Vellim, si placet, parumper conferre, quae christianis beatam confitentibus Trinitatem prospera successerint et quae hereticis eandem scindentibus fuerint in ruinam. Omittamus autem, qualiter illam Abraham veneratur ad elicem, Iacob praedicat in benedictionem, Moyses cognuscit in sentem, populus sequitur in nubem eandemque paviscit in montem, vel qualiter eam Aaron portat in logium, aut David vaticinatur in psalmum, orans innovari se per spiritum rectum, nec sibi auferri spiritum sanctum, atque se confirmari per spiritum principalem. Magnum et hic ego cerno mistirium, quod scilicet, quem heretici minorem adserunt, principalem vox prophetica nuntiavit. Sed haec, ut diximus, omissa, ad nostra tempora revertamur. Arrius enim, qui huius iniquae sectae primus iniquosque inventur fuit, interiora in secessum deposita, infernalibus ignebus subditur, Hilarius vero beatus individuae Trinitatis defensor, propter hanc in exilium deditus, et patriae et paradiso restauratur. Hanc Chlodovechus rex confessus, ipsus hereticos adiuturium eius oppraesset regnumque suum per totas Gallias dilatavit; Alaricus hanc denegans, a regno et populo atque ab ipsa, quod magis est, vita multatur aeterna. Dominus autem se vere credentibus, etsi insidiante inimico aliqua perdant, hic centuplicata restituit, heretici vero nec adquerunt melius, sed quod videntur habere, aufertur ab eis. Probavit hoc Godigisili, Gundobadi atque Godomari interitus, qui et patriam simul et animas perdiderunt. Nos vero unum atque invisibilem et inmensum, inconpraehensibilem, inclitum, perennem atque perpetuum Dominum confitemur, unum in Trinitate propter personarum numerum, id est Patris et Filii et Spiritus sancti; confitemur et trinum in unitate propter aequalitatem substantiae, deitatis, omnipotentiae vel virtutis; qui est unus summus atque omnipotens Deus in sempiterna saecula regnans.
Je demanderai la permission de m'arrêter quelques moments à exposer, par forme de comparaison, en quelle façon les choses ont prospéré aux Chrétiens qui confessaient la bienheureuse Trinité, et tourné à là ruine des hérétiques qui l'avaient divisée. Je ne rapporterai point ici comment Abraham adore la Trinité au pied du chêne, comment Jacob la proclame dans, sa bénédiction, comment Moïse la reconnaît dans le buisson ardent, comment le peuple la suit dans la nue et la redoute sur la montagne, ni comment Aaron la porte en son rational, ni comment encore David, l'annonce dans ses psaumes, lorsqu'il prie le Seigneur de le renouveler par l'esprit de rectitude, de ne pas le priver de l'esprit saint, et de l'affermir par l'esprit principal. Je reconnais en ces paroles un grand mystère ; c'est qu'une voix prophétique proclame esprit principal celui que les hérétiques tiennent pour inférieur aux autres. Mais, ainsi que je l'ai déjà dit, je laisserai ces choses de côté pour revenir à notre temps. Arius, coupable inventeur de cette coupable secte, ayant rendu ses entrailles avec ses excréments, fut envoyé aux flammes de l'enfer ; mais Hilaire, bienheureux défenseur de la Trinité indivisible, et, à cause de cela, condamné à l'exil, retrouva sa patrie dans le paradis Le roi Clovis, qui l'a confessée et qui a, par son secours, réprimé les hérétiques, étendit sa domination sur toute la Gaule ; Alaric, qui l'avait niée, fut privé de son royaume, de ses sujets, et en même temps, ce qui est bien plus encore, de la vie éternelle. Ce que les fidèles ont perdu par les embûches de leurs ennemis, Dieu le leur a rendu au centuple ; mais les hérétiques n'ont rien acquis, et ce qu'ils ont paru posséder leur a été enlevé, comme cela est prouvé par la mort de Godégisile, Gondebaud et Gondemar, qui perdirent à la fois leur pays et leur âme. Nous confessons donc un seul Dieu invisible, immense, incompréhensible, glorieux, toujours le même, éternel ; un dans sa Trinité, formée des trois personnes du père, du Fils et du Saint-Esprit ; triple dans son unité qui résulte de l'égalité de substance, de divinité, de toute-puissance et de perfection, Dieu unique, suprême et tout-puissant, qui régnera sur toute l'éternité des temps.
1. De filiis Chlodovechi.
Defuncto igitur Chlodovecho regi, quattuor filii eius, id est Theudoricus, Chlodomeris, Childeberthus atque Chlothacharius, regnum eius accipiunt et inter se aequa lantia dividunt. Habebat iam tunc Theudoricus filium nomen Theudobertum, elegantem atque utilem. Cumque magna virtute pollerent et eis de exercitu rubor cupiosus inesset, Amalaricus, filius Alarici, rex Hispaniae sororem eorum in matrimonio postolat, quod ille clementer indulgent et eam ipse in regionem Hispaniae cum magnorum ornamentorum mole transmittunt.
Après la mort de Clovis, ses quatre fils, Théodoric, Chlodomir, Childebert et Clotaire, prirent possession de son royaume, et se le partagèrent également. Théodoric avait déjà un fils brave et vaillant, nommé Théodebert. Comme ils étaient puissants en courage, et avaient l'appui d'une nombreuse armée, Amalaric, fils d'Alaric, roi d'Espagne, rechercha leur' soeur en mariage ; ils voulurent bien la lui accorder, et la lui envoyèrent dans le pays d'Espagne avec une grande quantité de magnifiques joyaux.
2. De episcopatu Dinifi, Apollonaris atque Quinciani.
Licinio autem urbis Toronicae defuncto episcopo, Dinifius cathedram pontificalem ascendit. Apud Arvernus vero post obitum beati Aprunculi sanctus Eufrasius duodecimus episcopus habebatur. Hic quattuor annos post Chlodovechi obitum vixit, vicissimo quinto episcopatus sui anno transiens. Cumque populus sanctum Quintianum, qui de Rutino eiectus fuerat, eligisset, Alchima et Placidina, uxor sororque Apollonaris, ad sanctum Quintianum venientes, dicunt: 'Sufficiat, domne sancte, senectute tuae, quod es episcopus ordenatus. Permittat', inquiunt, 'pietas tua servo tuo Apollonari locum huius honoris adipisci. Ille vero, cum ad hunc apicem ascenderet, sicut tibi placitum fuerit obsequitur; tu quoque imperabis, et ille tuae parebit in onmibus iussioni, tantum ut humili suggestioni nostrae aurem benignitatis acommodis'. Quibus ille: 'Quid ego', inquid, 'praestabo, cuius potestati nihil est subditum? Sufficit enim, ut oratione vacans cottidianum mihi victum praestet eclesia'. Ille autem haec audientes, Apollonarem ad regem dirigunt. Qui abiens, oblatis multis muneribus, in episcopatu successit; quod quattuor abutens minsebus, migravit a saeculo. Cum autem haec Theudorico nuntiatum fuisset, iussit inibi sanctum Quintianum constitui et omnem ei potestatem tradi eclesiae, dicens: 'Hic ob nostri amoris zelo ab urbe sua eiectus est'. Et statim directi nuntii, convocatis pontificibus et populo, eum in cathedra Arverne eclesiae locaverunt; qui quartus decimus eclesiae illi praepositus est. Reliqua vero quae gessit, tam virtutes quam tempus migrationes eius, scripta sunt in libro, quem de eius vita conposuimus.
Licinius, évêque de Tours, étant mort, Denis fut élevé au siège pontifical ; et, après le décès du bienheureux Apruncule, les habitants d'Auvergne eurent pour douzième évêque saint Euphrasius. Il mourut quatre ans après Clovis, dans la vingt-cinquième année de son épiscopat. Alors le peuple ayant élu saint Quintien, qui avait été chassé de Rodez, Alchime et Placidine, l'une femme et l'autre soeur d'Apollinaire, vinrent à lui et lui dirent : Saint homme, qu'il suffise à ta vieillesse d'avoir été désigné pour évêque, et permets, par ta bonté, à ton serviteur Apollinaire de monter à ce poste d'honneur. S'il parvient à cette élévation, il sera soumis à ton plaisir. Prête à nos humbles propositions une oreille de bienveillance ; et c'est toi qui gouverneras ; il accomplira en tout tes commandements. A quoi il répondit : Pourquoi l'emporterais-je, moi qui n'ai personne sous ma puissance ? Tout ce que je demande, c'est que, tandis que je vaquerai à l'oraison, l'église me fournisse ma nourriture quotidienne. Dès qu'elles eurent entendu ces paroles, elles envoyèrent Apollinaire vers le roi. Il lui fit beaucoup de présents, et, en le quittant, obtint l'épiscopat ; il en jouit injustement pendant quatre mois, puis sortit de ce monde. Lorsque sa mort fut annoncée à Théodoric , il ordonna d'instituer à sa place saint Quintien, et de lui remettre tous les pouvoirs de l'Église, disant : Il a été chassé de sa ville à cause de la vivacité de son attachement pour nous ; et aussitôt il envoya des messagers convoquer les prêtres et le peuple qui l'élevèrent au siège de l'Église d'Auvergne, et il fait le quatorzième évêque de cette Église. Le reste des choses qui le concernent, tant ses miracles que le temps de sa sortie de ce monde, est écrit dans le livre que nous avons composé sur sa vie.
3. Quod Dani Gallias appetierunt.
His ita gestis, Dani cum rege suo nomen Chlochilaichum evectu navale per mare Gallias appetunt. Egressique ad terras, pagum unum de regno Theudorici devastant atque captivant, oneratisque navibus tam de captivis quam de reliquis spoliis, reverti ad patriam cupiunt; sed rex eorum in litus resedebat, donec navis alto mare conpraehenderent, ipse deinceps secuturus. Quod cum Theudorico nuntiatum fuisset, quod scilicet regio eius fuerit ab extraneis devastata, Theudobertum, filium suum, in illis partibus cum valido exercitu ac magno armorum apparatu direxit. Qui, interfectu rege, hostibus navali proelio superatis oppraemit omnemque rapinam terrae restituit.
Après cela les Danois vinrent par mer dans les Gaules avec leur roi Chlochilaïc ; étant descendus à terre, ils ravagèrent un des pays du royaume de Théodoric, réduisirent les habitants en captivité, et ayant chargé sur leurs vaisseaux les captifs et le reste de leur butin, ils se préparaient à s'en retourner dans leur pairie ; mais comme leur roi demeurait sur le rivage pour s'embarquer le dernier, lorsque ses vaisseaux prendraient la haute mer, Théodoric, qui avait été averti que des étrangers dévastaient son royaume, envoya en ce lieu son fils Théodebert, avec une vaillante troupe de gens de guerre, et puissamment armés. Le roi fut tué, et Théodebert, après avoir vaincu les ennemis dans un combat naval, fit remettre à terre tout le butin.
4. De Thoringorum regibus.
Porro tunc apud Thoringus tres fratres regnum gentis illius retinebant, id est Badericus, Hermenefredus atque Berthacharius. Denique Hermenefredus Berthacharium, fratrem suum, vi oppraemens, interfecit. Is moriens, Radegundem filiam orfanam dereliquid; reliquid enim et alius filius, de quibus in sequente scribemus. Hermenefrede vero uxor iniqua atque crudelis Amalaberga nomen inter hos fratres bellum civile dissimenat. Nam veniens quadam die ad convivium vir eius, mensam mediam opertam repperit. Cumque uxori, quid sibi hoc vellit, interrogaret, respondit: 'Qui', inquid, 'a medio regno spoliatur, decet eum mensae medium habere nudatum'. Talibus et his similibus ille permotus, contra fratrem insurgit ac per occultus nuntius Theudoricum regem ad eum persequendum invitat, dicens: 'Si hunc interfecis, regionem hanc pari sorte dividimus'. Ille autem gavisus, haec audiens, cum exercitu ad eum dirigit. Coniunctique simul fidem sibi invicem dantis, egressi sunt ad bellum. Confligentisque cum Baderico, exercitum eius adterunt ipsumque obtruncant gladio, et obtenta victuria, Theudoricus ad propria est reversus. Protenus Hermenefredus oblitus fidei suae, quod regi Theudorico indulgere pollicitus est, implere dispexit, ortaque est inter eos grandis inimicitia.
Cependant trois frères, Baderic, Hermanfried et Berthaire, tenaient le royaume des Thuringiens. Hermanfried se rendit, par la force, maître de son frère Berthaire et le tua. Celui-ci laissa orpheline en mourant sa fille Radegonde, il laissa aussi des fils dont nous parlerons dans la suite. Hermanfried avait une femme méchante et cruelle, nommée Amalaberge, qui semait la guerre civile entre les frères. Un jour son mari, se rendant au banquet, trouva seulement la moitié de la table couverte, et comme il demandait à sa femme ce que cela voulait dire : Il convient, dit-elle, que celui qui se contente de la moitié d'un royaume, ait la moitié de sa table vide. Excité par ces paroles et d'autres semblables, Hermanfried s'éleva contre son frère, et envoya secrètement des messagers au roi Théodoric, pour l'engager à l'attaquer, disant : Si tu le mets à mort, nous partagerons par moitié ce pays. Celui-ci, réjoui de ce qu'il entendait, marcha vers Hermanfried avec son armée ; ils s'allièrent en se donnant mutuellement leur foi, et partirent pour la guerre. En étant venus aux mains avec Baderic, ils écrasèrent son armée, le firent tomber sous le glaive, et après la victoire, Théodoric retourna dans ses possessions. Mais ensuite Hermanfried, oubliant sa foi, négligea d'accomplir ce qu'il avait promis au roi Théodoric, de sorte qu'il s'éleva entre eux une grande inimitié.
5. Quod Sigimundus filium suum interfecit.
Igitur mortuo Gundobado, regnum eius Sigimundus filius obtenuit, monastiriumque Acaunensim sollerti cura cum domibus basilicisque aedificavit; qui, perditam priorem coniugem, filiam Theudorici regis Italici, de qua filium habebat nomen Sigiricum, aliam duxit uxorem, quae valide contra filium eius, sicut novercarum mos est, malignari ac scandalizare coepit. Unde factum est, ut una solemnitatum die, cum puer super eam vestimenta matris agnusceret, commotus felle diceret ad eam: 'Non enim eras digna, ut haec indumenta tua terga contegerent, quae dominae tuae, id est matre meae, fuisse nuscuntur'. At illa furore succensa, instigat verbis dolosis virum suum, dicens: 'Hic iniquos regnum tuum possedere desiderat, teque interfecto, eum usque Italiam dilatare disponit, scilicet ut regnum, quod avus eius Theudoricus Italiae tenuit, et iste possedeat. Scit enim, quod te vivente haec non potest adimplere, et nisi tu cadas, ille non surgat'. His et huiuscemodi ille incitatus verbis, uxoris iniquae consilium utens, iniquus extitit parricida. Nam sopitum vino dormire post meridiem filium iubet; cui dormiente orarium sub collo positum ac sub mento legatum, trahentibus ad se invicem duobus pueris, suggillatus est. Quo facto pater sero iam paenetens, super cadaver exanime ruens, flere coepit amarissimae. Ad quem senex quidam sic dixisse fertur: 'Te', inquid, 'plange amodo, qui per consilium nequam factus es parricida saevissimus; nam hunc, qui innocens iugulatus est, necessarium non est plangi'. Nihilominus ille ad sanctus Acaunenses abiens, per multus dies in fletu et ieiuniis durans, veniam praecabatur. Psallentium ibi assiduum instituens, Lugduno regressus est, ultione divina de vestigio prosequente. Huius filiam rex Theudoricus accepit.
Gondebaud étant mort, son fils Sigismond fut mis en possession de son royaume, et édifia avec une soigneuse industrie le monastère de Saint-Maurice, où il construisit des bâtiments d'habitation et une basilique. Après avoir perdu sa première femme, fille de Théodoric, roi d'Italie, dont il avait eu un fils nommé Sigeric, il en épousa une autre qui, selon l'ordinaire des belles-mères, commença à prendre son fils très fort en haine, et à élever des querelles avec lui. Il arriva qu'en un jour de cérémonie, le jeune homme, reconnaissant sur elle des vêtements de sa mère, lui dit, irrité de colère : Tu n'étais pas digne de porter sur tes épaules ces habits que l'on sait avoir appartenu à ma mère ta maîtresse. Elle alors transportée de fureur, excita son mari par des paroles trompeuses, en lui disant : Ce méchant aspire à posséder ton royaume, et quand il t'aura tué, il compte l'étendre jusqu'à l'Italie, afin de posséder à la fois le royaume de son aïeul Théodoric en Italie et celui-ci. Il sait bien que, tant que tu vivras, il ne peut accomplir ce dessein, et que si tu ne tombes, il ne saurait s'élever. Poussé par ce discours et d'autres du même genre, et prenant conseil de sa cruelle épouse, Sigismond devint un cruel parricide, car voyant l'après-midi son fils appesanti par le vin, il l'engagea à dormir ; et pendant son sommeil, on lui passa derrière le cou un mouchoir, qu'on lia au-dessous du menton ; deux domestiques le tirèrent à eux chacun de son côté, et ils l'étranglèrent. Aussitôt que cela fut fait, le père, déjà touché de repentir, se jeta sur le cadavre inanimé de son fils, et commença à pleurer amèrement. Sur quoi, à ce qu'on a rapporté, un vieillard lui dit : Pleure désormais sur toi qui, par de méchants conseils, es devenu un très barbare parricide ; car pour celui-ci que tu as fait périr innocent, il n'a pas besoin qu'on le pleure. Cependant Sigismond s'étant rendu à Saint-Maurice y demeura un grand nombre de jours dans le jeûne et les larmes, à prier pour obtenir son pardon ; il y fonda un chant perpétuel, et retourna à Sion, la vengeance divine le poursuivant pas à pas. Le roi Théodoric épousa sa fille.
6. De interitu Chlodomeris.
Chrodechildis vero regina Chlodomerem vel reliquos filius suos adloquitur, dicens: 'Non me paeneteat, carissimi, vos dulciter enutrisse; indignate, quaeso, iniuriam meam et patris matrisque meae mortem sagaci studio vindecate'. Haec illi audientes, Burgundias petunt et contra Sigimundum vel fratrem eius Godomarum dirigunt. Devictumque exercitum eorum, Godomarus terga vertit. Sigimundus vero, dum ad Sanctos Acaunos fugire nititur, a Chlodomere captus cum uxore et filiis captivus abducitur atque, infra terminum Aurilianensim urbis in costodia positus, detenetur. Discedentibusque his regibus, Godomarus, resumptis viribus, Burgundionis colligit regnumque recipit. Contra quem Chlodomeris iterum ire disponens, Sigimundum interficere distinat. Cui a beato Avito abbate, magno tunc tempore sacerdote, dictum est: 'Si', inquid, 'respiciens Deum, emendaveris consilium tuum, ut hos homines interfici non patiaris, erit Deus tecum, et abiens victuriam obtenibis; si vero eos occidens, tu ipse in manibus inimicorum traditus, simili sorte peribis; fietque tibi uxorique et filiis tuis, quod feceris Sigimundo et coniugi ac liberis eius'. Quod ille abscultare dispiciens consilium eius, ait: 'Stultum consilium esse puto, ut, inimicos domui relictus, contra reliquos eam, eosque a tergo, hunc a fronte surgente, inter duos hostium cuneos ruam. Satius enim et facilius victuria patrabitur, si unus ab alio separetur; quo interfecto, facile et alius morte poterit distinare'. Statimque interfecto Sigimundo cum uxore et filiis, apud Colomnam Aurilianinsim urbis vicum in puteum iactare praecipiens, Burgundias petiit, vocans in solatium Theudoricum regem. Ille autem iniuriam soceri sui vindecare nolens, ire promisit. Cumque pariter apud Visorontiam locum urbis Viennensis coniuncti fuissent, cum Godomaro confligunt. Cumque Godomarus cum exercitu terga vertisset et Chlodomeris insequeretur ac de suis non modico spatio elongatus esset, adsimilantes illi signum eius, dant ad eum voces, dicentes: 'Huc, huc convertere! Tui enim sumus'. At ille credens, abiit inruitque in medio inimicorum. Cuius amputatum caput et conto defixum elevant in sublimi. Quod Franci cernentes atque cognuscentes Chlodomerem interfectum, reparatis viribus, Godomarum fugant, Burgundionis oppraemunt patriamque in suam redigunt potestatem. Nec moratus Chlothacharius uxorem germani sui Guntheucam nomine sibi in matrimonio scciavit. Filios quoque eius Chrodichildis regina, exactis diebus luctus, secum recipit ac tenuit; quorum unus Theudoaldus, alter Guntharius, tertius Chlodovaldus vocabatur. Godomarus iterum regnum recepit.
La reine Clotilde parla cependant à Clodomir et à ses autres fils, et leur dit : Que je n'aie pas à me repentir, mes très chers enfants, de vous avoir nourris avec tendresse ; soyez, je vous prie, indignés de mon injure, et mettez l'habileté de vos soins à venger la mort de mon père et de ma mère. Eux, ayant entendu ces paroles, marchèrent vers la Bourgogne, et se dirigèrent contre Sigismond et son frère Gondemar. Vaincu par leur armée, Gondemar tourna le dos ; mais Sigismond, cherchant à se réfugier au monastère de Saint-Maurice, fut pris avec sa femme et ses fils par Clodomir, qui, les ayant conduits dans la ville d'Orléans, les y retint prisonniers. Les rois s'étant éloignés, Gondemar reprit courage, rassembla les Bourguignons, et recouvra son royaume. Clodomir, se disposant à marcher de nouveau contre lui, résolut de faire mourir Sigismond. Le bienheureux Avitus, abbé de Saint-Mesmin, prêtre renommé de ce temps, lui dit : Si, dans la crainte de Dieu, tu te ranges à de meilleurs conseils, et ne souffres pas qu'on tue ces gens-là, Dieu sera avec toi, et là où tu vas, tu obtiendras la victoire ; mais, si tu les fais mourir, tu périras de même, livré entre les mains de tes ennemis, et il en sera fait de ta femme et de tes fils comme tu feras de la femme et des enfants de Sigismond. Mais le roi méprisant son avis, lui dit : Je regarde comme la conduite d'un insensé, quand on marche contre des ennemis, d'en laisser d'autres chez soi. Car ainsi, ayant l'un à dos, les autres en tête, je me précipiterais entre deux armées ; la victoire sera plus complète et plus aisée à obtenir, si je sépare l'un de l'autre. Le premier mort, je pourrai beaucoup plus aisément me défaire du second. Et aussitôt il fit mourir Sigismond avec sa femme et ses fils, en ordonnant qu'on les jetât dans un puits près de Coulmiers, bourg du territoire d'Orléans, et marcha en Bourgogne, appelant à son secours le roi Théodoric. Celui-ci, ne s'inquiétant pas de venger l'injure de son beau-père, promit d'y aller, et étant rejoints près de Véseronce, lieu situé dans le territoire de la cité de Vienne, ils livrèrent combat à Gondemar. Gondemar ayant pris la fuite avec son armée, Clodomir le poursuivit, et, comme il se trouvait déjà assez éloigné des siens, les Bourguignons, imitant le signal qui lui était ordinaire, l'appelèrent en lui disant : Viens, viens par ici, nous sommes les tiens. Il les crut, alla à eux, et tomba ainsi au milieu de ses ennemis qui lui coupèrent la tête, la fixèrent au bout d'une pique, et l'élevèrent en l'air. Ce que voyant les Francs, et reconnaissant que Clodomir avait été tué, ils recueillirent leurs forces, mirent en fuite Gondemar, écrasèrent les Bourguignons et s'emparèrent de leur pays. Clotaire, sans aucun délai, s'unit en mariage à la femme de son frère, nommée Gontheuque, et la reine Clothilde, les jours de deuil finis, prit et garda avec elle ses fils, dont l'un s'appelait Théodoald, l'autre Gonthaire et le troisième Clodoald. Gondemar recouvra de nouveau son royaume.
7. Bellum contra Thoringus.
Post Theudoricus non inmemor periurias Hermenefrede regis Thoringorum Chlothacharium fratrem suum in solatio suo vocat et adversum eum ire disponit, promittens regi Chlothachario partem praedae, si eisdem munus victuriae divinitus conferritur. Convocatis igitur Francis, dicit ad eos: 'Indignamini, quaeso, tam meam iniuriam quam interitum parentum vestrorum, ac recolite, Thoringus quondam super parentes nostros violenter advenisse ac multa illis intulisse mala. Qui, datis obsidibus pacem cum his inire voluerunt, sed ille obsedes ipsus diversis mortibus peremerunt et inruentes super parentes nostros, omnem substantiam abstullerunt, pueros per nervos femorum ad arbores appendentes, puellas amplius ducentas crudeli nece interfecerunt, ita ut, legatis brachiis super equorum cervicibus, ipsique acerrimo moti stimulo per diversa petentes, diversis in partebus feminas diviserunt. Aliis vero super urbitas viarum extensis, sudibusque in terra confixis, plaustra desuper onerata transire fecerunt, confractisque ossibus, canibus avibusque eas in cibaria dederunt. Nunc autem Herminefredus quod mihi pollicitus est fefellit et omnino haec adimplire dissimulat. Ecce! verbum directum habemus: Eamus cum Dei adiuturio contra eos!' Quod ille audientes et de tanto scelere indignantes, uno animo eademque sententiam Thoringiam petierunt. Theudoricus autem, Chlothacharium fratrem et Theudobertum filium in solatio suo adsumptos, cum exercito abiit. Thoringi vero venientibus Francis dolos praeparant. In campum enim, quo certamen agi debebant, fossas effodiunt, quarum ora operta denso cispete planum adsimilant campum. In his ergo foveis, cum pugnare coepissent, multi Francorum equites conruerunt, et fuit eis valde inpedimentum; sed post cognitum hunc dolum, observare coeperunt. Denique cum se Thoringi caedi vehementer viderent, fugato Hermenefredo rege ipsorum, terga vertunt et ad Onestrudem fluvium usque perveniunt. Ibique tanta caedes ex Thoringis facta est, ut alveos fluminis a cadaverum congeriae repleretur et Franci tamquam per pontem aliquod super eos in litus ulteriore transirent. Patratam ergo victuriam, regionem illam capessunt et in suam redigunt potestatem. Chlothacharius vero rediens, Radegundem, filiam Bertecharii regis, secum captivam abduxit sibique eam in matrimonio sociavit; cuius fratrem postea iniuste per homines iniquos occidit. Illa quoque ad Deum conversa, mutata veste, monastyrium sibi intra Pectavensem urbem construxit. Quae orationibus, ieiuniis atque elymosinis praedita, in tantum emicuit, ut magna in populis haberetur. Cum autem adhuc supradicti regis in Thoringiam essent, Theudoricus Chlothacharium, fratrem suum, occidere voluit, et praeparatis occulte cum arma viris, eum ad se vocat, quasi secricius cum eo aliquid tractaturus, expansumque in parte domus illius tenturium de uno pariete in altero, armatus post eum stare iubet. Cumque tenturium illud esset brevior, pedes armatorum apparuere detecti. Quod cognoscens Chlothacharius, cum suis armatus ingressus est domum. Theudoricus vero intellegens, hunc haec cognovisse, fabulam fingit et alia ex aliis loquitur. Denique nesciens, qualiter dolum suum deleniret, discum ei magnum argenteum pro gratia dedit. Chlothacharius autem vale dicens et pro munere gratias agens, ad metatum regressus est. Theudoricus vero quaeritur ad suos, nullam extantem causam suum perdedisse catinum, et ad filium suum Theudobertum ait: 'Vade ad patruum tuum et roga, ut munus, quod ei dedi, tibi sua voluntate concedat'. Qui abiens, quod petiit inpetravit. In talibus enim dolis Theudoricus multum callidus erat.
Après cela, Théodoric, qui n'avait point oublié le parjure d'Hermanfried, roi de Thuringe, appela à son secours soir frère Clotaire, et se prépara à marcher contre Hermanfried, promettant au roi Clotaire sa part du butin, si la bonté de Dieu leur accordait la victoire. Ayant donc rassemblé les Francs, il leur dit : Ressentez, je vous prie, avec colère, et mon injure, et la mort de vos parents ; rappelez-vous que les Thuringiens sont venus attaquer violemment nos pareils, et leur ont fait beaucoup de maux , que ceux-ci, leur ayant donné des otages, voulurent entrer en paix avec eux ; mais eux firent périr les otages par différents genres de mort, et, revenant se jeter sur nos parents, leur enlevèrent tout ce qu'ils possédaient, suspendirent les enfants aux arbres par le nerf de la cuisse, firent périr d'une mort cruelle plus de deux cents jeunes filles, les liant par les bras au cou des chevaux, qu'on forçait, à coups d'aiguillons acérés, à s'écarter chacun de son côté, en sorte qu'elles furent déchirées en pièces ; d'autres furent étendues sur les ornières des chemins, et clouées en terre avec des pieux ; puis on faisait passer sur elles des chariots chargés ; et leurs os ainsi brisés, ils les laissaient pour servir de pâture aux chiens et aux oiseaux. Maintenant Hermanfried manque à ce qu'il m'a promis, et semble tout à fait l'oublier. Nous avons le droit de notre côté ; marchons contre eux avec l'aide de Dieu. Eux, ayant entendu ces paroles, indignés de tant de crimes, demandèrent, d'une voix et d'une volonté unanimes, à marcher contre les Thuringiens. Théodoric, prenant avec lui, pour le seconder, son frère Clotaire et son fils Théodebert, partit avec une armée. Cependant les Thuringiens avaient préparé des embûches aux Francs : ils avaient creusé dans le champ où devait se livrer le combat, des fosses dont ils avaient caché l'ouverture au moyen d'un gazon épais, en sorte que la plaine paraissait unie. Lorsqu'on commença donc à combattre, plusieurs des chevaux des Francs tombèrent dans ces fosses, ce qui leur causa beaucoup d'embarras ; mais lorsqu'ils se furent aperçus de la fraude, ils commencèrent à y prendre garde. Enfin, les Thuringiens, voyant qu'on faisait parmi eux un grand carnage, et que leur roi Hermanfried avait pris la fuite, tournèrent le dos, et arrivèrent au bord du fleuve de l'Unstrut ; et là, il y eut un tel massacre des Thuringiens que le lit de la rivière fût rempli par les cadavres amoncelés, et que les Francs s'en servirent comme de pont pour passer sur l'autre bord. Après cette victoire, ils prirent le pays, et le réduisirent sous leur puissance. Clotaire, en revenant, emmena captive avec lui Radegonde, fille du roi Berthaire, et la prit en mariage ; il fit depuis tuer injustement son frère par des scélérats. Elle, se tournant vers Dieu, prit l'habit, et se bâtit un monastère dans la ville de Poitiers. Elle s'y rendit tellement excellente dans l'oraison, les jeûnes, les veilles, les aumônes, qu'elle acquit un grand crédit parmi les peuples. Tandis que les rois francs étaient en Thuringe, Théodoric voulut tuer Clotaire, son frère ; et ayant disposé en secret des hommes armés, il le manda vers lui, comme pour conférer de quelque chose en particulier ; et, ayant fait étendre dans sa maison une toile d'un mur à l'autre , il ordonna à ses hommes armés de se tenir derrière : mais, comme la toile était trop courte, les pieds des hommes armés parurent au-dessous à découvert ; ce qu'ayant vu Clotaire, il entra clans la maison, armé, et avec les siens. Théodoric comprit alors que son projet, était connu : il inventa une fable, et l'on parla de choses et d'autres. Mais, ne sachant de quoi s'aviser pour faire passer sa trahison, il donna à Clotaire, dans cette vue, un grand plat d'argent. Clotaire lui ayant dit adieu, et l'ayant remercié de ce présent, retourna dans son logis. Mais Théodoric se plaignit aux siens d'avoir perdu son plat sans aucun motif, et dit à son fils Théodebert : Va trouver ton oncle, et prie-le de vouloir te céder le présent que je lui ai fait. Il y alla, et obtint ce qu'il demandait. Théodoric était trésaille en de telles ruses.
8. De interitu Hermenifredi.
Idem vero regressus ad propria, Hermenefredum ad se data fidem securum praecipit venire, quem et honorificis ditavit muneribus. Factum est autem, dum quadam die per murum civitatis Tulbiacensis confabularentur, a nescio quo inpulsus, de altitudine muri ad terram corruit ibique spiritum exalavit. Sed qui eum exinde deiecerit, ignoramus; multi tamen adserunt, Theudorici in hoc dolum manifestissime patuisse.
Lorsqu'il fut revenu chez lui, il engagea Hermanfried à venir le trouver, en lui donnant sa foi qu'il ne courrait aucun danger ; et il l'enrichit de présents très honorables. Mais un jour qu'ils causaient sur les murs de la ville de Tolbiac, Hermanfried, poussé par je ne sais qui, tomba du haut du mur, et rendit l'esprit. Nous ignorons par qui il fut jeté en bas ; mais plusieurs assurent qu'on reconnut clairement que cette trahison venait de Théodoric.
9. Quod Childeberthus Arvernus abiit.
Cum autem adhuc Theudoricus in Thoringiam esset, Arvernus sonuit, eum interfectum fuisse. Archadius quoque, unus ex senatoribus Arvernis, Childeberthum invitat, ut regionem illam deberet accipere. Ille quoque nec moratus Arvernus vadit. Tantaque in illa die condensa fuit nebula, ut nihil super duabus iugeri partibus discerni possit. Dicere enim erat solitus rex: 'Vellim umquam Arvernam Lemanem, quae tantae iocunditatis gratia refulgere dicitur, oculis cernere'. Sed non ei a Deo concessum est. Cumque portae civitatis obseratae essent, et unde ingrederetur pervium patulum non haberet, incisam Archadius serram unius portae eum civitati intromisit. Dum haec agerentur, nuntiatur, Theudoricum vivum de Thoringiam fuisse regressum.
Pendant que Théodoric était en Thuringe, le bruit courut en Auvergne qu'il avait été tué. Arcadius, un des sénateurs d'Auvergne, invita Childebert à venir s'emparer de ce pays. Celui-ci se rendit sans retard en Auvergne. Il faisait ces jours-là un brouillard si épais qu'on ne pouvait discerner à la fois plus d'un demi arpent. Le roi disait : Je voudrais bien pouvoir reconnaître par mes yeux cette Limagne d'Auvergne qu'on dit si riante. Mais Dieu ne lui accorda pas cette grâce. Les portes de la ville étant fermées, en sorte qu'il ne trouvait aucune issue pour y entrer, Arcadius brisa la serrure de l'une de ces portes, et l'introduisit dans les murs : mais au moment où cela se passait, on apprit que Théodoric était revenu vivant de Thuringe.
10. De interitu Amalarici.
Quod certissime Childeberthus cognoscens, ab Arverno rediit et Hispaniam propter sororem suam Chlotchildem dirigit. Haec vero multas insidias ab Amalarico viro suo propter fidem catholicam patiebatur. Nam plerumque procedente illa ad sanctam eclesiam, stercora et diversos fetores super eam proieci imperabat, ad extremum autem tanta eam crudilitate dicitur caecidisse, ut infectum de proprio sanguine sudarium fratri transmitteret, unde ille maxime commotus, Hispanias appetivit. Amalaricus vero haec audiens, naves ad fugiendum parat. Porro inminente Childebertho, cum Amalaricus navem deberet ascendere, ei in mentem venit, multitudinem se praetiosorum lapidum in suo thesauro reliquisse. Cumque ad eosdem petendus in civitatem regrederetur, ab exercitu a porto exclusus est. Videns autem, se non posse evadere, ad eclesiam christianorum confugire coepit. Sed priusquam limina sancta contingerit, unus emissam manum lanciam eum mortali ictu sauciavit, ibique decidens reddedit spiritum. Tunc Childeberthus cum magnis thesauris sororem adsumptam secum adducere cupiebat, quae, nescio quo casu, in via mortua est, et postea Parisius adlata, iuxta patrem suum Chlodovechum sepulta est. Childeberthus vero inter reliquos thesauros ministeria eclesiarum praetiosissima detulit. Nam sexaginta calices, quindecim patenas, viginti euangeliorum capsas detulit, omnia ex auro puro ac gemmis praetiosis ornatas. Sed non est passus ea confringi. Cuncta enim eclesiis et basilicis sanctorum dispensavit ac tradidit.
Childebert ayant appris cette nouvelle avec certitude, quitta l'Auvergne, et se dirigea vers l'Espagne, à cause de sa soeur Clotilde. La fidélité de celle-ci à la religion catholique l'exposait à beaucoup d'embûches de la part de son mari Amalaric ; car plusieurs fois, comme elle se rendait à la sainte église, il avait ordonné qu'on jetât sur elle de l'ordure et d'autres puanteurs ; et l'on dit que sa cruauté contre elle se porta à de telles extrémités, qu'elle envoya à son frère un mouchoir teint de son propre sang ; en sorte que, vivement irrité, il se rendit en Espagne. Amalaric, apprenant son arrivée, prépara des vaisseaux pour s'enfuir. Childebert arrivait déjà, lorsqu'au moment de monter sur son vaisseau, Amalaric se rappela une grande quantité de pierres précieuses qu'il avait laissées dans son trésor : il retourna à la ville pour les chercher ; mais ensuite l'armée di, regagner le bort. Voyant qu'il ne pouvait s'échapper, il voulut se réfugier dans l'église des chrétiens ; mais, avant qu'il en eût pu atteindre le seuil sacré, un de ceux qui le poursuivaient poussa contre lui sa lance, et le frappa d'un coup mortel : il tomba sur le pieu même, et rendit l'esprit. Alors Childebert reprit sa' soeur avec de grands trésors, et il comptait la ramener ; mais elle mourut en route je ne sais comment, et fut portée à Paris, où on l'ensevelit près de son père Clovis. Childebert choisit dans ces trésors des choses très précieuses, et les consacra aux service de la sainte église ; car il avait apporté soixante calices, quinze patènes, et vingt coffres destinés à enfermer les Évangiles, le tout en or pur, et orné de pierres précieuses ; et il ne souffrit pas que ces choses fussent brisées, mais il les distribua entre les églises et les basiliques des Saints, et les consacra au service divin.
11. Quod Childeberthus Burgundias abiit.
Post haec Chlothacharius et Childeberthus Burgundia petere distinant. Convocatusque Theudoricus in solatio eorum, ire noluit. Franci vero, qui ad eum aspiciebant, dixerunt: 'Si cum fratribus tuis in Burgundiam ire dispexeris, te relinquimus et illos sequi satius praeoptamus'. At ille infidelis sibi exhistimans Arvernus, ait: 'Me sequimini, et ego vos inducam in patriam, ubi aurum et argentum accipiatis, quantum vestra potest desiderare cupiditas, de qua pecora, de qua mancipia, de qua vestimenta in abundantiam adsumatis. Tantum hos ne sequamini!' His promissionibus hi inlecti suam voluntatem facere repromittunt. Ille vero illuc transire disponit, promittens iterum atque iterum exercitu cuncta regionis praedam cum hominibus in suis regionibus transferre permittere. Chlothacharius vero et Childeberthus in Burgundiam dirigunt, Agustidunumque obsedentes, cunctam, fugato Godomaro, Burgundiam occupaverunt.
Ensuite de cela, Clotaire et Childebert firent le projet de marcher en Bourgogne ; Théodoric, qu'ils avaient appelé à leur secours, ne voulut pas y aller. Cependant les Francs qui marchaient avec lui lui dirent : Si tu ne veux pas aller en Bourgogne avec tes frères, nous te quitterons, et nous les suivrons à ta place. Mais lui, pensant que les gens d'Auvergne lui avaient manqué de foi, dit aux Francs : Suivez-moi en Auvergne, et je vous conduirai dans un pays où vous prendrez de l'or et de l'argent, autant que vous en pourrez désirer, d'oie vous enlèverez des troupeaux, des esclaves et des vêtements en abondance : seulement ne suivez pas ceux-ci. Séduits par ces promesses, ils s'engagèrent à faire ce qu'il voudrait. Il se prépara donc au départ, et promit, à plusieurs reprises, à ses hommes qu'il leur permettrait de ramener dans leur pays tout le butin et tous les prisonniers qu'ils feraient dans l'Auvergne. Cependant Clotaire et Childebert marchèrent en Bourgogne, assiégèrent Autun ; et, ayant mis en fuite Gondemar, occupèrent toute la Bourgogne.
12. De excidio regionibus Arvernae.
Theudoricus vero cum exercitu Arverno veniens, totam regionem devastat ac proterit. Interea Archadius sceleris illius auctor, cuius ignavia regio devastata est, Bituricas urbem petiit. Erat autem tunc temporis urbs illa in regno Childeberthi regis. Placidina vero, mater eius, et Alchima, soror patris eius, conpraehensae apud Cadurcum urbem, rebus ablatis, exsilio condemnatae sunt. Rex igitur Theudoricus ad urbem Arvernam usque accedens, in vici illius suburbana castra fixit. Beatus vero Quintianus his diebus erat episcopus. Interea exercitus cunctam circuit miseram regionem illam, cuncta delet, universa debellat. De quibus nonnulli ad basilicam sancti Iuliani perveniunt, confringunt ostia, seras removent resque pauperum, quae ibidem fuerant adgregatae, diripiunt et multa in hoc loco perpetrant mala. Verumtamen auctores scelerum ab spiritu inmundo correpti, infestis dentibus propriis se morsibus lacerant, clamantes atque dicentes: 'Cur nos, martyr sanctae, sic crucias?' - sicut in libro virtutum eius conscripsimus.
Théodoric étant entré en Auvergne avec son armée dévasta et ruina tout le pays. Arcadius, auteur du crime, et dont la lâcheté avait causé la dévastation de cette contrée, se réfugia dans la ville de Bourges, qui faisait alors partie du royaume de Childebert ; mais sa mère Placidine, et Alchime,' soeur de son père, ayant été prises, furent condamnées à l'exil, et on prit les biens qu'elles avaient dans la ville de Cahors. Le roi Théodoric étant donc arrivé à la cité d'Auvergne, établit son camp dans les bourgs environnants. Le bienheureux Quintien était en ces jours là évêque de la ville. Cependant l'armée parcourait toute cette malheureuse contrée, pillant et ravageant tout. Plusieurs des gens de guerre arrivèrent à la basilique de Saint-Julien, brisèrent les portes ; enlevèrent les serrures, pillèrent ce qu'on y avait rassemblé du bien des pauvres, et firent en ces lieux beaucoup de mal. Mais les auteurs de ces crimes, saisis de l'esprit immonde, se déchirèrent de leurs propres dents, poussant de grands cris et disant : Pourquoi, saint martyr, nous tourmentes-tu de cette manière ? C'est ainsi que nous l'avons écrit dans le livre des miracles de saint Julien.
13. De Lovolautro et Meroliacensae castro.
Lovolautrum autem castro hostis expugnant Proculumque presbiterum, qui quondam sanctum Quintiano iniuriam intulerat, ad altarium eclesiae miserabiliter interficiunt. Et credo, ob illius causa fuerit ipsum castrum in manibus traditum iniquorum, quid usque illa die defensatum est. Nam cum eum hostes expugnare non possent, ad propria iam redire disponerent, audientes haec obsessi, iam laeti atque securi decipiuntur, sicut ait apostolus: Cum dixerint: 'Pax et securitas' , tunc repentinus superveniet interitus. Denique per ipsius Proculi presbiteri servum iam securi populi traduntur in manus hostium. Cumque vastato castello ducerentur captivi, inmanis pluvia, quae per triginta dies fuerat abnegata, discendit. Tunc obsessi Meroliacensis castrio, ne captivi abducerentur, redemptione data, liberantur. Sed haec ignavia eorum effecit; caster enim propria natura monitus erat. Nam centenum aut eo amplius pedum ab exciso vallatur lapide, sine murorum structione, in medio autem ingens stagnum aquae liquore gratissimum, ab alia vero parte fontes uberrimi, ita ut per portam rivus defluat aquae vivae. Sed in tam grande spatio munitio ista distenditur, ut manentes infra murorum septa terram excolant frugesque in habundantiam collegant. Huius munitionis tutamine elati qui obsessi erant, egressi foras, ut, arreptum aliquid praedae, iterum se intra castelli septa reconderent, ab hostibus conpraehensi sunt. Erant autem quinquaginta viri. Tunc ante ora parentum, vinctis postergum manibus, oblati, inminente iam gladio, adquiverunt obsessi, ne hi interfecerentur, singulos treantes dare in redemptionem suam. Theudoricus autem ab Arverno discendens, Sigivaldum, parentem suum, in ea quasi pro custodia dereliquid. Erat ibi tunc temporis quidam Lytigius ex minoribus, qui magnas sancto Quintiano parabat insidias; et cum se sanctos episcopus pedibus eius prosterneret, numquam, ut se ei subderet, movebatur, ita ut quadam vice uxori quae sanctos ficerat, pro ridiculo indicaret. Quae melioris intellegentiae modo commota, ait: 'Si ita est hodie pessumdatus, numquam eregeris'. Die autem tertia advenientes nuntii de praesentia regis, vinctum cum uxore ac liberis pariter abduxerunt. Qui abiens, numquam Arverno regressus est.
Cependant les ennemis assiégèrent le château de Volorre et tuèrent misérablement devant l'autel de l'église le prêtre Procule, de qui saint Quintien avait eu à se plaindre ; et ce fut, je crois, à cause de lui que le château, qui s'était défendu jusqu'à ce jour, fut livré entre les mains de ces impies, car les ennemis ne pouvant l'emporter, se disposaient à retourner chez eux ; ce qu'ayant appris les assiégés furent pleins de joie ; mais ils furent trompés par leur sécurité, selon ces paroles de l'apôtre : Lorsqu'ils diront : nous voici en paix et en sûreté, ils se trouveront surpris tout d'un coup par une ruine imprévue ; et comme ils ne se tenaient plus sur leurs gardes, le serviteur de Procule les livra aux ennemis. Au moment où, après avoir dévasté le château, ils emmenaient les habitants captifs, il descendit du ciel une pluie abondante, refusée depuis trente jours. Le château de Merliac fut ensuite assiégé. Ceux qui l'habitaient se rachetèrent de la captivité par une rançon ; ce qui fut un effet de leur lâcheté, car le château était naturellement fortifié. Au lieu de murs, un rocher taillé l'entourait à la hauteur de plus de cent pieds ; au milieu se trouvait un étang d'eau très agréable à boire ; il y avait aussi des fontaines abondantes, et par une de ses portes coulait un ruisseau d'eau vive. Ses remparts renfermaient un si grand. espace que les habitants cultivaient des terres dans l'intérieur des murs, et en recueillaient beaucoup de fruits. Fiers de la protection de leurs remparts, les assiégés étaient sortis pour faire quelque butin, comptant se renfermer de nouveau élans les antes de leur forteresse. Ils furent pris par leurs ennemis au nombre de cinquante, et conduits sous les yeux de leurs parents, les mains liées derrière le dos et le glaive levé sur leur tête. Les assiégés consentirent, pour qu'on ne les mît pas à mort, à donner quatre onces d'or pour la rançon de chacun. Théodoric ayant quitté l'Auvergne, y laissa pour la garder son parent Sigewald. Il y avait en ce temps, parmi les hommes chargés d'appeler les Francs à la guerre, un certain Litigius qui tendait de grandes embûches à saint Quintien ; et lorsque le saint évêque se prosternait à ses pieds, loin d'accéder à ce qu'il lui demandait, il racontait à sa femme, en s'en raillant, ce qu'avait fait le saint. Mais celle-ci, animée d'un meilleur esprit, lui dit : De cette manière, le jour où tu seras abattu tu ne te relèveras plus. Il arriva le troisième jour des envoyés du roi qui l'emmenèrent lié avec sa femme et ses enfants, et depuis il ne revint jamais en Auvergne.
14. De interitu Munderici.
Mundericus igitur, qui se parentem regium adserebat, [multa] elatus superbia, ait: 'Quid mihi et Theudorico regi? Sic enim mihi solium regni debetur, ut ille. Egrediar et collegam populum meum atque exegam sacramentum ab eis, ut sciat Theudoricus, quia rex sum ego, sicut et ille'. Et egressus coepit seducere populum, dicens: 'Princeps ego sum. Sequimini me, et erit vobis bene'. Sequebatur autem eum rustica multitudo, ut plerumque fragilitati humanae convenit, dantes sacramentum fidelitatis et honorantes eum ut regem. Quod cum Theudoricus conperisset, mandatum mittit ad eum, dicens: 'Accede ad me, et si tibi aliqua de dominatione regni nostri portio debetur, accipe'. Dolosae enim haec Theudoricus dicebat, scilicet ut, cum ad eum venissit, interficeretur. Ille vero noluit, dicens: 'Ite; renuntiate rege vestro, quia rex sum sicut et ille'. Tunc rex commovere iussit exercitum, quo oppressus vi puneretur. Quod ille cognuscens et se non praevalens defensare, Victuriaci castri murus expetens cum rebus omnibus, in eo se studuet commonere, his secum quos seduxerat adgregatis. Igitur commotus exercitus castrum vallat ac per septem dies obsedit. Mundericus autem repugnabat cum suis, dicens: 'Stemus fortes et usque ad mortem pariter demicemus et non subdamur inimicis'. Cumque exercitus a circuitu incontra iacula transmitteret nec aliquid praevaleret, nuntiaverunt haec regi. At ille misit quendam de suis Aregisilum nomine dixitque ei: 'Vidis', inquid, 'quod praevaleat hic perfedus in contumacia sua; vade et redde ei sacramentum, ut securus egrediatur. Cum autem egressus fuerit, interfice eum et dele memoriam eius a regno nostro'. Qui abiens, fecit iuxta quod ei praeceptum fuerat. Dederat tamen prius signum populo, dicens: 'Cum ego haec et haec locutus fuero, statim inruentes interficite eum'. Ingressus autem Aregisilus, ait Munderico: 'Quousque hic resedis tamquam unus ex insipientibus? Numquid poteris diu regi resistere? Ecce ablatum tibi cibum! Cum te famis oppraesserit, ultro egredieris et traderis in manus inimicorum et morieris quasi unus ex canibus. Audi potius consilium meum et subde te regi, ut vivere possis tu et fili tui'. Tunc ille his mollitus sermonibus, ait: 'Si egredior, conpraehensus a regi interficior et ego et fili mei vel omnes amici, qui mecum sunt adgregati'. Cui Aregisilus ait: 'Noli timere, sed, si vis egredi, accipe sacramentum de hac culpa et sta securus coram regi. Ne timeas, sed eris cum eum, sicut prius fuisti'. Ad haec Mundericus respondit: 'Utinam securus sim, quod non interficiar!' Tunc Aregisilus, positis super altarium sanctum manibus, iuravit ei, ut securus egrederetur. Data igitur sacramenta, egredibatur Mundericus de porta castelli, tenens manum Aregisili, populus autem spectabat a longe aspiciens eum. Tunc pro signo ait Aregisilus: 'Quid aspicitis tam intenti, o populi? An numquid non vidistis prius Mundericum?' Et statim inruit populus in eum. At ille intellegens, ait: 'Evidentissime cognusco, quod feceris per hoc verbum signum populis ad me interficiendum; verumtamen dico tibi, quia periuriis me decipisti, te vivum ultra nullus aspiciet'. Et emissa lancea in scapulis eius, perfodit eum, ceciditque et mortuus est. Evaginatumque deinceps Mundericus gladium, cum suis magnam stragem de populo illo fecit, et usquequo spiritum exalavit, interficere quemcumque adsequi potuisset non distitit. Quo interfecto, res eius fisco conlatae sunt.
Munderic, qui se prétendait parent du roi, enflé d'orgueil, dit : Pourquoi Théodoric est-il mon roi ? Le gouvernement de ce pays m'appartient comme à lui ; j'irai, j'assemblerai mon peuple et lui ferai prêter serment, afin que Théodoric sache que je suis roi tout comme lui. Et étant sorti en public, il commença à séduire le peuple en disant : Je suis prince, suivez-moi, et vous vous en trouverez bien. La multitude du peuple des campagnes le suivit donc, en sorte que, par un effet de l'inconstance humaine, il en réunit un grand nombre qui lui prêtèrent serment de fidélité et l'honorèrent comme un roi. Théodoric l'ayant appris, lui envoya un ordre portant : Viens à moi, et, s'il t'est dû quelques portions des terres de notre royaume, elles te seront données. Théodoric disait cela pour le tromper, afin de le faire venir à lui et de le tuer ; mais lui ne voulut pas y aller, et dit : Reportez à votre roi que je suis roi aussi bien que lui. Alors le roi, en colère, ordonna de faire marcher une armée afin de le punir lorsqu'il l'aurait vaincu par la force. Munderic, en ayant été instruit, et n'étant pas en état de se défendre, se réfugia dans les murs du château de Vitry où il travailla à se fortifier, y renfermant tout ce qu'il possédait et tous ceux qu'il avait séduits. L'armée qui marchait contre lui entoura le château et l'assiégea pendant sept jours. Munderic la repoussait à la tête des siens et disait : Tenons-nous fermes et combattons jusqu'à la mort, et les ennemis ne nous vaincront pas. L'ennemi tout à l'entour lançait des traits contre les murs, mais cela ne servait à rien : on le fit savoir au roi, qui envoya un des siens, nommé Arégésile, et lui dit : Tu vois que ce perfide réussit dans sa révolte ; va, et engage-le sous serment à sortir sans crainte, et, lorsqu'il sera sorti, tue-le, et efface son souvenir de notre royaume. Celui-ci y étant allé fit ce qu'on lui avait ordonné ; mais il convint d'abord, d'un signal avec ses gens, et leur dit : Lorsque je dirai telles et telles choses, jetez-vous aussitôt sur lui et le tuez. Arégésile étant donc entré, dit à Munderic : Jusques à quand demeureras-tu ici comme un insensé ? Tu ne peux longtemps résister au roi ; voilà que tes provisions finies, vaincu par la faim, tu sortiras, te livreras entre les mains de tes ennemis et mourras comme un chien. Écoute plutôt mes conseils, et soumets-toi au roi, afin que tu vives, toi et tes fils. " Ébranlé par ce discours, Munderic dit : Si je sors, je serai pris par le roi, et il me tuera, moi et mes fils, et tous les amis qui sont ici réunis avec moi. A quoi Arégésile répondit : Ne crains rien ; car, si tu veux sortir, reçois-en mon serment, il ne te sera rien fait, et tu viendras sans danger en présence du roi. Tu n'as donc rien à redouter, et tu seras près de lui ce que tu étais auparavant. A quoi Munderic repartit : Plût à Dieu que je fusse sûr de n'être pas tué ! Alors Arégésile, les mains posées sur les saints autels, lui jura qu'il pouvait sortir sans crainte. Après avoir reçu ce serment, Munderic sortit d'abord du château tenant par la main Arégésile ; les gens d'Arégésile les regardaient en les voyant venir de loin. Alors Arégésile, selon le signal dont il était convenu, dit : Que regardez-vous donc avec tant d'attention, ô hommes ! N'avez-vous jamais vu Munderic ? Et aussitôt ils se précipitèrent sur lui. Mais lui, comprenant la vérité, dit : Je vois clairement par ces paroles que tu as donné à tes gens le signal de ma mort, mais, je te le dis, puisque tu m'as trompé par un parjure, personne ne te verra plus en vie ; et, d'un coup de sa lance dans le dos, il le transperça. Arégésile tomba et mourut. Ensuite Munderic, à la tête des siens, tira l'épée et fit un grand carnage du peuple, et, jusqu'à ce qu'il rendit l'esprit, il ne s'arrêta point de tuer tout ce qu'il pouvait atteindre. Lorsqu'il fût mort, on réunit ses biens au fisc du roi.
15. De captivitate Attali.
Theudoricus vero et Childiberthus foedus inierunt, et dato sibi sacramento, ut nullus contra alium moveretur, obsedes ab invicem acciperunt, quo facilius firmarentur, quae fuerant dicta. Multi tunc fili senatorum in hac obsidione dati sunt, sed orto iterum inter reges scandalum, ad servicium publicum sunt addicti; et quicumque eos ad costodiendum accepit, servus sibi ex his fecit. Multi tamen ex eis per fugam lapsi, in patriam redierunt, nonnulli in servitio sunt retenti. Inter quos Attalus, nepus beati Gregori Lingonici episcopi, ad publicum servitium mancipatus est custusque equorum distinatus. Erat enim intra Treverici termini territurio cuidam barbaro serviens. Denique beatus Gregorius ad inquirendum eum pueros distinavit, qui inventum, obtulerunt homini munera, sed respuit ea, dicens: 'Hic tali generatione decem auri libras redimi debet'. Quibus redeuntibus, Leo quidam ex cocina domini sui ait: 'Utinam me permitteris, et forsitan ego poteram eum reducere de captivitate'. Gaviso autem domino, directus venit ad locum voluitque puerum clam abstrahere, sed non potuit. Tunc locatum secum hominem quendam, ait: 'Veni mecum et venunda me in domo barbari illius, sitque tibi lucrum praetium meum, tantum liberiorem aditum habeam faciendi id quod decrevi'. Accepta vero sacramenta, homo ille abiit, et vinditum duodecim aureis, discessit. Sciscitatus autem emptor rudi famulo, quid opere sciret, respondit: 'In omnibus, quae mandi debent in mensis dominorum, valde scitus sum operari, nec metuo, quod repperire possit similis mei in hac scientia. Verum enim dico tibi, quia, etiam si regi epulum cupias praeparare, fercula regalia conponere possum, ne quisquam a me melius'. Et ille: 'Ecce enim dies solis adest' - sic enim barbaries vocitare diem dominecum consueta est -, 'in hac die vicini atque parentes mei invitabuntur in domo mea. Rogo, ut facias mihi prandium, quod admirentur, et dicant, quia in domo regis melius non aspeximus'. Et ille: 'Iubeat', inquid, 'dominus meus congregari pullorum gallinatiorum multitudinem, et faciam quae praecipis'. Praeparatis ergo quae dixerat puer, inluxit dominica dies, fecitque aepulum magnum diliciisque refertum. Aepulantibus autem omnibus et laudantibus prandium, parentes illius discesserunt. Dominus enim dedit gratiam puero huic, et accepit potestatem super omnia quae habebat dominus suus in prumptu, diligebatque eum valde, et omnibus qui cum eo erant ipse dispensabat cibaria et pulmenta. Post anni vero curriculum, cum iam securus esset dominus illius de eo, abiit in pratum, qui erat domi proximus, cum Attalo puero, custode equorum; et decubans in terram cum eo a longe, aversis dorsis, ut non cognuscerentur, quod loquerentur simul, dicit puero: 'Tempus est enim, ut iam cogitare de patria debeamus. Ideoque moneo te, ut hac nocte, cum equos ad claudendum adduxeris, sopore non depraemaris, sed, cum primum te vocitavero, adsis et ambulemus'. Vocaverat enim barbarus ille multos parentum suorum ad aepulum, inter quos erat et gener eius, qui acceperat filiam illius. Media autem nocte a convivio surgentibus et quieti datis, prosecutus est Leo generum domini sui cum potu, porregensque ei bibere, in metatum eius. Ait ad eum homo: 'Dic tu, o creditor soceri mei, sic valeas, quando enim voluntatem adhibibis, ut, adsumptis equitibus eius, eas in patriam tuam?' Hoc quasi ioco delectans dixit. Similiter et ille ioculariter respondens viritatem, ait: 'Hac nocte delibero, si Dei voluntas fuerit'. Et ille: 'Utinam', inquid, 'costodiant me famuli mei, ne aliquid de rebus meis adsumas!' Et ridentes discesserunt. Dormientibus autem cunctis, vocavit Leo Attalum, stratisque equitibus, interrogat, si haberet gladium. Respondit: 'Non est mihi nisi tantum lancea parvula'. At ille ingressus mansionem domini sui, adpraehendit scutum eius ac frameam. Quo interrogante, quis esset aut quid sibi vellit, respondit: 'Ego sum Leo servus tuus, et suscito Attalo, ut surgat velocius et deducat equos ad pastum; detenitur enim sopore quasi ebrius'. Qui ait: 'Fac ut libet'. Et haec dicens, obdormivit. Ille vero egressus foris, monivit puerum arma, invenitque ianuas atrii divinitua reseratas, quas in initio noctis cum cuneis malleo percussis obseraverat pro custodia caballorum; et gratias agens Deo, sumptis reliquis equitibus secum, discesserunt, unum etiam volucrum cum vestimentis tollentes. Venientes autem ad Musellam fluvium, ut transirent, cum detenerentur a quibusdam, relictis equitibus et vestimentis, enatantes super parma positi amnem, in ulteriorem egressi sunt ripam, et inter obscura noctis ingressi silvas, latuerunt. Tertia enim nox advenerat, quod nullum cibum gustantes iter terebant. Tunc nutu Dei repertam arborem plenam pomis, qua vulgo pruna vocant, comedunt, et parumper sustentati, ingressi sunt iter Campaniae. Quibus pergentibus, audiunt pedibulum equitum currentium dixeruntque: 'Prosternamus terrae, ne appareamus hominibus venientibus'. Et ecce! ex inproviso sterps rubi magnus adfuit, post quem transeuntes proiecerunt se terrae cum evaginatis gladiis, scilicet ut, si adverterentur, confestim se quasi ab inprobis framea defensarent. Verumtamen cum venissent in loco illo, coram sterpe spineo restiterunt; dixitque unus, dum equi urinam proiecerent: 'Vae mihi, quia fugiunt hi detestabiles nec repperiri possunt; verum dico per salutem meam, quia, si invenirentur, unum patibulum condemnari et alium gladiorum ictibus in frustra discerpi iubebam'. Erat enim barbarus ille, qui haec agebat, dominus eorum de Remense urbe veniens, hos inquirens, et repperisset utique in via, si nox obstaculum non praebuisset. Tunc, motis equitibus, discesserunt. Hi autem nocte ipsa adtigerunt ad urbem, ingressique invenerunt hominem, quem sciscitati, ubinam esset domus Paulelli presbiteri, indicavit eis. Qui dum per plateam praeterirent, signum ad matutinus motum est - erat enim dies dominica -, pulsantesque ianuam presbiteri, ingressi sunt, exposuitque puer de domino suo. Cui ait presbiter: 'Vera est enim visio mea. Nam videbam duas in hac nocte columbas advolare et consedere in manu mea, ex quibus una alba, alia autem nigra erat'. Dixitque puer presbitero: 'Indulgeat Dominus pro die sua sancta. Nam nos rogamus, ut aliquid victu praebeas; quarta enim inluciscit dies, quod nihil panis pulmentique gustavimus'. Occultatis autem pueris, praebuit eis infusum cum vino et panem et abiit ad matutinus. Secutusque est et barbarus, iterum inquirens puerus; sed inlusus a presbitero, regressus est. Presbiter enim amicitiam cum beato Gregorio antiquam habebat. Tunc resumptis pueri epulo viribus, per duos dies in domo presbiteri conmorantes, abscesserunt, et sic usque ad sanctum Gregorium perlati sunt. Gavisus autem pontifex visis pueris, flevit super collum Attali, nepotis sui; Leonem autem a iugo servitutis absolvens cum omni generatione sua, dedit ei terram propriam, in qua cum uxore ac liberis liber vixit omnibus diebus vitae suae.
Cependant Théodoric et Childebert firent alliance, et, s'étant prêté serment de ne point marcher l'un contre l'autre, ils se donnèrent mutuellement des otages pour confirmer leurs promesses. Parmi ces otages il se trouva beaucoup de fils de sénateurs ; mais, de nouvelles discordes s'étant élevées entre les rois, ils furent dévoués aux travaux publics, et tous ceux qui les avaient en garde en firent leurs serviteurs ; un bon nombre cependant s'échappèrent par la fuite et retournèrent dans leur pays ; quelques-uns demeurèrent en esclavage. Parmi ceux-ci, Attale, neveu du bienheureux Grégoire, évêque de Langres, avait été employé au service public et destiné à garder les chevaux ; il servait un barbare qui habitait le territoire de Trèves. Le bienheureux Grégoire envoya des serviteurs à sa recherche, et, lorsqu'on l'eut trouvé, on apporta à cet homme des présents ; mais il les refusa en disant : De la race dont il est, il me faut dix livres d'or pour sa rançon. Lorsque les serviteurs furent revenus, Léon, attaché à la cuisine de l'évêque, lui dit : Si tu veux le permettre, peut-être pourrai-je le tirer de sa captivité. Son maître fut joyeux de ces paroles, et Léon se rendit au lieu qu'on lui avait indiqué. Il voulut enlever secrètement le jeune homme, mais il ne put y parvenir. Alors, menant avec lui un autre homme , il lui dit : Viens avec moi, vends moi à ce barbare, et le prix de ma vente sera pour toi ; tout ce que je veux, c'est d'être plus en liberté de faire ce que j'ai résolu. Le marché fait, l'homme alla avec lui, et s'en retourna après l'avoir vendu douze pièces d'or. Le maître de Léon, ayant demandé à son serviteur ce qu'il savait faire, celui-ci répondit : Je suis très habile à faire tout ce qui doit se manger à la table de mes maîtres, et je ne crains pas qu'on en puisse trouver un autre égal à moi dans cette science. Je te le dit en vérité ; quand tu voudrais donner un festin au roi, je suis en état de composer des mets royaux, et personne ne les saurait mieux faire que moi. Et le maître lui dit : Voilà le jour du soleil qui approche (car c'est ainsi que les Barbares ont coutume d'appeler le jour du Seigneur) ce jour-là mes voisins et mes parents sont invités à ma maison ; je te prie de me faire un repas qui excite leur admiration et duquel ils disent : Nous n'aurions pas attendu mieux dans la maison du roi. Et lui dit : Que mon maître ordonne qu'on me rassemble une grande quantité de volailles, et je ferai ce que tu me commandes. On prépara ce qu'avait demandé Léon. Le jour du Seigneur vint à luire, et il fit lui grand repas plein de choses délicieuses. Tous mangèrent, tous louèrent le festin ; les parents ensuite s'en allèrent ; le maître remercia son serviteur, et celui-ci eut autorité sur tout ce que possédait son maître. Il avait grand soin de lui plaire, et distribuait à tous ceux qui étaient avec lui leur nourriture et les viandes préparées. Après l'espace d'un an, son maître ayant en lui une entière confiance, il se rendit dans la prairie, située proche de la maison, où Attale était à garder les chevaux, et, se couchant à terre loin de lui et le dos tourné de son côté, afin qu'on ne s'aperçût pas qu'ils parlaient ensemble, il dit au jeune homme : Il est temps que nous songions à retourner dans notre patrie ; je t'avertis donc, lorsque cette nuit tu auras ramené les chevaux dans l'enclos, de ne pas te laisser, aller au sommeil, mais, dès que je t'appellerai, de venir, et nous nous mettrons en marche. Le barbare avait invité ce soir-là à un festin beaucoup de ses pareils, au nombre desquels était son gendre qui avait épousé sa fille. Au milieu de la nuit, comme ils eurent quitté la table et se furent livrés au repos, Léon porta un breuvage au gendre de son maître, et lui présenta à boire ce qu'il avait versé ; l'autre lui parla ainsi : Dis-moi donc, toi, l'homme de confiance de mon beau-père, quand te viendra l'envie de prendre ses chevaux et de t'en retourner dans ton pays ? ce qu'il lui disait par jeu et en s'amusant ; et lui, de même en riant, lui dit avec vérité : C'est mon projet pour cette nuit, s'il plaît à Dieu. Et l'autre dit: Il faut que mes serviteurs aient soin de me bien garder, afin que tu ne m'emportes rien. Et ils se quittèrent en riant. Tout le monde étant endormi, Léon appela Attale, et, les chevaux sellés, il lui demanda s'il avait des armes. Attale répondit : Non, je n'en ai pas, si ce n'est une petite lance. Léon entra dans la demeure de son maître et lui prit son bouclier et sa framée. Celui-ci demanda qui c'était et ce qu'on lui voulait. Léon répondit : C'est Léon ton serviteur, et je presse Attale de se lever en diligence et de conduire les chevaux au pâturage, car il est là endormi comme un ivrogne. L'autre lui dit : Fais ce qui te plaira ; et, en disant cela, il s'endormit. Léon étant ressorti munit d'armes le jeune homme, et, par la grâce de Dieu, trouva ouverte la porte d'entrée qu'il avait fermée au commencement de la nuit avec des clous enfoncés à coups de marteau pour la sûreté des chevaux ; et, rendant grâces au Seigneur, ils prirent d'autres chevaux et s'en allèrent, déguisant aussi leurs vêtements. Mais lorsqu'ils furent arrivés à la Moselle, en la traversant, ils trouvèrent des hommes qui les arrêtèrent ; et, ayant laissé leurs chevaux et leurs vêtements, ils passèrent l'eau sur des planches et arrivèrent à l'autre rive, et, dans l'obscurité de la nuit, ils entrèrent dans la forêt où ils se cachèrent. La troisième nuit était arrivée depuis qu'ils voyageaient sans avoir goûté la moindre nourriture ; alors, par la permission de Dieu, ils trouvèrent un arbre couvert du fruit vulgairement appelé prunes, et ils les mangèrent. S'étant un peu soutenus par ce moyen, ils continuèrent leur route et entrèrent en Champagne. Comme ils y voyageaient, ils entendirent le trépignement de chevaux qui arrivaient en courant, et dirent : Couchons-nous à terre, afin que les gens qui viennent ne nous aperçoivent pas. Et voilà que tout à coup ils virent un grand buisson de ronces, et passant auprès ils se jetèrent à terre, leurs épées nues, afin que, s'ils étaient attaqués, ils pussent se défendre avec leur framée, comme contre des voleurs. Lorsque ceux qu'ils avaient entendus arrivèrent auprès de ce buisson d'épines, ils s'arrêtèrent, et l'un des deux, pendant que leurs chevaux lâchaient leur urine, dit : Malheur à moi, de ce que ces misérables se sont enfuis sans que je puisse les retrouver ; mais je le dis, par mon salut, si nous les trouvons, l'un sera condamné au gibet, et je ferai hacher l'autre en pièces à coups d'épée. C'était leur maître, le barbare, qui parlait ainsi ; il venait de la ville de Reims, où il avait été à leur recherche, et il les aurait trouvés en route si la nuit ne l'en eût empêché. Les chevaux se mirent en route et repartirent. Cette même nuit les deux autres arrivèrent à la ville, et y étant entrés, trouvèrent un homme auquel ils demandèrent la maison du prêtre Paulelle. Il la leur indiqua ; et comme ils traversent la place, on sonna Matines, car c'était le jour du Seigneur. Ils frappèrent à la porte du prêtre et entrèrent. Léon lui dit le nom de son maître. Alors le prêtre lui dit : Ma vision s'est vérifiée, car j'ai vu cette nuit deux colombes qui sont venues en volant se poser sur ma main : l'une des deux était blanche et l'autre noire. Ils dirent au prêtre : Il faut que Dieu nous pardonne ; malgré la solennité du jour, nous vous prions de nous donner quelque nourriture, car voilà la quatrième fois que le soleil se lève depuis que nous n'avons goûté ni pain ni rien de cuit. Ayant caché les deux jeunes gens, il leur donna du pain trempé dans du vin, et alla à Matines. Il y fut suivi par le barbare qui revenait cherchant ses esclaves ; mais, trompé par le prêtre, il s'en retourna, car le prêtre était depuis longtemps lié d'amitié avec le bienheureux Grégoire. Les jeunes gens ayant repris leurs forces en mangeant, demeurèrent deux jours dans la maison du prêtre, puis s'en allèrent ; ils arrivèrent ainsi chez saint Grégoire. Le pontife, réjoui en voyant ces jeunes gens, pleura sur le cou de son neveu Attale. Il délivra Léon et toute sa race du joug de la servitude, lui donna des terres en propre, dans lesquelles il vécut libre le reste de ses jours avec, sa femme et ses enfants.
16. De Sigivaldo.
Sigivaldus autem cum in Arverno habitaret, multa mala in ea faciebat. Nam et res diversorum pervadebat, et servi eius non desistebant a furtis, homicidiis ac superventis diversisque sceleribus, nec ullus muttiri ausus erat coram eis. Unde factum est, ut ipse villam Bulgiatensim, quam quondam benedictus Tetradius episcopus basilicae sancti Iuliam reliquerat, temerario auso pervaderet. Sed cum ingressus in domo illa fuisset, statim amens effectus, lecto decubuit. Tunc mulier admonita per sacerdotem, elevatum in basterna ut in aliam villam transtulit, sanum recipit. Et accedens, exposuit ei omnia, quae pertulerat. Quod ille audiens, vota beato martiri vovens, quae vi abstulerat duplicata restituit. Meminimus et huius virtutis in libro Miraculorum sancti Iuliani.
Sigewald, qui habitait l'Auvergne, y faisait beaucoup de mal, car il envahissait les biens de plusieurs ; et ses serviteurs ne s'épargnaient pas le vol, l'homicide, et divers crimes qu'ils commettaient par surprise et personne n'osait murmurer contre eux. Il arriva que, par une audace téméraire, il s'empara du domaine de Bolgiac, que le béni Tétradius, évêque, avait laissé à la basilique de Saint-Julien. Aussitôt qu'il fut entré dans la maison, il perdit la raison, et se mit au lit. Alors, par le conseil du prêtre, sa femme le plaça dans un chariot, pour le transporter dans une autre demeure, où il reprit la santé ; et, arrivant à lui, elle lui raconta ce qui s'était passé ; ce qu'ayant entendu, il fit un' voeu au saint martyr de rendre le double de ce qu'il avait pris. J'ai rapporté cet événement dans le livre des miracles de saint Julien.
17. De episcopis Turonicis.
Igitur Dinifio episcopo apud Toronus dicedente, Ommatius tribus annis praefuit. Hic enim ex iusso Chlodomeris regis, cui supra meminimus, ordinatus est. Illo quoque migrante, Leo septem mensibus ministravit. Hic fuit vir strinuus atque utilis in fabrica operis lignarii. Quo defuncto, Theodorus et Proculus episcopi, qui de partibus Burgundiae advenerant, ordinante Chrodigilde regine, tribus annis Toronicam rexerunt eclesiam. Quibus defunctis, Francilio ex senatoribus substituitur. Anno igitur tertio episcopatus sui, cum dominici natalis nox alma populis effulsisset, idem pontifex, priusquam ad vigilias discenderet, iussit sibi poculum ministrari. Adveniens autem puer, sine mora porrexit. Quo hausto, mox spiritum fudit. Unde indubitatum est, veneno eum fuisse negatum. Quo decedente, Iniuriosus unus e civibus quintus decimus post beatum Martinum cathedram pontificalem sortitus est.
Denis, évêque de Tours, étant mort, Ommatius gouverna l'église pendant trois années : il avait été nommé par l'ordre du roi Clodomir, dont nous avons parlé ci-dessus. Lorsqu'il passa de cette vie à l'autre, Léon administra pendant sept mois. C'était un homme très adroit, et habile dans la fabrique des ouvrages de charpente. Après sa mort, les évêques Théodore et Procule, venus de Bourgogne, et nominés par la reine Clotilde, gouvernèrent trois ans l'église de Tours. Eux morts, ils furent remplacés par Francille, sénateur. La troisième année de son épiscopat, tandis que les peuples célébraient la brillante nuit de Noël, le pontife, avant de descendre pour dire Vigile, demanda à boire : un serviteur vint, et lui apporta aussitôt la boisson. Dès qu'il eut bu, il rendit l'esprit ; d'où l'on a soupçonné qu'il avait été tué par le poison. Après sa mort, Injuriosus, citoyen de la ville, fut élevé à la chaire pontificale : ce fut le quinzième évêque après saint Martin.
18. De interitu filiorum Chlodemeris.
Dum autem Chrodigildis regina Parisius moraretur, videns Childeberthus, quod mater sua filius Chlodomeris, quos supra memoravimus, unico affectu diligeret, invidia ductus ac metuens, ne favente regine admitterentur in regno, misit clam ad fratrem suum Chlothacharium regem, dicens: 'Mater nostra filius fratris nostri secum retinet et vult eos regno donari; debes velociter adesse Parisius, et habito communi consilio, pertractare oportet, quid de his fieri debeat, utrum incisa caesariae ut reliqua plebs habeantur, an certe his interfectis regnum germani nostri inter nosmet ipsus aequalitate habita dividatur'. De quibus ille verbis valde gavisus, Parisius venit. Iactaverat enim Childebertus verbum in populo, ob hoc hos coniungi regis, quasi parvolus illos elevaturus in regno. Coniuncti autem miserunt ad reginam, quae tunc in ipsa urbe morabatur, dicentes: 'Dirige parvolus ad nos, ut sublimentur in regno'. Ad illa gavisa, nesciens dolum illorum, dato pueris esu putuque, direxit eos, dicens: 'Non me puto amisisse filium, si vos videam in eius regno substitui' . Qui abeuntes, adpraehensi sunt statim, ac separati a pueris et nutritoribus suis, costodiebantur utrique, seursum pueri et seursum hi parvoli. Tunc Childeberthus atque Chlothacharius miserunt Archadium, cui supra meminimus, ad reginam cum forcipe evaginatoque gladio. Qui veniens, ostendit reginae utraque, dicens: 'Voluntatem tuam, o gloriosissima regina, fili tui domini nostri expetunt, quid de pueris agendum censeas, utrum incisis crinibus eos vivere iubeas, an utrumque iugulare'. At illa exterrita nuntio et nimium felle commota, praecipue cum gladium cerneret evaginatum ac forcipem, amaritudinem praeventa, ignorans in ipso dolore quid diceret, ait simpliciter: 'Satius mihi enim est, si ad regnum non ereguntur, mortuos eos videre quam tonsus'. At ille parum admirans dolorem eius, nec scrutans, quid deinceps plenius pertractaret, venit celeriter, nuntians ac dicens: 'Favente regina opus coeptum perficite; ipsa enim vult explere consilium vestrum'. Nec mora, adpraehensum Chlothacharius puerum seniorem brachium elesit in terra, defixumque cultrum in ascella, crudiliter interfecit. Quo vociferante, frater eius ad pedes Childeberthi prosternitur, adpraehensaque eius genua, agebat cum lacrimis: 'Succurre, piissime pater, ne et ego peream sicut frater meus'. Tunc Childeberthus, lacrimis respersa facie, ait: 'Rogo, dulcissime frater, ut huius mihi vitam tua largitate concedas, et quae iusseris pro eius animam conferam, tantum ne interficiatur'. At ille convitiis actum ait: 'Aut eiece eum a te, aut certe pro eo morieris. Tu', inquid, 'es incestatur huius causae, et tam velociter de fide risillis?' Haec ille audiens, repulsum a se puerum proiecit ad eum; ipse vero excipiens, transfixum cultro in latere, sicut fratrem prius fecerat, iugulavit; deinde pueros cum nutriciis peremerunt. Quibus interfectis, Chlothacharius, ascensis equitibus, abscessit, parvi pendens de interfectione nepotum; sed et Childeberthus in suburbana concessit. Regina vero, conpositis corpusculis feretro, cum magno sallentio inmensoque luctu usque ad basilicam sancti Petri prosecuta, utrumque pariter tumulavit. Quorum unus decim annorum, alius vero septuennis erat. Tertium vero Chlodovaldum conpraehendere non potuerunt, quia per auxilium virorum fortium liberatus est. His, postpositum regnum terrenum, ad Dominum transiit, et sibi manu propria capillos incidens, clericus factus est, bonisque operibus insistens, presbiter ab hoc mundo migravit. Hi quoque regnum Chlodomeris inter se aequa lance diviserunt. Chrodigildis vero regina talem se tantamque exhibuit, ut ab omnibus honoraretur; assidua in elymosinis, pernox in vigiliis, in castitate atque omni honestate puram se semper exhibuit; praedia eclesiis, monastyriis vel quibuscumque locis sanctis necessaria praevidit, larga ac prona voluntate distribuit, ut putaretur eo tempore non regina, sed propria Dei ancilla ipsi sedolo deservire, quam non regnum filiorum, non ambitio saeculi nec facultas extulit ad ruinam, sed humilitas evexit ad gratiam.
Tandis que la reine Clotilde habitait Paris, Childebert, voyant que sa mère avait porté toute son affection sur les fils de Clodomir, dont nous avons parlé plus haut, conçut de l'envie ; et, craignant que, par la faveur de la reine, ils n'eussent part au royaume, il envoya secrètement. vers son frère le roi Clotaire, et lui fit dire : Notre mère garde avec elle les fils de notre frère, et veut leur donner le royaume ; il faut que tu viennes promptement à Paris , et que, réunis tous deux en conseil , nous déterminions ce que noms devons faire d'eux, savoir si on leur coupera les cheveux, comme au reste du peuple, ou si, les ayant tués , nous partagerons également entre nous le royaume de notre frère. Fort réjoui de ces paroles, Clotaire vint à Paris. Childebert avait déjà répandu dans le peuple que les deux rois étaient d'accord d'élever ces enfants au trône : ils envoyèrent donc, au nom de tous deux, à la reine qui demeurait dans la même ville, et lui dirent : Envoie-nous les enfants, que nous les élevions au trône. Elle, remplie de joie, et ne sachant pas leur artifice, après avoir fait boire et manger les enfants, les envoya, en disant : Je croirai n'avoir pas perdu mon fils, si je vous vois succéder à son royaume. Les enfants, étant allés, furent pris aussitôt, et séparés de leurs serviteurs et de leurs gouverneurs ; et on les enferma à part, d'un côté les serviteurs, et de l'autre les enfants. Alors Childebert et Clotaire envoyèrent à la reine Arcadius, dont nous avons déjà parlé, portant des ciseaux et une épée nue. Quand il fut arrivé près de la reine, il les lui montra, disant : Tes fils nos seigneurs, ô très glorieuse reine, attendent que tu leur fasses savoir ta volonté sur la manière dont il faut traiter ces enfants ; ordonne qu'ils vivent les cheveux coupés, ou qu'ils soient égorgés. Consternée à ce message, et en même temps émue d'une grande colère, en voyant cette épée nue et ces ciseaux, elle se laissa transporter par son indignation, et, ne sachant, dans sa douleur, ce qu'elle disait , elle répondit imprudemment : Si on ne les élève pas sur le trône, j'aime mieux les voir morts que tondus. Mais Arcadius, s'inquiétant peu de sa douleur, et ne cherchant pas à pénétrer ce qu'elle penserait ensuite plus réellement, revint en diligence près de ceux qui l'avaient envoyé, et leur dit : Vous pouvez continuer avec l'approbation de la reine ce que vous avez commencé, car elle veut que vous accomplissiez votre projet. Aussitôt Clotaire, prenant par le bras l'aîné des enfants, le jeta à terre, et, lui enfonçant son couteau dans l'aisselle, le tua cruellement. A ses cris, son frère se prosterna aux pieds de Childebert, et, lui saisissant les genoux, lui disait avec larmes : Secours-moi, mon très bon père, afin que je ne meure pas comme mon fière. Alors Childebert, le visage couvert de larmes, lui dit : Je te prie, mon très cher frère, aie la générosité de m'accorder sa vie ; et, si tu veux ne pas le tuer, je te donnerai, pour le racheter, ce que tu voudras. Mais Clotaire, après l'avoir accablé d'injures, lui dit : Repousse-le loin de toi, ou tu mourras certainement à sa place ; c'est toi qui m'as excité à cette affaire, et tu es si prompt à reprendre ta foi ! Childebert, à ces paroles, repoussa l'enfant, et le jeta à Clotaire, qui, le recevant, lui enfonça son couteau dans le côté, et le tua, comme il avait fait à son frère. Ils tuèrent ensuite les serviteurs et les gouverneurs ; et après qu'ils furent morts, Clotaire, montant à cheval, s'en alla, sans se troubler aucunement du meurtre de ses neveux, et se rendit, avec Childebert, dans les faubourgs. La reine, ayant fait poser ces petits corps sur un brancard, les conduisit, avec beaucoup de chants pieux et une immense douleur, à l'église de Saint-Pierre, où on les enterra tous deux de la même manière. L'un des deux avait dix ans, et l'autre sept. Ils ne purent prendre le troisième, Clodoald, qui fut sauvé par le secours de braves guerriers ; dédaignant un royaume terrestre, il se consacra à Dieu , et, s'étant coupé les cheveux de sa propre main, il fut fait clerc. Il persista dans les bonnes oeuvres, et mourut prêtre. Les deux rois partagèrent entre eux également le royaume de Clodomir. La reine Clotilde déploya tant et de si grandes vertus qu'elle se fit honorer de tous. On la vit toujours assidue à l'aumône, traverser les nuits de ses veilles, et demeurer pure par sa chasteté et sa fidélité à toutes les choses honnêtes ; elle pourvut les domaines des églises, les monastères et tous les lieux saints de ce qui leur était nécessaire, distribuant ses largesses avec générosité, en sorte que dans le temps, on ne la considérait pas comme une reine, mais comme une servante spéciale du Seigneur, dévouée à son assidu service. Ni la royauté de ses fils, ni l'ambition du siècle, ni le pouvoir, ne l'entraînèrent à sa ruine, mais son humilité la conduisit à la grâce.
19. De sancto Gregorio et situm Divioninsis castri.
Erat enim tunc et beatus Gregorius apud urbem Lingonicam magnus Dei sacerdus, signis et virtutibus clarus. Sed quia huius pontificis meminimus, gratum arbitratus sum, ut situm loci Divionensis, in quo maxime erat assiduus, huic inseram lectione. Est autem castrum firmissimis muris in media planitiae et satis iocunda conpositum, terras valde fertiles atque fecundas, ita ut, arvis semel scissis vomere, semina iaceantur, et magna fructuum opulentia subsequatur. A meridie habet Oscarum fluvium piscibus valde praedivitem, ab aquilone vero alius fluviolus venit, qui per portam ingrediens ac sub pontem decurrens, per aliam rursum portam egreditur, totum monitionis locum placida unda circumfluens, ante portam autem molinas mira velocitate divertit. Quattuor portae a quattuor plagis mundi sunt positae, totumque aedificium triginta tres torres exornant, murus vero illius de quadris lapidibus usque in viginti pedes desuper a minuto lapide aedificatum habetur, habens in altum pedes triginta, in lato pedes quindecim. Qui cur non civitas dicta sit, ignoro. Habet enim in circuitu praetiosus fontes; a parte autem occidentes montes sunt uberrimi viniisque repleti, qui tam nobile incolis falernum porregunt, ut respuant Scalonum. Nam veteres ferunt ab Auriliano hoc imperatore fuisse aedificatum.
Le bienheureux Grégoire, prêtre renommé du Seigneur, était alors, dans la ville de Langres, illustre par ses vertus et ses miracles. Puisque nous parlons de ce pontife, il sera, je pense, agréable que nous donnions ici la description de Dijon, où il vivait habituellement. C'est un château bâti de murs très solides, au milieu d'une plaine très riante, dont les terres sont fertiles et si fécondes qu'en même temps que la charrue sillonne les champs, on y jette la semence et qu'il en sort de très riches moissons ; au midi est la rivière d'Ouche, abondante en poissons ; il vient du nord une autre petite rivière qui entre par une porte, passe sous un pont, ressort par une autre porte et entoure les remparts de son onde paisible. Elle fait, devant la porte, tourner plusieurs moulins avec une singulière rapidité. Dijon a quatre portes, situées vers les quatre points du monde. Toute cette bâtisse est ornée en totalité de trente-trois tours ; les murs sont, jusqu'à la hauteur de vingt pieds, construits en pierres carrées, et ensuite en pierres plus petites. Ils ont en tout trente pieds de haut et quinze pieds d'épaisseur. J'ignore pourquoi ce lieu n'a pas le nom de ville : il a dans son territoire des sources abondantes ; du côté de l'occident sont des montagnes très fertiles, couvertes de vignes, qui fournissent aux habitants un si noble Falerne qu'ils dédaignent le vin de Châlons. Les anciens disent que ce château fut bâti par l'empereur Aurélien.
20. Quod Theudoberthus Visigardem disponsavit.
Theudoricus autem filio suo Theudoberto Wisigardem, cuiusdam regis filiam, disponsaverat.
Théodoric avait fiancé son fils Théodebert à Wisigarde, fille d'un roi.
21. Quod Theudoberthus in Provincia abiit.
Gothi vero cum post Chlodovechi mortem multa de id quae ille adquesierat pervasissent, Theudoricus Theudobertum, Chlothacharius vero Guntharium, seniorem filium suum, ad haec requirenda transmittunt. Sed Gunthecharius usque Rutinus accedens, nescio qua faciente causa, regressus est; Theudobertus vero usque ad Biterrensim civitatem abiens, Dehas castrum obtinuit atque in praedam deripuit. Deinde ad alium castrum nomen Caprariam legatus mittit, dicens, nisi se ille subdant, omne loco illud incendio concremandum, eosque qui ibidem resedent captivandus.
Après la mort de Clovis, les Goths avaient envahi une partie de ses conquêtes. Théodoric envoya donc Théodebert, et Clotaire envoya Gonthaire, l'aîné de ses fils, pour les recouvrer. Mais Gonthaire, arrivé à Rodez, s'en retourna, je ne sais pourquoi. Théodebert, poursuivant sa route jusqu'à la ville de Béziers, prit le château de Dion, et en enleva du butin. Il envoya ensuite vers un autre château, nommé Cabrières, des messagers chargés de dire de sa part que, si on ne se soumettait pas, il brûlerait le château et emmènerait les habitants en captivité.
22. Quod postea Deoteriam accepit.
Erat autem ibidem tunc matrona Deoteria nomen utilis valde atque sapiens, cuius vir aput Biterris urbem concesserat. Quae misit nuntius ad regem, dicens: 'Nullus tibi, domne piissime, resistere potest. Cognuscemus dominum nostrum; veni et quod bene placitum fuerit in oculis tuis facito'. Theudobertus autem ad castrum veniens, cum pace ingressus est, subditumque sibi cernens populum, nihil inibi male gessit. Deoteria vero ad occursum eius venit; at ille speciosam eam cernens, amore eius capitur, suoque eam copulavit stratu.
Il se trouvait en ce lieu une matrone, nommée Deutérie, dont le mari était venu habiter auprès de Béziers. Elle envoya au roi des messagers qui lui dirent : Personne , ô très pieux seigneur ! ne peut te résister, nous te reconnaissons pour notre maître ; viens, et qu'il en soit fait ainsi qu'il te paraîtra agréable. Théodebert vint au château, et y fut reçu pacifiquement, et voyant que les gens se soumettaient à lui, il ne fit aucun mal. Deutérie vint à sa rencontre, et la voyant belle, épris d'amour pour elle, il la fit entrer dans son lit.
23. De interitu Sigivaldi [et fuga Sigivaldi].
In illis diebus Theudoricus parentem suum Sigivaldum occidit gladio, mittens occulte ad Theudobertum, ut et ille Sigivaldum, filium eius, neci daret, quem tunc secum habebat. Sed quia eum de sacro fonte exciperat, perdere noluit. Litteras vero, quas ei pater transmiserat, ipsi ad legendum dedit, dicens: 'Fuge hinc, quia patris mei praeceptum accipi, ut te interficiam; si vero ille defunctus fuerit et me regnare audiens, tunc securus ad me reverteris'. Quod audiens, gratias agens et vale dicens, abscessit. Arelatensim enim tunc urbem Gothi pervaserant, de qua Theudobertus obsedes retenebat; ad eam Sigivaldus confugit. Sed parum se ibidem cernens esse munitum, Latium petiit ibique et latuit. Dum haec agerentur, nuntiatur Theodoberto, patrem suum graviter egrotare, et ad quem nisi velocius properaret, ut eum inveniret vivum, a patruis suis excluderetur et ultra illuc non rediret. At ille haec audiens, cuncta postposita, illuc dirigit, Deoteria cum filia sua Arverno relictam. Cumque abissit, Theudoricus non post multos dies obiit vicinsimo tertio regni sui anno. Consurgentes autem Childeberthus et Chlothacharius contra Theudobertum, regnum eius auferre voluerunt, sed ille muneribus placatis a leodibus suis defensatus est et in regnum stabilitus. Mittens postea Arvernum, Deoteriam exinde arcessivit eamque sibi in matrimonio sociavit.
En ces jours-là, Théodoric fit périr par le glaive son parent Sigewald, et envoya secrètement vers Théodebert, pour qu'il fit mourir Giwald, fils de Sigewald, qu'il avait avec lui ; mais Théodebert, comme il l'avait tenu sur les fonts de baptême, ne voulut pas le faire périr. Il lui donna même à lire les lettres envoyées par son père : Fuis, lui dit-il, car j'ai reçu de mon père l'ordre de te tuer ; lorsqu'il sera mort et que tu apprendras que je règne, tu reviendras à moi sans crainte. Ce qu'ayant entendu, Giwald lui rendit grâces, lui dit adieu et s'en alla. Théodebert faisait alors le siége de la ville d'Arles, dont les Goths s'étaient emparés. Giwald s'enfuit dans cette ville ; mais, ne s'y croyant pas fort en sûreté, il se rendit en Italie et y demeura. Tandis que ces choses se passaient, on vint annoncer à Théodebert que son père était dangereusement malade, que, s'il ne se hâtait pour le trouver encore en vie, il serait dépouillé par ses oncles, et qu'il ne fallait pas qu'il poussât plus avant. A ces nouvelles, Théodebert quitta tout, et partit pour aller vers son père, laissant en Auvergne Deutérie et sa fille. Théodoric mourut quelques jours après l'arrivée de son fils, dans la vingt-troisième année de son règne ; Childebert et Clotaire s'élevèrent contre Théodebert, et voulurent lui enlever son royaume, mais il les apaisa par des présents, et défendu par ses Leudes, il fut établi sur le trône. Il envoya ensuite en Auvergne pour en faire venir Deutérie, et s'unit à elle en mariage.
24. Quod Childeberthus Theudobertho muneravit.
Videns autem Childeberthus, quod ei praevalere non potuit, legationem ad eum misit et ad se venire praecepit, dicens: 'Filios non habeo, te tamquam filium habere desidero'. Quo veniente, tantis eum muneribus ditavit, ut ab omnibus miraretur. Nam de rebus bonis, tam de armis quam de vestibus vel reliquis ornamentis, quod regem habere decet, terna ei paria condonavit, similiter et de equitibus atque catinis. Haec audiens Sigivaldus, quod scilicet Theudoberthus regnum patris obtenuisset, ad eum de Italia rediit. Quem ille congaudens ac deosculans, tertiam partem ei de muneribus, quae a patruo acceperat, est largitus; et omnia, quae in fisco suo pater posuerat de rebus Sigivaldi, patri eius, ipsi reddi praecipit.
Childebert, voyant qu'il ne pouvait le vaincre, lui envoya une ambassade pour l'engager à venir le trouver, lui disant : Je n'ai pas de fils, je désire te prendre pour fils. Et Théodebert étant venu, il l'enrichit de tant. de présents que cela fit l'admiration de tout le monde, car il lui donna trois paires de chacune des choses utiles, tant armes que vêtements et joyaux qui conviennent aux rois. Il en agit de même pour les chevaux et les celliers. Giwald, apprenant que Théodebert était entré en possession du royaume de son père, revint d'Italie le trouver ; celui-ci se réjouissant et l'embrassant, lui donna la troisième partie des présents de son oncle, et ordonna qu'on lui rendît, des biens de son père Sigewald, tout ce qui en était entré dans le fisc.
25. De bonitate Theudoberthi.
At ille in regno firmatus, magnum se atque in omni bonitate praecipuum reddidit. Erat enim regnum cum iustitia regens, sacerdotes venerans, eclesias munerans, pauperes relevans et multa multis beneficia pia ac dulcissima accommodans voluntate. Omne tributo, quod in fisco suo ab eclesiis in Arvernum sitis reddebebatur, clementer indulsit.
Affermi clans son royaume, Théodebert se rendit grand et remarquable en toutes sortes de vertus, car il gouvernait ses États avec justice, respectait les prêtres, enrichissait les églises, secourait les pauvres, et plein de compassion et de bonté, mit beaucoup de gens à leur aise , par un grand nombre de bienfaits. Il remit généreusement aux églises d'Auvergne tous les tributs dont elles étaient redevables à son fisc.
26. De interitu filiae Deoteriae.
Deuteria vero cernens filiam suam valde adultam esse, timens, ne eam concupiscens rex sibi adsumeret, in basterna posita, indomitis bubus coniunctis, eam de ponte praecipitavit; quae in ipso flumine spiritum reddidit. Hoc apud Viridunum civitatem actum est.
Deutérie voyant sa fille devenue adulte, et craignant qu'elle n'excitât les désirs du roi, et qu'il ne la prit pour lui, la mit dans un chariot attelé de boeufs indomptés, qui la précipitèrent du haut d'un pont, en sorte qu'elle périt dans un fleuve. Cela se passa près de la ville de Verdun.
27. Quod Theudoberthus Visigardem accepit.
Cumque iam septimus annus esset, quod Wisigardem disponsatam haberet et eam propter Deuteriam accipere nollet, cuniuncti Franci contra eum valde scandalizabantur, quare sponsam suam relinqueret. Tunc commotus, relicta Deuteria, de qua parvolum filium habebat Theodobaldum nomen, Wisigardem duxit uxorem. Quam nec multo tempore habens, defuncta illa, aliam accepit. Verum tamen Deuteriam ultra non habuit.
Il y avait déjà sept ans que Théodebert avait été fiancé à Wisigarde, et à cause de Deutérie il n'avait pas voulu la prendre pour femme ; mais les Francs le blâmaient unanimement de ce qu'il avait abandonné son épouse. Alors irrité de cette action, il quitta Deutérie dont il avait un fils enfant, nommé Théodebald, et épousa Wisigarde. Il ne la conserva pas longtemps, elle mourut, et il en épousa une autre, mais ne reprit jamais Deutérie.
28. Quod Childeberthus contra Chlothacharium abiit.
Childeberthus autem et Theodoberthus commoventes exercitum, contra Chlothacharium ire disponunt. Ille autem haec audiens, aestimans, se horum exercitum non sustenire, in silva confugit et concides magnas in silvas illas fecit, totamque spem suam in Dei pietate transfundens. Sed et Chrodichildis regina haec audiens, beati Martini sepulchrum adiit, ibique in oratione prosternitur et tota nocte vigilat, orans, ne inter filios suos bellum civile consurgeret. Cumque hi venientes cum exercitibus suis eum obsederent, tractantes illum die sequenti interficere, mane facto, in loco, quo erant congregati, orta tempestas tentoria dissicit, res diripit et cuncta subvertit; inmixtaque fulgora cum tonitruis ac lapidibus super eos discendunt. Ipse quoque super infectam grandine humum in facie proruunt et a lapidibus decedentibus graviter verberantur - nullum enim eis tegumen remanserat nisi parmae tantum-, hoc maxime metuentes, ne ab ignibus caelestibus cremarentur. Sed et equites eorum ita dispersi sunt, ut vix in vicinsimo quoque repperirentur stadio; multi enim ex eis prorsus non sunt inventi. Tunc illi a lapidibus, ut diximus, caesi et humo prostrati, paenitentiam agebant ac veniam praecabantur Deo, quod ista contra sanguinem suum agere voluissent. Super Chlothacharium vero neque una quidem pluviae gutta decidit aut aliquis sonitus tonitrui est auditus, sed nec anilitum ullius venti in illo loco sinserunt. Hi quoque mittentes nuntius ad eum, pacem et concordiam petierunt. Qua data, ad propria sunt regressi. Quod nullus ambigat, hanc per obtentum reginae beati Martini fuisse virtutem.
Cependant Childebert et Théodebert mirent sur pied une armée, et se disposèrent à marcher contre Clotaire ; celui-ci l'ayant appris, et jugea qu'il n'était pas de force à se défendre contre eux, s'enfuit dans une forêt et y fit de grands abattis, plaçant toutes ses espérances en la miséricorde de Dieu. Mais la reine Clotilde ayant appris ces choses se rendit au tombeau du bienheureux Martin, s'y prosterna en oraison et passa toute la nuit à prier qu'il ne s'élevât pas une guerre civile entre ses fils. Ceux-ci, arrivant avec leur armée, assiégèrent Clotaire et pensaient le tuer le jour suivant ; mais le matin arrivé, une tempête s'éleva dans le lieu où ils étaient rassemblés, emporta les tentes, mit en désordre et bouleversa tout. A la foudre et au bruit du tonnerre se mêlaient des pierres qui tombaient sur eux. Ils se précipitaient le visage contre la terre couverte de grêle, et étaient brièvement blessés par la chute des pierres. Il ne leur restait rien pour s'en défendre que leur bouclier, et ce qu'ils craignaient de plus, c'était d'être réduits en cendres par le feu du ciel. Les chevaux furent aussi dispersés, et à peine les put-on retrouver à la distance de vingt stades ; il y en eut même beaucoup qu'on ne retrouva pas. Prosternés, comme nous l'avons dit, la face contre terre, et blessés par les pierres, ils exprimaient leur repentir, et demandaient pardon à Dieu, d'avoir entrepris la guerre contre leur propre sang ; mais il ne tomba pas une seule goutte de pluie sur Clotaire, il n'entendit pas le moindre bruit de tonnerre, et au lieu où il était, il ne se fit pas sentir la moindre haleine de vent. Les autres, lui ayant envoyé des messagers, lui demandèrent de vivre en paix et en concorde, et l'ayant obtenu, ils s'en retournèrent chez eux. Il n'est permis à personne de douter que ce soit un miracle du bienheureux saint Martin, obtenu par l'intercession de la reine.
29. Quod Childeberthus in Hispaniis abierunt.
Post haec Childeberthus rex in Hispaniam abiit. Qua ingressus cum Chlothachario, Caesaragustanam civitatem cum exercitu vallant atque obsedent. At ille in tanta humilitate ad Deum conversi sunt, ut induti ciliciis, abstinentis a cibis et poculis, cum tonica beati Vincenti martiris muros civitatis psallendo circuirent; mulieres quoque amictae nigris palleis, dissoluta caesariae, superposito cinere, ut eas putares virorum funeribus deservire, plangendo sequebantur. Et ita totam spem locus ille ad Domini misericordiam rettulit, ut diceretur ibidem Ninivitarum ieiunium caelebrari, nec aestimaretur aliud posse fieri, nisi eorum praecibus divina misericordia flectiretur. Hii autem qui obsedebant, nescientes quid obsessi agerent, cum viderent sic murum circuire, putabant, eos aliquid agere malefitii. Tunc adpraehensum unum de civitate rusticum, ipse interrogant, quid hoc esset quod agerent. Qui ait: 'Tonicam beati vincenti deportant et cum ipsa, ut eis Dominus misereatur, exorant'. Quod illi timentes, se ab ea civitate removerunt. Tamen adquisitam maximam Hispaniae partem, cum magnis spoliis in Galliis redierunt.
Ensuite le roi Childebert alla en Espagne, et, y étant entré avec Clotaire, ils entourèrent, et assiégèrent avec leur armée la ville de Saragosse. Mais les habitants se tournèrent vers Dieu avec une grande humilité, et, revêtus de cilices, s'abstenant de manger et de boire, se mirent à faire le tour des murs en chantant les psaumes et portant la tunique du bienheureux Vincent martyr. Les femmes les suivaient en pleurant, enveloppées de manteaux noirs, les cheveux épars et couverts de cendres, si bien qu'on eût dit qu'elles assistaient aux funérailles de leurs maris ; et toute la ville avait tellement mis en Dieu toutes ses espérances, qu'elle paraissait célébrer un jeûne semblable à celui de Ninive, et les habitants ne croyaient pas qu'ils pussent avoir autre chose à faire que de fléchir par leurs prières la miséricorde divine. Les assiégeants, qui voyaient les assiégés tourner sans cesse en dedans des murs, ne sachant ce qu'ils faisaient, crurent qu'ils exerçaient quelque maléfice, et, ayant pris un paysan du lieu, ils lui demandèrent ce qu'on faisait. Il leur répondit : Ils portent la tunique du bienheureux Vincent, et le prient de demander à Dieu d'avoir pitié d'eux. Les assiégeants en ressentirent de la crainte et s'éloignèrent de la ville. Cependant ils conquirent la plus grande partie de l'Espagne et s'en retournèrent dans les Gaules avec une grande quantité de dépouilles.
30. De regibus Hispanorum.
Post Amalaricum vero Theuda rex ordinatus est in Hispaniis. Quem interfectum, Theudegisilum levaverunt regem. His dum ad caenam cum amicis suis aepularet et esset valde laetus, caereis subito extinctis, in recubitu ab inimicis gladio percussus, interiit. Post quem Agila regnum accepit. Sumpserant enim Gothi hanc detestabilem consuetudinem, ut, si quis eis de regibus non placuisset, gladio eum adpeterent, et qui libuisset animo, hunc sibi statuerent regem.
Après Amalaric, Théodat fut nommé roi en Espagne. Celui-ci ayant été tué, on éleva la royauté Theudégisile. Il était un jour à souper, faisant festin avec ses amis et fort gai, quand tout à coup, la lumière ayant été éteinte, il fut frappé par ses ennemis à coups d'épée, et mourut. Après lui, la royauté passa à Agita, car les Goths avaient pris cette détestable habitude, lorsqu'un de leurs rois ne leur plaisait pas, de l'assaillir à main armée et d'élire roi à sa place celui qui leur convenait.
31. De filia Theudorici regis Italici.
Et quia Theudoricus Italiae Chlodovechi regis sororem in matrimonio habuit, mortuus parvolam filiam cum uxore reliquid. Hic autem cum adulta facta esset, per levitatem animi sui, relicto matris consilio, quae ei regis filium providebat, servum suum Traguilanem nomen accepit et cum eum ad civitatem, qua defensare possit, aufugit. Cumque mater eius contra eam valde frenderet petiretque ab ea, ne humiliaret diutius nobile genus, sed, demisso servo, similem sibi de genere regio, quem mater providerat, deberet accipere, nullatinus voluit adquiescere. Tunc mater eius contra eam frendens, exercitum commovit. At illi venientes super eos, Traguilanem interfecerunt gladio, ipsam quoque caedentes, in domo matris reduxerunt. Erant autem sub Arriana secta viventes, et quia consuetudo eorum est, ut ad altarium venientes de alio calice reges accepiant et ex alio populus minor, veninum in calice illo posuit, de quo mater commonicatura erat. Quod illa hausto, protinus mortua est. Non enim dubium est, tale maleficium esse de parte diabuli. Quid contra haec miseri heretici respondebunt, ut in sanctam eorum locum habeat inimicus? Nos vero Trinitate in una aequalitate pariter et omnipotentia confitentes, etiam si mortiferum bibamus, in nomine Patres et Filii et Spiritus sancti, veri atque incorruptibilis Dei, nihil nos nocebit. Indignantes ergo Itali contra hanc mulierem, Theodadum regem Tusciae invitantes, super se regem statuunt. Hic vero cum dedicisset, quae meretrix ista commiserat, qualiter propter servum, quem acceperat, in matrem extiterit parricida, succensum vehementer balneum, eam in eodem cum una puella includi praecepit. Quae nec mora inter arduos vapores ingressa, in pavimento conruens, mortua atque consumpta est. Quod cognuscentes hi regis Childeberthus et Chlothacharius, consubrini eius, necnon et Theudoberthus, quod scilicet tam turpi fuerit interfecta supplicio, ad Theodadum legationem dirigunt, exprobrantes de morte eius atque dicentes: 'Si haec quae egisti nobiscum non conposueris, regnum tuum auferimus et simile te poena damnabimus'. Tunc ille timens, quinquagina eis milia aureorum transmisit. Childeberthus autem, ut erat semper contra Chlothacharium regem invidus atque versutus, cum Theudoberto, nepote suo, coniunctus, divisum inter se hoc aurum, nihil exinde dare regi Chlothachario voluerunt. At ille super thesauros Chlodomeris adgressus, multum illis amplius, quam hi fraudaverant, abstulit.
Théodoric, roi d'Italie, qui avait eu en mariage une' soeur du roi Clovis, était mort laissant sa femme avec une fille encore enfant. Celle-ci, devenue adulte, repoussant, par légèreté d'esprit, les conseils de sa mère qui l'avait voulu pourvoir d'un fils de roi, prit son serviteur, nommé Traguilan, et s'enfuit avec lui dans une ville où elle espérait pouvoir se défendre. Sa mère, vivement irritée contre elle, lui demanda de ne pas déshonorer sa race, jusqu'alors si noble, mais de renvoyer son serviteur et de prendre un homme comme elle de race royale et que sa mère lui avait choisi. Mais elle n'y voulut en aucune façon consentir. Alors sa mère, en colère, fit marcher contre elle une troupe de gens armés, qui allèrent les attaquer. Traguilan périt par le glaive, et la fille fut ramenée avec des coups à la maison de sa mère. Elles vivaient toutes deux dans la secte arienne où il est d'usage, lorsqu'on se présente à l'autel, que les rois aient un calice à part pour communier, et le peuple un autre. La fille donc mit du poison dans le calice où sa mère devait communier ; dès qu'elle l'eut pris, elle mourut aussitôt, et il est impossible de douter que cette mort n'ait été l'oeuvre du diable. Comment ces misérables hérétiques pourraient-ils le nier, quand l'ennemi trouve place parmi eux jusque dans l'Eucharistie ? Nous qui confessons une seule Trinité égale en rang et en toute puissance, quand, au nom du Père, du Fils et de l'Esprit saint, Dieu véritable et incorruptible, nous avalerions le poison mortel, il ne nous ferait point de mal. Les Italiens, indignés contre cette femme, appelèrent Théodat, roi de Toscane, et le firent leur roi. Lorsqu'il eut appris comment, à cause d'un serviteur qu'elle avait pris, cette impudique s'était rendue coupable d'un parricide envers sa mère, il fit chauffer un bain avec excès, et ordonna qu'elle y fût enfermée avec une servante. Aussitôt qu'elle fut entrée dans cette vapeur brûlante, elle tomba sur le pavé morte et consumée. Les rois Childebert et Clotaire, ses cousins germains, ainsi que Théodebert, ayant appris par quel supplice honteux on l'avait fait périr, envoyèrent une ambassade à Théodat pour lui reprocher sa mort, et lui dire : Si tu ne composes pas avec nous pour ce que tu as fait, nous prendrons ton royaume et, te condamnerons à la même peine. " Effrayé, il leur envoya cinquante mille pièces d'or. Childebert, comme il était toujours mal disposé et plein de mauvaise volonté envers Clotaire, s'étant uni à son neveu Théodebert, ils partagèrent l'or entre eux et n'en voulurent rien donner au roi Clotaire ; mais lui, étant tombé sur les trésors de Clodomir, en enleva beaucoup plus qu'ils ne lui en avaient dérobé.
32. Quod Theudoberthus in Italiam abiit.
Theudobertus vero in Italia abiit et exinde multum adquisivit. Sed quia loca illa, ut fertur, morbida sunt, exercitus eius in diversis febribus corruens vexabatur; multi enim ex his in illis locis mortui sunt. Quod videns Theudobertus ex ea reversus est, multa secum expolia ipse vel sui deferentes. Dicitur tamen tunc temporis usque Ticinum accessisse civitatem, in qua Buccelenum rursum dirixit. Qui, minorem illam Italiam captam atque in ditionibus regis antedicti redactam, maiorem petiit; in qua contra Belsuarium multis vicibus pugnans, victuriam obtenuit. Cumque imperator vidisset, quod Belsuarius crebrius vinceretur, amoto eo, Narsitem in eius loco statuit; Belsuarium vero comitem stabuli quasi pro humilitate, quod prius fuerat, posuit. Buccelenus vero contra Narsitem magna certamina gessit. Captam omnem Italiam, usque in mare terminum dilatavit; thesauros vero magnus ad Theudobertum de Italia dirixit. Quod cum Narsis imperatori posuisset in notitiam, imperator, conductis praetio gentibus, Narsiti solatium mittit, confligensque postea victus abscessit. Deinceps vero Buccelenus Siciliam occupavit; de qua etiam tributa exigens, regi transmisit. Magna enim ei felicitas in his conditionibus fuit.
Théodebert marcha en Italie, et y fit beaucoup de conquêtes ; mais, comme ces lieux sont, dit-on, malsains, son armée fut tourmentée de diverses sortes de fièvre, beaucoup des siens y moururent ; ce que voyant, Théodebert revint, rapportant, lui et les siens, beaucoup de butin. On dit cependant qu'il alla jusqu'à la ville de Pavie, dans laquelle il envoya ensuite Buccelin qui, s'étant emparé de la basse Italie, et l'ayant réduite sous la puissance desdits rois, marcha vers la haute Italie, où il combattit dans un grand nombre d'occasions contre Bélisaire, et obtint la victoire. Ce que voyant l'empereur, irrité de ce que Bélisaire était vaincu si souvent, il mit à sa place Narsès ; et, comme pour rabaisser Bélisaire au dessous de ce qu'il avait été, il le fit comte des écuries. Buccelin livra un grand combat à Narsès, et, ayant pris toute l'Italie, s'étendit jusqu'à la mer. Narsès en ayant instruit l'empereur, celui-ci prit des hommes à sa solde et envoya du secours à Narsès, qui fut ensuite vaincu dans un combat, et se retira. Après cela Buccelin occupa la Sicile, et y leva des tributs qu'il envoya aux rois. Il fut très heureux dans toutes ses entreprises.
33. De Asteriolo et Secundino.
Asteriolus tunc et Secundinus magni cum rege habebantur; erat autem uterque sapiens et retoricis inbutus litteris. Sed Secundinus plerumque legationem imperatori a rege missus intulit, et ob hoc iactantia sumpserat ac nonnulla contra rationem exercebat. Qua de causa factum est, ut inter illum atque Asteriolum lis saeva consurgeret, quae usque ad hoc proficit, ut, oblitis verborum obiectionibus, propriis se manibus verberarent. Cumque haec per regem pacificata fuissent et Secundinus adhuc de sua caede tumeret, nata est inter eos rursum intentio; et rex suscipiens Secundini causam, Asteriolum in eius potestatem dedidit. Qui valde humiliatus est et ab honore depositus; sed per Wisigardem reginam iterum est restitutus. Mortua autem illa, consurgens iterum Secundinus, eum interfecit. Nam hic moriens filium dereliquid. Qui cum crevisset et esset adultus, coepit patris sui velle iniuriam vindecare. Tunc Secundinus timore perterritus, dum de villa in villam ante eum fugiret, cum se iam videret eo inminente non posse evadere, ne in manus inimici conruerit, venino se, ut dicitur, interfecit.
Astériole et Secondin avaient alors un grand crédit auprès du roi. Tous deux étaient savants et profondément versés dans les lettres, mais Secondin avait été plusieurs fois envoyé par le roi vers l'empereur, et il en avait pris un orgueil qu'il montrait souvent hors de propos. Cela fit qu'il s'éleva entre lui et Astériole un cruel différend qui alla à ce point que, laissant de côté les argumentations verbales, ils se déchirèrent à belles mains. Le roi ayant pacifié les choses, Secondin n'en conserva pas moins une grande colère d'avoir été battu, de sorte qu'il s'éleva entre eux une nouvelle querelle, et le roi, prenant le parti de Secondin, soumit Astériole à sa puissance. Celui-ci fut grandement abaissé et dépouillé de ses dignités. Il y fut rétabli cependant par la reine Wisigarde. Après la mort de la reine, Secondin s'éleva de nouveau contre lui, et le tua. Il laissa en mourant un fils qui, grandissant et parvenu à l'âge d'homme, commença à vouloir venger l'injure de son père. Alors Secondin, saisi de frayeur, se mit à fuir devant lui de place en place, et voyant qu'il ne pouvait éviter sa poursuite, on dit que, pour ne pas tomber entre les mains de son ennemi, il se donna la mort au moyen du poison.
34. De munere Theudoberthi circa Virdunensis cives.
Desideratus autem Viredunensis episcopus, cui Theudoricus rex multas inrogavit iniurias, cum post multa exitia, damna atque erumnas ad libertatem propriam, Domino iubente, redisset et episcopatum, ut diximus, apud Viredunensim urbem potiretur, videns habitatoris eius valde pauperes atque distitutus, dolebat super eos; et cum ipse per Theudoricum de rebus suis remansisset extraneus nec haberet de proprio, qualiter eos consolaretur, bonitatem et clementiam circa omnes Theudoberthi regis cernens, misit ad eum legationem, dicens: 'Fama bonitatis tuae in universam terram vulgatur, cum tanta sit tua largitas, ut etiam non petentibus opem praestis. Rogo, si pietas tua habet alequid de pecunia, nobis commodis, qua cives nostros relevare valeamus; cumque hi negutium exercentes responsum in civitate nostra, sicut reliquae habent, praestiterint, pecuniam tuam cum usuris legitimis reddimus'. Tunc ille pietate commotus, septim ei milia aureorum pristitit, qua ille accipiens per cives suos erogavit. At illi negutia exercentes divites per hoc effecti sunt et usque hodie magni habentur. Cumque antedictus episcopus debitam pecuniam obtulisset regi, respondit rex: 'Non habeo necessarium hoc recipere; illud mihi sufficit, si dispensatione tua pauperes, qui oppraemebantur inopia, per tuam suggestionem vel per meam largitatem sunt relevati'. Et nihil exigens, antedictus cives divites fecit.
Desiré, évêque de Verdun, à qui Théodoric avait fait souffrir un grand nombre d'injures, ayant, après beaucoup de calamités, de dommages et de pertes, recouvré, par la volonté de Dieu, sa liberté et son évêché, habitait, ainsi que nous l'avons dit, la ville de Verdun. Voyant les habitants pauvres et dépouillés, il s'affligeait sur eux ; mais, comme il avait été privé de ses biens par Théodoric et n'avait pas de quoi les soulager, connaissant la bonté et la miséricorde du roi Théodebert envers tous, il lui envoya un message, et lui fit dire : La renommée de ta bonté est répandue par toute la terre, et ta bienfaisance est telle que tu donnes même à ceux qui ne te demandent rien ; je te prie, si tu as quelque argent, que ta pitié veuille nous le prêter, afin que nous puissions soulager nos concitoyens ; les commerçants de notre cité répondront pour elle, ainsi que cela se fait dans les autres cités, et nous te rendrons ton argent avec un légitime intérêt. Alors, ému de compassion, Théodebert lui envoya sept mille pièces d'or. L'évêque, les ayant prises, les partagea à ses concitoyens. Les commerçants devinrent riches par ce moyen et le sont encore aujourd'hui ; et, lorsque l'évêque rapporta au roi l'argent qu'il lui devait, le roi lui répondit : Je n'ai pas besoin de le reprendre ; il me suffit que, par tes soins et par mes largesses, les pauvres qu'accablait la misère aient été soulagés ; et, n'exigeant rien d'eux, il fit, ainsi qu'on l'a dit, la fortune des citoyens.
35. De interitu Sirivuldi.
Defuncto autem apud urbem supradictam memoratum antestitem, Agiricus cus quidam e civibus in eius est cathedram subrogatus. Siacrius autem, filius eius, reminiscens iniuriam patris, qualiter a Sirivuldo ad regem Theudoricum incusatus, non solum spoliatus, verum etiam suppliciis adfectus fuisset, oppraessum cum armata manu Sirivuldum taliter interfecit. Mane facto, cum nebula esset condensa et vix, adhuc disrumpentibus tenebris, alequid quis possit discernere, venit ad villam eius in Divionensi territurio cui nomen est Floriacum; egressoque domo uno amicorum, putantes, ipsum Sirivuldum esse, interfecerunt eum, et revertentibus, quasi victuriam obtenuissent de inimico, indicat eis unus ex familia, non eos dominum interfecisse, sed subditum. At illi regressi, requirentes eum, cellulam, in qua dormire solitus erat, repertam adgrediuntur. Ad cuius osteum diutissime pugnantes, nihil ei poterant praevalere. Dehinc erutum ab uno latere parietem, ingredientes, gladium eum interemunt. Post mortem enim Theudorici hic interfectus est.
Cet évêque étant mort dans ladite ville, on mit à si place un certain Agéric, citoyen de Verdun. Cependant. Syagrius, fils de Désiré, se rappelant les injures de son père, et comment, accusé par Siribald auprès du roi Théodoric, il avait été non seulement dépouillé, mais encore mis à la torture, attaqua Siribald avec une troupe armée, et le tua de la manière suivante. Vers le matin, par un brouillard épais, et lorsqu'à peine les ténèbres permettaient de distinguer quelque chose, il se rendit à une maison de campagne de Siribald, nommée Florey, et située dans le territoire de Dijon. Un des amis de Siribald étant sorti de sa maison, ils crurent que c'était Siribald lui-même, et le tuèrent ; et comme ils triomphaient croyant avoir remporté la victoire sur leur ennemi, un des gens de la maison leur apprit qu'ils n'avaient pas tué son maître, mais un homme de sa dépendance : alors il revinrent en le cherchant ; et ayant trouvé le cabinet dans lequel il avait coutume de dormir, ils l'attaquèrent. Ils combattirent très longtemps à cette porte sans pouvoir vaincre : alors ils démolirent un des côtés du mur ; ils entrèrent et le mirent à mort par le glaive. Il fut tué après la mort de Théodoric.
36. De obitu Theudoberthi et de interitu Partheni.
His denique gestis, Theodoberthus rex aegrotare coepit. Ad quem medici multa studia inpenderunt; sed nihil valuit, quia eum iam Dominus vocare iubebat. Ergo cum diutissime aegrotasset, ab ipsa infirmitate deficiens, reddidit spiritum. Franci vero cum Parthenium in odio magno haberent, pro eo quod eis tributa antedicti regis tempore inflixisset, eum persequi coeperunt. Ille vero in periculum se positum cernens, confugium ab urbe facit ac duobus episcopis suppliciter exorat, ut eum ad urbem Treverecam deducentes, populi saevientes seditionem sua praedicatione conpraemerent. Quibus euntibus, nocte, dum in strato suo decumberet, subito per somnium vocem magnam emittit, dicens: 'Heu! heu! Succurrite qui adestis et auxilium ferte pereunte'. A quo clamore expergefacti qui aderant, interrogant, quid hoc esset. Respondit ille: 'Ausanius amicus meus cum Papianilla coniuge, quos olim interfeci, ad iudicium me arcessibant, dicentes : Veni ad respondendum, quia causaturus es nobiscum coram Domino" '. Zelo enim ductus, ante annos aliquos coniugem innocentem amicumque perimerat. Igitur accedentibus episcopis ad antedictam urbem, cum strepentes populi seditionem ferre non possint, eum in eclesia abdire voluerunt, scilicet ponentes eum in arca et desuper sternentes vestimenta, quae erant ad usum aeclesiae. Populus autem ingressus perscrutatusque universus eclesiae angulos, cum nihil repperissent, frendens egrediebatur. Tunc unus ex suspicione locutus, ait : 'En arcam, in qua non est inquisitus adversarius noster'. Dicentibus vero costodibus, nihil in ea aliud nisi ornamenta eclesiae contenere, illi clavem postolant, aientes: 'Nisi reseraveritis velocius, ipsi eam sponte confringemus'. Denique, reserata arca, amotis lintiaminibus, inventum extrahunt, plaudentes atque dicentes: 'Tradidit Deus inimicum nostrum in manibus nostris'. Tunc caedentes eum pugnis sputisque perurguentes, vinctis postergum manibus, ad colomnam lapidibus obruerunt. Fuit autem in cibis valde vorax, sed quae sumebat, quo caelerius ad manducandum commoveretur, sumpto aloae, velociter digerebat ; sed et strepidus ventris absque ulla auditorum reverentia in publico emittebat. Hoc ergo exitu consummatus interiit.
Le roi Théodebert commença à tomber malade. Les médecins employèrent auprès de lui tout leur art ; mais rien n'y servit, car Dieu avait résolu de l'appeler à lui. Ainsi donc, après avoir été malade longtemps, succombant à son mal, il rendit l'esprit. Les Francs avaient une grande haine contre Parthénius, parce que sous ledit roi il leur avait imposé des tributs, et ils commencèrent à le poursuivre. Se voyant en péril, il s'enfuit de la ville, et supplia deux évêques de le ramener à Trèves, et de réprimer par leurs exhortations la sédition d'un peuple furieux. Ils y allèrent, et la nuit, pendant qu'il était dans son lit, tout à coup en dormant il commença à crier à haute voix, disant : Hélas ! hélas ! secourez-moi, vous qui êtes ici, venez à l'aide d'un homme qui périt. A ces cris, ceux qui étaient dans la chambre s'étant éveillés, lui demandèrent ce que c'était, et il répondit : Ausanius, mon ami, et Papianilla, ma femme, que j'ai tués autrefois, m'appelaient en jugement, en disant : Viens répondre, car nous t'accusons devant Dieu. En effet, pressé par la jalousie, il avait, quelques années auparavant, tué injustement sa femme et son ami. Les évêques, étant arrivés à la ville, et voyant qu'ils ne pouvaient résister à la violente sédition du peuple, voulurent le cacher dans l'église. Ils le mirent dans un coffre et étendirent sur lui des vêtements à l'usage de l'église. Le peuple étant entré, le chercha dans tous les coins ; il se retirait irrité, lorsqu'un de la troupe conçut un soupçon, et dit : Voilà un coffre dans lequel nous n'avons pas cherché notre ennemi. Les gardiens leur dirent qu'il n'y avait rien dans ce coffre que des ornements ecclésiastiques ; mais ils demandèrent les clefs, disant : Si vous ne l'ouvrez pas sur-le-champ, nous le brisons. Le coffre ayant donc été ouvert, et les linges écartés, ils y trouvèrent Parthénius et l'en tirèrent, s'applaudissant de leur découverte et disant : Dieu a livré notre ennemi entre nos mains. Alors ils lui coupèrent les poings, lui crachèrent au visage ; et lui ayant lié les bras derrière le dos, ils le lapidèrent contre une colonne. Il avait été très vorace ; et, pour pouvoir plus promptement recommencer à manger, il prenait de l'aloès qui le faisait digérer très vite : il laissait échapper en public le bruit de ses entrailles sans aucun respect pour ceux qui étaient présents. Sa vie se termina de cette manière.
37. De hieme gravi.
Gravem eo anno et solito asperiorem hiemem fecit, ita ut torrentes concatiniti gelu pervium populis tamquam reliqua humus praeberet. Aves quoque rigore adfectae vel fame, absque ullo hominum dolo, cum magnae essent nives, manu capiebantur. A transitu igitur Chlodovechi usque in transitum Theudoberthi conputantur anni 37. Mortuo ergo Theudoberto quarto decimo regni sui anno, regnavit Theudoaldus, filius eius, pro eo.
Il y eut cette année un hiver très rigoureux et plus âpre qu'à l'ordinaire ; tellement que les torrents enchaînés par la gelée servaient de route aussi bien que la terre. Comme il y avait beaucoup de neige, les oiseaux, accablés de la rigueur du froid ou de la faim, se laissaient prendre à la main et sans qu'on eût besoin de leur tendre des piéges. On compte trente-sept ans de la mort de Clovis jusqu'à celle de Théodebert. Théodebert étant mort la quatorzième année de son règne, Théodebald son fils régna à sa place.