Igitur Chrodigildis regina, plena dierum bonisque operibus praedita, apud urbem Toronicam obiit tempore Iniuriosi episcopi. Quae Parisius cum magno psallentio deportata, in sacrario basilicae sancti Petri ad latus Chlodovechi regis sepulta est a filiis suis, Childebertho atque Chlothachario regibus. Nam basilicam illam ipsa construxerat; in qua et Genuveifa beatissima est sepulta.
La reine Clotilde, pleine de jours et riche en bonnes oeuvres, mourut à Tours, du temps de l'évêque Injuriosus ; elle fût transportée à Paris, suivie d'un' choeur nombreux qui chantait des cantiques sacrés, et ensevelie par ses fils, les rois Childebert et Clotaire, dans le sanctuaire de la basilique de saint Pierre, à côté du roi Clovis. Elle avait construit cette basilique où est ensevelie aussi la bienheureuse Geneviève.
2. Quod Chlothacharius fructuum eclesiis auferre voluit.
Denique Chlothacharius rex indixerat, ut omnes eclesiae regni sui tertiam partem fructuum fisco dissolverent. Quod, licet inviti, cum omnes episcopi consensissent atque subscripsissent, viriliter hoc beatus Iniuriosus respuens, subscribere dedignatus est, dicens: 'Si volueris res Dei tollere, Dominus regnum tuum velociter aufret, quia iniquum est, ut pauperes, quos tuo debes alere horreo, ab eorum stipe tua horrea repleantur'. Et iratus contra regem nec valedicens abscessit. Tunc commotus rex, timens etiam virtutem beati Martini, misit post eum cum muneribus, veniam praecans et hoc quod fecerat damnans, simulque et rogans, ut pro se virtutem beati Martini antestites exoraret.
Le roi Clotaire avait ordonné tout récemment que toutes les églises de son royaume paieraient au fisc le tiers de leurs revenus. Tous les évêques ayant bien contre leur gré, consenti et souscrit ce décret, le bienheureux Injuriosus, s'en indignant, refusa courageusement de le souscrire, et il disait : Si tu veux ravir les biens de Dieu, le Seigneur te ravira promptement ton royaume ; car il est injuste que tu remplisses tes greniers de la récolte des pauvres que tu devrais nourrir de tes propres greniers ; et irrité contre le roi, il se retira sans même lui dire adieu. Alors le roi, troublé et craignant la puissance de saint Martin, fit courir après lui avec des présents, lui demandant pardon, condamnant ce qu'il avait fait, et le suppliant d'invoquer en sa faveur la puissance du saint évêque Martin.
3. De uxoribus ac filiis eius.
Denique ipse rex de diversis mulieribus septim filius habuit, id est de Ingunde Guntharium, Childericum, Chariberthum, Gunthchramnum, Sigyberthum et Chlothsindam filiam; de Aregundem vero, sororem Ingundis, Chilpericum; de Chunsinam habuit Chramnum. Quae autem causa fuerit, ut uxoris suae sororem acciperet, dicam. Cum iam Ingundem in coniugio accipisset et eam unico amore diligeret, suggestionem ab ea accepit, dicentes: 'Fecit dominus meus de ancilla sua quod libuit et suo me stratui adscivit. Nunc ad conplendam mercide, quid famula tua suggerat, audiat dominus meus rex. Praecor, ut sorore meae, servae vestrae, utilem atque habentem virum ordinare dignimini, unde non humilier, sed potius exaltata servire fidelius possem'. Quod ille audiens, cum esset nimium luxoriosus, in amore Aregundis incedit et ad villam, in qua ipsa resedebat, dirigit eamque sibi in matrimonio sociavit. Quae accepta, ad Ingundem rediens, ait: 'Tractavi mercidem illam inplere, quam me tua dulcitudo expetiit. Et requirens virum divitem atque sapientem, quem tuae sorori deberem adiungere, nihil melius quam me ipsum inveni. Itaque noveris, quia eam coniugem accepi, quod tibi displicere non credo'. At illa: 'Quod bonum', inquid, 'videtur in oculis domini mei, faciat; tantum ancilla tua cum gratia regis vivat'. Guntharius vero, Chramnus atque Childericus vivente patre mortui sunt. Exitum vero Chramni in posterum scripsimus. Alboenus quoque rex Langobardorum Chlothsindam, filiam regis, accepit. Obiit autem Iniuriosus episcopus urbis Turonicae decimo et septimo episcopatus sui anno; cui Baudinus ex domestico Chlothachari regis successit, decimus sextus post obitum beati Martini.
Le roi Clotaire eut sept fils de ses diverses femmes, savoir : d'Ingunde il eut Gonthaire, Childéric, Charibert, Gontran, Sigebert, et une fille, nommé Clotsinde ; d'Aregunde,' soeur d'Ingunde, il eut Chilpéric ; et de Chunsène, il eut Chramne. Je dirai pourquoi il avait pris la soeur de sa femme. Comme il était déjà marié à Ingunde, et l'aimait d'unique amour, il reçut d'elle une prière, en ces termes : Mon Seigneur a fait de sa servante ce qui lui a plu, et il m'a appelée à son lit : maintenant, pour compléter le bienfait, que mon seigneur roi écoute ce que lui demande sa servante. Je vous prie de daigner procurer un mari puissant et riche à ma' soeur, votre servante ; de telle sorte que rien ne m'humilie, et qu'au contraire, élevée par une nouvelle faveur, je puisse vous servir encore plus fidèlement. A ces paroles, le roi, qui était trop adonné à la luxure, s'enflamma d'amour pour Aregunde, alla à la maison de campagne où elle habitait, et se l'unit en mariage. L'ayant ainsi prise, il retourna vers Ingunde, et lui dit : J'ai songé à t'accorder la grâce que ta douceur m'a demandée, et cherchant un homme riche et sage que je pusse unir à ta' soeur, je n'ai rien trouvé de mieux que moi-même. Ainsi sache que je l'ai prise pour femme, ce qui, j'espère, ne te déplaira pas. Alors elle lui dit : Que ce qui paraît bon à mon seigneur soit ainsi fait ; seulement que ta servante vive toujours avec la faveur du Roi. Gonthaire, Chramne et Childéric moururent du vivant de leur père. Nous raconterons dans la suite la mort de Chramne. Alboin, roi des Lombards, reçut pour femme Clotsinde, fille du roi Clotaire. L'évêque Injuriosus mourut dans la dix-septième année de son épiscopat. Il eut pour successeur Baudin, qui avait été domestique du roi Clotaire. Ce fut le seizième évêque depuis la mort de saint Martin.
4. De Brinctanorum comitibus.
Chanao quoque Brittanorum comes tres fratres suos interfecit. Volens autem adhuc Macliavum interfecere, conpraehensum atque catenis oneratum in carcere retinebat. Qui per Filicem Namneticum episcopum a morte liberatus est. Post haec iuravit fratri suo, ut ei fidelis esset; sed nescio quo casu sacramentum inrumpere voluit. Quod Chanao sentiens, iterum eum persequebatur. At ille, cum se evadere non posse videret, post alium comitem regiones illius fugit, nomen Chonomorem. His cum sentiret persecutores eius adpropinquare, sub terra eum in loculo abscondit, conponens desuper ex more tumulum parvumque ei spiraculum reservans, unde alitum resumere possit. Advenientibus autem persecutoribus eius, dixerunt: 'Ecce! hic Macliavus mortuos atque sepultus iacet'. Quod illi audientes atque gaudentes et super tumulum illum bibentes, renuntiaverunt fratri, eum mortuum esse. Quod ille audiens, regnum eius integrum accepit. Nam semper Brittani sub Francorum potestatem post obitum regis Chlodovechi fuerunt, et comites, non regis appellati sunt. Macliavus autem de sub terra consurgens, Veneticam urbem expetiit ibique tonsoratus et episcopus ordinatus est. Mortuo autem Chanaone, hic apostatavit, et dimissis capillis, uxorem, quam post clericatum reliquerat, cum regno fratris simul accepit, sed ab episcopis excommunicatus est. Cui qualis fuerit interitus, sequenter scribemus. Obiit autem Baudinus episcopus anno sexto episcopatus sui. In cuius loco Guntharius abba subrogatur, XVII. post transitum sancti Martini.
Conan, comte des Bretons, tua ses trois frères. Voulant aussi tuer Mâlo, il le fit prendre et charger de chaînes, et le retenait dans une prison. Mais celui-ci fut arraché à la mort par Félix, évêque de Nantes. Il jura à son frère qu'il lui serait fidèle ; mais je ne sais à quelle occasion il voulut rompre son serment, et Conan, en étant informé, recommença à le poursuivre. Mâlo, voyant qu'il ne pouvait échapper, s'enfuit chez un autre comte de ce pays, nommé Chonomor. Celui-ci apprenant que les gens qui le poursuivaient s'approchaient, le fit cacher sous terre dans un petit réduit, et il fit construire au-dessus un tombeau selon l'usage, lui réservant une ouverture, afin qu'il pût respirer. Il dit ensuite aux hommes, lorsqu'ils furent arrivés : Voici, Mâlo est mort et enseveli. Sur ce les hommes, se réjouissant, se mirent à boire sur le tombeau, et allèrent annoncer à Conan que son frère était mort ; à cette nouvelle, Conan s'empara de tout le royaume. Les Bretons, depuis la mort du roi Clovis, ont toujours été sous la puissance des rois des Francs, et ils avaient des comtes, non des rois. Mais Mâlo, sortant de dessous terre, se rendit dans la cité de Vannes, où il fut tonsuré et ordonné évêque, Conan étant mort, il apostasia, et ayant laissé croître ses cheveux, il prit, avec le royaume de son frère, la femme qu'il avait abandonnée en se faisant clerc. Il fut excommunié par les évêques, et nous dirons plus tard quelle fut sa mort. L'évêque Baudin mourut dans la seizième année de son épiscopat. L'abbé Gonthaire fut mis à sa place ; ce fut le dix-septième depuis saint Martin.
5. De sancto Gallo episcopo.
Denique cum beatus Quintianus, sicut supra diximus, ab hoc mundo migratus est, sanctus Gallus in eius cathedram, rege opitulante, substitutus est. Huius tempore cum lues illa quam inguinariam vocant per diversas regiones desaeviret et maxime tunc Arelatensim provinciam depopularet, sanctus Gallus non tantum pro se quantum pro populo suo trepidus erat. Cumque die noctuque Dominum deprecaretur, ut vivens plebem suam vastari non cernerit, per visum noctis apparuit ei angelus Domini, qui tam caesariem quam vestem in similitudinem nivis candidam efferebat, et ait ad eum: 'Bene enim facis, o sacerdos, quod sic Dominum pro populo tuo supplicas. Exaudita est enim oratia tua; et ecce! eris cum populo tuo ab hac infirmitate liberatus, nullusque te vivente in regione ista ab hac strage deperiet. Nunc autem ne timeas; post octo vero annos time'. Unde manifestum fuit, transactis his annis eum a saeculo discessisse. Expergefactus autem et Deo gratias pro hac consolatione agens, quod eum per caelestem nuntium confortare dignatus est, rogationes illas instituit, ut media quadragesima psallendo ad basilicam beati Iuliam martyris itinere pedestri venirent. Sunt autem in hoc itinere quasi stadia 360. Tunc etiam in subita contemplatione parietes vel domorum vel ecclesiarum signari videbantur, unde a rusticis hic scriptos Thau vocabatur. Cum autem regiones illas, ut diximus, lues illa consumeret, ad civitatem Arvernam, sancti Galli intercedente oratione, non attigit. Unde ego non parvam censeo gratiam, qui hoc meruit, ut pastor positus oves suas devorari defendente Domino non videret. Cum autem ab hoc mundo migrasset et ablutus in ecclesia deportatus fuisset, Cato presbiter continuo a clericis de episcopatu laudes accepit; et omnem rem ecclesiae, tamquam si iam esset episcopus, in sua redegit potestate, ordinatores removet, ministros respuit, cuncta per se ordinat.
Lorsque le bienheureux Quintien fut sorti de ce monde, ainsi que nous l'avons dit, saint Gal, avec l'appui du roi, lui succéda dans son siège. A cette époque, la peste ravageait diverses contrées, surtout la province d'Arles, et saint Gal tremblait bien moins pour lui que pour son peuple. Comme nuit et jour il suppliait le Seigneur de lui épargner, durant sa vie, la vue d'une telle misère de son troupeau, un ange du Seigneur, dont la chevelure, ainsi que le vêtement, était blanche comme la neige, lui apparut en songe et lui dit : Évêque, tu fais bien de prier ainsi le Seigneur pour ton peuple ; ta prière a été entendue, et voici : tu seras, ainsi que ton peuple, à l'abri de ce fléau, et personne dans cette contrée n'en mourra de ton vivant ; mais, après huit ans, tremble. Il était clair par-là qu'au bout de ce terme l'évêque sortirait de ce monde. S'étant éveillé, il rendit grâces à Dieu de ce qu'il avait daigné le rassurer par ce messager céleste, et institua les actions de grâces qu'à la mi-carême les fidèles vont rendre à pied et en psalmodiant à la basilique de saint Julien martyr, voyage d'environ trois cent soixante stades. On vit à la même époque les murs des maisons et des églises de son diocèse, soudainement marqués d'un signe auquel les paysans donnèrent le nom de Thau. Et en effet, tandis que ce fléau dévastait d'autres pays, par l'intercession des prières de saint Gal, il n'approcha pas de la cité d'Auvergne. Ce n'est pas, je pense, une petite grâce pour un pasteur que d'avoir mérité que la protection du Seigneur mît ainsi ses brebis à couvert. Saint Gal étant mort fût transporté dans l'église ; aussitôt le prêtre Caton reçut les compliments des clercs sur son élévation à l'épiscopat ; et comme s'il eût déjà été évêque, il s'empara de tous les biens de l'Église, changea les administrations, et régla toutes choses de sa propre autorité.
6. De Catone presbytero.
Episcopi tamen qui advenerant ad sanctum Gallum sepeliendum, postquam eum sepelierant, dixerunt Catoni presbitero: 'Videmus, quia te valde diligit pars maxima populorum; veni, consenti nobis, et benedicentes consecremus te ad episcopatum. Rex vero parvulus est, et si qua tibi adscribitur culpa, nos suscipientes te sub defensione nostra, cum proceribus et primis regni Theodovaldi regis agemus, ne tibi ulla excitetur iniuria. Nobis quoque in tantum fideliter crede, ut spondeamus pro te omnia, etiamsi damni aliquid supervenerit, de nostris propriis facultatibus id reddituros' . Ad haec ille coturno vanae conflatus gloriae, ait: 'Nostis enim fama currente, me ab initio aetatis meae semper religiose vixisse, vacasse ieiuniis, elemosinis delectatum fuisse, continuatas saepius exercuisse vigilias, psallentio vero iugi crebra perstitisse statione nocturna. Nec me dominus Deus meus patitur ab hac ordinatione privari, cui tantum famulatum exibui. Nam et ipsos clericati grados canonica sum semper institutione sortitus. Lector decim annis fui, subdiaconatus officium quinque annis ministravi, diaconatui vero quindecim annis mancipatus fui, presbiterii, inquam, honorem viginti annis potior. Quid enim mihi nunc restat, nisi ut episcopatum, quem fidelis servitus promeretur, accipiam? Vos igitur revertimini ad civitates vestras, et si quid utilitati vestrae conpetit, exercete; nam ego canonice adsumpturus sum hunc honorem' . Haec audientes episcopi et in eum vanam gloriam exsecrantes, discesserunt.
Les évêques qui étaient venus pour ensevelir saint Gal, après la cérémonie, dirent au prêtre Caton : Nous voyons que la plus grande partie du peuple t'a choisi ; viens, concerte-toi avec nous, nous te bénirons et te consacrerons pour l'épiscopat. Le roi est enfant ; si on t'impute quelque tort, nous prendrons ta défense ; nous traiterons avec les grands du roi Théodebald pour qu'on ne te fasse aucune injure ; et quand même tu essuierais quelque perte, compte sur nous, nous te servirons de caution, et t'indemniserons sur nos propres biens. Mais Caton enflé d'une vaine gloire, leur dit : Vous avez su par la renommée que, dès mon jeune âge, j'ai toujours vécu religieusement, jeûnant, me plaisant aux aumônes, me livrant à des veilles continuelles, et passant bien souvent les nuits à chanter les louanges du Seigneur. Le Seigneur mon Dieu, que j'ai servi si assidûment, ne souffrira pas que l'ordination régulière me manque. J'ai acquis, selon l'institution canonique, les divers ordres de cléricature ; j'ai été lecteur pendant dix ans, j'ai servi cinq ans comme sous-diacre, quinze ans comme diacre, et je suis prêtre depuis vingt, ans. Que me reste-t-il donc à faire sinon à recevoir l'épiscopat, récompense de fidèles et bons services ? Retournez dans vos cités, et occupez vous de ce qui vous touche ; quant à moi, j'acquerrai la dignité épiscopale selon les règles canoniques. A ces mots, les évêques se retirèrent, détestant le vain orgueil de cet homme.
7. De episcopatu Cautini.
Igitur cum consensu clericorum ad episcopatum electus, cum adhuc non ordinatus cunctis ipse praeesset, Cautino archidiacono diversas minas intendere coepit, dicens: 'Ego te removebo, ego te humiliabo, ego tibi multas neces impendi praecipiam'. Cui ille: 'Gratiam', inquid, 'tuam, domne piissime, habere desidero; quam si mereor, unum tibi beneficium praestabo. Sine ullo enim labore tuo et absque ullo dolo ego ad regem pergam et episcopatum tibi obtineam, nihil petens, nisi promerear gratiam tuam'. At ille suspicans, eum sibi velle inludere, haec valde despexit. Hic vero cum se cerneret humiliari atque calumniae subieci, languore simulato et per noctem civitatem egrediens, ad Theodovaldum regem petiit, adnuntians transitum sancti Galli. Quod ille audiens vel qui cum eo erant, convocatis sacerdotibus apud Metensem civitatem, Cautinus archidiaconus episcopus ordinatur. Cum autem venissent nuntii Catonis presbiteri, hic iam episcopus erat. Tunc ex iussu regis traditis ei clericis et omnia, quae hi de rebus ecclesiae exhibuerant, ordinatisque qui cum eodem pergere deberent episcopis et camerariis, Arverno eum direxerunt. Qui a civibus et clericis libenter exceptus, episcopus Arvernis est datus. Grandis postea inter ipsum et Catonem presbiterum inimicitiae ortae sunt, quia nullus umquam potuit flectere Catonem, ut episcopo suo subditus esset. Nam et divisio clericorum facta est, et alii Cautino episcopo erant subditi, alii Catoni presbitero; quod eis fuit maximum detrimentum. Cautinus autem episcopus videns, eum nulla ratione posse flecti, ut sibi esset subditus, tam ei quam amicis eius vel quicumque ei consentiebant omnes res ecclesiae abstulit reliquidque eos inanes ac vacuos. Quicumque tamen ex ipsis ad eum convertebantur, iterum quod perdiderant recipiebant.
Élu donc évêque avec le consentement des clercs, Caton, avant d'avoir été ordonné, exerça toute l'autorité, et menaça de diverses manières l'archidiacre Cautin, lui disant : Je te chasserai, je t'humilierai, je te ferai souffrir mille morts. Celui-ci lui répondit : Mon pieux seigneur, je désire obtenir ta faveur, et si j'y parviens, je te rendrai un service ; sans fatigue de ta part, sans fraude de la mienne, j'irai trouver le roi, et j'obtiendrai pour toi l'épiscopat, ne demandant que tes bonnes grâces pour récompense. Mais Caton, soupçonnant qu'il voulait le tromper, repoussa avec dédain sa proposition. Alors Cautin se voyant abaissé et en butte à la calomnie, feignit une maladie, et sortant de la ville pendant la nuit, il alla trouver le roi Théodebald, à qui il annonça la mort de saint Gal. Sur cette nouvelle le roi et ceux qui étaient auprès de lui convoquèrent à Metz les évêques, et l'archidiacre Cautin fut ordonné évêque d'Auvergne. Il était déjà évêque quand arrivèrent les clercs, messagers du prêtre Caton. Le roi les mit au pouvoir de Cautin, ainsi que tous les biens de l'Église ; on désigna les évêques et les serviteurs qui devaient l'accompagner , et il prit le chemin de l'Auvergne. Il fut reçu avec plaisir par les clercs et les citoyens, et devint leur évêque. Mais bientôt s'élevèrent de grands débats entre lui et le prêtre Caton, car jamais on ne put décider celui-ci à être soumis à son évêque. Il se fit une scission parmi les clercs ; les uns obéissaient à l'évêque Cautin, les autres au prêtre Caton ; et ce fut pour tous la source de grands dommages. Cautin voyant qu'il était absolument impossible de dompter la résistance de son adversaire, lui retira tous les biens ecclésiastiques, tant à lui qu'à ses amis et à tous ceux de sa faction, et les laissa dépourvus de tout. Cependant il rendait, à tous ceux qui consentaient à rentrer sous son autorité, ce qu'ils avaient perdu.
8. De Hispanorum regibus.
Regnante vero Agilane apud Hispaniam, cum populum gravissimo dominationis suae iugo adterriret, exercitus imperatoris Hispanias est ingressus et civitates aliquas pervasit. Interfecto autem Agilane, Athanagildus regnum eius accepit. Qui multa bella contra ipsum exercitum postea egit et eos plerumque devicit, civitatisque, quas male pervaserant, ex parte auferens de potestate eorum.
Agila régnait en Espagne, et accablait son peuple d'un joug pesant. L'armée de l'empereur entra en Espagne, et prit quelques villes. Agila ayant été tué, Athanagild parvint au trône, combattit souvent contre cette armée, la vainquit plusieurs fois, et remit sous sa puissance une partie des cités dont elle s'était emparée injustement.
9. De obitu Theudovaldo.
Theodovaldus vero cum iam adultus esset, Vuldetradam duxit uxorem. Hunc Theodovaldum ferunt mali fuisse ingenii, ita ut iratus cuidam, quem suspectum de rebus suis habebat, fabulam fingeret, dicens: 'Serpens ampullam vino plenam repperit. Per huius enim os ingressus, quod intus habebatur avidus hausit. A quo inflatus vino, exire per aditum, quo ingressus fuerat, non valebat. Veniens vero vini dominus, cum ille exire niteretur nec possit, ait ad serpentem: ìEvome prius quod ingluttisti, et tunc poteris abscidere liber". Quae fabula magnum ei timorem atque odium praeparavit. Sub eo enim et Buccelenus, cum totam Italiam in Francorum regno redigisset, a Narsitae interfectus est, Italiam ad partem imperatoris captam, nec fuit qui eam ultra reciperet. Sub huius tempore uvas in arbore quem savucum vocamus absque vitis coniunctione natas vidimus, et flores ipsorum arborum, quae nigra, ut nostis, grana proferre solitae sunt, racimorum grana dederunt. Tunc et in circulum lunae quintae stella ex adverso veniens introisse visa est. Credo, haec signa mortem ipsius regis adnuntiasse. Ipse vero valde infirmatus, a cinctura deorsum se iudecare non poterat. Qui paulatim decidens, septimo regni sui anno mortuos est, regnumque eius Chlothacharius rex accepit, copulans Vuldotradam, uxorem eius, stratui suo. Sed increpitus a sacerdotibus, reliquit eam, dans ei Garivaldum ducem, dirigensque Arvernus Chramnum, filium suum.
Théodebald, devenu adulte, prit pour femme Vultrade. On dit que ce Théodebald était d'un esprit méchant ; en sorte qu'irrité contre un homme qu'il soupçonnait de lui avoir pris plusieurs choses, il feignit un apologue, et lui dit : Un serpent trouva une bouteille pleine de vin, et, étant entré par le goulot, but avidement ce qui était dedans ; de sorte qu'enflé de vin, il ne pouvait plus sortir par où il était entré. Alors le maître du vin étant arrivé tandis qu'il cherchait à sortir, et ne pouvait en venir à bout, dit au serpent : rends d'abord ce que tu as pris, et alors tu pourras sortir librement. Cette fable disposa celui à qui il la disait à beaucoup de crainte et de haine. Sous ce roi, Buccelin, qui avait soumis toute l'Italie à la puissance des Francs, fut tué par Narsès. L'Italie fut reprise pour l'empereur, et personne, depuis, ne l'a reconquise. En ce temps, nous vîmes l'arbre que nous appelons sureau porter des raisins, sans aucune accointance avec la vigne; et les fleurs de cet arbre, qui, comme on sait, produisent une graine noire, donnèrent une graine propre à la vendange; et l'on vit entrer dans l'orbite de la lune une étoile qui s'avançait à sa rencontre. Je crois que ces signes annonçaient la mort du roi. Celui-ci, en effet, devenu très infirme, ne pouvait remuer de la ceinture en bas : il mourut peu de temps après, la septième année de son règne. Le roi Clotaire prit son royaume, et fit entrer dans son lit sa femme Vultrade ; mais, réprimandé par les prêtres, il la quitta, la donna au duc Garivald, et envoya en Auvergne son fils Chramne.
10. De rebellione Saxenum.
Eo anno rebellantibus Saxonibus, Chlothacharius rex, commoto contra eos exercito, maximam eorum partem delevit, pervagans totam Thoringiam ac devastans, pro eo quod Saxonibus solatium praebuissent.
Cette année, les Saxons s'étant révoltés, le roi Clotaire fit marcher contre eux une armée, et en extermina la plus grande partie ; il ravagea et dévasta aussi toute la Thuringe, parce qu'elle avait prêté secours aux Saxons.
11. Quod Catonem ad episcopatum Turonici petierunt.
Decedente vero apud urbem Turonicam Guntharium episcopum, per emissionem, ut ferunt, Cautini episcopi Cato presbiter ad gubernandam Turonicae urbis ecclesiam petebatur. Unde factum est, ut coniuncti clerici cum Leubaste martyrario et abbate cum magno apparatu Arvernum properarent. Cumque Catoni regis voluntatem patefecissent, suspendit eos a responso paucis diebus. Hi vero regredi cupientes, dicunt: 'Pande nobis voluntatem tuam, ut sciamus, quid debeamus sequi; alioquin revertimur ad propria. Non enim nostra te voluntate expetivimus, sed regis praeceptione'. At ille, ut erat vanae gloriae cupidus, adunata pauperum caterva, clamorem dari praecepit his verbis: 'Cur nos deseris, bone pater, filios, quos usque nunc edocasti? Quis nos cibo potuque reficiet, si tu abieris? Rogamus, ne nos relinquas, quos alere consuesti'. Tunc ille conversus ad clerum Turonicum, ait: 'Videtis nunc, fratres dilectissimi, qualiter me haec multitudo pauperum diligit; non possum eos relinquere et ire vobiscum'. Istud hi responsum accipientes, regressi sunt Turonus. Cato autem amicitias cum Chramno nexuerat, promissionem ab eo accipiens, ut, si contigerit in articulo temporis illius regem mori Chlotharium, statim eiecto Cautino ab episcopatu, iste praeponeretur ecclesiae. Sed qui cathedram beati Martini contemptui habuit, quam voluit non accepit; impletumque est in eo quod David cecinit, dicens: Noluit benedictionem, et prolongabitur ab eo. Erat enim vanitatis coturno elatus, nullum sibi putans in sanctitate haberi praestantiorem. Nam quadam vice conductam pecuniam mulierem clamare fecit in ecclesia quasi per inergiam et se sanctum magnum Deoque carum confiteri, Cautinum autem episcopum omnibus sceleribus criminosum indignumque, qui sacerdotium debuisset adipisci.
Gonthaire, évêque de Tours, étant mort, le prêtre Caton fut, à ce qu'on croit, par les suggestions de l'évêque Cautin , demandé pour gouverner cette église ; en sorte que les clercs, s'étant réunis, partirent en grand appareil pour l'Auvergne, avec Leubaste, abbé et chapelain de l'oratoire du martyr. Lorsqu'ils eurent fait connaître à Caton la volonté du roi, il demanda quelques jours pour répondre ; mais eux, désirant s'en retourner, lui dirent : Apprends-nous ta volonté, afin que nous sachions ce que nous devons faire, ou bien nous nous en retournerons chez nous ; car nous ne sommes pas venus à toi de notre volonté, mais par l'ordre du roi. Mais lui, amoureux d'une vaine gloire, assembla la foule des pauvres, et leur ordonna de s'écrier en ces mots : Pourquoi nous abandonnes-tu, bon père, nous, tes enfants, que tu as nourris jusqu'à présent ? Qui nous donnera à boire et à manger si tu t'en vas ? Nous t'en prions, ne nous quitte pas, toi qui avais coutume de nous sustenter. Alors, se tournant vers le clergé de Tours, il dit : Vous voyez, mes très chers frères, combien je suis aimé de cette multitude de pauvres ; je ne puis les quitter pour aller avec vous. Les clercs, ayant reçu sa réponse, retournèrent à Tours. Caton s'était lié d'amitié avec Chramne, et en avait obtenu la promesse, si le roi Clotaire mourait en ce temps, qu'il chasserait aussitôt Cautin de l'épiscopat, et mettrait Caton à la tête de son église. Mais celui qui avait eu en mépris la cathédrale de Saint-Martin n'obtint pas celle qu'il voulait. Ainsi s'accomplit en lui ce qu'avait chanté David : Ayant rejeté la bénédiction, elle sera éloignée de lui. Caton s'était exhaussé sur le cothurne de la vanité, et ne croyait pas que personne pût le surpasser en sainteté. Quelquefois il faisait venir pour de l'argent des femmes dans l'église, et leur ordonnait de crier comme si elles eussent été emportées par la vivacité de leur conviction, le reconnaissant pour un grand saint, et très cher à Dieu, et déclarant l'évêque Cautin coupable de toutes sortes de crimes, et indigne du sacerdoce.
12. De Anastasio presbytero.
Denique Cautinus, adsumpto episcopatu, talem se reddidit, ut ab omnibus execraretur, vino ultra modum deditus. Nam plerumque in tantum infundebatur potu, ut de convivio vix a quattuor portaretur. Unde factum est, ut epylenticus fieret in sequenti. Quod saepius populis manifestum fuit. Erat enim et avaritiae in tantum incumbens, ut, cuiuscumque possessionis fines eius termino adhaesissent, interitum sibi putaret, si ab eisdem aliquid non minuisset. Et maioribus quidem cum rixa et scandalo auferebat, a minoribus autem violenter diripiebat. Quibus et a quibus, ut Sollius noster ait, nec dabat pretia contemnens nec accipiebat instrumenta desperans. Erat enim tunc temporis Anastasius presbiter, ingenuus genere, qui per chartas gloriosae memoriae Chrodigildis reginae proprietatem aliquam possidebat. Quem plerumque conventum episcopus rogat suppliciter, ut ei chartas supradictae reginae daret sibique possessionem hanc subderet. Sed ille cum voluntatem sacerdotis sui implere differret eumque episcopus nunc blanditiis provocaret, nunc minis terreret, ad ultimum invitum urbi exhiberi praecepit ibique inpudenter teneri et, nisi instrumenta daret, iniuriis adfici et fame negari iussit. Sed ille virili repugnans spiritu, numquam praebuit instrumenta, dicens, satius sibi esse ad tempus inaedia tabescere quam sobolem in posterum miseram derelinqui. Tunc ex iussu episcopi traditur custodibus, ut, nisi has chartulas proderet, fame necaretur. Erat enim ad basilicam sancti Cassii martyris cripta antiquissima abditissimaque, ubi erat sepulchrum magnum ex marmore Phario, in quo grandaevi cuiusdam hominis corpus positum videbatur. In hoc sepulchro super sepultum vivens presbiter sepelitur operiturque lapide, quo prius sarchofagum fuit obtectum, datis ante ostium custodibus. Sed custodes fidi, quod lapide premeretur, cum esset hiems, accenso igne, vino sopiti calido, obdormiunt. At presbiter, tamquam novus Ionas, velut de ventre inferi, ita de conclusione tumuli Domini misericordiam flagitabat. Et quia spatiosum, ut diximus, erat sarchofagum, etsi se integrum vertere non poterat, manus tamen in parte qua voluisset libere extendebat. Manabat enim ex ossibus mortui, ut ipse erat solitus referre, fetor letalis, qui non solum externa, verum etiam interna viscerum quatiebat. Cumque pallium aditus narium obseraret, quamdiu flatum continere poterat, nihil pessimum sentiebat; ubi autem se quasi suffocari potabat, remoto paululum ab ore pallio, non modo per os aut nares, verum etiam per ipsas, ut ita dicam, aures odorem pestiferum hauriebat. Quid plura? Quando Divinitati, ut credo, condoluit, manum dexteram ad spondam sarchofagi tendit, repperitque vectem, qui, decidente opertorio, inter ipsum ac labium sepulchri remanserat. Quem paulatim commovens, sensit, cooperante Dei adiutorio, lapidem amoveri. Verum ubi ita remotum fuit, ut presbiter caput foris educeret, maiorem quo totus egreditur aditum liberius patefecit. Interea operientibus nocturnis tenebris diem nec adhuc usquequaque diffusis, ad alium criptae ostium petit. Erat enim seris fortissimis clavisque firmissimis obseratum, verumtamen non erat ita levigatum, ut inter tabulas aspicere homo non possit. Ad hos aditus presbiter caput reclinat advertitque hominem viam praetereuntem. Hunc, licet voce tenui, vocat. Exaudit ille; nec mora, secure manu tenens, sudes ligneos, quibus serae continebantur, incidit aditumque presbitero patefecit. At ille de nocte praeteriens, ad domum pergit, satis virum obsecrans, ne de hoc cuiquam aliquid enarraret. Domum igitur suam ingressus, inquisitis chartis, quas ei memorata regina tradiderat, ad Chlotharium regem defert, indicans, qualiter ab episcopo suo vivens sepulturae fuerat mancipatus, stupescentibus autem omnibus et dicentibus, numquam vel Neronem vel Herodem tale facinus perpetrasse, ut homo vivens sepulchro reconderetur. Advenit autem ad Chlotharium regem Cautinus episcopus, sed accusante presbitero, victus confususque discessit. Presbiter autem, acceptis a rege praeceptionibus, res suas ut libuit defensavit posseditque ac suis posteris dereliquit. In Cautino autem nihil sancti, nihil pensi fuit. De omnibus enim scripturis, tam ecclesiasticis quam saecularibus, adplene immunis fuit. Iudaeis valde carus ac subditus erat, non pro salute, ut pastoris cura debet esse sollicita, sed pro comparandis speciebus, quas, cum hic blandiretur et illi se adulatores manifestissime declararent, maiori quam constabant pretio venundabant.
Cautin , entré en possession de l'épiscopat, se comporta de telle sorte qu'il devint exécrable à tous ; s'adonnant au vin sans mesure, il en avalait quelquefois une telle quantité qu'à peine suffisait-il de quatre hommes pour l'emporter de table ; d'où il arriva par la suite qu'il devint épileptique, ce qui se manifesta souvent aux yeux du peuple. Il était aussi dominé par une telle avarice qu'il croyait perdre du sien lorsqu'il ne parvenait pas à rogner quelque chose sur les propriétés qui touchaient aux siennes : aux plus puissants, il les enlevait par des rixes et des querelles ; aux moindres, il les prenait par violence, et, comme dit notre Sollius, n'en donnait pas le prix par dédain, et n'en prenait point d'acte de vente, faute d'espoir qu'on pût le regarder comme légitime. Il y avait en ce temps un prêtre nommé Anastase, de naissance libre, et à qui la reine Clotilde, de glorieuse mémoire, avait donné, par une charte, quelque propriété. L'évêque l'avait fait venir plusieurs fois, et l'avait prié humblement et avec instances de lui donner la charte de ladite reine, et de lui abandonner sa propriété ; et, comme le prêtre refusait d'accomplir sa volonté, l'évêque tantôt tachait de le persuader par des caresses, tantôt l'effrayait par des menaces. A la fin, il le fit amener, malgré lui, à la ville, et là le retint avec impudence, ordonnant, s'il ne livrait pas son contrat, qu'on l'accablât d'outrages et qu'on le fit mourir de faim ; mais lui, résistant avec courage, refusa toujours de donner l'acte, disant qu'il valait mieux , pour lui mourir de faim en quelques jours, que de laisser ses enfants dans la misère. Alors il fut livré à des gardes, avec ordre, s'il ne donnait pas cette charte, qu'on le laissât mourir de faim. Il y avait dans l'église de Saint-Cassius, martyr, un souterrain antique et caché, où se trouvait un grand tombeau de marbre de Paros, dans lequel paraissait avoir été déposé autrefois le corps d'un homme. Le prêtre fut enfermé vivant dans ce tombeau; on couvrit le sarcophage , on le chargea d'une pierre, et on mit des gardes devant la porte du souterrain; mais les gardes, se fiant â la pierre qui fermait le tombeau, comme c'était l'hiver, firent du feu, et, appesantis par les vapeurs du vin chaud, ils s'endormirent. Le prêtre, nouveau Jonas, implorait, du fond de ce tombeau, comme du sein de l'enfer, la miséricorde de Dieu. Le sarcophage, comme nous l'avons dit, était grand, et, s'il ne pouvait pas s'y tourner entièrement, cependant il étendait les mains librement de tous côtés. Les os des morts, qu'on avait coutume de porter en ce lieu, exhalaient, comme il l'a souvent raconté, une puanteur mortelle, qui non seulement soulevait ses sens, mais le bouleversait jusqu'au fond des entrailles. Il fermait avec son manteau l'entrée de ses narines, et aussi longtemps qu'il pouvait retenir son haleine, il ne sentait pas la mauvaise odeur ; mais lorsque, se croyant prêt à étouffer, il écartait un peu son manteau de son visage, cette puanteur empestée lui entrait non seulement par le nez, par la bouche, mais aussi, pour ainsi dire, par les oreilles. Qu'ajouterai je de plus ? Dieu enfin, je crois, eut pitié de lui ; et en étendant sa main droite vers le bord du sarcophage, il rencontra un levier qui, demeuré sur le bord du sépulcre, en soulevait la couverture. Alors, le remuant un peu, il s'aperçut qu'avec l'aide de Dieu, il ébranlait la pierre. Lorsqu'il l'eut assez écartée pour pouvoir passer la tête, il fit bientôt une ouverture assez large pour donner passage à tout son corps. Cependant les ténèbres de la nuit commençant à couvrir le jour, mais sans être encore entièrement répandues, il chercha l'autre porte du souterrain. Elle était étroitement fermée par des serrures et des clefs très fortes ; mais comme elle n'était pas si bien jointe qu'il ne pût voir à travers les planches, il approcha sa tête de cette ouverture, et vit un homme qui passait : il l'appela, quoique à voix basse. Celui-ci l'entendit ; et comme il tenait une hache, il coupa les barres de bois auxquelles tenaient les serrures, et ouvrit au prêtre. La nuit étant survenue, le prêtre retourna à sa maison, priant cet homme de ne parler de lui à personne. Étant donc rentré dans sa maison, et ayant pris les chartes qu'il tenait, comme je l'ai dit, de la reine, il s'adressa au roi Clotaire, et lui apprit comment son évêque l'avait condamné à être enseveli vivant. Tout le monde fut saisi d'un grand étonnement, et l'on disait que Néron ni Hérode n'avaient jamais commis un forfait pareil à celui d'enfermer dans le tombeau un homme vivant. L'évêque Cautin vint trouver le roi Clotaire ; mais, accusé par le prêtre, il s'en retourna vaincu et humilié. Le prêtre ayant reçu du roi la confirmation de sa propriété, fit enceindre ses biens comme il lui plut, les conserva, et les laissa à ses enfants. Cautin n'avait en soi rien de saint, ni qui méritât l'estime ; car il était entièrement dépourvu de toute connaissance des lettres, tant ecclésiastiques que mondaines. Il était cher aux Juifs, et s'adonnait beaucoup à eux, non pour leur salut, comme ce devrait être le soin d'un pasteur, mais pour leur acheter différentes choses ; et, comme ils le caressaient et se montraient hautement ses flatteurs, ils lui vendaient leurs marchandises à un prix fort au-dessus de ce qu'elles valaient.
13. De levitate ac malitia Chramni.
Chramnus vero his diebus apud Arvernus resedebat. Multae enim causae tunc per eum inrationabiliter gerebantur, et ob hoc acceleratus est de mundo; multum enim maledicebatur a populo. Nullum autem hominem diligebat, a quo consilium bonum utilemque possit accipere, nisi collectis vilibus personis aetate iuvenele fluctuantibus, eosdem tantummodo diligebat, eorumque consilium audiens, ita ut filias senatorum, datis praeceptionibus, eisdem vi detrahi iuberet. Firminum a comitatum urbis graviter iniuriatum abegit et Salustium, Euvodi filium, subrogavit. Sed Firminus cum socro sua eclesiam petiit. Erant autem quadraginsimae dies, et Cautinus episcopus Brivatensim diocisim psallendo adire disposuerat iuxta institutione sancti Galli, sicut supra scripsimus. Egressus est igitur episcopus ab urbe cum magno fletu, metuens, ne alequid in itinere adversi perferret. Intendebat enim et ipse rex Chramnus moenas. Qui dum iter ageret, misit rex Imnacharium et Scaptharium primus de latere suo, dicens: 'Ite et vi abstrahite Firminum Caesariamque, socrum eius, de eclesia'. Discendente vero episcopo cum psallentio, sicut supra memoravimus, hi qui missi fuerant a Chramno ingrediuntur eclesiam ac Firminum Caesariamquae variis collucutionum dolis mulcere temptant. Verum ubi diutissime alia ex aliis deambulantes per eclesiam conlocuntur et in hoc qui confugerant intenderent ex animo quae dicebantur, ad regias aedis sacrae, quae tunc reseratae fuerant, adpropinquant. Tunc Imnacharius Firminum, Scaptharius Caesariam adpraehensis inter brachia ab aeclesia eieciunt, paratis pueris, qui susciperent. Quos statim in exilio direxerunt. Sed die altera depraessis somno costodibus, ipsi se liberos sentientes, ad beati Iuliani basilicam confugiunt, et sic ab exilio liberantur. Res tamen eorum fisco conlatae sunt. Cautinus autem episcopus, cum suspectus esset, quod et ipsi iniuriaretur, ac memoratum iter terens, equum haberet stratum, vidit postergum hominis venientes cum caballis, qui ad occursum eius veniebant, et ait: 'Vae mihi, quia hi sunt quos Chramnus direxit ad me conpraehendendum' . Et ascenso equite, relicto psallentio, solus usque in porticum basilicae sancti Iuliani, ambis urguens calcaneis cornipedem, pene exanimis percurrit. Sed nos haec narrantis, Salustii sententiam, quam in detractaturibus historiografforum protulit, memoramus. Ait enim: Arduum videtur res gestas scribere: primum quod facta dictis exaequanda sunt; deinde quia plerique quae delecta repraehenderis malevolentia et invidia dicta putant. Sed coepta sequamur.
En ces jours-là, Chramne résidait en Auvergne et y faisait beaucoup de choses contre la raison, ce qui précipita sa sortie de ce monde, car il était fort maudit par le peuple ; il n'aimait aucun de ceux qui pouvaient lui donner des conseils bons et utiles. Mais il rassemblait autour de lui des hommes de bas lieu, jeunes, sans moeurs, et il se plaisait tellement avec eux qu'écoutant leurs conseils, il faisait enlever des filles de sénateurs à la vue de leurs pères. Il dépouilla injurieusement Firmin du titre de comte de la ville et mit à sa place Salluste fils d'Évode ; Firmin se réfugia dans l'église avec sa belle-mère. C'étaient alors les jours du carême, et l'évêque Cautin se disposait à se rendre dans la paroisse de Brioude en chantant les psaumes, selon que l'avait institué saint Gal, ainsi que nous l'avons dit ailleurs. L'évêque sortit donc de la ville avec beaucoup de larmes, craignant qu'il ne lui arrivât quelque malheur en chemin, car il avait appris les menaces du roi Chramne. Pendant qu'il était en route, le roi envoya Imnachaire et Scaphtaire les premiers auprès de lui, et leur dit : Allez et tirez par force de l'église Firmin et Césaire sa belle-mère. L'évêque étant donc parti, comme je l'ai dit, en chantant des psaumes, les envoyés de Chramne entrèrent dans l'église et tachèrent de persuader Firmin et Césaire par beaucoup de paroles trompeuses, et, après avoir longtemps parlé de choses et d'autres en se promenant dans l'église, comme les fugitifs étaient fort occupés de leur entretien, ils les firent approcher des portes de l'édifice sacré qu'on avait ouvertes. Alors Imnachaire ayant saisi dans ses bras Firmin, et Scaphtaire Césaire, ils les poussèrent hors de l'église, où un des serviteurs qu'on avait apostés s'en empara, et sur-le-champ ils les conduisirent en exil ; mais le lendemain, leurs gardes s'étant laissés vaincre par le sommeil, ils s'aperçurent qu'ils pouvaient s'en aller, s'enfuirent à la basilique du bienheureux Julien, et se délivrèrent ainsi de l'exil ; leurs biens furent remis au fisc. Cependant l'évêque Cautin qui craignait , comme je l'ai dit, qu'on ne voulût lui faire du mal, poursuivait son chemin ayant près de lui un cheval sellé ; il vit derrière lui venir de son côté des hommes à cheval, et dit : Malheur à moi voilà les gens que Chramne envoie pour me prendre ; et montant à cheval, il laissa là son psaume, et pressant sa monture des deux talons, s'enfuit seul et à demi-mort jusqu'au portique de la basilique de Saint-Julien ; mais, en rapportant ces choses, nous devons nous rappeler ce que dit Salluste des censures auxquelles sont exposés les historiens : Il est difficile d'écrire ce qui s'est passé, car il faut d'abord que les paroles soient à l'unisson des faits, et ensuite plusieurs attribuent à l'envie et à la malveillance l'animadversion que vous exprimez contre les crimes. Mais poursuivons ce que nous avons commencé.
14. Quod Chlothacharius contra Saxones abiit iterata vice.
Igitur Chlothacharius post mortem Theodovaldi cum regno Franciae suscepisse atque eum circuiret, audivit a suis in iterata insania efferviscere Saxonis sibique esse rebelles, et quod tributa, quae annis singulis consueverant ministrare, contemnerent reddere. His incitatus verbis, ad eos dirigit. Cumque iam prope terminum illorum esset, Saxones legatus ad eum mittunt, dicentes: 'Non enim sumus contemptoris tui, et ea quae fratribus ac neputibus tuis reddere consuevimus non negamus, et maiora adhuc, si quaesieris, reddimus. Unum tantum exposcimus, ut sit pax, ne tuus exercitus et noster populus conlidatur'. Haec audiens Chlothacharius rex, ait suis: 'Bene locuntur hii homines. Non incedamus super eos, ne forte peccemus in Deum'. At ille dixerunt: 'Scimus enim eos mendacis nec omnino quod promiserint impleturus. Eamus super eos'. Rursum Saxones obtulerunt medietatem facultatis suae, pacem petentes. Et Chlotharius ait suis: 'Dissistete, quaeso, ab his hominibus, ne super nos Dei ira concitetur'. Quod illi non adquieverunt. Rursum Saxones obtulerunt vestimenta, pecora vel omni corpus facultatis suae, dicentes: 'Haec omnia tollite cum medietatem terrae nostrae, tantum uxoris et parvolus nostros relinquete liberos, et bellum inter nos non committatur'. Franci autem nec hoc adquiescere voluerunt. Quibus ait Chlothacharius rex: 'Desistite, quaeso, desistite ab hac intentione. Verbum enim derictum non habemus; nolite ad bellum ire, in quo disperdamini. Tamen si abire volueritis, spontania voluntate ego non sequar'. Tunc illi ira commoti contra Chlotharium regem, super eum inruunt, et scindentes tenturium eius ipsumque convitiis exasperantes ac vi detrahentes, interficere voluerunt, si cum illis abire deferret. Haec videns Chlotharius, invitus abiit cum eis. At ille, inito certamine, maxima ab adversariis internitione caeduntur, tantaque ab utroque exercitu multitudo caecidit, ut nec aestimare nec numerare paenitus possit. Tunc Chlotharius valde confusus pacem petiit, dicens, se non sua voluntate super eos venisse. Qua obtenta, ad propriam rediit.
Clotaire, après la mort de Théodebald, s'étant mis en possession du royaume de France, apprit, comme il parcourait ses États, que les Saxons, enflammés de nouveau de leur ancienne fureur, s'étaient révoltés et refusaient de payer le tribut qu'ils avaient coutume de donner tous les ans. Irrité de cette nouvelle, il marcha vers eux, et, lorsqu'il fut arrivé près de leur frontière, les Saxons envoyèrent vers lui pour lui dire : Nous ne te méprisons point, et ne refusons pas de te payer ce que nous avions coutume de payer à tes frères et à tes neveux ; nous te donnerons même davantage si tu le demandes ; mais nous te prions de demeurer en paix avec nous, et n'en viens pas aux mains avec notre peuple. Clotaire ayant entendu ces paroles dit aux siens : Ces hommes parlent bien ; ne marchons pas sur eux de peur de pécher contre Dieu. " Mais ils lui dirent : Nous savons que ce sont des menteurs et qu'ils n'ont jamais accompli leur promesse ; marchons sur eux. Alors les Saxons revinrent de nouveau, offrant la moitié de ce qu'ils possédaient et demandant la paix, et le roi Clotaire dit aux siens : Désistez-vous, je vous prie, de l'envie d'attaquer ces hommes, afin que nous n'attirions pas sur nous la colère de Dieu. Mais ils n'y voulurent pas consentir. Les Saxons revinrent encore offrant leurs vêtements, leurs troupeaux et tout ce qu'ils possédaient, et disant : Prenez tout cela et aussi la moitié de nos terres, pourvu seulement que nos femmes et nos petits enfants demeurent libres et, qu'il n'y ait pas de guerre entre nous. " Mais les Francs, ne voulurent point encore consentir à cela. Le roi Clotaire leur dit : Renoncez, je vous prie, renoncez à votre projet, car le droit n'est pas de notre côté ; ne vous obstinez pas à un combat où vous serez vaincus ; mais si vous voulez y aller de votre propre volonté, je ne vous suivrai pas. Alors irrités de colère contre le roi Clotaire, ils se jetèrent sur lui, déchirèrent sa tente, l'accablèrent d'injures furieuses, et l'entraînant par force, voulurent le tuer, s'il ne consentait pas à aller avec eux. Clotaire, voyant cela, marcha avec eux malgré lui. Ils livrèrent donc le combat, et leurs ennemis firent parmi eux un grand carnage, et il périt tant de gens dans l'une et l'autre armée qu'on ne peut ni l'estimer, ni le compter avec exactitude. Clotaire très consterné demanda la paix, disant aux Saxons que ce n'était pas par sa volonté qu'il avait marché contre eux ; l'ayant obtenue, il retourna chez lui.
15. De episcopatu sancti Eufroni.
Turonici autem audientes, regressum fuisse regem de caede Saxonum, facto consensu in Eufronio presbitero, ad eum pergunt. Data quoque suggestionem, respondit rex: 'Praeciperam enim, ut Cato presbiter illuc ordinaretur; et cur est spreta iussio nostra?' Responderuntque: 'Petivimus enim eum, sed venire noluit'. Haec illis dicentibus, advenit subito Cato presbiter, depraecans regem, ut, eiecto Cautino, ipsum Arverno iuberet institui. Quod rege inridente, petiit iterum, ut Turonus ordinaretur, quod ante dispexerat. Cui rex ait: 'Ego primum praecipi, ut Turonus te ad episcopatum consecrarent, sed quantum audio, despectui habuisti ecclesiam illam; ideoque elongaveris a dominatione eius'. Et sic confusus abscessit. De sancto vero Eufronio interrogans, dixerunt, eum nepotem esse beati Gregorii, cui supra meminimus. Respondit rex: 'Prima haec est et magna generatio. Fiat voluntas Dei et beati Martini, electio compleatur'. Et data praeceptione, octavos decimus post beatum Martinum sanctus Eufronius ordinatur episcopus.
Les gens de Tours, apprenant que le roi était revenu du massacre fait par les Saxons, se réunirent en faveur du prêtre Euphronius, et étant allés trouver le roi, ils lui présentèrent l'acte de sa nomination pour qu'il l'approuvât. Le roi répondit : J'avais ordonné qu'on instituât le prêtre Caton, pourquoi a-t-on méprisé mes ordres. Ils répondirent : Nous avons été le chercher, mais il n'a pas voulu venir. Comme ils disaient cela, Caton arriva tout à coup pour prier le roi de renvoyer Cautin et de le nommer évêque d'Auvergne ; mais le roi s'étant moqué de sa demande, il demanda alors qu'on le nommât au siège de Tours qu'il avait méprisé. Le roi lui dit : J'avais d'abord ordonné que tu fusses sacré évêque par les gens de Tours ; mais, à ce que j'apprends, tu as eu cette église en mépris ; ainsi tu n'en obtiendras pas le gouvernement. Et de cette sorte il s'en alla confus, et le roi s'étant informé de saint Euphronius, ils lui dirent qu'il était neveu du bienheureux Grégoire dont nous avons parlé. Le roi répondit : C'est une race relevée et des premières ; que la volonté de Dieu et de saint Martin soit faite, et son élection confirmée. Il donna cette confirmation et saint Euphronius fut sacré évêque, le dix-huitième après saint Martin.
16. De Chramno.
Chramnus vero apud Arvernus diversa, ut diximus, exercebat mala, semper adversus Cautinum episcopum invidiam tenens. Eo tempore graviter egrotavit, ita ut capilli eius a nimia febre decederunt. Habebat autem tunc secum virum magnificum et in omni bonitate perspicuum civem Arvernum Ascovindum nomen, qui eum vi ab hac malitia quaerebat avertere, sed non poterat. Habebat enim et Leonem Pectavinsim ad omnia mala perpetranda gravem stimulum, qui nominis sui tamquam leo erat in omni cupiditate saevissimus. Hic fertur quadam vice dixisse, quod Martinus et Marcialis confessoris Domini nihil fisci viribus utile reliquissent. Sed statim percussus a virtute confessorum, surdus et mutus effectus, amens est mortuos. Venit enim miser ad basilicam sancti Martini Toronus celebravitque vigilias, dedit munera, sed non eum respexit virtus consueta. Cum ipsa enim qua venerat infirmitate regressus est. Chramnus ab Arverno regressus, Pectavus civitatem venit. Ubi cum magna potentia resederet, seductus per malorum consilium, ad Childeberthum patruum suum transire cupit, patri insidias parare disponens. Ille vero dolosae quidem, sed suscipere eum promittit, quem monere spiritaliter debuerat, ne patri exsisterit inimicus. Tunc per occultus nuntius inter se coniurati, contra Chlotharium unanimiter conspirant. Sed nec memor fuit Childeberthus, quod, quotienscumque adversus fratrem suum egit, semper confusus abscessit. Chramnus vero, hoc foedere inito, Limovicino rediit et illud, per quod prius ambulaverat in regno patris sui, in sua dominatione redigit. Tunc Arvernus populos infra murus tenebatur inclusus, et diversis infirmitatibus oppraessus, graviter interibat. Porro Chlotharius rex duos filios suos, id est Chariberthum et Gunthramnum, ad eum diriget. Qui per Arvernum venientes audientesque, quod in Lemovicino esset, usque ad montem quem Nigrum nomen dicunt accedunt eumque repperiunt, figentesque tenturia, contra se resederunt, mittentes legationem, ut res paternas, quas male pervaserat, reddere deberet; sin autem aliut, campum praepararet ad bellum. Cumque ille patre subditum se esse confingeret diceretque: 'Omne quod circuivi laxare non potero, sed sub mea hoc potestate cum gratia patris mei cupio retenere', ille, ut proelium hoc inter ipsus deiudicaret, postulant. Cumque moto utrique exercitu cum magno armorum apparatu ad bellum convenissent, subito exorta tempestas cum gravi curuscatione atque tonitruo eos, ne pugnarent, inibuit. Redeuntes autem ad castra, Chramnus dolosae per extraneam personam patris mortem fratribus pronuntiat. Eo enim tempore bellum contra Saxones, quod supra diximus, gerebatur. At ille timentes, cum summa velocitate Burgundiam redierunt. Chramnus vero cum exercitu post eos dirigens, usque civitatem Cavillonensim venit eamque obsedens adquisivit. Exinde usque Divionensem castrum pertendit, ibique cum die dominico advenisset, quid gestum fuerit, dicamus. Erat ibi tunc sanctus Tetricus episcopus, cui in superiori libellum memoriam fecimus. Positis clerici tribus libris super altarium, id est prophetiae, apostoli atque euangeliorum, oraverunt ad Dominum, ut Chramnum quid evenirit ostenderit, aut, si ei felicitas succiderit aut certe se regnare possit, divina potentia declararet; simulque unam habentes conibentiam, ut unusquisque in libro quod primum aperiebat hoc ad missas et legeret. Aperto ergo primo omnium prophetarum libro, repperiunt: Auferam maceriam eius, et erit in dissolationem; pro eo quod debuit facere uvam, fecit autem lambruscam. Reseratumque apostoli librum, inveniunt: Ipsi enim diligenter scitis, fratres, quia dies Domini sicut fur in nocte ita veniet. Cum dixerint: 'Pax et securitas', tunc repentinus superveniet illis interitus, sicut dolores parturientes, et non effugient. Dominus autem per euangelium ait: Qui non audit verba mea, adsimilabitur viro stulto, qui aedificavit domum suam super arenam; discendit pluvia, advenerunt flumina, flaverunt venti et inruerunt in domum illam, et cecidit, et facta est ruina eius magna. Chramnus vero ad basilicas ab antedicto sacerdote susceptus est, ibique panem comedens, ad Childeberthum pertendit. Infra murus tamen Divionensis non est permissus intrare. Fortiter tunc rex Chlotharius contra Saxones decertabat. Saxones enim, ut adserunt, per Childeberthum commoti atque indignantes contra Francos superiore anno, exeuntesque de regione sua in Francia venerant et usque Divitiam civitatem praedas egerunt nimiumque grave scelus perpetrati sunt.
Chramne, comme nous l'avons dit, faisait en Auvergne beaucoup de maux de diverses sortes et était toujours animé de haine contre l'évêque Cautin ; il arriva que dans ce temps il fut dangereusement malade et qu'une grande fièvre lui fit tomber tous les cheveux. Il avait avec lui un citoyen d'Auvergne, nommé Ascovinde, homme d'un grand mérite, et éminent en toutes sortes de vertus, qui faisait tous ses efforts pour s'opposer à sa mauvaise conduite, mais ne pouvait y parvenir. Il avait aussi un Poitevin, appelé Léon, qui l'excitait vivement à toutes les mauvaises actions. Celui-ci, conformément à la signification de son nom, était adonné à toutes sortes de passions avec la cruauté d'un lion. On prétend qu'il disait quelquefois que Martin et Martial, confesseurs de Dieu, ne laissaient au fisc rien qui vaille. Frappé soudainement par un miracle des saints confesseurs, il devint sourd et muet et mourut insensé, car inutilement ce pauvre misérable se rendit à l'église de saint Martin de Tours, y célébra des veilles et y offrit des présents ; le saint ne le regarda pas avec sa bonté accoutumée et il s'en retourna aussi malade qu'il était venu. Chramne cependant ayant quitté l'Auvergne, vint dans la cité de Poitiers ; tandis qu'il y vivait avec beaucoup de magnificence, séduit par de mauvais conseils, il forma le projet de se mettre dit parti de Childebert, son oncle, afin de tendre des embûches à son père ; et son oncle eut la perfidie de lui promettre des secours, tandis que, selon la religion, il aurait dû l'engager à ne se pas déclarer ennemi de son père. S'étant donc entendus par des messagers secrets, ils conspirèrent ensemble contre Clotaire, et Childebert ne se rappela pas que toutes les fois qu'il s'était élevé contre son frère, cela lui avait toujours tourné à confusion. Chramne, étant donc entré dans cette criminelle combinaison, revint à Limoges, et au lieu qu'auparavant il avait voyagé sur les possessions de son père, là il se trouva dans ses propres domaines. Le peuple de Clermont se tenait alors renfermé dans ses murs, et beaucoup mouraient de diverses et dangereuses maladies. Le roi Clotaire envoya vers Chramne deux de ses fils, Charibert et Gontran ; en arrivant en Auvergne, ils apprirent qu'il était dans le Limousin, et continuant leur marche jusques à la montagne appelée Noire, ils l'y trouvèrent. Ils y établirent leurs tentes et assirent leur camp prés de lui, faisant passer vers lui des envoyés, pour lui dire qu'il devait rendre les possessions de son père qu'il avait envahies à tort, sans quoi on se préparerait au combat. Lui, feignant de reconnaître l'autorité de son père, dit : Je ne puis me dessaisir de tout ce que j'ai pris ; mais je désire le garder en ma puissance, du consentement de mon père. Ils le pressèrent de décider la chose entre eux par un combat, et les deux armées étant venues sur le champ de bataille et s'étant mises en mouvement avec un grand appareil, il s'éleva sur-le-champ, pour les empêcher de combattre, une tempête accompagnée de violents éclairs et de beaucoup de tonnerre ; et lorsque chacun fût revenu dans son camp, Chramne trompa ses frères, en leur faisant annoncer par des étrangers la mort de leur père ; car Clotaire était alors, comme nous l'avons dit, à faire la guerre contre les Saxons. Effrayés de cette nouvelle, Charibert et Gontran reprirent en toute diligence le chemin de la Bourgogne. Chramne les suivit avec son armée et marcha jusqu'à la ville de Châlons qu'il assiégea et prit ; puis il poussa jusqu'au château de Dijon ; il y arriva un dimanche, et je vais raconter ce qui s'y passa. Saint Tétrique, évêque, dont nous avons déjà parlé dans un autre ouvrage, était alors à Dijon. Les prêtres ayant posé sur l'autel trois livres, savoir : les Prophéties, les Apôtres et les Évangiles, prièrent Dieu de faire connaître ce qui arriverait à Chramne, et de déclarer, par sa divine puissance, s'il aurait un heureux succès et s'il pouvait espérer de régner. Il était convenu que chacun lirait à l'office ce qu'il trouverait à l'ouverture du livre. Ayant donc ouvert le premier livre des Prophètes, on y trouva ceci : J'arracherai ma vigne et elle sera dans la désolation, parce qu'elle devait produire des raisins, et n'a produit que des fruits sauvages. On ouvrit le livre des Apôtres, et on y trouva ceci : Car vous savez très bien, mes frères, que le jour du Seigneur doit venir comme un voleur de nuit ; car lorsqu'ils diront : nous voici en paix et en sûreté, ils seront surpris tout d'un coup d'une ruine imprévue, comme l'est une femme grosse des douleurs de l'enfantement, sans qu'il leur reste aucun moyen de se sauver. Dieu dit aussi par l'organe de l'Évangile : Quiconque entend ces paroles que je dis et ne les pratique point, il est semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable ; et lorsque la pluie est tombée, que les fleuves se sont débordés, que les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison, elle a été renversée, et la ruine en a été grande. Chramne fut reçu dans la basilique par le susdit évêque, il y mangea le pain, puis se rendit prés de Childebert. Cependant on ne lui permit pas d'entrer dans les murs de Dijon. Pendant ce temps le roi Clotaire combattait vaillamment contre les Saxons, car les Saxons, excités, à ce qu'on dit, par Childebert, et irrités, depuis l'année précédente, contre les Francs, étaient sortis de leur pays et venus en France où ils arrivèrent jusqu'à la ville de Deutz, pillant et causant beaucoup de très grands maux.
17. Quod Chramnus ad Childeberthum transiit.
Tunc Chramnus, iam accepta Wiliacharii filia, Parisius accedens, secum Childeberthum regem constringit in fide atque caritate, iurans, se patri esse certissimum inimicum. Childeberthus autem rex, dum Chlotharius contra Saxones decertaret, in campaniam Remensim accedit, et usque Remus civitatem properans, cuncta predis atque incendio devastavit. Audierat enim, fratrem suum a Saxonibus fuisse perimtum, et regno suo cuncta subici aestimans, quae adire potuit universa pervasit.
Dans ce temps , Chramne , après avoir épousé la fille de Wiliachaire, vint à Paris et s'unit de foi et d'amitié avec le roi Childebert, jurant à son père une inimitié implacable. Pendant que Clotaire combattait contre les Saxons, le roi Childebert entra dans la Champagne Rémoise et arriva jusqu'à la ville de Reims, dévastant tout par le pillage et l'incendie. On lui avait dit que son frère avait été tué par les Saxons, et pensant se rendre maître de tout son royaume, il envahit tous les lieux où il put arriver.
18. De Austrapio duce.
Tunc et Austrapius dux Chramnum metuens, in basilica sancti Martini confugit. Cui tali in tribulatione posito non defuit divinum auxilium. Nam cum Chramnus ita eum constringi iussit, ut nullus illi alimenta praebere praesumerit, et ita arcius custodiretur, ut nec aquam quidem ei aurire liceret, quo facilius conpulsus inaedia ipse sponte sua de basilicam sancta periturus exiret, accedens quidam vasculum illi cum aqua simevivo detulit ad putandum. Quo accepto, velociter iudex loci advolavit ereptumque de manu eius terrae diffudit. Quod velox Dei ultio et beati antestetis virtus est subsecuta. Eam namque die iudex qua ista gesserat correptus a febre, nocte media expiravit, nec pervenit in crastino ad illam horam, qua in basilica sancti poculum de manu excusserat fugitivi. Post istud miraculum omnes ei opolentissime quae erant necessaria detulerunt. Redeunte autem in regnum suum rege Chlothario, magnus cum eo est habitus. Tempore vero eius ad clericatum accedens, apud Sellensim castrum, quod in Pectava habitur diocisi, episcopus ordenatur; futurum, ut, decedente Pientio antestite, qui tunc Pectavam regebat eclesiam, ipse succederet. Sed rex Chariberthus in aliut vertit sententiam. Denique cum Pientius episcopus ab hac luce migrasset, apud Parisius civitatem Pascentius, qui tunc abba erat basilicae sancti Helari, ei succedit ex iussu regis Chariberthi, clamante Austrapio, sibi hunc redebere locum. Sed parum ei iactati profuere sermones. Ipse quoque regressus ad castrum suum, mota super se Theifalorum seditione, quos saepe gravaverat, lancea sauciatus crudiliter vitam finivit. Dioceses vero suas eclesia Pectava recipit.
Le duc Austrapius, craignant la poursuite de Chramne, s'enfuit dans la basilique de Saint-Martin ; et le secours divin ne lui manqua pas dans ses tribulations. Chramne, dans l'intention de l'avoir de force, avait défendu que personne osât lui porter des aliments, et ordonné qu'on le gardât si soigneusement qu'il ne pût même obtenir de l'eau à boire, afin que, poussé par la famine, il consentit à sortir de lui-même de la sainte basilique, et qu'on pût le faire périr. Comme il était à demi-mort, quelqu'un entra, lui portant à boire un petit verre d'eau ; mais, au moment où il venait de le prendre, le juge du lieu s'élança rapidement sur lui, et le lui ayant arraché de la main, répandit l'eau à terre ; mais, avec la même rapidité, s'ensuivirent aussitôt la vengeance de Dieu et les signes de la puissance du saint évêque : car le juge qui avait fait cette action, saisi de la fièvre le jour même, expira au milieu de la nuit, et ne vit pas, le lendemain, l'heure à laquelle, dans la basilique du saint, il avait arraché la boisson des mains du fugitif. Après ce miracle, tout le monde s'empressa de porter abondamment à Austrapius ce qui lui était nécessaire ; et, lorsque le roi Clotaire fit revenu dans son royaume, il fut en grand crédit auprès de lui. Quelque temps après, étant entré dans les ordres au château de Selle, situé dans le diocèse de Poitiers, il fut sacré évêque, afin que lorsque Pientius, qui gouvernait alors l'église de Poitou , viendrait à mourir, il pût occuper sa place : mais le roi Charibert en ordonna autrement ; car, lorsque l'évêque Pientius eut passé de ce monde dans l'autre, Pascentius, alors abbé de l'église de Saint-Hilaire, lui succéda par ordre du roi Charibert, bien qu'Austrapius réclamât la possession de ce siége. Ses paroles hautaines ne lui servirent pas de grand'chose ; et lorsqu'il fut retourné à son château, les Taifales, qu'il avait souvent opprimés, s'étant soulevés contre lui, il mourut cruellement, frappé d'un coup de lance. Dans le soulèvement des Taifales, l'église de Poitou recouvra les terres de son diocèse.
19. De obitu sancti Medardi episcopi.
Tempore quoque Chlothari regis sanctus Dei Medardus episcopus, consummato boni operis cursu et plenus dierum, sanctitate praecipuus, diem obiit. Quem Chlotharius rex cum summo honore apud Sessionas civitatem sepelivit et basilicam super eum fabricare coepit, quam postea Sigiberthus, filius eius, explevit atque conposuit. Ad cuius beatum sepulchrum vidimus vinctorum conpedes atque catenas disruptas confractasque iacere; quae usque hodie in testimonium virtutis eius ad ipsum beati sepulchrum reservantur. Sed ad superiora redeamus.
Du temps du roi Clotaire, l'évêque Médard, saint de Dieu, ayant fini le cours de ses bonnes oeuvres, plein de jours et éminent en sainteté, ferma aussi les yeux à la lumière. Le roi Clotaire le fit ensevelir avec de grands honneurs dans la ville de Soissons, et commença à bâtir sur son tombeau une église, que finit et arrangea ensuite son fils Sigebert. Nous avons vu, déposés près de ce bienheureux sépulcre, les fers et les chaînes brisés de captifs délivrés par lui, qu'on y a conservés jusqu'à ce jour, en témoignage de la puissance du saint. Mais revenons à des temps antérieurs.
20. De obitu Childeberthi et interitu Chramni.
Childeberthus igitur rex aegrotare coepit, et cum diutissime apud Parisius lectulo decubasset, obiit et ad basilicam beati Vincenti, quam ipse construxerat, est sepultus. Cuius regnum et thesauros Chlotharius rex accepit; Vulthrogotham vero et filias eius duas in exilium posuit. Chramnus autem patri repraesentatur, sed postea infidelis extitit. Cumque se cerneret evadere non posse, Brittanias petiit, ibique cum Chonoobro Brittanorum comite ipse vel uxor eius ac filiae latuerunt. Wiliacharius autem, socer eius, ad basilica sancti Martini confugit. Tunc sancta basilica a peccatis populi ac ludibria, quae in ea fiebant, per Wiliacharium coniugemque eius succensa est; quod non sine gravi suspirio memoramus. Sed et civitas Toronica ante annum iam igne consumpta fuerat, et totae eclesiae in eadem constructae desertae relictae sunt. Protinus beati Martini basilica, ordinante Chlothario rege, ab stagno cooperta est et in illa ut prius fuerat elegantia reparata. Tunc duae acies locustarum apparuerunt, quae per Arvernum atque Limovicinum transeuntes, ut ferunt, Romaniacum campum venerunt, in quo, proelium inter se actum, maxime sunt conlisae. Chlotharius autem rex contra Chramnum frendens, cum exercitu adversus eum in Brittanias dirigit. Sed nec ille contra patrem egredi timuit. Cumque in unum campum conglobatus uterque resederet exercitus et Chramnus cum Brittanis contra patrem aciem instruxisset, incumbente nocte a bello cessatum est. Ea quoque nocte Chonoober Brittanorum comes dicit ad Chramnum: 'Iniustum censeo te contra patrem tuum debere egredi. Permitte me hac nocte, ut inruam super eum ipsumque cum toto exercitu prosternam'. Quod Chramnus, ut credo virtute Dei praeventus, fieri non permisit. Mane autem facto, uterque commoto exercitu ad bellum contra se properant. Ibatque Chlotharius rex tamquam novus David contra Absolonem filium pugnaturus, plangens atque dicens: 'Respice, Domine, de caelo et iudica causam meam, quia iniuste a filio iniurias patior. Respice, Domine, et iudica iuste, illudque inpone iudicium, quod quondam inter Absalonem et patrem eius David posuisti'. Confligentes etenim pariter, Brittanorum comes terga vertit ibique et caecidit. Denique Chramnus fugam iniit, naves in mare paratas habens; sed dum uxorem vel filias liberare voluit, ab exercitu patris oppraessus, captus atque legatus est. Quod cum Chlothario regi nuntiatum fuisset, iussit eum cum uxore et filiabus igni consumi. Inclusique in tugurium cuiusdam pauperculae, Chramnus super scamnum extensus orario sugillatus est; et sic postea super eos incensa casula, cum uxore et filiabus interiit.
Le roi Childebert tomba malade, et, après avoir longtemps demeuré au lit dans la ville de Paris, il mourut, et fut enterré dans l'église de Saint-Vincent qu'il avait lui-même bâtie. Le roi Clotaire s'empara de son royaume et de ses trésors, et envoya en exil Ultrogothe et ses deux filles. Chramne se rendit aussi auprès de son père ; mais ensuite il lui manqua de foi, et voyant qu'il ne pouvait manquer d'en être puni, il se rendit en Bretagne. Là, il se cacha, avec sa femme et ses enfants, chez Chonobre, comte de Bretagne. Wiliachaire, son beau-père, s'enfuit dans l'église Saint-Martin ; et alors, en punition des péchés du peuple et des moqueries qu'il faisait de cette sainte basilique, elle fut brûlée par Wiliachaire et sa femme ; ce que nous ne pouvons raconter ici sans de profonds soupirs. La ville de Tours avait déjà été consumée quelques années auparavant, et toutes ses églises étaient demeurées dévastées. Par l'ordre de Clotaire, la basilique du bienheureux saint Martin fut recouverte en étain, et rétablie dans tout son ancien éclat. Il parut alors deux armées de sauterelles qui, passant, dit-on, par l'Auvergne et le Limousin, arrivèrent dans la plaine de Romagnac, et s'y étant livré un grand combat, s'acharnèrent les unes contre les autres. Le roi Clotaire, irrité de colère contre Chramne, marcha en Bretagne avec une armée et Chramne ne craignit pas de marcher, de son côté, contre son père. Tandis que les deux armées étaient mêlées sur le champ de bataille, et Chramne avec les Bretons, commandant les troupes contre son père, la nuit arriva, et fit cesser le combat. Cette même nuit, Chonobre, comte des Bretons, dit à Chramne : Sortir du camp contre ton père, c'est, selon moi, une chose qui ne t'est pas permise ; laisse-moi tomber cette nuit sur lui, et le défaire avec toute son armée. Chramne, aveuglé, je pense, par la puissance divine, ne le permit pas, et, le matin arrivé, les deux armées se mirent en mouvement, et s'avancèrent l'une contre l'autre. Le roi Clotaire allait, comme un nouveau David, prêt à combattre contre son fils Absalon, pleurant et disant : Jette les yeux sur nous , ô Dieu, du haut du ciel, et juge ma cause, car je souffre injustement de la part de mon fils ; regarde et juge avec justice, et prononce ici l'arrêt que tu prononças autrefois entre Absalon et son père David. Les deux armées en étant donc venues aux mains, le comte des Bretons tourna le dos, et fut tué. Après quoi, Chramne commença à fuir vers les vaisseaux qu'il avait préparés sur la mer ; mais, tandis qu'il s'occupait à sauver sa femme et ses filles, il fut atteint par l'armée de son père, pris et lié ; et lorsqu'on eut annoncé la chose à Clotaire, il ordonna qu'il fût brûlé avec sa femme et ses filles : on les enferma donc dans la cabane d'un pauvre homme, où Chramne, étendu sur un banc, fut étranglé avec un mouchoir, et ensuite on mit le feu à la cabane, et il périt avec sa femme et ses filles.
21. De obitu Chlothachari regis.
Rex vero Chlotharius anno quinquaginsimo primo regni sui cum multis muneribus limina beati Martini expetiit, et adveniens Toronus ad sepulchrum antedicti antestetis, cunctas actiones, quas fortassis neglegenter egerat, replicans et orans cum grande gemitu, ut pro suis culpis beatus confessor Domini misericordiam exoraret et ea quae inrationabiliter conmiserat suo obtentu dilueret, exinde regressus, quinquaginsimo primo regni sui anno, dum in Cotiam silvam venationem exerceret, a febre corripitur, et exinde Conpendio villa rediit. In qua cum graviter vexaretur a febre, aiebat: 'Wa! Quid potatis, qualis est illi rex caelestis, qui sic tam magnos regis interfecit?' In hoc enim taedio positus, spiritum exalavit. Quem quattuor filii sui cum magno honore Sessionas deferentes, in basilica beati Medardi sepelierunt. Obiit autem post unum decurrentes anni diem, quod Chramnus fuerat interfectus.
Le roi Clotaire vint à Tours dans la cinquante et unième année de son règne, apportant beaucoup de présents au tombeau du bienheureux Martin ; et lorsqu'il fut arrivé au tombeau de cet évêque, il se mit à repasser dans son esprit toutes les négligences qu'il pouvait avoir commises, et à prier avec de grands gémissements le bienheureux confesseur d'implorer sur ses fautes la miséricorde de Dieu, et d'obtenir par son intercession qu'il fût lavé de ce qu'il avait fait de contraire à la sagesse ; ensuite, s'en étant allé, comme il était, durant la cinquante et unième année de son règne, dans la forêt de Cuise, occupé à la chasse, il fut saisi de la fièvre, et se rendit à Compiègne. La, cruellement tourmenté de la fièvre, il disait : Hélas ! qui pensez-vous que soit ce roi du ciel qui fait mourir ainsi de si puissants rois ? Et il rendit l'esprit clans cette tristesse. Ses quatre fils le portèrent à Soissons avec de grands honneurs, et l'ensevelirent dans la basilique du bienheureux Médard. Il mourut, l'année révolue, au jour même où Chramne avait été tué.
22. Divisio regni inter filios eius.
Chilpericus vero post patris funera thesaurus, qui in villa Brannacum erant congregati, accepit et ad Francos utiliores petiit ipsusque muneribus mollitus sibi subdidit. Et mox Parisius ingreditur sedemque Childeberthi regis occupat; sed non diu ei hoc licuit possedere; nam coniuncti fratres eius eum exinde repulerunt, et sic inter se hii quattuor, id est Chariberthus, Gunthramnus, Chilpericus atque Sigiberthus, divisionem legitimam faciunt. Deditque sors Charibertho regnum Childeberthi sedemque habere Parisius, Gunthramno vero regnum Chlodomeris ac tenere sedem Aurilianensem, Chilperico vero regnum Chlothari, patris eius, cathedramque Sessionas habere, Sygibertho quoque regnum Theuderici sedemque habere Remensim.
Chilpéric, après les funérailles de son père, s'empara des trésors rassemblés à Braine, et, s'adressant aux plus importants parmi les Francs, il les plia, par des présents, à reconnaître son pouvoir. Aussitôt il se rendit à Paris, siège du roi Childebert, et s'en empara ; mais il ne put le posséder longtemps, car ses frères se réunirent pour l'en chasser, et partagèrent ensuite régulièrement entre eux quatre, savoir, Charibert, Gontran, Chilpéric et Sigebert. Le sort donna à Charibert le royaume de Childebert, et pour résidence Paris ; à Gontran, le royaume de Clodomir, dont le siège était Orléans ; Chilpéric eut le royaume de son père Clotaire, et Soissons fut sa ville principale ; à Sigebert tomba le royaume de Théodoric, et Reims pour sa résidence.
23. Quod Sigiberthus contra Chunus abiit.
Nam post mortem Chlothari regis Chuni Gallias appetunt, contra quos Sigyberthus exercitum dirigit, et gestum contra eos bellum, vicit atque fugavit. Sed postea rex eorum amicitias cum eodem per legatus meruit. Dum autem cum eis esset turbatus Sigyberthus, Chilpericus, frater eius, Remus pervadit et alias civitates, quae ad eum pertenebant, abstulit. Ex hoc enim inter eos, quod peius est, bellum civile surrexit. Rediens autem Sigyberthus victur a Chunis, Sessionas civitatem occupat, ibique inventum Theodoberthum, Chilperici regis filium, adpraehendit et in exilio transmittit. Accedens autem contra Chilpericum, bellum commovit; quo victo atque fugato, civitatis suas in sua dominatione restituit. Theodoberthum vero, filium eius, apud Ponticonem villam custodire iussit per annum integrum; quem postea, ut erat clemens, muneribus ditatum patri reddidit sanum, data tamen sibi sacramenta, ne umquam contra eum agere deberet. Quod postea, peccatis facientibus, est inruptum.
Après la mort du roi Clotaire, les Huns vinrent dans les Gaules. Sigebert conduisit contre eux une armée, et, leur ayant livré combat, les vainquit et les mit en fuite ; mais ensuite leur roi lui fit demander son amitié par ses envoyés. Tandis que Sigebert les avait sur les bras, Chilpéric s'empara de Reims et des autres villes qui lui appartenaient ; et ce qu'il y eut de pis, c'est qu'il en résulta entre eux une guerre civile ; car Sigebert, revenant vainqueur des Huns, occupa la ville de Soissons, et y ayant trouvé Théodebert, fils du roi Chilpéric, il le prit et l'envoya en exil; puis , il marcha contre Chilpéric, lui livra un combat, le vainquit, le mit en fuite, et rentra en possession de ses villes. Il ordonna que, pendant une année entière, Théodebert , fils de Chilpéric, demeurât enfermé à Ponthion ; mais ensuite, comme il était clément, il le renvoya à son frère, sain et sauf, et chargé de présents, en lui faisant prêter serment de ne pas agir désormais contre lui ; à quoi Théodebert manqua ensuite avec grand péché.
24. De patriciato Celsi.
Cum autem Gunthchramnus rex regnum partem, sicut fratris sui, obtenuisset, amoto Agroecola patricio, Celsum patriciatus honori donavit, virum procerum statu, in scapulis validum, lacertu robustum, in verbis tumidum, in responsis oportunum, iuris lectione peritum; cui tanta deinceps habendi cupiditas extitit, ut saepius aeclesiarum res auferens suis ditionibus subiugaret. Nam cum audisset quadam vice Isaiae prophetae lectionem in aeclesia legi, in qua ait: Vae his qui coniungunt domum ad domum et agrum ad agrum copolant usque ad terminum loci, exclamasse fertur: 'Incongruae hoc; vae mihi et filiis meis!' Sed reliquit filium, qui absque liberis functus, maximam partem facultatis aeclesiis, quas pater expoliaverat, derelinquit.
Le roi Gontran qui avait eu ainsi que ses frères une partie du royaume, ôta à Agricola la dignité de patrice et la donna à Celse, homme de haute taille, large des épaules, robuste de poignet, superbe dans ses paroles, prompt à la réplique et versé dans les lois. Il fut par la suite saisi d'une telle avidité de s'enrichir qu'il s'empara souvent des propriétés des églises et les réunit à ses domaines. On rapporte qu'entendant un jour lire dans l'église cette leçon du prophète Isaïe, dans laquelle il dit : Malheur à vous qui joignez des maisons à des maisons, et qui ajoutez terres à terres jusqu'à ce qu'enfin le lieu vous manque ! , il s'écria : Il est bien insolent de dire ici : malheur à moi et à mon fils. " Mais il laissa un fils qui, mort sans enfants, légua la plus grande partie de ses biens aux églises que son père avait dépouillées.
25. De uxoribus Gunthchramni.
Gunthchramnus autem rex bonus primo Venerandam, cuiusdam suorum ancillam, pro concubina toro subiunxit; de qua Gundobadum filium suscepit. Postea vero Marcatrudem, filiam Magnarii, in matrimonium accepit. Gundobadum vero filium suum Aurilianis transmisit. Aemula autem Marcatrudis post habitum filium in huius morte crassatur; transmissum, ut aiunt, venenum in potu maedificavit. Quo mortuo, ipsa iudicio Dei filium, quem habebat, perdidit et odium regis incurrit, demissaque ab eodem, ne multo post tempore mortua est. Post quam Austerchilde cognomento Bobillam accepit, de qua iterum duos filios habuit, duorum senior Chlotharius, minor Chlodomeris dicebatur.
Le bon roi Gontran fit d'abord entrer dans son lit, comme concubine, Vénérande, une de ses servantes, dont il eut un fils nommé Gondebaud. Il prit ensuite en mariage Marcatrude, fille de Magnaire, et envoya son fils Gondebaud à Orléans. Marcatrude, ayant eu un fils, devint jalouse de Gondebaud et attenta à sa vie. On dit qu'elle le fit mourir en mettant du poison dans sa boisson. Lui mort, Marcatrude, par le jugement de Dieu, perdit son fils, et encourut la haine du roi qui la renvoya ; elle mourut peu de temps après. Après quoi le roi épousa Austrechilde, surnommée Bobyla ; il en eut deux fils, dont le plus âgé se nommait Clotaire et le plus jeune Clodomir.
26. De uxoribus Chariberthi.
Porro Chariberthus rex Ingobergam accepit uxorem, de qua filiam habuit, quae postea in Ganthia virum accipiens est deducta. Habebat tunc temporis Ingoberga in servitium suum duas puellas pauperis cuiusdam filias, quorum prima vocabatur Marcovefa, relegiosa veste habens, alia vero Merofledis; in quarum amore rex valde detenebatur. Erant enim, ut diximus, artificis lanariae filiae. Aemula ex hoc Ingoberga, quod a rege diligerentur, patrem secretius operare fecit, futurum, ut, dum haec rex cerneret, odio filias eius haberet. Quo operante, vocavit regem. Ille autem sperans aliquid novi videre, aspicit hunc eminus lanas regias conponentem. Quod videns, commotus in ira, reliquid Ingobergam et Merofledem accepit. Habuit et aliam puellam opilionis, id est pastoris ovium, filiam, nomen Theudogildem, de qua et filium fertur habuisse, qui ut processit ex alvo, protinus delatus est ad sepulchrum. Huius regis tempore apud urbem Sanctonicam Leontius, congregatis provinciae suae episcopis, Emerium ab episcopatu depulit, adserens, non canonice eum fuisse huic honore donatum. Decretum enim regis Chlotharii habuerat, ut absque metropolis consilium benediceretur, quia non erat praesens. Quo eiecto, consensum fecere in Heraclium tunc Burdigalensis urbis presbiterum; quod regi Charibertum subscriptum propriis manibus per nuncupatum presbiterum transmiserunt. Qui veniens Toronus, rem gestam beato Eufronio pandit, depraecans, ut hoc consensum subscribere dignaretur; quod vir Dei manifeste respuit. Igitur postquam presbiter Parisiacae urbis portas ingressus regis praesentiam adiit, haec affatus est: 'Salvae, rex gloriosae. Sedis enim apostolica eminentiae tuae salutem mittit uberrimam'. Cui ille: 'Numquid', ait, 'tu Romanam adisti urbem, ut papae illius nobis salutem deferas?' 'Patris', inquid presbiter, 'tui Leontius cum provincialibus suis tibi salutem mittit, indicans Cymulum', - sic enim vocitare consueverant Emerium in infantia sua - 'eiectum ab episcopatu, pro eo quod, praetermissa canonum sanctione, urbis Sanctonicae episcopatum ambivit. Ideoque consensum ad te direxerunt, ut alius in loco eius substituatur; quo fiat, ut, dum transgressores canonum regulariter arguuntur, regni vestri potentia aevis prolixioribus propagitur. Haec eo dicente, frendens rex, eum a suis conspectibus extrahi iussit, et plaustro spinis oppleto inponi desuper et in exilium trudi praecipit, dicens: 'Potasne, quia non est super quisquam de filiis Chlothari regis, qui patris facta custodiat, quod hi episcopum, quem eius volontas elegit, absque nostrum iuditio proiecerunt?' Et statim directis viris relegiosis, episcopum in loco restituit, dirigens etiam quosdam de camarariis suis, qui, exactis Leontio episcopo mille aureis, reliquos iuxta possibilitatem condempnavit episcopos. Et sic principis est ulta iniuria. Post haec Marcoveifa, Merofledis scilicet sororem, coniugio copulavit. Pro qua causa a sancto Germano episcopo excomunicatus uterque est. Sed cum eam rex relinquere nollit, percussa iuditio Dei obiit. Ne multo post et ipse rex post eam decessit. Cuius post obitum Theodogildis, una reginarum eius, nuntius ad Gunthchramnum regem dirigit, se ultro offerens matrimonio eius. Quibus rex hoc reddidit in responsis: 'Accedere ad me ei non pigeat cum thesauris suis. Ego enim accipiam eam faciamque magnam in populis, ut scilicet maiorem mecum honorem quam cum germano meo, qui nuper defunctus est, potiatur'. At illa gavisa, collectis omnibus, ad eum profecta est. Quod cernens rex, ait: 'Rectius est enim, ut hi thesauri penes me habeantur, quam post hanc, quae indigne germani mei torum adivit'. Tunc, ablatis multis, paucis relictis, Arelatinsi eam monasthirio distinavit. Haec vero aegre adquiescens ieiuniis ac vigiliis adfici, per occultus nuntios Gothum quendam adivit, promittens, si se in Hispaniis deductam coniugio copularet, cum thesauris suis de monasthirio egrediens, libenti eum animo sequeretur. Quod ille, nihil dubitans, repromisit. Cumque haec, collictis rebus factisque volucris, a cenobio pararet egredi, antecepavit voluntatem eius industria abbatissae, depraehensamque fraudem, eam graviter caesam custodiae mancipare praecipit; in qua usque ad exitum vitae praesentis, non mediocribus adtrita passionibus, perduravit.
Le roi Charibert prit pour femme Ingoberge, de qui il eut une fille, qui fût ensuite mariée et conduite dans le pays de Kent. Ingoberge avait à son service deux jeunes filles d'un pauvre homme, dont la première s'appelait Marcovèfe, et portait l'habit religieux, l'autre s'appelait Méroflède. Le roi était très épris d'amour pour elles. Elles étaient, comme nous l'avons dit, filles d'un ouvrier en laine. Ingoberge, jalouse de ce que le roi les aimait, donna secrètement à leur père de l'ouvrage à faire, afin que lorsque le roi le saurait, il prît les filles en haine. Pendant qu'il travaillait, elle fit appeler le roi, qui vint croyant qu'elle voulait lui montrer quelque chose de nouveau, et vit de loin cet homme qui raccommodait les laines du palais. A cette vue, irrité de colère il quitta Ingoberge et épousa Méroflède. Il eut aussi une autre jeune fille nommée Teutéchilde, née d'un berger, c'est-à-dire d'un pasteur de troupeaux. On dit qu'elle lui donna un fils qui, en sortant du sein de sa mère, fut aussitôt porté au tombeau. Du temps de ce roi, Léonce ayant rassemblé à Saintes les évêques de sa province, destitua Emeri, évêque de cette ville, soutenant qu'il n'avait pas été élevé canoniquement à cette dignité ; car le roi Clotaire avait ordonné qu'il fût sacré sans le concours du métropolitain qui était alors absent. Emeri ayant été renvoyé, ils nommèrent Héraclius, alors prêtre de la ville de Bordeaux, et envoyèrent au roi Charibert, par le prêtre Nuncupatus, l'acte de sa nomination, signé de leur main, pour que Charibert y donnât son approbation. Nuncupatus vint à Tours, et exposa au bienheureux Euphronius ce qui s'était fait, le priant de vouloir bien souscrire cet acte, ce que l'homme de Dieu refusa hautement. Le prêtre étant donc entré dans Paris se rendit en présence du roi et lui parla ainsi : Salut, roi très glorieux ; le siège apostolique envoie à ton Eminence un très ample salut. A quoi le roi répondit : Quoi donc, viens-tu de la ville de Rome pour nous apporter ainsi les salutations du Pape ? - Ton père Léonce, dit le prêtre, et ses évêques provinciaux l'envoient saluer et te font connaître qu'Emule (car c'est ainsi qu'ils avaient eu coutume d'appeler Emeri dans son enfance) a été rejeté de l'épiscopat, pour avoir brigué le siège de la ville de Saintes, sans demander la sanction canonique, en sorte qu'ils font envoyé un acte de nomination pour en mettre un autre à sa place, afin que les transgresseurs des canons étant justement condamnés, ta puissance se prolonge jusque dans les âges les plus éloignés. Comme il disait ces paroles, le roi irrité ordonna qu'on l'arrachât de sa présence, et que l'ayant mis sur un chariot rempli d'épines, on le conduisît en exil, et il dit : Crois-tu donc qu'il n'y ait pas au-dessus de vous quelqu'un des fils du roi Clotaire pour maintenir ce qu'a fait son père, qu'on ose ainsi rejeter, sans nous en demander notre avis, l'évêque nommé par sa volonté ? Et aussitôt ayant envoyé des religieux, il rétablit l'évêque dans son siège, et fit aussi partir quelques-uns de ses camériers, qui obligèrent l'évêque Léonce à payer mille pièces d'or, et imposèrent aux autres évêques une amende proportionnée à leurs facultés, et ainsi fut vengée l'injure du prince. Après cela il prit en mariage Marcovèfe, soeur de Méroflède, pour laquelle cause l'évêque de Saint-Germain les excommunia tous deux ; mais comme le roi ne voulait pas la renvoyer, elle mourut frappée du jugement de Dieu. Le roi Charibert lui-même mourut peu de temps après elle, et après sa mort Teutéchilde, l'une de ses femmes, envoya des messagers au roi Gontran, et s'offrit à lui en mariage. Le roi répondit : Qu'elle vienne à moi sans retard avec ses trésors, je la prendrai pour femme et la rendrai grande aux yeux du peuple, afin qu'elle jouisse avec moi de plus d'honneurs qu'elle n'en a eus avec mon frère qui vient de mourir. Elle, joyeuse de cette réponse, rassembla tout ce qu'elle possédait et vint vers lui. Ce que voyant le roi, il dit : Il est plus juste que ces trésors soient en mon pouvoir qu'au pouvoir de celle-ci que mon frère a fait honteusement entrer dans son lit. Alors lui enlevant une grande partie de ce qu'elle avait, et ne lui en laissant qu'une petite portion, il l'envoya au monastère d'Arles. Là, elle ne se soumettait qu'avec beaucoup de chagrin aux jeûnes et aux veilles ; elle s'adressa donc par des messagers secrets à un certain Goth, lui promettant que, s'il voulait la conduire en Espagne et l'épouser, elle quitterait le monastère avec ses trésors et le suivrait de très bon 'coeur. Lui le promit sans hésiter : elle avait donc rassemblé ses effets, et les avait mis en paquet, se préparant à quitter le couvent, mais l'abbesse par sa vigilance prévint ce projet, et l'ayant prise en fraude la fit cruellement fustiger, puis renfermer, et elle demeura ainsi jusqu'à sa mort dans des souffrances non petites.
27. Quod Sigiberthus Brunichildem accepit.
Porro Sigyberthus rex cum videret, quod fratres eius indignas sibimet uxores acciperent et per vilitatem suam etiam ancillas in matrimonio sociarent, legationem in Hispaniam mittit et cum multis muneribus Brunichildem, Athanagilde regis filiam, petiit. Erat enim puella elegans opere, venusta aspectu, honesta moribus atque decora, prudens consilio et blanda colloquio. Quam pater eius non denegans, cum magnis thesauris antedicto rege transmisit. Ille vero, congregatus senioribus secum, praeparatis aepulis, cum inminsa laetitia atque iocunditate eam accepit uxorem. Et quia Arrianae legi subiecta erat, per praedicationem sacerdotum atque ipsius regis commonitionem conversa, beatam in unitate confessa Trinitatem credidit atque chrismata est. Quae in nomine Christi catholica perseverat.
Le roi Sigebert, qui voyait ses frères s'allier à des épouses indignes d'eux, et prendre pour femmes, à leur grand déshonneur, jusqu'à leurs servantes, envoya des ambassadeurs en Espagne chargés de beaucoup de présents pour demander en mariage Brunehault, fille du roi Athanagild. C'était une jeune fille de manières élégantes, belle de figure, honnête et décente dans ses moeurs, de bon conseil et d'agréable conversation. Son père consentit à l'accorder, et l'envoya au roi avec de grands trésors ; et celui-ci ayant rassemblé les seigneurs et fait préparer des fauteuils, la prit pour femme avec une joie et des réjouissances infinies. Elle était soumise à la loi arienne ; mais les prédications des prêtres et les exhortations du roi lui-même la convertirent ; elle crut et confessa la Trinité une et bienheureuse, reçut l'onction du saint chrême, et par la vertu du Christ, persévéra dans la foi catholique.
28. De uxoribus Chilperici.
Quod videns Chilpericus rex, cum iam plures haberet uxores, sororem eius Galsuintham expetiit, promittens per legatus se alias relicturum, tantum condignam sibi regisque prolem mereretur accipere. Pater vero eius has promissiones accipiens, filiam suam, similiter sicut anteriorem, ipsi cum magnis opibus distinavit. Nam Galsuintha aetate senior a Brunichilde erat. Quae cum ad Chilpericum regem venisset, cum grande honore suscepta eiusque est sociata coniugio; a quo etiam magno amore diligebatur. Detulerat enim secum magnos thesauros. Sed per amorem Fredegundis, quam prius habuerat, ortum est inter eos grande scandalum. Iam enim in lege catholica conversa fuerat et chrismata. Cumque se regi quaereretur assiduae iniurias, perferre diceretque, nullam se dignitatem cum eodem habere, petiit, ut, relictis thesauris quos secum detulerat, libera redire permitteretur ad patriam. Quod ille per ingenia dissimulans, verbis eam lenibus demulsit. Ad extremum enim suggillari iussit a puero, mortuamque repperit in strato. Post cuius obitum Deus virtutem magnam ostendit. Lyghnus enim ille, qui fune suspensus coram sepulchrum eius ardebat, nullo tangente, disrupto fune, in pavimento conruit et, fugientem ante eum duritiam pavimenti, tamquam in aliquod molle elimentum discendit, atque medius est suffossus nec omnino contritus. Quod non sine magno miraculo videntibus fuit. Rex autem cum eam mortuam deflessit, post paucos dies Fredegundem recepit in matrimonio. Post quod factum reputantes ei fratres, quod sua emissione antedicta regina fuerit interfecta, eum a regno deieciunt. Habebat autem tunc Chilpericus tres filius de Audovera priore regina sua, id est Theudoberthum, cui supra meminimus, Merovechum atque Chlodovechum. Sed ad coepta redeamus.
Le roi Chilpéric, qui avait déjà plusieurs femmes, voyant ce mariage, demanda Galsuinthe, soeur de Brunehault, promettant, par ses envoyés, que s'il pouvait obtenir une femme égale à lui et de race royale, il délaisserait toutes les autres. Le père reçut ses promesses, et lui envoya sa fille, comme il avait envoyé l'autre, avec de grandes richesses. Galsuinthe était plus âgée que Brunehault : lorsqu'elle arriva vers le roi Chilpéric, il la reçut avec grand honneur ; et la prit en mariage. Il l'aimait d'un très grand amour, et avait reçu d'elle de très grands trésors ; mais il s'éleva entre eux beaucoup de bruit pour l'amour de Frédégonde qu'il avait eue auparavant comme maîtresse. Galsuinthe avait été convertie à la foi catholique, et avait reçu le saint chrême. Elle se plaignait de recevoir du roi des outrages continuels, et disait qu'elle vivait prés de lui sans honneur. Elle demanda donc qu'il lui permit de retourner dans son pays ; lui laissant tous les trésors qu'elle lui avait apportés. Celui-ci, dissimulant avec adresse, l'apaisa par des paroles de douceur ; mais enfin il ordonna à un domestique de l'étrangler, et on la trouva morte dans son lit. Après sa mort, Dieu produisit par elle un grand miracle, car une lampe qui brûlait devant son sépulcre, suspendue à une corde, tomba sur le pavé, la corde s'étant rompue sans que personne y touchât ; en même temps la dureté du pavé disparaissant à ce contact, la lampe s'enfonça tellement dans cette matière amollie, qu'elle y fut à moitié ensevelie sans se briser aucunement, ce qu'on ne put voir sans y reconnaître un grand miracle. Le roi pleura sa mort, puis épousa Frédégonde quelques jours après. Alors ses frères, ayant entendu dire que c'était par son ordre que sa femme avait été tuée, le chassèrent de son royaume. Chilpéric avait trois fils d'Audovère sa première femme, savoir, Théodebert, dont nous avons parlé, Mérovée et Clovis. Mais poursuivons les récits commencés.
29. De secundo Sigiberthi contra Chunus bellum.
Chuni vero iterum in Gallias venire conabantur. Adversum quos Sygiberthus cum exercitu dirigit, habens secum magnam multitudinem virorum fortium. Cumque confligere deberent, isti magicis artibus instructi, diversas eis fantasias ostendunt et eos valde superant. Fugiente autem exercitu Sigyberthi, ipsi inclusus a Chunis retenebatur, nisi postea, ut erat elegans et versutus, quos non potuit superare virtute proelii, superavit arte donandi. Nam, datis muneribus, foedus cum rege iniit, ut omnibus diebus vitae suae nulla inter se proelia commoverint; idque ei magis ad laudem quam ad aliquid pertinere opproprium iusta ratione pensatur. Sed et rex Chunorum multa munera regi Sigybertho dedit. Vocabatur enim gaganus. Omnes enim regis gentes illius hoc appellantur nomine.
Les Huns s'efforçaient de rentrer de nouveau dans les Gaules. Sigebert marcha contre eux à la tête d'une armée et accompagné d'une grande multitude d'hommes vaillants ; mais, au moment du combat, les Huns, habiles dans l'art de la magie, firent paraître à leurs yeux divers fantômes et les vainquirent entièrement. L'armée de Sigebert ayant été mise en fuite, lui-même fut retenu prisonnier par les Huns ; mais, comme il était agréable d'esprit et plein d'adresse, il vainquit par les présents ceux qu'il n'avait pu vaincre par la force des combats, et ses libéralités engagèrent le roi des Huns à convenir avec lui que, durant le reste de leur vie, ils ne se feraient plus la guerre ; ce qu'on a pensé avec juste raison devoir tourner à la louange de Sigebert plutôt qu'à sa honte. Le roi des Huns fit aussi beaucoup de présents au roi Sigebert ; on l'appelait le Chagan, ce qui est le nom de tous les rois de cette nation.
30. Quod Arverni ad capiendam Arilatensim abierunt.
Sigyberthus vero rex Arelatinsim urbem capere cupiens, Arvernus commovere praecipit. Erat enim tunc Firminus comes urbis illius, qui cum ipsis in capite abiit. Sed et de alia parte Adovarius cum exercitu advenit. Ingressique urbem Arelatinsim, sacramenta pro parte Sigyberthi regis exegerunt. Quod cum Gunthchramnus rex conperisset, Celsum patricium cum exercitu illuc dirigit. Qui abiens, Avennicam urbem abstulit. Accedens autem Arelate et vallans eam, inpugnare exercitum Sigyberthi, qui infra murus contenebatur, coepit. Tunc Sabaudus episcopus dixit ad eos: 'Egredimini foris et inite certamen, quia non poteritis sub murorum conclusione degentes neque nos neque urbis istius subiecta defendere. Quod si vos Deo propitio illos devincitis, nos fidem, quam promisimus, custodimus; si vero illi contra vos invaluerent, ecce reseratas repperietis portas! Ingrediemini, ne pereatis'. Hoc illi dolo delusi, egressi foris, bellum parant. Sed superati ab exercitu Celsi, fugam iniunt venientesque ad urbem, portas repperiunt obseratas. Cumque exercitus a tergo iaculis foderetur operireturque lapidibus ab urbanis, ad amnem Rhodanum dirigunt, ibique pannis superpositi, ulteriorem ripam expetunt. Sed multus ex his violentia amnis direptos enegavit, fecitque Rhodanus tunc Arvernis, quod fecisse quondam Semoes legitur de Troianis: Correpta sub undis Scuta virum galeasque et fortia corpora volvit. Apparent rari nantes in gurgite vasto. Qui vix nandi, ut diximus, inpulso parmarumque adiuti amminiculo, litoris alterius plana contingere potuerunt. Qui nudati a rebus, ab equitibus distituti, non sine grande contumelia patriae restituti sunt. Firmino tamen et Adovario discedendi via indulta est. Magni ibi tunc viri ex Arvernis non solum torrentes impetu rapti, verum etiam gladiorum ictibus sunt prostrati. Ac sic Gunthchramnus rex, recepta urbe illa, iuxta consuetudinem bonitatis suae Avennicam ditionibus fratres sui restituit.
Le roi Sigebert, désirant s'emparer de la ville d'Arles, ordonna aux habitants de l'Auvergne de se mettre en marche. Ils avaient alors pour comte Firmin qui se mit à leur tête. D'une autre part vint Audovaire, aussi à la tête d'une armée ; ils entrèrent dans la ville d'Arles, et firent prêter serment au roi Sigebert. Le roi Gontran l'ayant appris, envoya le patrice Celse à la tête d'une armée ; arrivé à Avignon, il prit cette ville, marcha ensuite vers Arles, et l'ayant environnée, commença à attaquer l'armée du roi Sigebert qui y était enfermée. Alors l'évêque Sabaude leur dit : Sortez des murs et livrez le combat ; car, enfermés dans ces murs, vous ne pourriez vous défendre non plus que le territoire de cette ville. Si, par la grâce de Dieu, vous êtes vainqueurs, nous vous garderons la foi que nous vous avons promise ; si au contraire ce sont eux lui l'emportent, voici que vous trouverez les portes ouvertes, entrez-y alors pour ne pas périr. Trompés par cet artifice, ils sortirent des murs et se prirent en bataille ; mais lorsque vaincus par l'armée de Celse, et commençant à fuir, ils revinrent à la ville, ils en trouvèrent les portes fermées ; l'armée ennemie les poursuivant à coups de traits par derrière, et les gens de la ville les accablant de pierres, ils se dirigèrent vers le fleuve du Rhône, et se mirent sur leurs boucliers pour gagner l'autre rive ; mais emportés par la violence du fleuve un grand nombre se noyèrent, et le Rhône fut alors, pour les habitants d'Auvergne, ce que nous lisons que fut autrefois le Simoïs pour les Troyens. Il roule dans ses eaux les boucliers, les casques et les robustes corps des guerriers ; un petit nombre paraît çà et là, nageant sur ce gouffre immense. Un petit nombre, comme nous l'avons dit, put à peine, en nageant et à l'aide des boucliers, gagner l'autre bord. Dépouillés de tout ce qu'ils possédaient, privés de leurs chevaux, ils retournèrent dans leur pays, non sans de grands travaux ; on donna cependant à Firmin et à Audovaire la liberté de s'en retourner. Plusieurs des Auvergnats périrent non seulement emportés par le torrent, mais aussi par les coups du glaive. De cette manière, Gontran rentra en possession de cette ville, et avec sa bonté accoutumée rendit Avignon à son frère.
31. De Tauredune castro et aliis signis.
Igitur in Galliis magnum prodigium de Taureduno castro apparuit. Super Rhodanum enim fluvium collocatum erat. Qui cum per dies amplius sexaginta nescio quem mugitum daret, tandem scissus atque separatus mons ille ab alio monte sibi propinquo, cum hominibus, eclesiis opibusque ac domibus in fluvium ruit, exclusaque amnis illius litora, aqua retrorsum petiit. Locus etenim ille ab utraque parte a montibus concluserat, inter quorum angustias torrens defluit. Inundans ergo superiorem partem, quae ripae insedebant operuit atque delevit. Adcumulata enim aqua erumpens deursum, inopinatus repperiens homines, ut desuper fecerat, ipsos enegavit, domus evertit, iumenta delevit et cuncta quae litoribus illis insedebant usque ad Ienubam civitatem violenta atque subita inundatione deripuit atque subvertit. Traditur a multis, tantam congeriem inibi aquae fuisse, ut in antedictam civitatem super muros ingrederetur. Quod dubium non est, quia, ut diximus, Rhodanus in locis illius inter angustias montium defluit, nec habuit in latere, cum fuit exclusus, quo se deverteret. Commotumque montem, qui descenderat, adsemel erupit et sic cuncta delevit. Quod cum factum fuisset, triginta monachi, unde caster ruerat, advenerunt, et terram illam, quae monte deruente remanserat, fodientes, aes sive ferrum repperiunt. Quod dum agerent, mugitum montes, ut prius fuerat, audierunt. Sed dum a saeva cupiditate retenerentur, pars illa quae nondum deruerat super eos cecidit, quos operuit atque interfecit, nec ultra inventi sunt. Similiter et ante cladem Arvernam magna regionem illam prodigia terruerunt. Nam plerumque tres et quattuor splendores magni circa solem apparuerunt, quod rustici soles vocabant, dicentes: 'Ecce tres vel quattuor soles in caelum!' Quadam tamen vice in Kalendis Octobribus ita sol obscuratus apparuit, ut nec quarta quidem pars in eodem lucens remaneret, sed teter atque decolor apparens, quasi saccus videbatur. Nam et stilla, quam quidam comiten vocant, radium tamquam gladium habens, super regionem illam per annum integrum apparuit, et caelum ardere visum est, et multa alia signa apparuerunt. In eclesia vero Arverna, dum matutinae caelebrarentur vigiliae in quadam festivitate, aves coredallus, quam alaudam vocamus, ingressa, omnia luminaria quae lucebant, alis superpositis in tanta velocitate extinguit, ut putaris, ea in unius hominis manu posita aquae fuisse submersa; in sacrarium autem sub velo transiens, cicindelum extinguere voluit; sed ab ostiariis prohibita atque occisa est. Simili et in basilica beati Andreae de lichinis lucentibus avis alia fecit. Iam vero adveniente ipsa clade, tanta strages de populo per totam regionem illam facta est, ut nec numerare possit, quantae ibidem ceciderunt legiones. Nam cum iam sarcofagi aut tabulae defecissent, decim aut eo amplius in unam humi fossam sepeliebantur. Numerati sunt autem quadam dominica in una beati Petri basilicam tricenta defunctorum corpora. Erat enim et ipsa mors subita. Nam nascente in inguene aut in ascella vulnus in modum serpentis, ita interficiebatur homo ille a veneno, ut die altera aut tercia spiritum exalaret. Sed et sensum vis illa veneni auferebat ab homine. Tunc et Cato presbiter mortuos est. Nam cum de hac lue multi fugissent, ille tamen populum sepeliens et missas viritim dicens, numquam ab eo loco discessit. Hic autem presbiter multae humanitatis et satis dilectur pauperum fuit; et credo, haec causa ei, si quid superbiae habuit, medicamentum fuit. Cautinus autem episcopus cum diversa loca, hanc cladem timens, circuisset, ad civitatem regressus est; et haec incurrens, parasciven passiones dominicae obiit. Nam ipsa hora et Tetradius, consubrinus eius, mortuus est. Tunc et Lugdunum, Bitorex, Cabillonum atque Divione ab hac infirmitate valde depopulatae sunt.
Il parut alors dans les Gaules un grand prodige au fort de l'Ecluse, situé sur une montagne au bord du Rhône. Cette montagne fit entendre pendant près de soixante jours je ne sais quel mugissement, et enfin elle se sépara d'une autre dont elle était proche, et se précipita dans le fleuve avec les hommes, les églises, les richesses et les maisons qu'elle portait. Les eaux du fleuve sortirent de leur lit et retournèrent en arrière, car cet endroit était des deux côtés serré par des montagnes, entre lesquelles le torrent coulait par un lit étroit. Le fleuve inonda donc la partie supérieure de son cours, et engloutit, renversa tout ce qui s'y trouvait ; ensuite de quoi les eaux amoncelées se précipitant de nouveau, surprirent inopinément, comme elles l'avaient fait plus haut, les habitants du pays situé plus bas le long de la rivière, les noyèrent, renversèrent leurs maisons, emportèrent les chevaux et tout ce qui se trouvait sur la rive, bouleversant et ravageant tout par une inondation violente et subite jusqu'à la ville de Genève. On dit qu'il s'assembla dans cette ville un tel amas d'eau, qu'elle passa par-dessus les murs ; cela n'est pas difficile à croire, parce que, comme nous l'avons dit, le Rhône en ces endroits coule dans un défilé entre des montagnes, et lorsqu'il est arrêté, ne trouve pas sur les côtés de passage par où il puisse s'écouler. Il emporta aussi les débris de la montagne renversée, et la fit tout à fait disparaître. Après cela trente moines de l'endroit où était tombé le château vinrent, et fouillant la terre sur la partie de la montagne demeurée debout, y trouvèrent du fer ou de l'airain. Pendant qu'ils y étaient occupés, ils entendirent la montagne recommencer à mugir comme auparavant ; mais y étant demeurés retenus par une âpre cupidité, la portion qui n'était pas encore tombée se renversa sur eux, les ensevelit et les fit périr, et on ne les a plus retrouvés depuis. Cette région fait ainsi effrayée par de grands prodiges avant la mortalité qui se déclara en Auvergne, car plusieurs fois il parut autour du soleil trois ou quatre clartés très grandes et très brillantes que les paysans appelaient des soleils, et ils disaient : voila dans le ciel trois ou quatre soleils. Et une fois, au commencement du mois d'octobre, le soleil parut tellement obscurci qu'on n'en voyait pas reluire la quatrième partie, mais qu'il paraissait sombre, décoloré et semblable à un sac ; et une de ces étoiles que l'on appelle comètes, portant un rayon semblable à un glaive, se montra au-dessus du pays pendant une année entière. On vit le ciel ardent, et il apparut beaucoup d'autres signes. Dans une église d'Auvergne, au moment où l'on célébrait, dans une certaine fête, la vigile du matin, un oiseau de ceux que nous appelons alouettes entra et éteignit avec ses ailes toutes les lumières qui brillaient dans l'église. On eût dit qu'un homme, les tenant à sa main, les avait toutes à la fois plongées dans l'eau. Puis passant sous le voile du sanctuaire, l'oiseau voulut éteindre la lampe, mais les portiers l'en empêchèrent, et le tuèrent. Un autre oiseau en fit autant aux lampes qui brûlaient dans la basilique de saint André, et la peste survenant, il y eut dans tout le pays une telle mortalité sur le peuple, qu'il est impossible de compter les multitudes qui périrent. Comme les cercueils et les planches manquaient, on en enterrait dix et plus dans une même fosse ; on compta, un dimanche, dans une basilique de saint Pierre, trois cents corps morts. La mort était subite ; il naissait dans l'aine ou dans l'aisselle une plaie semblable à la morsure d'un serpent ; et ce venin agissait tellement sur les hommes qu'ils rendaient l'esprit le lendemain ou le troisième jour ; et la force du venin leur ôtait entièrement le sens. Ainsi mourut le prêtre Caton ; car tandis que beaucoup fuyaient la contagion, il demeura constamment dans le pays, ensevelissant les morts, et faisant courageusement les prières. Ce fut un prêtre d'une brande humanité et très ami des pauvres, et s'il a eu quelque orgueil, je crois que cette vertu l'a suffisamment racheté. L'évêque Cautin qui courait de lieux en lieux par crainte de la peste, étant revenu à la ville, la prit, et mourut la veille du dimanche de la Passion. Tétradius, son cousin germain, mourut à la même heure. Lyon, Bourges, Chalons et Dijon, furent extrêmement dépeuplés par cette maladie.
32. De Iuliano monacho.
Erat tunc temporis apud Randanensim monasterium civitatis Arvernae presbiter praeclarae virtutis Iulianus nomine, vir magnae abstinentiae, qui neque vinum neque ullum pulmentum utebatur, cilicio omni tempore sub tunicam habens, in vigiliis promtus, in oratione assiduus; cui inerguminos curare, caecos illuminare vel reliquas infirmitates depellere per invocationem dominici nominis et signaculum sanctae crucis facile erat. Idem cum stando pedes ab humore haberet infectos et ei diceretur, cur contra possibilitatem corporis semper staret, dicere cum ioco spirituali erat solitus: 'Faciunt opus meum, dum et vita comis est, nec me eorum sustentatio, Domino iubente, relinquid' . Nam videmus eum quadam vice in basilica beati Iuliam martyris inerguminum verbo tantum curasse. Quartanariis et aliis febribus saepe per orationem remedia conferebat. Qui sub hoc tempore lues dierum atque virtutum plenus ex hoc mundo est adsumptus in requie.
Il y avait alors à Randan, monastère de la cité d'Auvergne, un prêtre d'une éminente vertu , nommé Julien , homme d'une grande abstinence, qui n'usait ni de vin, ni d'aucun ragoût, portant en tout temps un cilice sous sa tunique, le premier aux veilles et assidu à l'oraison, qui, sans peine, guérissait les possédés, rendait la vue aux aveugles, et chassait les autres maladies par l'invocation du saint nom de Dieu et le signe de la sainte croix. A force de demeurer debout, il avait les pieds malades d'une humeur ; et, comme on lui demandait pourquoi il demeurait ainsi debout, plus que ne le permettait la force de son corps, il avait coutume de dire par un jeu d'esprit : Mes jambes me font besoin, et tant que la vie accompagnera mon corps, par la bonté de Dieu, leur support ne me manquera pas. Nous l'avons vu une fois dans la basilique de saint Julien, martyr, guérir un possédé seulement par ses paroles ; il guérissait aussi souvent, par l'oraison, des fièvres quartes et autres. Lors de cette contagion, plein de jours et de vertus, il passa de ce monde au repos éternel.
33. De Sunniulfo abbate.
Transiet tunc et abba monasterii ipsius, cui Sunniulfus successit, vir totius simplicitatis et caritatis. Nam plerumque hospitum pedes ipse abluebat manibusque ipse tergebat: unum tantum, quod gregem commissum non timore, sed supplicatione regebat. Ipse quoque referre erat solitus, ductum se per visum ad quoddam flumen igneum, in quo ab una parte litoris concurrentes populi ceu apes ad alvearia mergebantur; et erant alii usque ad cingulum, alii vero usque ascellas, nonnulli usque mentum, clamantes cum fletu se vehementer aduri. Erat enim et pons super fluvium positus ita angustus, ut vix unius vestigii latitudinem recipere possit. Apparebat autem et in alia parte litoris domus magna, extrinsecus dealbata. Tunc his qui cum eo erant, quid sibi haec velint, interrogat. At illi dixerunt: 'De hoc enim ponte praecipitabitur, qui ad distringendum commissum gregem fuerit repertus ignavus; qui vero strenuus fuerit, sine periculo transit et inducitur laetus in domum quam conspicis ultra'. Haec audiens, a somno excutitur, multo deinceps monachis severior apparens.
Alors aussi passa de cette vie à l'autre l'abbé de ce même monastère, et il fut remplacé par Sunniulphe, homme vivant tout entier de simplicité et de charité, qui souvent lavait lui-même les pieds des étrangers, et les essuyait de ses mains. Il conduisait le troupeau qui lui était confié, non par la crainte, mais par des exhortations suppliantes. Il avait coutume de raconter que, dans une vision, il avait été conduit auprès d'un fleuve de feu, dans lequel venaient tomber une foule de gens qui couraient sur ses bords comme un essaim d'abeilles : les uns y étaient jusqu'à la ceinture, les autres jusqu'aux aisselles, plusieurs jusqu'au menton, et ils criaient avec beaucoup de gémissements, à cause de la violence de la brûlure. Sur le fleuve, était placé un pont si étroit, qu'à peine pouvait-il contenir la largeur du pied d'un homme. Sur l'autre rivage, paraissait une grande maison toute blanche par dehors ; et lorsqu'il demanda à ceux qui étaient avec lui ce que cela voulait dire, ils lui répondirent : Celui qui sera trouvé lâche et mou à contenir le troupeau confié à ses soins, sera précipité du haut de ce pont ; celui qui s'y appliquera avec exactitude passera sans danger, et arrivera, plein de joie, dans la maison que tu vois sur l'autre bord. Entendant ces paroles, il se réveilla, et se montra depuis plus sévère envers ses moines.
34. De Burdigalense monacho.
Quid etiam apud quendam monasterium eo tempore actum sit, pandam; nomen autem monachi, quia superest, nominare nolo, ne, cum haec scripta ad eum pervenerit, vanam incurrens gloriam reviliscat. Quidam iuvenis ad monasterium veniens, abbati se commendavit, ut in Dei servitium degeret. Cui ille cum multa obiceret, dicens, durum esse servitium illius loci, nec omnino tanta possit implere, quanta ei iungebantur: se omnia impleturum, invocato nomine Domini, pollicetur. Sicque collectus est ab abbate. Factum est autem post paucos dies, dum in humilitate atque sanctitate se in omnibus exiberet, ut expellentes monachi de horrea anonas quasi choros III ad solem siccare ponerent, quas huic custodire praecipiunt. Dum autem, reficientibus aliis, hic ad custodiam resideret anonae, subito nubilatum est caelum, et ecce! imber validus cum rumore venti festinus ad anonae congeriem propinquabat. Quod cernens monachus, quid ageret, quid faceret, nesciebat. Tractans autem, quod, si ceteros vocaret, prae multitudine hoc recondire ante pluviam in horrea non valerent, cuncta postposita, ad orationem convertitur, Dominum deprecans, ne super triticum illud imbris illius gutta descenderet. Quod cum se terrae deiciens exoraret, divisa est nubis, et circa anonam pluvia valde diffusa est, nullum granum tritici, si dici fas est, humectans. Cumque reliqui monachi cum abbate haec consentientes, velociter ut anonam collegerent advenissent, cernunt hoc miraculum, requirentesque custodem, inveniunt haut procul harene deiectum orantem. Quod videns abbas, se post eum prosternit, et pertranseunte pluvia, consumata oratione, vocat, ut surgeret; quem apprehensum verberibus agi praecepit, dicens: 'Oportet enim te, fili, in timore et servitio Dei humiliter crescere, non prodigiis atque virtutibus gloriari'. Reclusumque in cellulam septem dies eum sicut culpabilem ieiunare praecepit, quo ab eo vanam gloriam, ne ei aliquid impedimentum generaret, averteret. Nunc autem idem monachus, ut a fidelibus viris cognovimus, in tanta abstinentia est devotus, ut in diebus quadragesimae nullum alimentum panis accipiat, nisi tantum die tertia plenum calicem thisinae hauriat. Quem Dominus, orantibus vobis, usque vitae consumationem, ut sibi placeat, custodire dignetur.
Je raconterai aussi ce qui se passa en ce temps dans le même monastère ; mais je ne veux pas nommer le moine que cela concerne, parce qu'il est encore vivant, de peur que, si ces écrits lui parvenaient, il ne diminuât son mérite, en tombant dans une vaine gloire. Un jeune homme, étant arrivé au monastère, se présenta à l'abbé pour se dévouer au service de Dieu. L'abbé s'y opposa par beaucoup de raisonnements, lui disant que le service de cet endroit était dur, et qu'il ne pourrait jamais accomplir tout ce qui lui serait ordonné. Il promit, avec l'aide de Dieu, de tout accomplir, en sorte que l'abbé le reçut peu de jours après. Lorsqu'il s'était déjà fait remarquer de tous par son humilité et sa sainteté, il arriva que les moines, sortant les grains de leur grenier, en mirent sécher au soleil près de cent cinquante boisseaux qu'ils lui ordonnèrent de garder ; et tandis que les autres s'occupaient ailleurs, il demeurait à la garde du grain. Tout à coup le ciel se couvrit de nuages, et voilà qu'une forte pluie accompagnée du bruit des vents, s'approchait rapidement du monceau de grains ; ce que voyant le moine, il ne savait que déterminer ni que faire, pensant que, s'il appelait les autres, il y avait tant de grains qu'ils ne suffiraient pas à les rentrer à eux tous dans le grenier. Renonçant donc à tout autre soin, il se mit en oraison, priant Dieu qu'il ne descendît pas une goutte de cette pluie sur le froment ; et tandis qu'il priait prosterné à terre, les nuages s'ouvrirent, et la pluie tomba en abondance autour du monceau, sans mouiller, s'il est permis de le dire, un seul grain de froment. Les autres moines et l'abbé s'étant réunis pour venir promptement ramasser le grain, furent témoins de ce miracle, et, cherchant le gardien, l'aperçurent de loin, prosterné sur le sable, à prier ; ce que voyant l'abbé, il se prosterna derrière lui, et, la pluie passée, l'oraison finie, il l'appela, et lui dit de se lever, puis, l'ayant fait prendre, voulut qu'il fût battu de verges, disant : Il te convient, mon fils, de croître humblement en crainte et service de Dieu, non de te glorifier par des prodiges et des miracles, et ordonna que, renfermé sept jours dans sa cellule, il y jeûnât comme un coupable, afin d'empêcher que ceci n'engendrât en lui une vaine gloire, ou quelqu'autre obstacle à la vertu. Maintenant le même moine, ainsi que nous le savons par des hommes dignes de foi, s'adonne à une telle abstinence que, dans les jours de carême, il n'avale ni pain ni aucun alignent, si ce n'est, le troisième jour, une coupe pleine de tisane. Que Dieu veuille l'avoir en sa sainte garde jusqu'à la fin de ses jours !
35. De episcopatu Abiti Arverni.
Defuncto igitur, ut diximus, apud Arvernum Cautino episcopo, plerique intendebant propter episcopatum, offerentes multa, plurima promittentes. Nam Eufrasius presbiter, filius quondam senatoris Euvodi, susceptas a Iudaeis species magnas regi per cognatum suum Beregisilum misit, ut scilicet, quod meritis optinere non poterat, praemiis optineret. Erat quidem elegans in conversatione, sed non erat castus in opere, et plerumque inebriabat barbaros, sed rare reficiebat egenos. Et credo, haec causa obstitit, ut non optineret, quia non per Deum, sed per homines adipisci voluit hos honores. Sed nec illud potuit immutari, quod Dominus per os sancti Quintiani locutus est, quia: 'Non surgit de stirpe Hortinsi, qui regat ecclesiam Dei'. Congregatos igitur Abitus archidiaconus clericis in ecclesia Arverna nulla quidem promisit, sed tamen accepto consensu ad regem petiit; voluitque ei tunc Firminus, qui in hac civitate comitatum potitus fuerat, impedire; sed ipse non abiit. Amici autem eius, qui in hac causa directi fuerant, rogabant regem, ut saltim una dominica praeteriret, ut hic non benediceretur; quod si propalaretur, mille aureos regi darent; sed rex his non adnuit. Factum est ergo, ut, congregatis in unum civibus Arvernis, beatus Abitus, qui tunc temporis, ut diximus, erat archidiaconus, a clero et populo electus cathedram pontificatus acciperet; quem rex in tanto honore dilexit, ut parumper rigorem canonicum praeteriens, in sua eum praesentia benedici iuberet, dicens: 'Merear de manu eius eulogias accipere'. Haec enim gratia fecit, ut apud Metensim urbem benediceretur. Idem, accepto episcopatu, magnum se in omnibus praebuit, iustitiam populis tribuens, pauperibus opem, viduis solacium pupillisque maximum adiumentum. Iam si peregrinus ad eum advenerit, ita diligitur, ut in eodem se habere et patrem recognoscat et patriam; qui cum magnis virtutibus floreat et omnia quae Deo sunt placita ex toto corde custodiat, iniquam in omnibus extirpans luxuriam, iustam Dei inserit castitatem.
Cautin, évêque d'Auvergne, étant mort, comme nous l'avons dit, plusieurs s'efforçaient d'obtenir l'épiscopat, offrant beaucoup, promettant davantage. Le prêtre Euphrasius, fils du sénateur Ennodius, ayant reçu des Juifs beaucoup de meubles précieux, les envoya au roi par son beau-père Bérégésile, afin d'obtenir par ce présent ce qu'il ne pouvait obtenir par son mérite. Il était agréable en conversation, mais point chaste dans ses oeuvres ; il enivrait souvent les barbares, et rassasiait rarement les nécessiteux ; et je crois que ce qui l'empêcha d'obtenir la dignité qu'il désirait, c'est qu'il y voulut arriver, non par la voie de Dieu, mais par celle des hommes. Et en ceci ne put être changé ce que Dieu avait prononcé par la bouche de saint Quintien, qu'il ne sortirait pas de la race d'Hortensius un homme qui gouvernât l'église de Dieu. L'archidiacre Avitus , ayant assemblé le clergé dans la cathédrale d'Auvergne, ne promit rien ; mais cependant il fut nommé, et se rendit près du roi. Firmin, comte de la cité, voulut lui faire obstacle ; mais il n'y alla pas lui-même. Les amis qu'il avait chargés de cette affaire demandaient au roi de laisser passer au moins un dimanche sans faire consacrer Avitus ; ils offraient, pour cet ordre, de donner au roi mille pièces d'or ; mais le roi n'y voulut pas consentir : il se trouva donc que le bienheureux Avitus, alors archidiacre, comme nous l'avons dit, de la cité d'Auvergne, élu par le peuple et le clergé dans l'assemblée générale des citoyens, parvint au siégé épiscopal ; et le roi se plut à lui faire tant d'honneur que, passant par-dessus la rigueur des canons, il ordonna qu'il fût consacré en sa présence, afin, disait-il, que j'obtienne de sa main des eulogies ; et, par sa grâce, il le fit consacrer dans la ville de Metz. Parvenu à l'épiscopat, Avitus se rendit grandement recommandable, dispensant la justice au peuple, ses richesses aux pauvres, ses consolations aux veuves, et tous les plus grands secours aux orphelins. L'étranger qui venait vers lui en était tellement chéri qu'il croyait retrouver en lui et père et patrie. Il florissait ainsi dans de grandes vertus, conservant de tout son coeur les choses agréables à Dieu, éteignant chez tous l'infâme luxure, et leur inspirant la complète chasteté que Dieu commande.
36. De sancto Nicetio Lugdunense.
Decedente vero apud Parisios post sinodum illam quae Saffaracum expulit Sacerdote Lugdunense episcopo, sanctus Nicetius ab ipso, sicut in libro vitae eius scripsimus, electus suscepit episcopatum, vir totius sanctitatis egregius, castae conversationis. Caritatem vero, quam apostolus cum omnibus, si possibile esset, observare praecepit, hic possibiliter ita in cunctis exercuit, ut in eius pectore ipse Dominus, qui est vera caritas, cerneretur. Nam si et commotus contra aliquem pro neglegentia fuit, ita protinus emendatum recepit, tanquam si non fuisset offensus. Erat enim castigator delinquentium poenitentumque remissor, elemosinarius atque strenuus in labore; ecclesias erigere, domos componere, serere agros, vineas pastinare diligentissime studebat. Sed non eum hae res ab oratione turbabant. Hic, 22 annis sacerdotio ministrato, migravit ad Dominum; qui nunc magna miracula ad suum tumulum exorantibus praestat. Nam de oleo cicindelis, qui ad ipsum sepulchrum cotidie accenditur, caecorum oculis lumen reddit, daemones de obsessis corporibus fugat, contractis membris restituit sanitatem et omnibus infirmis magnum in hoc tempore habetur praesidium. Igitur Priscus episcopus, qui ei successerat, cum coniuge sua Susanna coepit persequi ac interficere multos de his quos vir Dei familiares habuerat, non culpa aliqua victos, non in crimine comprobatos, non furto deprehensos, tantum inflammante malitia invidus, cur ei fideles fuissent. Declamabat multa blasphemia ipse cum coniuge de sancto Dei; et cum diu multoque tempore observatum fuisset ab anterioribus pontificibus, ut mulier domum non ingrederetur ecclesiae, haec cum puellis etiam in cellula, in qua vir beatus quieverat, introibat. Sed pro his commota tandem divina maiestas ulta est in familia Prisci episcopi. Nam coniux eius daemone arrepta, dimissis crinibus per totam urbem insana vexabatur, et sanctum Dei, quem sana negaverat, amicum Christi confessa, ut sibi parceret, declamabat. Episcopus ille a tipo quartano correptus, tremorem incurrit. Nam cum typus ille recessisset, hic semper tremens habebatur ac stupidus. Filius quoque omnisque familia decolor esse videbatur ac stupida, ut nulli sit dubium, eos a sancti viri virtute percussos. Semper enim Priscus episcopus eiusque familia contra sanctum Dei nefariis vocibus oblatrabant, ipsumque sibi amicum esse dicentes, quicumque de eo inproperia evomuisset. Iusserat enim in primordio episcopatus sui aedificium domus ecclesiasticae exaltari; et diaconus, quem saepe pro facinus adulterii sanctus Dei, dum esset in corpore, non solum a communione removerat, sed etiam saepius caedi praeceperat et numquam eum ad emendationem reducere potuit, hic ascendens super tectum domus illius, cum detegere coepisset, ait: 'Gratias tibi ago, Iesu Christe, quod post mortem iniquissimi Nicetii super hunc tectum calcare promerui'. Adhuc verba in ore pendebant, et statim subductus a pedibus eius rubor in quo stabat, cecidit ad terram crepuitque et mortuus est. Cum autem episcopus vel coniux eius multa contra rationem agerent, apparuit cuidam sanctus per somnium, dicens: 'Vade et dic Prisco, ut emendetur ab operibus malis, et fiant opera eius bona. Martino quoque presbitero dicis: ìQuia consentis his operibus, castigandus eris; et si emendare perversitatem tuam nolueris, morieris"'. At ille evigilans, locutus est diacono cuidam, dicens: 'Vade, quaeso, eo quod sis amicus in domo episcopi, et haec loquere sive episcopo sive Martino presbitero' . Promisit se diaconus locuturum, sed retractans, noluit ea fari. Nocte autem cum se sopori dedisset, apparuit ei sanctus, dicens: 'Cur non dixisti quae tibi abba locutus est?' Et clausis pugnis coepit guttur eius caedere. Mane autem facto, inflatis faucibus cum magno dolore, accessit ad viros et omnia quae audierat intimavit. At illi parvi pendentes ea quae audierant, fantasiam somniorum esse dixerunt. Martinus vero presbiter statim inruit in febre et aegrotans convaluit; sed cum semper adolatorie episcopo loqueretur et consentiret in malis actibus ac blasphemiis, quae in sanctum evomebant, iterum in febre redactus, spiritum exalavit.
Sacerdos, évêque de Lyon, étant mort à Paris, après le synode de cette ville qui expulsa Saffaracus, saint Nicet comme nous l'avons dit dans sa vie, fut élevé à cet évêché. C'était un homme, éminent en toute sainteté et d'une vie chaste. Il exerça autant qu'il lui fut possible, à l'égard de tous, cette charité que l'apôtre ordonne d'observer, si on le peut, envers tous ; en sorte qu'on pouvait découvrir dans son 'coeur Dieu même qui est la pure charité. Lorsque quelqu'un l'avait irrité par sa mauvaise conduite, sitôt qu'il était corrigé, il le recevait comme si on ne l'eût jamais offensé. II châtiait les coupables, se montrait clément à la pénitence, aumônier et assidu au travail. Il s'appliquait avec activité à ériger des églises, réparer les maisons, ensemencer les champs et cultiver les vignes. Cependant ces choses ne le détournaient pas de l'oraison. Après vingt-deux ans de ministère pontifical il alla trouver Dieu, qui maintenant accorde de grands miracles à ceux qui viennent prier sur son tombeau, car l'huile de la lampe qu'on allume chaque jour sur son sépulcre a rendu la lumière aux yeux des aveugles, chasse les démons des corps des possédés, redonne la santé aux membres estropiés et exerce de nos jours une grande puissance sur toutes sortes de maladies. L'évêque Priscus qui lui succéda, commença, ainsi que sa femme Suzanne, à persécuter et à faire périr beaucoup de ceux qui avaient servi l'homme de Dieu ; non qu'ils fussent convaincus d'aucune faute, qu'on eût prouvé contre eux le moindre crime, ni qu'on leur reprochât aucun vol , mais irrité seulement, tant la haine le transportait, de ce qu'ils lui étaient fidèles ; sa femme et lui déclamaient avec beaucoup de blasphèmes contre le saint de Dieu, et tandis que les évêques précédents avaient observé depuis longtemps cette règle qu'aucune femme n'entrât dans la maison épiscopale, celle-ci entrait avec ses servantes jusque dans les cellules où reposaient les hommes consacrés à Dieu. Mais la majesté divine, irritée de cette conduite, exerça bientôt sa vengeance sur la famille de l'évêque, car le démon se saisit de sa femme et la forçait de parcourir toute la ville hors de sens et les cheveux épars, confessant pour ami du Christ le saint de Dieu qu'elle reniait en santé, et lui demandant à grands cris de l'épargner. L'évêque fut pris de la fièvre quarte et d'un grand tremblement, et lorsque la fièvre l'eut quitté, il demeura tremblant et comme stupide. Son fils et toute sa famille étaient de même pâles et comme atteints de stupidité, afin que personne ne pût douter qu'ils avaient été frappés par la puissance du saint ; car l'évêque Priscus et sa famille ne cessaient de déblatérer contre le saint de Dieu, tenant pour ami quiconque vomissait des injures sur son compte. Il avait ordonné dans les premiers temps de son épiscopat qu'on élevât les bâtiments de la maison épiscopale ; un diacre que souvent, dans le temps de sa vie mortelle, le saint de Dieu, pour crime d'adultère, avait non seulement éloigné de la communion, mais même fait frapper de coups, sans pouvoir parvenir à l'amender, étant monté sur le toit de la maison au moment où l'on commençait à le découvrir, dit : Je te rends grâces, ô Jésus-Christ, de ce que tu m'as permis de pouvoir fouler ce toit après la mort du très détestable Nicet. Au moment où ces paroles sortaient de sa bouche, comme il se tenait debout, la force manqua à ses pieds, il tomba sur la terre, fut écrasé et mourut. Tandis que l'évêque et sa femme agissaient ainsi en beaucoup de choses contre la raison, un saint apparut à quelqu'un pendant son sommeil et lui dit : Va et dis à Priscus qu'il amende sa mauvaise conduite et que ses oeuvres deviennent meilleures ; dis aussi au prêtre Martin : parce que tu consens à ces oeuvres, tu seras châtié, et si tu ne veux te corriger de ta perversité, tu mourras. Celui-ci s'éveillant alla parler à un diacre et lui dit : Va, je t'en prie, toi qui es ami dans la maison de l'évêque, et dis ces choses soit à l'évêque, soit au prêtre Martin. Le diacre promit de le dire ; mais, changeant de pensée, il n'en voulut pas parler. La nuit, comme il était endormi, le saint lui apparut disant : Pourquoi n'as-tu pas été dire ce que t'avait dit l'abbé ? Et il commença à lui frapper le cou à poings fermés. Le matin arrivé, celui-ci, la gorge enflée et sentant de grandes douleurs, s'en alla vers ces hommes et leur dit tout ce qu'il avait entendu, mais eux s'en inquiétant fort peu dirent que c'était une illusion du sommeil. Le prêtre Martin alors malade de la fièvre, entra en convalescence ; mais comme il continuait à parler en homme à la dévotion de l'évêque, et s'unissait à ses mauvaises actions et aux blasphèmes qu'il vomissait contre le saint, il retomba dans sa fièvre et rendit l'esprit.
37. De sancto Friardo recluso.
Sanctus vero Friardus hoc nihilominus tempore quo sanctus Nicetius obiit plenus dierum, sanctitate egregius, actione sublimis, vita nobilis; de cuius miraculis quaedam in libro, quem de vita eius scripsimus, memoravimus. In cuius transitu, adveniente Felice episcopo, cellula tota contremuit. Unde non ambigo, aliquid ibidem fuisse angelicum, quod sic locus ille ipso transeunte tremuerit. Quem episcopus abluens atque dignis vestimentis involvens, sepulturae mandavit.
Peu de temps après saint Nicet, mourut plein de jours saint Friard, homme éminent en sainteté, grand dans sa conduite, noble dans ses moeurs, et dont nous avons rapporté les miracles au livre que nous avons écrit de sa vie. L'évêque Félix arrivant au moment de sa mort, toute sa cellule trembla, en sorte, je n'en doute pas, que ce tremblement, au moment où il passait de ce monde en l'autre, fut une annonce de l'événement. Après l'avoir lavé et enveloppé d'honorables vêtements, l'évoque le fit porter à la sépulture.
38. De regibus Hispanorum.
Ergo, ut ad historiam recurramus, mortuo apud Hispaniam Athanaeldo rege, Leuva cum Leuvieldo fratre regnum accepit. Defuncto igitur Leuvane, Leuvieldus, frater eius, totum regnum occupavit. Qui, uxorem mortuam, Gunsuintham, reginae Brunichildis matrem, accepit, duos filios de prima uxore habens, quorum unus Sigyberthi, alius Chilperici filiam disponsavit. Ille quoque inter eos regnum aequaliter divisit, interficiens omnes illos qui regis interemere consueverant, non relinquens ex eis mingentem ad parietem.
Pour revenir à notre histoire, le roi Atllanagild étant mort en Espagne, Liuva et son frère Leuvigild montèrent sur le trône. Après la mort de Liuva, son frère Leuvigild posséda le royaume tout entier, et ayant perdu sa femme, il épousa Gonsuinthe, mère de la reine Brunehault. Il avait de sa première femme deux fils, dont l'un épousa la fille de Sigebert, et l'autre la fille de Chilpéric. Il partagea son royaume également entre eux, et fit périr, sans en laisser un seul, tous ceux qui avaient la coutume de tuer les rois.
39. De interitu Palladi Arverni.
Palladius autem, Britiani quondam comites ac Caesariae filius, comitatum in urbe Gabalitana, Sigibertho rege inpertiente, promeruit, sed orta intentio inter ipsum Partheniumque episcopum valde populum conlidebat. Nam plerumque conviciis ac diversis oppropriis criminibusque obruebat episcopum, pervadens res eclesiae spoliansque homines eius. Unde factum est, ut, hac intentione crescente, cum ad praesentiam iam dicti principes properassent et diversa sibi invicem obiectarent, mollem episcopum, effeminatum Palladius vocitaret: 'Ubi sunt mariti tui, cum quibus stoprose ac turpiter vivis?' Sed haec in sacerdote verba prolata divina confestim ultio subsequens abolevit. Nam anno sequenti remotus a comitatu Palladius, Arvernum regressus est; Romanus vero comitatum ambivit. Factum est autem, ut quadam die in urbe Arverna uterque coniungerint, et altercantibus inter se pro hac actione comitatus, audivit Palladius se a Sigybertho rege debere interfeci. Sed falsa haec et maxime a Romano emissa depraehensa sunt. Tunc ille timore perterritus, ita in angustia gravi redactus est, ut minaretur se propria dextera peremere. Cumque a matre vel a cognato suo Firmino intente adtenderetur, ne perficeret quod mente amara conciperat, per intervalla horarum elapsus a matris aspectu, ingressus cubiculum, accepto spatio solitudinis, evaginato gladium cornuaque ensis pedibus calcans, acumen ad pectus erexit, inpraessusque desuper gladius, ab una ingressus mammilla, in spadolam dorsi egressus est, erectusque iterum, similiter in alia mammilla perfossus, cecidit et mortuus est. Quod non sine diabuli opere scelus perfectum mirati sumus; nam prima eum plaga interficere potuit, si non diabulus sustentaculum praebuisset, quod haec nefanda peragerit. Currit mater exanimis et supra filii corpusculum orbata conlabitur, atque omnes familia voces planctus emittit. Verumtamen ad monasthirium Chrononensim delatus, sepulturae mandatus, sed non iuxta christianorum cadavera positus, sed nec missarum solemnia meruit; quod non ob alia causa nisi ob iniuriam episcopi haec ei evenisse probantur.
Palladius, fils de Brittien, autrefois comte, et de Césarie, avait été promu par Sigebert aux fonctions de comte de Javoulz, ville du Velay ; mais la discorde s'étant élevée entre lui et l'évêque Parthénius, excitait de grands combats parmi le peuple, car il accablait l'évêque d'outrages, d'affronts de toute sorte, et d'injures criminelles, envahissant les biens de l'Église, et dépouillant ceux qui lui appartenaient. D'où il arriva que la division s'accroissant entre eux, ils se rendirent devant le susdit prince. Comme ils s'accusaient à l'envi de diverses choses, Palladius s'écria que l'évêque était un homme mou et efféminé, disant : Où sont tes maris avec lesquels tu vis dans la honte et l'infamie ? Mais la vengeance divine vint promptement effacer les paroles proférées contre l'évêque, car, l'année suivante, Palladius, dépouillé des fonctions de comte, revint en Auvergne, et Romain brigua sa place. Il arriva qu'un jour ils se rencontrèrent à Clermont, et comme ils se disputaient cette place de comte, il vint aux oreilles de Palladius que le roi Sigebert devait le faire mourir, ce qui se trouva faux et inventé par Romain. Mais Palladius, consterné de frayeur, tomba dans de telles angoisses qu'il menaçait de se détruire de sa propre main, et comme sa mère et son beau-père Firmin veillaient attentivement à ce qu'il n'exécutât point ce qu'il avait résolu dans l'amertume de son 'coeur, s'étant dérobé quelques moments à la présence de sa mère, il entra dans sa chambre à coucher, et profitant de cet instant de solitude, tira son épée, mit ses deux pieds sur la poignée, en dressa la pointe contre sa poitrine, et s'étant appuyé dessus, le fer entra dans une des mammelles et ressortit par l'épaule. L'ayant redressé de nouveau, il se perça de même du côté opposé, et tomba mort. Forfait étonnant, et qui ne peut avoir été accompli que par l'oeuvre du diable ; car la première blessure pouvait le tuer, si le diable ne lui eût prêté secours pour commettre cette action détestable. Sa mère, accourant à moitié morte, se jeta sur le corps du fils qu'elle venait de perdre, et toute la maison poussa des cris de douleur. Il fut porté à la sépulture au monastère de Cournon, mais il ne fut point placé près des corps des chrétiens, et on n'obtint pas qu'il y eût des messes célébrées pour lui. Il est bien reconnu que l'injure qu'il avait faite à l'évêque a été la seule cause de son malheur.
40. De imperio Iustini.
Defuncto igitur apud urbem Constantinopolitanam Iustiniano imperatore, Iustinus ambivit imperio, vir in omni avaritia deditus, contemptor pauperorum, senatorum spoliatur; cui tanta fuit cupiditas, ut arcas iuberet fieri ferreas, in quibus numismati auri talenta congererit. Quem etiam ferunt in heresi Pelagiana dilapsum. Nam non post multum tempus ex sensu effectus, Tiberium caesarem sibi adscivit ad defensandas provintias suas, hominem iustum, elimosinarium, aequiter discernentem obtenentemque victorias et, quod omnibus supereminit bonis, esse virissimum christianum. Denique Sigyberthus rex legatus ad Iustinum imperatorem misit, pacem petens, id est Warmarium Francum et Firminum Arvernum. Qui euntis evectu navali, Constantinopolitanam sunt urbem ingressi, locutique tamen cum imperatore, quae petierant obtenuerunt. In alium tamen annum in Galliis sunt regressi. Post haec autem Anthiocia Egypti et Apamiae Siriae maximae civitatis a Persis captae sunt, et populus captivus abductus. Basilica tunc sancti Iuliam Anthiocensis martyris gravi incendio concremata est. Ad Iustinum autem imperatorem Persi-Armeni cum magno syrici intexti pondere venerunt, petentes amicitias eius atque narrantis, se imperatori Persarum esse infensus. Venerant enim ad eos legati eius, dicentes: 'Sollicitudo imperialis sciscitatur, si foedus initum cum eo custodiatis intactum'. Respondentibus illis, omnia ab his pollicita inlibata servari, dixerunt legati: 'In hoc apparebit, vos eius amicitias custodire, si ignem, ut ille veneratur, adoraveritis' . Respondente populo, nequaquam se hoc facturum, ait episcopus, qui coram erat: 'Quae est in igne deitas, ut venerari quaeat? Quem Deus ad usus hominum procreavit, qui fomentis accenditur, aqua restinguitur, adhibitus urit, neglectus tepiscit'. Haec et his similia episcopo prosequente, legati furore succensi, actum convitiis fustibus caedunt. Cernens autem populus sacerdotem suum sanguine cruentatum, super legatus inruunt, manus iniciunt interemuntque et, sicut diximus, huius imperatoris amicitias petierunt.
L'empereur Justinien étant mort clans la ville de Constantinople, Justin fit une brigue pour parvenir à l'empire. C'était un homme adonné à une grande avarice, contempteur des pauvres, qui dépouillait les sénateurs, et se livrait à une telle cupidité qu'il fit faire des coffres de fer, dans lesquels il entassait des pièces d'or. On dit aussi qu'il tomba dans l'hérésie de Pélage. Après peu de temps, devenu insensé, il appela à lui, pour défendre ses provinces, Tibère César, homme juste, aumônier, équitable, éclairé et gagneur de batailles, et, ce qui surpasse toutes ces vertus, très véritable chrétien. Le roi Sigebert envoya à l'empereur Justin, le Franc Warinaire et Firmin l'Auvergnat pour lui demander la paix. Ils allèrent sur des vaisseaux, et arrivant à Constantinople, après s'être entretenus avec l'empereur, obtinrent ce qu'ils demandaient. L'année suivante, ils revinrent dans la Gaule. Ensuite la ville d'Antioche en Égypte, et Apamée en Syrie, ville considérable, furent prises par les Perses et leurs peuples emmenés en captivité. La basilique de saint Julien martyr à Antioche, fut brûlée par un terrible incendie. Les Persarméniens vinrent, avec une grande quantité de tissus de soie, trouver l'empereur Justin, pour lui demander son amitié, racontant que l'empereur des Perses était irrité contre eux, car il était venu dans leur pays des envoyés de sa part, disant : L'empereur est inquiet de savoir si vous gardez fidèlement l'alliance que vous avez faite avec lui. Eux ayant répondu qu'ils observaient sans y manquer tout ce qu'ils avaient promis, les envoyés dirent : La fidélité de votre amitié paraîtra en ceci que vous adorerez comme lui le feu qui est l'objet de son culte. Le peuple ayant répondu que jamais il n'en ferait rien, l'évêque qui était présent dit : Quelle divinité y a-t-il dans le feu pour qu'on nous demande de l'adorer ? Le feu que Dieu a créé pour l'usage de l'homme, qui s'enflamme quand on lui donne des aliments, que l'eau éteint, qui brille quand on l'approche, et s'amortit si on le néglige. Comme l'évêque poursuivait ce discours et d'autres semblables, les envoyés, transportés de fureur, l'accablèrent d'injures, et le frappèrent avec des bâtons. Le peuple, voyant son évêque couvert de sang, se jeta sur les envoyés, les saisit, les tua et, comme nous l'avons dit, envoya demander à l'empereur Justin son amitié.
41. Quod Alboenus cum Langobardis Italiam occupavit.
Alboenus vero Langobardorum rex, qui Chlothosindam, regis Chlothari filiam, habebat, relecta regione sua, Italiam cum omni illa Langobardorum gente petiit. Nam, commoto exercitu, cum uxoribus et liberis abierunt, illuc commanere deliberantes. Quam regionem ingressi, maxime per annos septem pervagantes, spoliatis eclesiis, sacerdotibus interfectis, in suam redigunt potestatem. Mortua autem Chlothosinda, uxore Alboeni, aliam duxit coniugem, cuius patrem ante paucum tempus interfecerat. Qua de causa mulier in odio semper virum habens, locum opperiebat, in quo possit iniurias patris ulcisci; unde factum est, ut unum ex famulis concupiscens, virum veninu medificaret. Quo defuncto, cum famulo iit, sed adpraehensi pariter interfecti sunt. Langobardi deinceps alium super se regem statuunt.
Alboin, roi des Lombards, qui avait épousé Clotsinde, fille du roi Clotaire, ayant quitté son pays, partit pour l'Italie avec toute la nation des Lombards. L'armée se mit en marche accompagnée des femmes et des enfants, résolue à s'établir en Italie. Entrés dans ce pays, ils le parcoururent en tous les sens pendant sept ans, dépouillèrent les églises, tuèrent les prêtres et réduisirent toute la contrée sous leur domination. Clotsinde, femme d'Alboin, étant morte, il épousa une autre femme, dont il avait peu de temps auparavant tué le père ; en sorte que cette femme, qui à cause de cela avait toujours haï son mari, attendait l'occasion de pouvoir venger son père. Il arriva donc qu'éprise d'un désir d'amour pour un de ses domestiques, elle fit périr son mari par le poison, et, lorsqu'il fut mort, s'en alla avec le domestique. Mais on les prit et on les fit mourir tous deux. Les Lombards nommèrent alors un autre roi pour les gouverner.
42. De bellis Mummoli cum eisdem.
Eunius quoque cognomento Mummolus a rege Gunthchramno patriciatum promeruit. De cuius militiae origine altius quaedam repetenda potavi. Hic etenim Peonio patre ortus, Audisiodorensis urbis incola fuit. Peonius vero huius municipii comitatum regebat. Cumque ad renovandam actionem munera regi per filium transmisisset, illi, datis rebus paternis, comitatum patris ambivit subplantavitque genetorem, quem sublevare debuerat. Ex hoc vero gradatim proficiens, ad maius culmen evectus est. Igitur prorumpentibus Langobardis in Galliis, Amatus patricius, qui nuper Celsi successor extiterat, contra eos abiit, cummissumque bellum, terga vertit ceciditque ibi. Tantumque tunc stragem Langobardi feruntur fecisse de Burgundionibus, ut non possit colligi numerus occisorum; oneratique praeda, discesserunt iterum in Italiam. Quibus discedentibus, Eunius, qui et Mummolus, arcessitus a rege, patriciatus culmine meruit. Inruentibus iterum Langobardis in Gallias et usque Mustias Calmes accedentibus, quod adiacit civitati Ebredonense, Mummolus exercitum movit et cum Burgundionibus illuc proficiscetur. Circumdatisque Langobardis cum exercitu, factis etiam concidibus, per divia silvarum, inruit super eos, multus interfecit, nonnullus coepit et rege direxit. Quos ille per loca dispersos custodire praecepit, paucis quodadmodo per fugam lapsis, qui patriae nunciarent. Fueruntque in hoc proelio Salonius et Sagittarius fratres atque episcopi, qui non cruce caelesti moniti, sed galea ac lurica saeculari armati, multos manibus propriis, quod peius est, interfecisse referuntur. Haec prima Mummoli in certamine victuria fuit. Post haec Saxones, qui cum Langobardis in Italiam venerant, iterum prorumpunt in Galliis et infra territurium Regensim, id est apud Stablonem villam castra ponunt, discurrentes per villas urbium vicinarum, diripientes praedas, captivos abducentes vel etiam cuncta vastantes. Quod cum Mummolus conperisset, exercitum movet, inruensque super eos, multa ex his milia interficit et usque ad vesperum caedere non distitit, donec nox finem faceret. Ignarus enim reppererat homines et nihil de his quae accesserunt autumantes. Mane autem facto, statuunt Saxones exercitum, praeparantes se ad bellum; sed, intercurrentibus nuntiis, pacem fecerunt, datisque muneribus Mummolo, relicta universa regionis praeda cum captivis, discesserunt, iurantes prius, quod ad subiectionem regum solaciumque Francorum redire deberent in Galliis. Igitur regressi Saxones in Italiam, adsumptis secum uxoribus atque parvolis vel omni suppellectile facultatis, redire in Galliis distinant, scilicet ut a Sigybertho rege collecti in loco unde egressi fuerant stabilirentur. Feceruntque ex se duos, ut aiunt, cunios, et unus quidem per Niceam urbem, alius vero per Ebredunensim venit, illam re vera tenentes viam, quam anno superiore tenuerant; coniunctique sunt in Avennico terreturio. Erat enim tunc tempus messium, et locus ille maxime fructus terrae sub divo habebat, nec quicquam ex his domi incolae reconderant. Denique accedentes hi, segetes inter se dividunt; colligentesque ac triturantes frumenta comedebant, nihil ex his eis qui laboraverant relinquentes. Verum postquam, expensis fructibus, ad litus Rhodani amnis accesserunt, ut, transacto turrente, regno se regis Sigyberthi conferrent, occurrit eis Mummolus, dicens: 'Non transibitis turrentem hunc. Ecce! regionem domini mei regis depopulati estis, collegistis segetis, pecora devastastis, tradedistis domus incendiis, olivita ac vinita succidistis! Non ascenditis, nisi satisfaciatis prius his quos exiguos reliquistis; alioquin non effugitis manus meas, nisi ponam gladium super vos et uxores ac parvolus vestrus et ulciscar iniuriam domini mei Gunthchramni regis'. Tunc illi timentes valde, dantes multa nummismati auri milia pro redemptione sua, transire permissi sunt; et sic Arvernum pervenerunt. Erat tunc vernum tempus. Proferebant ibi regulas aeris incisas pro auro; quas quisque videns, non dubitabat aliud, nisi quod aurum probatum atque examinatum esset; sic enim coloratum ingenio nescio quo fuit. Unde nonnulli hoc dolo siducti, aurum dantes et aes accipientes, pauperis facti sunt. Hi vero ad Sygiberthum regem transeuntes, in loco, unde prius egressi fuerant, stabiliti sunt.
Ennius, surnommé Mummole, fut élevé par le roi Gontran au rang de patrice. Je crois qu'il sera bon de rapporter quelque chose de plus sur l'origine de sa fortune militaire. Il était né de Paeonius et habitait la ville d'Auxerre. Paeonius gouvernait cette ville en qualité de comte. Comme il avait envoyé son fils vers le roi avec des présents, pour obtenir d'être continué dans ses fonctions, celui-ci, au moyen des richesses de son père, brigua le comté pour lui-même, supplanta son père qui l'avait envoyé pour le servir, et, parvenant ensuite par degrés, il s'éleva à la plus haute dignité. Les Lombards ayant fait une irruption dans les Gaules, le patrice Aimé, récemment nommé à la place de Celse, marcha contre eux, et leur ayant livré bataille, prit la fuite et fut tué. Les Lombards firent en cette occasion un tel carnage des Bourguignons qu'il a été impossible de calculer le nombre des morts. Ils retournèrent en Italie chargés de butin. Après leur départ, Ennius, dit Mummole, appelé par le roi, fut élevé à la dignité suprême du patriciat. Les Lombards se précipitèrent de nouveau sur les Gaules, et vinrent jusqu'à Mouches-Calmes, près de la ville d'Embrun. Mummole se mit en marche à la tête d'une armée, arriva avec ses Bourguignons, environna les Lombards, et faisant des abattis dans la forêt, passa au travers, tomba sur eux par des chemins détournés, en tua beaucoup et en prit plusieurs qu'il envoya au roi, qui ordonna de les retenir prisonniers en divers lieux. Peu se sauvèrent par la fuite pour aller porter cette nouvelle dans leur pays. Deux frères, Salone et Sagittaire, tous deux évêques, se montrèrent dans ce combat, armés non pas de la croix céleste, mais de la cuirasse et du casque séculiers ; et ce qu'il y a de pis, ils tuèrent, dit-on, beaucoup des ennemis de leur propre main. Ce fut ici la première fois que Mummole vainquit dans les combats. Ensuite les Saxons, qui étaient venus en Italie avec les Lombards, firent une nouvelle irruption dans les Gaules et campèrent sur le territoire de Riez dans le domaine d'Establon parcourant les métairies appartenant aux villes voisines, enlevant du butin, emmenant des captifs et ravageant tout. Mummole l'ayant appris se mit en marche avec son armée, tomba sur eux et en tua plusieurs milliers, sans cesser le carnage jusqu'au soir, où la nuit l'obligea de l'interrompre ; car il les avait surpris à l'improviste au moment où ils ne se doutaient nullement de ce qui allait leur arriver. Le matin venu, les Saxons rangèrent leur armée et se préparèrent au combat ; mais des messagers passèrent de l'un à l'autre camp et conclurent la paix. Ils firent des présents à Mummole et s'en allèrent laissant tout le butin et les captifs qu'ils avaient faits dans le pays ; mais ils jurèrent, avant de s'éloigner, qu'ils reviendraient se mettre sous l'obéissance des rois et porter secours aux Francs. Étant donc retournés en Italie, ils prirent avec eux leurs femmes, leurs petits enfants et tout leur mobilier pour revenir dans les Gaules, et recueillis par le roi Sigebert, s'établirent dans le lieu d'où ils étaient sortis. Ils se partagèrent en deux troupes appelées coins. L'une des deux vint par la ville de Nice, l'autre par Embrun, tenant la même route que l'année précédente. Ils se réunirent sur le territoire d'Avignon ; c'était alors le temps de la moisson et la plus grande partie des fruits de la terre était dehors, et les habitants n'en avaient encore rien serré dans leurs demeures. Les Saxons donc venaient dans les aires, se partageaient les épis ; les mettaient en gerbes, les battaient et mangeaient le grain sans en rien laisser à ceux qui l'avaient cultivé ; mais lorsque après avoir consomma la récolte, ils approchèrent des bords du Rhône pour passer le torrent, et se rendre dans le royaume du roi Sigebert, Mummole se présenta à leur rencontre, disant : Vous ne passerez pas ce torrent. Voilà que vous avez dépeuplé les pays du roi mon maître, recueilli les épis, ravagé les troupeaux, livré les maisons aux flammes, abattu les oliviers et les vignes ; vous ne remonterez pas sur ce rivage que vous n'ayez d'abord satisfait ceux que vous avez laissés dans la misère. Et si vous ne le faites, vous n'échapperez pas de mes mains sans avoir senti le poids de mon épée sur vous, sur vos femmes et sur vos enfants, pour venger l'injure du roi mon maître. Saisis d'une grande frayeur, ils donnèrent pour se racheter beaucoup de milliers de pièces d'or, et alors il leur fut permis de passer, et ils arrivèrent en Auvergne. C'était alors le printemps ; ils y portèrent des pièces d'airain gravées, qu'ils donnaient pour de l'or, et ceux qui les voyaient ne pouvaient douter que ce ne fût de l'or essayé et éprouvé, tant elles étaient bien colorées par je ne sais quel art. En sorte que beaucoup de gens trompés par cette fraude, donnant de l'or et recevant du cuivre, tombèrent dans la pauvreté. Les Saxons s'étant rendus près du roi Sigebert furent établis dans le lieu d'où ils étaient d'abord sortis.
43. De archidiacono Massiliense.
In regno autem Sigyberthi regis, remoto ab honore Iovino rectore Provinciae, Albinus in loco eius subrogatur. Magnam enim inter eos inimicitiam haec causa congessit. Igitur advenientibus ad cataplum Massiliensim navibus transmarinis, Vigili archidiaconis homines septuaginta vasa quas vulgo orcas vocant olei liquaminisque furati sunt, nesciente domino. Negotiator autem cum cognovisset sibi rem furto ablatam fuisse, inquirere diligenter coepit, quo furtum in loco fuisset reconditum. Haec inquirens audit a quodam, quia hoc homines Vigili archidiaconis perpetrassent. Perveniunt haec ad archidiaconem, qui inquirens et inveniens, nequaquam publicare, sed excusare suos coepit, dicens: 'Numquam de domo mea egressus est, qui talia auderet admittere'. Taliter denique excusante archidiacono, negotiator ad Albinum pergit; causam exerit et archidiaconem in crimine fraudis huius mixtum accusat. Die autem sancto natalis dominici episcopo in ecclesia adveniente, archidiaconus indutus albam adest, episcopum, ut mos est, invitans ad altarem debere procedere ac solemnitate diei sancti oportuno debere tempore celebrare. Nec mora, Albinus de sede exiliens, adpraehensum archidiaconem detrahit, pugnis calcibusque caedit et custodia carcerali coartat. Pro quo numquam obtinere potuerunt non episcopus, non cives, non ullus maior natu, non ipsa vox totius populi adclamantes, ut datis fideiussoribus diem sanctum archidiacono liceat cum reliquis celebrare atque accusatio causae in posterum deberet audiri. Sed nec de ipsa sacrosancta solemnia metum habuit, ut ministrum dominici altaris tali in die auderet adripere. Quid plura? Quattuor milia solidorum archidiaconem condemnavit; quod in praesentia regis Sigyberthi veniens, quadrupla satisfactione, insequente Iovino, conposuit.
Sous le règne du roi Sigebert, Jovin ayant été dépouillé de la dignité de gouverneur de la Provence, Albin fut mis à sa place, ce qui excita entre eux une grande inimitié. Il était arrivé au port de Marseille des vaisseaux venus de par-delà les mers. Les gens de l'archidiacre Vigile dérobèrent, à l'insu de leur maître, soixante-dix vases, vulgairement nommés tonneaux, remplis d'huile et de graisse : le négociant s'apercevant qu'on lui avait dérobé par le vol ce qui lui appartenait, commença à rechercher soigneusement en quel lieu avait été caché le larcin. Comme il s'informait, quelqu'un lui dit que cela avait été fait par les gens de l'archidiacre Vigile. Le bruit en parvint à l'archidiacre qui, s'étant enquis et trouvant la chose vraie, ne voulut pas l'avouer, mais commença à justifier ses gens, en disant : Il n'y a personne dans ma maison qui osât commettre une telle chose. L'archidiacre, dis je, niant donc de cette manière, le négociant eut recours à Albin, intenta une poursuite, exposa son affaire, et accusa l'archidiacre de complicité dans ce crime de fraude. Le jour de la naissance du Seigneur, l'évêque s'étant rendu dans la cathédrale, l'archidiacre, présent et vêtu de l'aube, invitait, selon l'usage, l'évêque à s'approcher de l'autel, afin de célébrer en temps opportun la solennité de ce saint jour ; aussitôt Albin, se levant de son siège, saisit et entraîna l'archidiacre, le frappa des pieds et des poings, et le fit conduire dans les prisons. Jamais ni l'évêque, ni les citoyens, ni les hommes des premières familles, ni les clameurs du peuple qui s'écriait tout d'une voix, ne purent obtenir qu'en donnant caution, l'archidiacre demeurât pour célébrer avec les autres la sainteté de ce jour, et qu'on remît ensuite à entendre son accusation. Le respect de ces saintes solennités n'empêcha pas que, dans un si grand jour, on n'osât arracher des autels un ministre du Seigneur : que dirai-je de plus ? L'archidiacre fut condamné à une amende de quatre mille sous d'or ; mais l'affaire ayant été portée devant le roi Sigebert, Albin, à la poursuite de Jovin, fut obligé de payer, par composition à l'archidiacre, le quadruple de la somme.
44. De Langobardis et Mummolo.
Post haec tres Langobardorum duces, id est Amo, Zaban ac Rodanus, Gallias inruperunt. Et Amo quidem Ebredunensim carpens viam, usque Machao villam Avennici territurii, quam Mummolus munere meruerat regio, accessit; ibique fixit tenturia. Zaban vero per Deinsim discendens urbem, usque Valentiam venit, ibique et castra posuit. Rodanus enim Gratianopolitanam urbem adgressus est, ibique papilionis extendit. Et Amo quoque Arelatensim debellavit provinciam cum urbibus qui circumsitae sunt, et usque ipsum Lapideum campum, quod adiacit urbi Masiliensi, accedens, tam de pecoribus quam de hominibus denudavit. Aquinsibus autem obsidionem paravit, de quibus, viginti duabus libris argenti acceptis, abscessit. Sicque et Rodanus ac Zaban in locis quibus accesserant fecerunt. Quae cum Mummolo perlata fuissent, exercitum movit et Rodano, qui Gratianopolitanam urbem debellabat, occurrit. Sed cum Eseram fluvium exercitus laboriose transiret, nutu Dei animal amnem ingreditur, vadum ostendit, et sic populus [liberi] in ulteriorem ripam egreditur. Quod videntes Langobardi nec morati, evaginatis gladiis hos adpetunt, cummissoque bello, in tantum caesi sunt, ut Rhodanus sauciatus lancia ad montium excelsa confugiret. Exinde cum quingentis viris, qui ei remanserant, per divia silvarum prorumpens, ad Zabanem pervenit, qui tunc urbem Valentiam obsedebat, narravitque omnia quae acta fuerat. Tunc datis pariter cunctis in praeda, ad Ebredunensem urbem regressi sunt, ibique eis cum innumero exercitu Mummolus in faciem venit. Commissoque proelio, Langobardorum phalangae usque ad internitionem caesae, cum paucis duces in Italiam sunt regressi. Cumque usque Sigusium urbem perlati fuissent et eos incolae loci durae susciperent, praesertim cum Sisinnius magister militum a parte inperatoris in hac urbe resident, simolatus Mummoli puer in conspectu Zabanis Sisinnio litteras protulit salutemque ex nomine Mummoli dedit, dicens: 'En ipsum in proximo!' Quod audiens Zaban, curso veloci ab urbe ipsa digressus praeteriit. His auditis Amo, collecta omni praeda in itenere, proficiscitur; sed resistentibus nivibus, relicta praeda, vix cum paucis erumpere potuit. Exterriti enim erant virtute Mummoli.
Après ce temps, trois chefs lombards, Amon, Zaban et Rhodan, firent une irruption dans la Gaule. Amon prit la route d'Embrun jusqu'à Macheville, dans le territoire d'Avignon, domaine que Mummole tenait d'un présent du roi, et y fixa ses tentes. Zaban descendit par la ville de Die jusqu'à Valence et y plaça son camp ; et Rhodan, arrivé à Grenoble, y déploya ses pavillons. Amon ravagea aussi toute la province d'Arles et les villes situées dans ses environs ; il vint jusqu'au champ de la Crau, qui tient à la ville de Marseille, et en enleva des troupeaux et des hommes : il se disposait aussi à mettre le siège devant la ville d'Aix, mais il s'en éloigna pour le prix de vingt-deux livres d'argent. Rhodan et Zaban en firent autant dans les lieux où ils arrivèrent. Ces nouvelles ayant été apportées à Mummole, il se mit en marche avec une armée et alla contre Rhodan qui dévastait la cité de Grenoble. Comme l'armée de Mummole était occupée à traverser avec beaucoup de peine l'Isère, il arriva que, par un ordre exprès de Dieu, un animal entra dans le fleuve et en indiqua le gué, en sorte que les gens de Mummole arrivèrent à l'autre rive ; ce que voyant les Lombards, ils tirèrent l'épée et vinrent sans délai à leur rencontre. Les deux armées se livrèrent un combat ; les Lombards furent battus, et Rhodan, blessé d'un coup de lance, s'enfuit sur le haut des montagnes, d'où, avec cinq cents hommes qui lui restaient, il se jeta dans les forêts, et, à travers des chemins détournés, alla retrouver Zaban qui faisait alors le siège de la ville de Valence ; il lui raconta ce qui venait de se passer ; alors tous deux de concert, mettant tout au pillage, retournèrent à la ville d'Embrun : là, Mummole vint se présenter à eux avec une armée innombrable ; on livra la bataille ; les troupes lombardes furent défaites et mises en pièces, et les chefs n'en ramenèrent en Italie qu'un petit nombre. Ils arrivèrent à la ville de Suze, et furent mal reçus par les habitants du lieu, d'autant plus que Sizinius, maître des milices pour l'empereur, résidait dans cette ville. Un esclave, feignant de venir de la part de Mummole, apporta devant Zaban des lettres à Sizinius, le saluant au nom de Mummole et disant : Lui-même est proche d'ici ; ce que Zaban ayant entendu, il prit sa course, et, traversant la ville, s'en éloigna rapidement. Cette nouvelle étant parvenue aux oreilles d'Amon, il rassembla tout son butin ; mais, comme les neiges lui faisaient obstacle, il put à grand'peine, laissant son butin, se sauver avec un petit nombre d'hommes. La valeur de Mummole les avait saisis de crainte.
45. Quod Mummolus Turonus venit.
Multa enim Mummolus bella gessit, in quibus victur extetit. Nam post mortem Chariberthi, cum Chilpericus Toronus ac Pectavis pervasissit, quae Sigybertho regi per pactum in partem venerant, coniunctus rex ipse cum Gunthchramno fratre suo, Mummolum elegunt, qui has urbes ad verum dominium revocare deberet. Qui Toronus veniens, fugato exinde Chlodovecho, Chilperici filium, exacta populo ad partem regis Sigyberthi sacramenta, Pectavum accessit. Sed Basilius ac Sigarius Pectavi civis, collecta multitudine, resistere voluerunt; quos de diversis partibus circumdatus oppressit, obruit, interimit, et sic Pectavum accedens, sacramenta exigit. Haec interim de Mummolo dicta sufficiant; reliqua in posterum sunt digerenda.
Mummole livra beaucoup de combats, dans lesquels il demeura vainqueur, Après la mort de Charibert, Chilpéric ayant envahi la Touraine et le Poitou, qui par traité appartenaient au roi Sigebert, ce roi, d'accord avec son frère Gontran, choisit Mummole pour remettre ces villes sous leur puissance. Arrivé dans le pays de Tours, il en chassa Clovis, fils de Chilpéric, exigea du peuple serment de fidélité au roi Sigebert, et se rendit en Poitou ; mais Bazile et Sigaire, citoyens de Poitiers , ayant rassemblé le peuple, voulurent résister ; alors il les entoura de divers côtés, les accabla, les tua, et, arrivant à Poitiers, en exigea le serment. En voici quant à présent assez sur Mummole ; nous rapporterons ensuite le reste en divers lieux.
46. De interitu Andarci.
De Andarchi vero interitu locuturus, prius genus ordire placet et patriam. Hic igitur, ut adserunt, Filices senatoris servus fuit; qui ad obsequium domini depotatus, ad studia litterarum cum eo positus, bene institutus emicuit. Nam de operibus Virgilii, legis Theodosianae libris artemque calculi aplene eruditus est. Hac igitur scientiam tumens, dispicere dominos coepit et se patrocinio Lupi ducis, cum ad urbem Massiliensim ex iusso regis Sigyberthi accederet, commendavit. De qua regressus, hunc secum habire praecepit insinuavitque eum diligenter Sigybertho regi atque ad serviendum tradedit. Quem ille per loca diversa dirigens, locum praebuit militandi. Ex hoc quasi honoratus habitus, Arvernum venit ibique cum Urso, civi urbis eius, amicitias inlegat. Interim, ut erat acris ingenii, filiam eius disponsare desiderans, luricam, ut ferunt, in libellare, quo charte abdi soleti sunt, recondit, dicens mulieri, coniugi utique Ursi, quia: 'Multitudinem aureorum meorum amplius quam sedecim milia in hoc libellare reconditam tibi conmendo, quod tuum esse poterit, si mihi filiam tuam praestiteris disponsari'. Sed Quid non mortalia pectora cogis, Auri sacra famis? Promisit mulier haec simpliciter credens, absente viro, huic disponsare puellam. Ad ille regressus ad regem, praeceptionem ad iudicem loci exibuit, ut puellam hanc suo matrimonio sociaret, dicens, quia: 'Dedi arram in disponsatione eius'. Negavit autem vir ille, dicens, quia: 'Neque te novi, unde sis, neque alequid de rebus tuis habeo'. Qua intentione pollulante ac vihementius increscente, Andarchius expetiit Ursum regis praesentiam arcessire. Cumque venisset apud villam Brinnacum, requiret hominem alium Ursum nomen, quem ad altarium clam adductum iurare fecit ac dicere: 'Per hoc locum sanctum et reliquias martyrum beatorum, quia, si filiam meam tibi in matrimonium non tradidero, sidecem milia soledorum tibi satisfacere non morabor'. Stabant enim testes in sacrario, abscultantes occultae verba loquentes, sed personam qui loqueretur paenitus non videntis. Tunc Andarchius demulsit verbis lenibus Urso, fecitque eum sine regis praesentiam reverti ad patriam. Factoque ex hoc iuramento breve sacramentorum, rege illo protulit discidente, dicens: 'Haec et haec mihi Ursus scripsit; et ideo gloriae vestrae praeceptionem deposco, ut filiam suam mihi tradat in matrimonio. Alioquin liceat mihi res eius possedere, donec, sedicem milibus solidorum acceptis, me ab hac causa removeam'. Tunc, adeptis praeceptionibus, Arvernum redit, ostendit iudici iussionem regis. Ursus autem se in Villavo territurio contulit. Cumque res eius huic consignarentur, et hic in Villavum accessit. Ingressusque unam Ursi domum, caenam sibi praecepit praeparare atque aquas quibus ablueretur calefieri iubet. Sed cum servi domus minime rudi domino apparerent, alius fustibus, alius virgis caedit, nonnullus capita percutiens sanguinem elicuit. Turbata ergo familia, praeparatur caena, abluetur hic aquis calidis, inebriatur vino et se collocat super stratum. Erant autem cum eo septem pueri tantum. Cumque non minus somno quam vino sepulti altius obdormissent, congregata familia, ostia domus, quae erat ex ligneis fabricata tabulis, claudit; acceptisque clavibus, metas annonae, quae aderant, elidit hac circa domum et supra domum adgregat acervos annonae, quae tunc in manibulis erat, ita ut operta ex his domus cernetur omnino. Tunc inmisso per partes diversas igne, cum iam super hos infelices materia aedificii exusta deruerent, excitantur, emissas voces, sed non fuit qui exaudiret, donec, totam domum adustam, ipsus pariter ignis absorberit. Ursus vero metuens basilicam sancti Iuliani expetiit; datisque rege muneribus, res suas in soliditate recipit.
Ayant à raconter la mort d'Andarchius, il convient de faire connaître d'abord sa naissance et sa patrie. Il était, à ce qu'on assure, serviteur du sénateur Félix. Envoyé avec son maître pour le servir, il fut, ainsi que lui, appliqué à l'étude des lettres, et se rendit remarquable par son instruction ; car il était parfaitement instruit dans les oeuvres de Virgile, les lois du Code Théodosien et l'art du calcul. Orgueilleux donc de sa science, il commença à dédaigner le service de ses maîtres, et se mit sous la protection du duc Loup, lorsque celui-ci vint à Marseille par l'ordre du roi Sigebert. En partant de Marseille, il commanda à Andarchius de venir avec lui, le mit avec soin dans les bonnes grâces du roi Sigebert, et le fit passer à son service. Le roi l'envoya en divers lieux où il eut occasion de faire la guerre ; il vint ainsi en Auvergne, comme un homme élevé en dignité : là, il se lia d'amitié avec Ursus, citoyen de la ville. Comme il était d'un esprit audacieux, désirant épouser sa fille, il cacha, dit-on, sa cuirasse dans les tablettes où l'on avait coutume de serrer les papiers, et dit à la femme d'Ursus : Je te recommande tout cet or que j'ai caché dans ces tablettes ; il y a plus de seize mille pièces qui t'appartiendront, si tu me donnes ta fille en mariage. " Sed quid non mortalia pectora cogis auri sacra famis ? Cette femme crédule y ayant ajouté foi lui promit, en l'absence de son mari, de lui donner sa fille, et lui, après être allé trouver le roi, montra au juge du lieu un ordre par lequel il lui était enjoint de le marier à la jeune fille, disant : J'ai donné des arrhes pour l'épouser. Le père la refusa, disant : Je ne sais pas d'où tu es, et je n'ai rien reçu de toi. Le différend s'étant échauffé, Andarchius fit appeler Ursus en présence du roi, et, lorsqu'il fût arrivé à Braine, il prit un autre homme également nommé Ursus, et, l'ayant amené en secret auprès de l'autel, lui fit jurer et dire : Par ce saint lieu et par les reliques de ces saints martyrs, si je ne te donne pas ma fille en mariage, je te paierai sans délai seize mille sols d'or. Il avait placé dans la sacristie des témoins cachés qui entendaient ces paroles, mais ne voyaient nullement celui qui les prononçait. Ensuite Andarchius, ayant apaisé Ursus par de bonnes paroles, fit si bien que celui-ci revint dans son pays sans avoir paru devant le roi. Après son départ, Andarchius produisit devant le roi l'écrit dans lequel était contenu le serment qu'il avait fait prêter, disant : Ursus a écrit en ma faveur telle et telle chose ; le supplie donc votre Gloire de donner l'ordre qu'il m'accorde sa fille en mariage ; autrement j'ai droit de me mettre en possession de ses biens, jusqu'à ce que, payé de seize mille sols d'or, je me désiste de cette affaire. Il revint donc en Auvergne muni des ordres du roi, et les montra au juge. Ursus se retira dans le territoire du Velay ; ses biens furent consignés entre les mains d'Andarchius, qui se rendit aussi dans le Velay. Étant arrivé à une des maisons d'Ursus, il ordonna qu'on lui préparât à souper et qu'on lui fit chauffer de l'eau pour se laver ; mais, comme les serviteurs n'obéissaient point à ce nouveau maître, il frappa les uns avec des bâtons, les autres à coups de verges ; quelques-uns furent frappés à la tête au point que le sang en jaillit. Toute la maison mise ainsi en désarroi, on prépara le souper. Andarchius se lava dans l'eau chaude, s'enivra de vin et se coucha sur un lit ; il n'avait avec lui que sept domestiques. Tandis qu'ils dormaient profondément, non moins appesantis par le sommeil que par le vin, Ursus assembla ses gens, ferma là porte de la maison, qui était construite en planches, et, prenant les clefs, défit les meules de grain qui se trouvaient à côté, et ayant amassé autour et au-dessus de la maison les monceaux d'épis alors en gerbes, jusqu'à ce qu'elle en fût entièrement couverte , il mit le feu à plusieurs endroits. Les débris de la maison enflammée commençant à tomber sur ces malheureux, ils s'éveillèrent et appelèrent avec des cris ; mais il n'y avait là personne pour les écouter. La flamme les consuma donc avec toute la maison. Ensuite Ursus, saisi de crainte, se réfugia dans la basilique de Saint-Julien ; mais, ayant fait des présents au roi, il rentra en possession de tous ses biens.
47. Quod Theudoberthus civitatis pervasit.
Chlodovechus vero, Chilperici filius, de Toronico eiectus, Burdegala abiit. Denique cum apud Burdigalinsim civitatem, nullum prursus inquietante, resederet, Sigulfus quidam a parte Sigyberthi se super eum obiecit. Quem fugientem cum tubis et bucinis quasi labentem cervum fugans, insequebatur. Qui vix ad patrem regredi liberum habuit aditum. Tamen per Andigavus regressus, ad eum rediit. Cum autem intentio inter Gunthchramnum et Sigyberthum regis verteretur, Gunthchramnus rex apud Parisius omnes episcopus regni sui congregat, ut inter utrusque quid veritas haberit edicerent. Sed ut bellum civili in maiore pernicitate crescerit, eos audire, peccatis facientibus, distulerunt. Chilpericus autem in ira commotus, per Theodoberthum filium suum seniorem, qui a Sigybertho quondam adpraehensus sacramentum dederat, ut ei fidelis esset, civitates eius pervadit, id est Toronus, Pectavus vel reliquas citra Legere sitas. Qui Pectavus veniens, contra Gundovaldum ducem pugnavit. Terga autem vertente exercitu partis Gundovaldi, magnam ibi stragem de populo illo fecit. Sed et de Toronicam regionem maximam partem incendit et, nisi ad tempus manus dedissent, totam continuo debellasset. Cummotu autem exercitu, Lemovicinum, Cadurcinum vel reliquas illarum propinquas pervadit, vastat, evertit; eclesias incendit, ministeria detrahit, clericus interficit, monastiria virorum deicit, puellarum deludit et cuncta devastat. Fuitque tempore illo peior in eclesiis gemitus quam tempore persecutionis Diocliciani.
Clovis, fils de Chilpéric, chassé de Tours, se rendit à Bordeaux; et tandis qu'il habitait cette ville, sans que personne songeât à l'inquiéter, un certain Sigulph, du parti de Sigebert, s'éleva contre lui, et l'ayant mis en fuite, il alla après lui, le pourchassant avec des cors et des trompettes, comme un cerf aux abois : à peine put-il trouver un passage pour retourner vers son père ; cependant, ayant passé par Angers, il parvint jusqu'à lui. Comme il s'était alors élevé un différend entre les rois Gontran et Sigebert, le roi Gontran rassembla à Paris tous les évêques de son royaume, pour qu'ils décidassent auquel des deux appartenait le droit ; mais la discorde civile s'étant envenimée, les rois firent le péché de négliger leurs avis. Le roi Chilpéric, irrité parce que Théodebert, son fils aîné, gagné autrefois par Sigebert, lui avait prêté serment de fidélité, s'empara des villes de celui-ci, savoir, Tours, Poitiers et les autres villes en deçà de la Loire. Arrivant à Poitiers, il livra combat au duc Gondebaud. L'armée de Gondebaud ayant pris la fuite, il se fit un grand carnage de ce peuple. Chilpéric brûla aussi la plus grande partie du pays de Tours ; et si les habitants ne s'étaient soumis pour le moment, il aurait entièrement ravagé leurs terres. S'avançant ensuite avec son armée, il envahit , dévasta, désola Limoges, Cahors et toutes ces provinces, brûla les églises, interrompit le service de Dieu, tua les clercs, détruisit les monastères d'hommes, insulta ceux de filles, et ravagea tout. Il y eut en ce temps dans l'Eglise un plus grand gémissement qu'au temps de la persécution de Dioclétien.
48. De Latta monasterio.
Et adhuc obstupiscimus et admiramur, cur tantae super eos plagae inruerint. Sed recurramus ad illud quod parentes eorum egerunt et isti perpetrant. Illi post praedicationem sacerdotum de fanis ad ecclesias sunt conversi; isti cotidie de ecclesiis praedas detrahunt. Illi sacerdotes Domini ex toto corde venerati sunt et audierunt; isti non solum non audiunt, sed etiam persecuntur. Illi monasteria et ecclesias ditaverunt; isti eas diruunt ac subvertunt. Quid de Latta monasterio referam, in quo beati Martini habentur reliquiae? Cum ad eum unus cuneus hostium adventaret et fluvium, qui propinquus est, transire disponeret, ut monastirium spoliaret, clamaverunt monachi dicentes: 'Nolite, o barbari, nolite huc transire; beati enim Martini istud est monasterium' . Haec audientes multi, conpuncti a Dei timore, regressi sunt. Viginti tamen ex ipsis, qui non metuebant Deum neque beatum confessorem honorabant, ascendentes navem, illuc transgrediuntur et, inimico stimulante, monachos caedunt, monasterium evertunt resque diripiunt; de quibus facientes sarcinas, navi inponunt. Ingressique fluvium, protinus vibrante carina, huc illucque feruntur. Cumque amisso solatio remorum, hastilia lancearum in fundum alvei defixa, remeare conarentur, navis sub pedibus eorum dehiscit, et uniuscuiusque ferrum, quod contra se tenebat, pectori defigitur, transverberatique cuncti a propriis iaculis interimuntur. Unus tantum ex ipsis, qui eos increpabat ne ista committerent, remansit inlaesus. Quodsi hoc quis fortuitu evenisse iudicat, cernat, unum insontem plurimis evasisse de noxiis. Quibus interfectis, monachi ipsos et res suas ex alveo detrahentes, illos sepelientes, res domi restituunt.
Et nous nous émerveillons de ce que tant de maux se sont précipités sur eux ! mais jetons les yeux sur ce qu'ont fait leurs pères, et voyons ce qu'ils font. Ceux-là, sur les prédications des prêtres, avaient quitté les temples pour les églises ; ceux-ci, chaque jour, livrent les églises au pillage ; ceux-là écoutaient, révéraient de tout leur 'coeur les prêtres du Seigneur ; ceux-ci non seulement ne les écoutent pas, mais ils les persécutent ; ceux-là enrichissaient les églises et les monastères ; ceux-ci les bouleversent et les détruisent, que dirai-je ici du monastère de la Latte, qui possédait des reliques de saint Martin ? Une troupe d'ennemis étant arrivée, et se disposant à passer la rivière proche du monastère, afin de le dépouiller, les moines les appelèrent, et leur dirent : Gardez-vous, ô Barbares, gardez-vous de passer le fleuve, car ce monastère appartient au bienheureux Martin. Plusieurs d'entre eux, entendant ces paroles, furent émus de la crainte de Dieu, et se retirèrent ; mais une vingtaine qui ne craignaient point Dieu et n'honoraient pas le saint confesseur, montèrent sur un bateau qui les passa à l'autre bord, et, poussés par l'ennemi des hommes, ils battirent les moines, mirent le monastère sens dessus dessous, et emportèrent tout ce qu'il contenait : ils en firent des paquets qu'ils mirent sur leur bateau ; mais lorsqu'ils firent entrés dans la rivière, le bateau agité les emporta çà et là. Comme ils n'avaient pas le secours des rames, ils s'efforcèrent de revenir au bord, en appuyant le bois de leurs lances au fond de la rivière ; mais le bateau s'ouvrit sous leurs pieds, et chacun se tenant la poitrine appuyée contre le fer de sa lance, ils furent tous transpercés par leurs propres armes. Un seul qui les avait réprimandés pour les empêcher de commettre cette action, demeura sans blessure, en sorte que si quelqu'un voulait regarder cet évènement comme un effet du hasard, il suffira de remarquer qu'entre plusieurs, le seul qui fût innocent, échappa au malheur. Ceux-ci morts, les moines les tirèrent du fleuve, ainsi que leurs effets, ensevelirent les corps, et rapportèrent dans la maison ce qui leur appartenait.
49. Quod Sigiberthus Parisius venit.
Dum haec ageretur, Sigyberthus rex gentes illas quae ultra Renum habentur commovit, et bellum civili ordiens, contra fratrem suum Chilpericum ire distinat. Quod audiens Chilpericus ad fratrem suum Gunthchramnum legatus mittit. Qui coniuncti pariter foedus iniunt, ut nullus fratrem suum perire sinerit. Sed cum Sigyberthus gentes illas adducens venisset et Chilpericus de alia parte cum suo exercitu resederet, nec haberet rex Sigyberthus super fratrem iturus, ubi Sequanam fluvium transmearet, fratre suo Gunthchramno mandatum mittit, dicens: 'Nisi me permiseris per tuam sortem hunc fluvium transire, cum omni exercitu meo super te pergam' . Quod ille timens, foedus cum eodem iniit eumque transire permisit. Denique sentiens Chilpericus, quod scilicit Gunthchramnus, relicto eo, ad Sigyberthum transisset, castra movet et usque Avalocium Carnotensim vicum abiit Quem Sigyberthus insecutus, campum sibi praeparare petiit. Illi vero timens, ne, conliso utroque exercitu, etiam regnum eorum conruerit, pacem petiit civitatesque eius, quas Theodoberthus male pervaserat, reddidit, depraecans, ut nullo caso culparentur earum habitatores, quos ille iniuste igne ferroque obpremens adquisierat. Vicos quoque qui circa Parisius erant maxime tunc flamma consumpsit; et tam domus quam res reliquae ab hoste direpti sunt, ut etiam et captivi ducerentur. Obtestabat enim rex, ne haec fierent; sed furorem gentium, quae de ulteriore Rheni amnis parte venerant, superare non poterat; sed omnia patienter ferebat, donec redire possit ad patriam. Tunc ex gentibus illis contra eum quidam murmoraverunt, cur se a certamine subtraxisset. Sed ille, ut erat intrepedus, ascenso equo, ad eos dirigit eosque verbis lenibus demulsit, multos ex eis postea a lapidibus obrui praecipiens. Sed nec hoc sine beati Martini fuisse vertutem ambigitur, ut hi sine bello pacificarentur; nam in ipsa die, qua hi pacem fecerunt, tres paralitici ad beati basilicam sunt directi. Quod in sequentibus libris, Domino iubente, desseruemus.
Tandis que cela se passait, Sigebert fit marcher les nations qui habitent au-delà du Rhin, et, se préparant à la guerre civile, forma le projet de s'avancer contre son frère Chilpéric. Chilpéric l'ayant appris, des envoyés de sa part se rendirent près de son frère Gontran. Ils firent alliance, se promettant mutuellement qu'aucun des deux ne laisserait périr son frère. Mais le roi Sigebert étant arrivé à la tête de ses troupes, tandis que Chilpéric l'attendait d'autre part avec son armée, Sigebert, qui ne trouvait pas d'endroit pour passer la Seine et aller à la rencontre de son frère, envoya un message à son frère Gontran pour lui dire : Si, pour ton malheur, tu ne me laisses pas passer ce fleuve, je marcherai sur toi avec toute mon armée. Craignant qu'il ne le fit ainsi, il entra en alliance avec lui, et le laissa passer. Chilpéric, apprenant que Gontran l'avait abandonné, et s'était rangé du parti de Sigebert, leva son camp, et se retira jusqu'au bourg d'Alluye, dans le territoire de Chartres. Sigebert le suivit et lui demanda de se préparer à la bataille ; mais Chilpéric, craignant que, par la ruine de ces deux armées, les deux royaumes ne vinssent à périr, demanda la paix, et rendit à Sigebert les villes dont Théodebert s'était injustement emparé, priant qu'en aucun cas les habitants ne fussent traités comme coupables, puisqu'il les avait injustement contraints par le fer et par le feu. Les bourgs situés aux environs de Paris furent entièrement consumés par la flamme : l'ennemi détruisit les maisons comme tout le reste, et emmena même les habitants en captivité. Le roi conjurait qu'on n'en fit rien ; mais il ne pouvait contenir la fureur des peuples venus de l'autre bord du Rhin. Il supportait donc tout avec patience, jusqu'à ce qu'il pût revenir dans son pays. Quelques-uns de ces païens se soulevèrent contre lui, lui reprochant de s'être soustrait au combat ; mais lui, plein d'intrépidité, monta à cheval, se présenta devant eux, les apaisa par des paroles de douceur, et ensuite en fit lapider un grand nombre. On ne saurait douter que ce ne soit par les mérites de saint Martin que la paix se fit sans combat. Le même jour où se fit cette paix, trois paralytiques furent envoyés dans sa sainte basilique, ce que, Dieu aidant, nous raconterons dans les livres suivants.
50. Quod Chilpericus cum Guntchramno foedus iniit.
Dolorem enim ingerit animo ista civilia bella referre. Nam post annum iterum Chilpericus ad Guntchramnum fratrem suum legatus mittit, dicens: 'Veniat frater meus, et videamus nos et pacificati persequamur Sigyberthum inimicum nostrum'. Quod cum fuisset factum seque vidissent ac muneribus honorassent, commoto Chilpericus exercitu usque Remus accessit, cuncta incendens atque debellans. Quod audiens Sigyberthus, iterum convocatis gentibus illis, quarum supra memoriam fecimus, Parisius venit et contra fratrem suum ire disponit, mittens nuntius Dunensibus vel Toronicis, ut contra Theodoberthum ire deberent. Quod ille dissimolantes, rex Godegiselum et Gunthchramnum duces in capite dirigit. Qui commoventes exercitum, adversus eum pergunt. Ad ille derelictus a suis, cum paucis remansit, sed tamen ad bellum exire non dubitat. Ineuntes autem proelium, Theodoberthus evictus in campo prosternitur, et ab hostibus exanime corpus, quod dici dolor est, spoliatur. Tunc ab Aunulfo quodam collectus ablutusque ac dignis vestibus est indutus et ad Ecolisinensim civitatem sepultus. Chilpericus vero cognuscens, quod iterum se Gunthchramnus cum Sigybertho pacificasset, se infra Thornacinsis murus cum uxore et filiis communivit.
Mon âme s'afflige d'avoir à raconter ces guerres civiles. L'année suivante Chilpéric fit de nouveau partir des envoyés pour aller vers son frère Gontran, et lui dire : Que mon frère vienne me trouver ; voyons-nous, et quand nous aurons fait la paix poursuivons ensemble Sigebert notre ennemi. Cela se fit ainsi, ils se virent, se firent d'honorables présents, et Chilpéric, à la tête de son armée, arriva jusqu'à Reims brûlant et ravageant tout. Sigebert, l'ayant appris, rassembla de nouveau ces peuples dont nous avons déjà parlé, vint à Paris, et se disposant à marcher contre son frère, envoya des messagers dans le pays de Châteaudun et celui de Tours, pour ordonner aux gens de ce pays de marcher contre Théodebert. Ceux-ci reculant à lui obéir, le roi leur envoya pour chefs Godégésile et Gontran qui, levant une armée, marchèrent contre Théodebert. Celui-ci, abandonné des siens, demeura avec peu de monde. Cependant il n'hésita pas à livrer le combat. Il fut vaincu et tué sur le champ de bataille, et, chose douloureuse à raconter, son corps inanimé fut dépouillé par les ennemis. Mais un certain Arnulph le retira d'entre les morts, le lava, et l'enveloppant de vêtements honorables, l'ensevelit dans la cité d'Angoulême. Chilpéric apprenant que Gontran et Sigebert avaient de nouveau fait la paix, se fortifia dans les murs de Tournai avec sa femme et ses fils.
51. De obitu Sigiberthi regis.
In eo anno fulgor per caelum discurrisse visus est, sicut quondam ante mortem Chlothari factum vidimus. Sigyberthus vero, obtentis civitatibus illis, quae circa Parisius sunt positae, usque Rhotomaginsem urbem accessit, volens easdem urbes hostibus cedere. Quod ne faceret, a suis prohibitus est. Regressus inde, Parisius est ingressus, ibique ad eum Brunichildis cum filiis venit. Tunc Franci, qui quondam ad Childeberthum aspexerant seniorem, ad Sigyberthum legationem mittunt, ut ad eos veniens, derelicto Chilperico, super se ipsum regem stabilirent. Illi vero haec audiens, misitque qui fratrem suum in supra memoratam civitatem obsederent, ipsi illuc properare deliberans. Cui sanctus Germanus episcopus dixit: 'Si abieris et fratrem tuum interficere nolueris, vivus et victur redis; sin autem aliut cogitaveris, morieris. Sic enim Dominus per Salomonem dixit: Foveam quae fratri tuo parabis, in ea conrues. Quod ille, peccatis facientibus, audire neglexit. Veniente autem illo ad villam cui nomen est Victuriaco, collectus est ad eum omnis exercitus, inpositumque super clypeum sibi regem statuunt. Tunc duo pueri cum cultris validis, quos vulgo scramasaxos vocant, infectis vinino, malificati a Fredegundae regina, cum aliam causam suggerire simularent, utraque ei latera feriunt. At ille vociferans atque conruens, non post multo spatio emisit spiritum. Ibique et Charegyselus cubicularius eius conruit; ibi et Sigila, qui quondam ex Ghotia venerat, multum laceratus est, et postea ab Chilperico rege conpraehensus, incensis cum cauteriis candentibus omnibus iuncturis ac membratim separatus, crudiliter vitam finivit. Fuit autem Charegyselus ille tam levis opere quam gravis cupiditate. De minimis consurgens, magnus per adulationes cum rege effectus est; conpetitur rerum alienarum testamentorumque effractur; cui talis fuit vitae exitus, ut non meriritur voluntatem propriam mortem inminente conplere, qui aliorum voluntates saepe distruxerat. Chilpericus autem in ancipite casu defixus, in dubium habebat, an evaderet an periret, donec ad eum missi veniunt de fratris obitu nuntiantes. Tunc egressus a Thornaco cum uxore et filiis, eum vestitum apud Lambrus vicum sepelivit. Unde postea Sessionas in basilica sancti Medardi, quam ipse aedificaverat, translatus, secus Chlotharium patrem suum sepultus est. Obiit autem quarto decimo regni sui anno, aetate quadraginaria. A transito ergo Theodoberthi seniores usque ad exitum Sigyberthi supputantur anni 29. Inter exitum vero eius et nepotis sui Theodoberthi fuere dies 18. Mortuo autem Sigybertho, regnavit Childeberthus, filius eius, pro eo. A principio usque ad diluvium anni 2242. A diluvium autem usque ad Abraham anni 942. Ab Abraham vero usque ad egressum filiorum Israhel ex Aegipto anni 462. Ab egressu filiorum Israhel ex Aegipto usque ad aedificationem templi Salomonis anni 480. Ab aedificationem ergo templi usque ad dissolationem eius et transmigratione in Babilonia anni 390. A transmigratione igitur usque ad passionem Domini anni 668. A passione Domini usque ad transitum sancti Martini anni 412. A transitum sancti Martini usque ad transitum Chlodovechi regis anni A transitum Chlodovechi regis usque ad transitum Theodoberthi anni 37. A transitum Theodoberthi usque ad exitum Sigyberthi anni 29. Quod sunt simul anni 5774 tantum.
On vit cette année une lueur brillante parcourir le ciel, comme on l'avait vu avant la mort de Clotaire. Sigebert ayant occupé les villes situées au-delà de Paris, alla jusqu'à la ville de Rouen, voulant céder cette ville aux étrangers, ce que les siens l'empêchèrent de faire. L'ayant donc quittée, il retourna à Paris où Brunehault le vint trouver avec ses fils ; alors ceux des Francs qui avaient suivi jadis Childebert l'ancien, envoyèrent vers Sigebert pour qu'il vint vers eux, afin qu'abandonnant Chilpéric, ils le reconnussent pour roi. Celui-ci entendant cette nouvelle , envoya des gens pour assiéger son frère à Tournai, formant le projet d'y marcher lui-même en personne. L'évêque Saint-Germain lui dit : Si tu y vas dans l'intention de ne pas tuer ton frère, tu reviendras vivant et vainqueur ; mais si tu as d'autres pensées, tu mourras. C'est ainsi que Dieu a dit par la bouche de Salomon : Tu tomberas dans la fosse que tu auras creusée pour ton frère. Celui-ci, à son grand péché, méprisa les paroles du saint, et arrivant à un village du nom de Vitry, il rassembla toute l'armée, qui le plaçant sur un bouclier, le proclama roi. Alors deux serviteurs de la reine Frédégonde, qu'elle avait ensorcelé, par des maléfices, s'approchèrent de lui sous quelque prétexte, armés de forts couteaux, vulgairement appelés scramasax, et dont la lame était empoisonnée, et le frappèrent chacun dans un des flancs. Il poussa un cri et tomba, et peu de temps après rendit l'esprit. Charégisile son chambellan périt aussi dans cette occasion, et Sigila, venu du pays des Goths, y fut aussi extrêmement blessé ; le roi Chilpéric l'ayant pris ensuite, lui fit brûler toutes les jointures en lui appliquant des fers rougis et tous ses membres ayant été séparés les uns des autres, il finit sa vie dans les tourments. Charégisile avait été aussi léger dans ses actions que chargé de cupidité. Sorti de bas lieu, il prit par ses flatteries beaucoup de crédit auprès du roi. Il envahissait les biens des autres, violait les testaments, et il mourut de cette manière, afin que celui qui avait souvent détruit les dernières volontés des morts n'obtint pas, au moment où la mort vint tomber sur lui, le pouvoir de dicter lui-même ses volontés. Chilpéric, entre la mort et la vie, attendait, immobile et en suspens, ce qui allait arriver de lui, lorsque des messagers vinrent lui annoncer la mort de son frère ; alors il sortit de Tournai avec sa femme et ses fils, et fit ensevelir Sigebert dans le bourg de Lambres ; transporté ensuite à Soissons dans la basilique de Saint-Médard qu'il avait bâtie, Sigebert y fut enterré près de son père Clotaire. Il mourut la quatorzième année de son règne, âgé de quarante ans. Depuis la mort de Théodebert Ier jusqu'à celle de Sigebert, on compte vingt-neuf ans, et dix-huit entre la mort de Sigebert et celle de son neveu Théodebert. Sigebert mort, son fils Childebert régna à sa place. On compte deux mille deux cent quarante ans depuis le commencement du monde jusqu'au déluge ; neuf cent quarante-deux depuis le déluge jusqu'à Abraham ; quatre cent soixante-deux jusqu'à l'époque où les enfants d'Israël sortirent d'Égypte ; quatre cent quatre-vingts depuis la sortie d'Egypte jusqu'à l'édification du temple de Salomon ; trois cent quatre-vingts depuis l'édification du temple jusqu'à sa destruction et la transmigration à Babylone ; six cent soixante-huit de la transmigration jusqu'à la passion de notre Seigneur ; quatre cent douze de la passion de notre Seigneur à la mort de saint Martin ; cent douze de la mort de saint Martin à la mort du roi Clovis ; trente-sept de la mort du roi Clovis jusqu'à la mort de Théodebert ; vingt-neuf de la mort de Théodebert jusqu'à celle de Sigebert, ce qui fait ensemble cinq mille sept cent soixante-quatorze ans