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" Le Cap Sizun, que terminent, face à l'ouest, la pointe du Raz et le pointe du Van, se présente sur le carte comme un bout-dehors vers le large. Dans une province où abondent les beaux paysages, c'est un coin de nature particulièrement magnifique, commandant l'admiration et le respect. Ces confins du monde occidental, où se trouve assurée une réserve de grandeur simple et sauvage dont l'homme du vingtième siècle, trop mécanisé, a besoin, représentent un champ de bataille. La persévérance humaine et le violence des choses s'affrontent ici depuis des générations et des générations. Le passé, l'Océan, recouvrent des luttes sans nombre. Nous sommes dans un lieu où souffle l'esprit; où les mots d'abdication et de reniement n'ont plus cours
Vers la Pointe du Raz
A l'ouest et au sud la limite du Cap Sizun est facile à établir : pointe du Raz, pointe du Van, embouchure du Goyen. Au Nord et à l'est, il n'en va plus de même ... Il semblerait qu'il existât deux "caps Sizun" : le grand, qui longerait au sud le Goyen jusqu'à Meilars pour, de là , remonter vers Kerandraon et les abords de Douarnenez; le petit, ou le véritable, qui ne dépasse guère, au Nord, le château de Beuzec (ensuite le rivage change de nom, s'appelle côte méridionale de la baie douarneniste) et, au Sud, s'interdit de réclamer Pont-Croix, sinon Audierne.
La difficulté que nous éprouvons à délimiter en termes précis une région dont chacun parle et qui existe, inspirant aux hommes qui s'en réclament une fierté originale - un Capiste, c'est un gars qui n'a peur de rien ! - symbolise et rejoint des ignorances autrement plus profondes. Le tracé de la côte, à une époque relativement récente, nous échappe. Durant l'ère quaternaire, ici comme tout au long de la Bretagne, les eaux marines se sont élevées cependant que, d'une manière moins sensible, s'affaissait la terre. Ici comme tout au long de la Bretagne ont disparu, par un lent travail que pouvait clore une subite catastrophe, des champs et des forêts, des villages et des villes, sinon des pays. Et, pour ne pas aborder la question de l'Atlantide, ce continent dont nulle raison sérieuse n'oblige à nier l'existence, c'est peut-être ici, du côté du Raz, de Tévennec ou du Van, un des lieux où la Légende, avec le moins de chances d'erreur, place la prestigieuse ville d'Ys, chère aux musiciens et aux poètes.
Selon des chercheurs modernes, plusieurs siècles après Jésus-Christ l'île de Sein n'existait pas encore. Le rivage commençait à l'extrémité de ce que nous appelons Chaussée de Sein, là où s'élève le phare d'Ar-Men; et l'échine de terre dite la pointe du Raz s'étendait, beaucoup plus longue et plus massive, au dessus due tout un bas pays ... Pour qu'en si peu d'années tant d'espace eût sombré sous les eaux ou se fût disloqué parmi les vagues, le piton solitaire devenant récif et le plateau pierreux un haut-fond, il semblerait nécessaire de supposer qu'eût éclaté un jour un fantastique raz de marée, de beaucoup supérieur à celui qui, récemment, donna l'impression de noyer l'île de sein. Un séisme comme le Pacifique s'en réserve aujourd'hui le privilège.
Rien d'impossible là . Et la destruction d'une ville d'Ys qui, pour s'entourer de détails dramatiques entièrement fictifs, reste des plus plausibles, a fort bien pu se produire alors. Il ne faut pas estimer d'office que la Bretagne a voulu christianiser son passé le plus obscur en introduisant un saint dans l'histoire de dette ville comme elle a surmonté d'une croix nombre de menhirs. Nul vrai motif ne permet de nier que ce soit sous l' ère chrétienne qu'un engloutissement par les eaux d'une cité puissante et belle, et de ses terres fertiles, ait eu lieu de ce côté.
Les pointes du Raz et du Van marquent, avec la baie des Trépassé qui se creuse entre elles, la fin matérielle et la conclusion morale du cap sizun. Les vielles forces mystérieuses qui poussent les hommes vers l'Ouest comme s'ils avaient nourri l'espérance de retarder le couchant inclinent le voyageur dans la bonne direction ... En marche ! "
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Henri QUEFFELEC. La pointe du Raz, au bout du Monde. Editions Jos; Châteaulin. Avril 1984.
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A greiz kalon ganit, evit ar Vro; evit HOR Bro.
JC Even, ... ivez mab an Avel
