Décrivant l'île de Sena (l'île de Sein), Pomponius Mela (milieu du Ier s. ap. J.-C.) indique qu'elle était particulièrement réputée pour un oracle. Neuf prêtresses vouées à la virginité perpétuelle, dénommées les Gallizenas (var. Galli Senas ; Galligenas ; Barrigenas), y officiaient. Le géographe romain précise qu'elles avaient le pouvoir de déchaîner les vents et la mer, de se métamorphoser en animaux, de guérir les maladies incurables, ou encore de prédire l'avenir. Des visiteurs se rendaient spécifiquement sur cette île pour bénéficier de leurs faveurs (Description de la Terre, III, 40). Il est tout à fait probable que les Gallisenae ne soient autres que les mystérieuses femmes des Samnites (Brunaux, 2000) mentionnées par différents auteurs après la transition du IIe et du Ier s. av. J.-C., dans la suite du témoignage de Posidonios d'Apamée.
Le nom de ses prêtresses a donné lieu à diverses interprétations. De manière étonnante, B. Maier (1997) propose de privilégier la variante Galligenas, et de voir dans *-gena, un mot désignant la "fille" ou la "femme non-mariée", ce qui immanquablement renvoie à la description faite par Pomponius Mela. Plus fréquemment, la variante Gallisenas est celle qui a été privilégiée, laquelle invite à rapprocher ce nom de celui de l'île de Sena (l'île de Sein), sur laquelle elles officiaient. Naturellement, ce toponyme a été expliqué en ayant recours au gaulois *seno-, qui signifie "vieux / âgé", bien que l'idée d'une "vieille île" soit bien curieuse. X. Delamarre (2021 ; 2023) a développé une interprétation alternative à partir d'un thème *-seno-, se distinguant du précédent par un "e" long (*-sēno- < -sai-no-) et signifiant "magicien / lieur". Suivant cette dernière interprétation, le nom *galli-sēna ferait également écho au récit de Pomponius Mela et l'île de Sena (l'île de Sein) sur laquelle officiaient ces prêtresses, ne serait plus "la vieille (île)", mais "(l'île des) magiciennes". Notons aussi un parallélisme troublant avec Σήνα / Σήνα Γάλλικα / Sena Gallia "la magicienne gauloise" (Sinigaglia, province d'Ancône, Italie), qui est voisine du petit fleuve Sena (la Misa).
Sources littéraires anciennes
Pomponius Mela, Description de la Terre, III, 40 :"L'île de Sena, située dans la mer Britannique, en face des Osismes, est renommée par un oracle gaulois, dont les prêtresses, vouées à la virginité perpétuelle, sont au nombre de neuf. Elles sont appelées Gallizènes, et on leur attribue le pouvoir singulier de déchaîner les vents et de soulever les mers, de se métamorphoser en tels animaux que bon leur semble, de guérir des maux partout ailleurs regardés comme incurables, de connaître, de connaître et de prédire l'avenir, faveurs qu'elles n'accordent néanmoins qu'à ceux qui viennent tout exprès dans leur île pour les consulter."
Sources
• J.-L. Brunaux, (2000) - Les religions gauloises (Ve -Ier siècles av. J.-C). Nouvelles approches sur les rituels celtiques de la Gaule indépendante, Errance, Paris, 270p.
• X. Delamarre, (2021) - "Magiciens et magiciennes gauloises et le thème seno- / saino-", Études Celtiques, n°47, pp.35-46
• X. Delamarre, (2023) - Dictionnaire des thèmes nominaux du gaulois (II. Lab- / Xantus), Les Cent Chemins, 570p. • B. Maier, (1997) - "Gaulisch *genā 'girl ; unmarried woman' ? a note on Pomponius Mela, De Chorographia III, 48", Studia Celtica, XXXI, p.280
• Pierre Crombet pour l'Arbre Celtique
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique