Après avoir mis fin à la révolte des Allobroges (61 av. J.-C.), Caius Pomptinus estimaient pouvoir prétendre aux honneurs du triomphe, récompense extrêmement rare pour un préteur. Les sources anciennes ne le disent pas, mais ses velléités supposent qu'il estimait que sa victoire témoignait d'un mérite militaire exceptionnel et que celle-ci lui avait permis de faire un riche butin. Conformément aux procédures de l'époque, il expédia une demande solennelle au Sénat, accompagnée d'un rapport précis relatant les événements (Cicéron, Discours contre L. Calpurnius Pison, XIV). Ses prétentions étaient-elles injustifiées ? La demande de Caius Pomptinus fut visiblement ignorée jusqu'en 54 av. J.-C., peut-être en raison du succès peu remarquable remporté sur les Allobroges, mais peut-être aussi en raison de virulences inimitiés au Sénat. D'après Dion Cassius, pour ne pas renoncer à aux honneurs auxquels il prétendait, Caius Pomptinus se tint hors du Pomoerium de Rome toutes ces années (Histoire romaine, XXXIX, 65).
En 54 av. J.-C., sa chance tourna lorsque deux de ses soutiens accédèrent à de hautes fonctions ; Appius Claudius Pulcher devint consul et Servius Sulpicius Galba (1), préteur. Dés lors, les trois hommes et leurs soutiens intriguèrent, et par un coup de force mené à l'orée du jour, firent voter un décret décernant l'imperium à Caius Pomptinus, condition nécessaire pour qu'il reçoive les honneurs du triomphe selon la loi Curiate (Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 65 ; Cicéron, Correspondance, Lettre 156). Bien que la manoeuvre ait été aussi grossière que discutable, ils bénéficièrent du soutien de Cicéron(2) (Discours contre L. Calpurnius Pison, XIV). Par contre, ils se firent de nombreux ennemis, dont les préteurs Publius Servilius Vatia Isauricus et Marcus Porcius Cato Uticencis, qui menaçaient d'empêcher cette célébration par la force (Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 65 ; Cicéron, Correspondance, Lettre 155 ; 156). Les tribuns de la plèbe pouvaient mettre leur veto pour l'attribution d'un triomphe. Cicéron indique qu'un de ces tribuns était hostile à Caius Pomptinus (Correspondance, Lettre 155), mais ses réticences ne furent visiblement que ponctuelles, puisque dans sa lettre à son frère Quintus, il indique que les tribuns de la plèbe le soutenaient désormais (Correspondance, Lettre 156). Il est communément considéré que la corruption joua beaucoup dans ce changement de point de vue.
La célébration fut-elle perturbée ? Très certainement, à en juger par le fait que les partisans des uns et des autres y affluèrent (Correspondance, Lettre 156). Peut-être fut-elle même ajournée. C'est du moins ce que l'on peut conclure du fait que Cicéron donne deux dates distinctes à celle-ci. Dans sa lettre à Atticus, il indique qu'elle devait se dérouler le 4e jour avant les nones de November, soit le 2 novembre (Correspondance, Lettre 155), tandis que dans sa lettre à Quintus, il fut dorénavant question du 3e jour avant les ides de November, soit le 11 novembre (Correspondance, Lettre 155). Pour une raison inconnue, dans sa reconstitution des Fastes triomphaux capitolins, Atilius Degrassi (1947) a privilégié la première de ces deux dates (mention n°259).
(2) Caius Pomptinus et Cicéron semblent avoir été proches, et le second était redevable du premier. En effet, en 63 av. J.-C., alors qu'il était préteur, Caius Pomptinus arrêta le cortège de conspirateurs menés par les Allobroges, et mit la main sur les courriers qui permirent de mettre en accusation des différents protagonistes de la conjuration de Catilina.
Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 65 :"A la même époque aussi, Caïus Pomptinus reçut les honneurs du triomphe pour sa victoire sur les Gaulois. Il était resté jusqu'alors hors du pomérium ; parce qu'on ne les lui avait pas accordés, et il ne les aurait pas encore obtenus, si Servius Galba, qui avait pris part à cette expédition et qui était préteur, n'avait fait voter secrètement quelques citoyens, à la pointe du jour ; quoique la loi défendit de traiter aucune affaire publique, avant la première heure. Aussi plusieurs tribuns, qui n'avaient pas assisté à l'assemblée du peuple, cherchèrent-ils à lui susciter des embarras pendant la célébration de ce triomphe : des meurtres furent même commis."
Cicéron, Correspondance, Lettre 155 (À Atticus, IV, 16) :"Pomptinius prétend triompher le 4 des nones de novembre ; Caton et Servilius, préteurs, s'y opposent ouvertement, ainsi que le tribun Q. Mucins. Ils soutiennent qu'il n'y a point de décret qui l'ait nommé imperator, et il est certain que celui qui existe est fait en dépit du bon sens. Mais Pomptinius aura pour lui le consul Appius. Caton crie que Pomptinius ne triomphera pas, lui vivant. Je crois moi que Caton aura comme à son ordinaire fait du bruit pour rien. Appius songe à se passer de loi et à se rendre à ses frais en Cilicie."
Cicéron, Correspondance, Lettre 156 (À Quintus, III, 4) :"Je vous écris le 9 des kalendes de novembre, jour d'ouverture des jeux, au moment de partir pour Tusculum. J'emmène avec moi mon Cicéron qui va s'en donner, non des jeux, mais de l'étude. Mon absence ne sera pas aussi longue que je le souhaiterais, parce que je veux être à Rome pour le triomphe de Pomptinius, le 3 des ides de novembre. Je m'attends à quelque petite bagarre. Il y a deux préteurs, Caton et Servilius, qui menacent de leur opposition. Et je ne sais trop ce qui peut en résulter. Il aura pour lui le consul Appius, les préteurs et les tribuns du peuple ; mais les autres montrent bien les dents, Quintus Scévola surtout, qui ne respire que Mars et les combats. Mon cher et aimable frère, ayez soin de vous."
Cicéron, Discours contre L. Calpurnius Pison, XIV :"Mais vous avez entendu, pères conscrits, la parole d'un philosophe. Il n'a jamais, dit-il, désiré le triomphe. Quoi ! monstre infâme, opprobre et fléau de la patrie, lorsque tu détruisais le sénat, que tu trafiquais de l'autorité de cet ordre, que tu asservissais à un tribun ta puissance consulaire, que tu renversais la république, que tu livrais ma tête et ma vie, et que tu ne demandais en retour qu'une province, si tu ne désirais pas le triomphe, dis-nous enfin quel était l'objet de tes voeux effrénés. [...] Il n'est plus au pouvoir de Cn. Pompée de suivre tes principes; il s'est mépris ; il n'avait pas bu aux sources de ta philosophie. L'insensé ! il a déjà triomphé trois fois. J'en rougis pour vous, Crassus : pourquoi, après avoir terminé une guerre formidable, avez-vous demandé au sénat, avec tant d'instances, la couronne de laurier ? Et vous, P. Servilius, Q. Métellus, C. Curion, que n'avez-vous entendu les leçons de ce docte maître avant de tomber dans l'erreur qui vous a séduits ? Pour mon ami C. Pomtinius, le temps en est passé ; les voeux qu'il a faits l'enchaînent. Qu'ils étaient déraisonnables les Camille, les Curius, les Fabricius ; les Calatinus, les Scipion, les Marcellus, les Maximus ! que Paul Emile était extravagant, et Marius grossier ! que les pères de nos deux consuls étaient dépourvus de jugement, eux qui ont triomphé !"
[C(AIVS) POMPTINVS ... F(ILIVS) ... N(EPOS) ... PRO PR(AETORE)]
A(NNO) DCXCIX
[DE ALLOBROGIBVS
IV NON(AS) NOV(EMBRES)]
"Caius Pomptinus, fils de [?], petit-fils de [?], propréteur, (victorieux) des Allobroges, (a reçu les honneurs du triomphe), la 699e année (de Rome), le 4e jour avant les nones de November."
Sources
• Degrassi A., (1947) - "Fasti Consulares et Triumphales", in. Degrassi A. (Ed.) Inscriptiones Italiae. Vol. 13. - Fasti et elogia, fasc. 1., Istituto Poligrafico dello Stato, La Liberia della Stato, Rome, pp.1-142 et 346-571
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique