[Brigantienses / Brigomagenses] - Petite cité gallo-romaine de la province des Alpes maritimes dont l'existence ne nous est connue que par cinq inscriptions découvertes à Briançonnet, toutes datées du milieu du IIe au milieu du IIIe s. ap. J.-C. Ces différentes inscriptions ne permettent pas de déterminer quel était exactement le nom de cette cités, car toutes évoquent de manière abrégée un ORDO BRIG. Le Corpus Inscriptionum Latinarum (CIL 12, 57 ; 58 et 59) et l'Année épigraphique (AE 1898, 149 ; 1913, 14 et 1971, 239) s'accordent à développer cette abréviation en ORDO BRIG(ANTIENSIVM) "l'ordre (des décurions) des Brigantienses". Selon ce développement, cet ethnonyme serait le gentilice des habitants de la métropole, Brigantio ou Brigantium, l'actuel Briançonnet. Une inscription très lacunaire, également découverte à Briançonnet, offre une autre possibilité (CIL 12, 57). En effet, on pouvait lire sur cette inscription les lettres …]RIGOMA[…, que Guy Barruol (1969 ; 2004) propose de développer en ORDO B]RIGOMA[GENS(IVM). Suivant cette hypothèse, le nom antique de cette localité aurait été Brigomagus. Les attestations plus tardives du nom de Briançonnet ne permettent pas de trancher (1). Jusqu'au XVIIe s., cette commune était dénommée Briançon. Le suffixe diminutif -et fut alors ajouté pour éviter toute confusion avec son homonyme des Hautes-Alpes. Il est fort probable que cette homonymie ait participé à ce que les chercheurs aient privilégié la reconstitution de ce toponyme sous la forme Brigantio, plutôt que Brigomagus, et donc le nom Brigantienses, à celui de Brigomagenses. Quelle que soit l'hypothèse retenue, le territoire de cette cité devait couvrir la vallée de l'Estéron, au fond de laquelle se trouvait leur métropole.
Les différentes attestations épigraphiques plaident pour une déduction tardive de cette cité. Elle ne fut pas mentionnée dans la Géographie de Ptolémée au milieu du IIe s. ap. J.-C., et n'apparut pour la première fois (indirectement) que quelques décennies plus tard, sur une inscription remontant à 194-195 ap. J.-C. (CIL 12, 56). Une autre inscription, moins bien datée, mais mieux conservée atteste de son existence entre le milieu du IIe s. ap. J.-C. et le début du IIIe. (CIL 12, 59). La délimitation des cités de la province des Alpes maritimes antérieurement à cette époque n'étant pas clairement établie, il n'est pas possible de dire si cette déduction fut faite aux détriments de la cité des Vintienses (Nérusiens) ou de celle des Cemenelenses (Védiantes). Aussi, il est tout à fait probable que cette déduction ait redonné vie à une entité administrative antérieure, ayant été supprimée au début de la période romaine. En effet, si l'on suit l'ordre dans lequel l'inscription portée sur le trophée de La Turbie (7-6 av. J.-C.) énumère les peuples alpins vaincus par les Romains, un peuple est mentionné entre les Nérusiens de la vallée de la Cagne et du Loup et les Suètres de la haute-vallée du Verdon ; les Vélaunes. Ainsi, il est fort probable que les Brigantienses / Brigomagenses des IIe et IIIe s. ap. J.-C. aient été les descendants des Vélaunes.
Plus aucune mention de cette cité ne fut faite après l'hommage rendu entre 270 et 275 ap. J.-C. à l'empereur Aurélien, par l'ordre des décurions (CIL 12, 58). A une date inconnue, nécessairement antérieure à la transition entre les IVe et Ve s. ap. J.-C., l'ensemble de la vallée de l'Estéron et Briançonnet, avaient été rattachés à la cité Glannatina. Ces territoire demeurèrent au sein du diocèse de Glandèves jusqu'à sa suppression, en 1790.
(1) Les plus anciennes attestations toponymiques de cette localité proviennent de chartes du cartulaire de l'abbaye de Saint-Honorat de Lérins. On y relève territorium Briessense dans la charte du 18 octobre 1022 (XXVIII), in pago Brianzun et castello Brianzun dans une charte de 1081 (CXCVI), puis Briansone dans la charte du 21 juin 1275 (XXIX).
Inscription de Briançonnet (AE 1971, 239) ] ORDO BRIG(ANTIENSIVM)
"[…], l'ordre (des décurions) des Brigantienses (a érigé ce monument)."
"A notre seigneur, Publius Licinius Cornelius Saloninus Valerianus, le plus noble César, l'ordre (des décurions) des Brigantienses (a érigé ce monument)."
"A l'empereur César Lucius Domitius Aurelianus, pieux, heureux, invincible Auguste, grand pontife, l'ordre (des décurions) des Brigantienses (a érigé ce monument)."
Inscription de Briançonnet (CIL 12, 59 (p 804)) MARIAE MATE/RNI FIL(IAE) LVCILLAE / MARIVS MATERN(VS) / IVLIA MATERNA / FILIAE / MARI PATERN/VS ET IVLIANUS / SORORI CARISSI/MAE / L(OCVS) D(ATVS) D(ECRETO) D(ECURIONVM) // EVNDEMQ(VE) MATERNVM OB / HONORES IIVIRAT(VS) ET FLAMONI(I) / BENE GESTOS PATRON(VM) COOPTA(VE)R(VNT) / BRIG(ANTIENSES)
"A Maria Lucilla, fille de Maternus. Marius Maternus et Iulia Materna à leur fille, et Marius Paternus et Marius Iulianus à leur soeur très chère. Emplacement donné par décret des décurion. En reconnaissance envers ce même Maternus pour la libéralité dans la gestion du duumvirat et du flaminat, les Brigantienses l'ont choisi comme patron de leur cité."
"A l'empereur César Marcus Aurelius Claudius, pieux, heureux, invincible Auguste, grand pontife, revêtu du pouvoir tribunicien, père de la patrie, consul, proconsul, l'ordre (des décurions) des Brigantienses (a érigé ce monument)."
Sources
• G. Barruol, (1969) - Les peuples préromains du Sud-Est de la Gaule. Étude de géographie historique, Paris, éditions De Boccard, 408p.
• G. Barruol, (2004) - "Briançonnet / Brigantio (Alpes-Maritimes)", in : A. Ferdière, (Ed), Capitales éphémères. Des Capitales de cités perdent leur statut dans l'Antiquité tardive, Actes du colloque Tours 6-8 mars 2003, Fédération pour l'édition de la Revue archéologique du Centre de la France, Supplément à la Revue archéologique du Centre de la France, n°25, pp.375-376
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique