairement une fonction de défense, ce n’est pas non plus la priorité absolue. Clairement, et notamment dans les Orcades, les brochs sont situés visiblement d’abord en proximité des pâtures.
Mes observations personnelles semblent montrer que certains brochs associaient cette structure à rayons à l’extérieur également. Je vais plancher là -dessus.
Culturellement, les Shetlands (dont un ancien nom est Innse Catt, l’île des Hommes-Chats), le Caithness du Sud et le Sutherland, donc ce que j’appelle la Zone Nord forment vers 1000 avant Jésus-Christ un ensemble culturel apparent, qui se conserve presque jusqu’à la disparition des Pictes. On y trouve de nombreux brochs, et également dans cette zone de nombreux objets d’os, de métal, et poteries. On y trouve aussi des crannogs, ainsi qu’à une époque antérieure, des maisons dites « maisons-roues » toujours basées sur des plans circulaires. Ces maisons, contrairement à celles que l’on peut étudier en Zone Mer du Nord, se caractérisent par une absence de clôtures ou de défenses.
En Zone Mer du Nord, l’habitat plus plat semble avoir donné naissance à un mode de vie plus propice à l’agriculture, même si les restes d’activité humaine sont moins nombreux. Les habitats retrouvés sont des forts, souvent vitrifiés, c’est-à -dire que les contreforts de poutres croisées ont brûlé à un moment ou à un autre, donnant naissance à du verre. Un des plus grands forts était celui de Burghead, près d’Inverness, qui devait constituer une résidence royale, et en tous cas une base navale peut-être jusqu’au IXème Siècle. À Clatchard Craig près de Newburgh en Fife, le fort faisait près de 100 mètres de long sur 70 de large.
On a également retrouvé, dans la région de l’Angus, près de Dundee, de nombreux souterrains pavés, longs d’une dizaine de mètres, plus larges au bout qu’à l’entrée ; au-dessus, des restes d’habitations rondes semblent indiquer qu’ils avaient des rôles de stockage. Le plus ancien retrouvé date d’environ 300 avant J.-C., à Dalladies, dans l’Aberdeenshire. S’il y avait besoin d’une telle place de stockage, c’est aussi le témoin d’une certaine organisation sociale.
Malheureusement, il faut bien souligner que, Brochs ou forts de collines datent tous d’une période antérieure à celle qui nous intéresse. Même si quelques rares parmi eux montrent des signes de réoccupation à la période qui nous intéresse, ils sont le faits de ceux qui précèdent les Pictes, et que les historiens s’accordent à appeler désormais les Proto-Pictes. Les seuls habitats que nous savons construits à l’époque d’Arthur sont quelques habitations en Zone Nord, sans clôture particulière.
Archéologiquement, entre le IIIème et le Vème Siècle, on trouve un certain nombre d’objets d’origine romaine en Zone Mer du Nord, répartis sur des sites plus ou moins importants ; assez curieusement, alors que la Zone Atlantique montre également de tels objets, même s’ils s’agit de quantités bien moindres, en Zone Nord, les trouvailles romaines de cette époque sont désespérément absentes. Il semble qu’en termes de commerce ou autres échanges, la Zone Nord soit complètement isolée. Et pourtant…à cette période précisément, apparaissent un certain nombre d’éléments de mobiliers comme des poignées de portes ou des pieds de lance issus d’un artisanat que l’on peut qualifier de « pan-picte », puisqu’il se retrouve dans l’ensemble des trois zones (voire même, en faibles quantités, dans le reste de la Bretagne).
Associant ces constatations au fait que le nombre d’habitats occupés diminue considérablement à la même époque, une conclusion s’est imposée : vers la fin du IIIème siècle et le IVème Siècle, un désordre social d’ampleur a considérablement modifié la donne dans ce qu’on appelait auparavant la Calédonie : les Proto-Pictes, de diverses cultures, et bâtisseurs de brochs et de forts de collines, se « transforment » à nos yeux en Pictes, abandonnant leurs anciens habitats et acquérant une culture commune. On peut y voir une influence de la présence de l’Empire Romain, mais c’est discutable et discuté. Certains historiens y voient également le signe d’une unification politique, mais cette période est encore assez nébuleuse, l’unification pouvant être plus tardive (en fait d’unification, il serait plus approprié de parler de confédération). En tous cas, les pictes à cette période sont très actifs militairement, poussant régulièrement en territoire romain, puis breton, et plus tard angle. Compte tenu de l’archéologie, il s’agit sans doute au moins des Pictes de Zone Mer du Nord.
Notons aussi l’existence de pierres gravées, qui, au cours de « l’Ere des Pictes », évolueront de pierres gravées de symboles et d’animaux (notamment peignes, miroirs, animaux tels que le loup, le taureau, le saumon, etc…ainsi que des symboles en V ou en Z que certains interprètent comme des flèches et des lances brisée), appelées par les archéologues « Pierres de Classe I », vers des pierres en relief, avec des croix et des représentations de batailles, les « Pierres de Classe II » (certains distinguent même une catégorie de classe III, mixte) ; cependant les pierres de Classe I, les plus anciennes sont datées avec de plus en plus de précision, et, malheureusement, semblent dater au minimum de l’an 600, voire beaucoup plus tard, c’est-à -dire après la période qui nous intéresse ici.
Pour nous qui aimons caractériser les peuples par des symboles forts de leur culture, nous voici coincés : les Pictes de l’époque d’Arthur, ne sont plus les « Proto-Pictes » bâtisseurs de brochs (et encore, essentiellement en Zone Nord et un peu en Zone Atlantique) ou de forts de collines, et ne sont pas encore les « Pictes tardifs » graveurs de pierre (et encore, essentiellement en Zone Mer du Nord et un peu en Zone Nord).
La langue des Pictes et l’apport de la toponymie
Les pictes plus tardifs (vers le VIIème Siècle) utilisaient l’alphabet oghamique, né en Irlande assez longtemps auparavant. Il est probable qu’ils écrivaient beaucoup sur les arbres.
Au niveau de la langue proprement dite, on retrouve les traces d’une langue celtique en –P (c’est-à -dire apparentée au briton et au gaulois), essentiellement sur la côte Est (et notamment les toponymes en Pit-lopin de terre-, considérés comme caractéristiques, qui fournissent selon certains une étymologie alternative au nom de Picte, en Zone Mer du Nord surtout) ; cependant des traces de langue celtique en –Q (c’est-à -dire apparentée au gaélique) sont également présentes, brouillant considérablement les pistes. Ceci étant, ces deux langues se répartissent assez logiquement, avec le « Q-Picte » sur la Zone Atlantique, c’est-à -dire proche de l’Irlande, tandis que le « P-Picte » se situe plus en Zone Nord et Mer du Nord.
Au niveau de la toponymie, on retrouve globalement la même dualité, les toponymes plus récents issus des Vikings venant brouiller les pistes, surtout en Zone Nord. Ceci posé, il existe une forte pénétration de toponymes d’origine « Q-Picte » le long d’un axe Loch Lochy-Loch Ness et ainsi une forte superposition des toponymes en « Inver » (embouchure en gaélique) et « Aber » (embouchure en langue celtique en P), par exemple. Une interprétation couramment proposée est qu’une population de langue gaélique, d’abord installée dans le sud-ouest de l’Ecosse, a été poussée vers le Nord, d’abord par des Bretons avant l’arrivée des Angles. Il faudrait alors y voir une population probablement d’origine irlandaise intégrée au sein d’une population « originelle », que ce soit en Zone Atlantique, et jusqu’au cœur de la Zone Mer du Nord. Ainsi, sans doute que les Proto-Pictes et sûrement les Pictes par après, sont un amalgame culturel et linguistique complexe, et le fait que nous ne les connaissons que par ce qu’on écrit sur eux depuis le côté de leurs opposants donne l’illusion d’une unité, alors qu’il faut plus que probablement y voir une confédération très diversifiée.
Le Problème des Miathi/Meatae
Qui sont les Miathi/Meatae ? Sur base de ce qui parsème les données sur les Pictes ci-dessus, j’émets ici une hypothèse : on sait aujourd’hui que la fondation du Royaume d’Argyll soit-disant par Fergus Mor mac Erc est une belle légende. Dès les premiers siècles de notre ère, on retrouve de nombreux points communs entre les trouvailles archéologiques de l’ouest de l’Ecosse et l’Irlande, ainsi qu’une parenté linguistique.
Or, l’un des Royaumes d’Irlandes dès le début de notre ère est le Royaume de Meath. J’émets donc l’hypothèse que des hommes de ce royaume, se seraient installés au nord du Forth, et auraient lutté avec les habitants « originels », s’intégrant ainsi aux « Proto-Pictes ».
En tous cas, qu’il s’agisse des Meatae ou pas, il est clair qu’une forte communauté d’origine hibernienne, était installée au sud-ouest de l’Ecosse actuelle, avec des influences directes ou indirectes sur toute la zone Atlantique, et une présence continue ou discontinue sur toute la diagonale Loch Lochy-Loch Ness.
Notons également que ni l’archéologie ni la toponymie ne pointent, quelle que soit l’époque, une quelconque présence importante sur les côtes de l’Argyll, et donc une prédominance du « Royaume de Dal Riada » tellement mis en avant par après, au sein de cette communauté.
Les Pictes dans la légende
Dans la légende arthurienne, les pictes constituent l’ennemi, assez loin derrière nos amis les Saxons. En 367, ils font partie de ces barbares qui déferlent sur la Bretagne, vers 400 Stilichon est obligé de refortifier le Mur d’Hadrien puis, dans les années 440 sans doute, c’est pour lutter contre eux que les Saxons sont « appelés » en Bretagne. Ils sont en fait peu présents dans la légende arthurienne en tant que telle, si l’on excepte la bataille dans les bois de Calédonie et celle du Loch Lomond, dans Nennius et Geoffrey.
Tristan serait selon certains un nom picte, car on a retrouvé une inscription portant le nom de « Drustan fils de Talorc », mais la légende de Tristan s’est rattachée assez tard à celle d’Arthur. De plus, on a retrouvé un « Drustan fils de Conomore » en Cornouailles, Conomore étant traditionnellement le roi Marc, et l’inscription étant près de Castle Doré, sa capitale dans le folklore, on ne sait que penser de la piste picte.