Reconstruction du celtique commun et de l'indo-européen
Puisque toutes les langues celtiques sont apparentées, on déduit qu'elles dérivent toutes d'une langue mère unique appelée celtique commun, tout comme on a déduit que toutes les langues indo-européennes dérivent d'une langue mère unique appelée indo-européen. Le site tout entier ne suffirait pas à décrire en détails tout ce que l'on sait de ces deux langues et je renverrai à une abondante littérature à ce sujet. Quelques éléments toutefois concernant le celtique commun et la façon dont cette reconstruction permet de mieux comprendre les langues celtiques modernes :
En comparant le même mot dans différentes langues apparentées, on peut postuler des correspondances phonétiques faisant découler un son donné dans une langue moderne d'un son (identique ou différent) dans la langue dont elle découle. Voici un exemple à partir de mots utilisés par différentes langues celtiques pour désigner une fougère :
gaulois
ratis
gallois
rhedyn
vieux cornique
reden
breton
raden
vieil irlandais
raith
Par delà les variantes de notation purement graphiques sans conséquences au niveau de la prononciation, on remarque que tous ces mots commencent par la même liquide r et comportent une dentale t ou d au début de la deuxième syllabe. On va donc postuler dans un premier temps que tous ces mots découlent d'une forme comprenant : *r-t- ou *r-d-.
On sait par ailleurs, par exemple en comparant le vieux breton treit avec son équivalent moderne troad ? le pied ? que dans les langues celtiques, t a tendance à évoluer en d et non l'inverse. On retiendra donc ici *r-t-.
En procédant de façon similaire au niveau des voyelles, on trouve que le celtique commun, langue à l'origine de toutes les langues celtiques, désignait les fougères avec le mot *retis. On en déduit aussitôt que le celtique commun était parlé dans une région où selon toute vraisemblance, il poussait des fougères.
Mais on peut aller plus loin : on connaît en effet le nom grec de la fougère : πτερις (pterís). Ce mot ressemble beaucoup au celtique commun *retis : il suffit d'inverser l'ordre des consonnes ? on parle de métathèse, une évolution fréquente dans l'histoire de nombreuses langues ? à condition d'admettre qu'à un p grec correspond une absence de phonème en celtique commun. Là encore, c'est un phénomène que l'on peut vérifier ailleurs, par exemple en comparant le mot "oiseau" :
Gallois
etn
Grec
πτερον (pterón)
Russe
ptica
Voilà comment on reconstitue pour l'indo-européen (tardif) le nom de la fougère *pterís.
Il est important de noter que ce que l'on reconstitue comme *p n'était pas nécessairement un p au sens où nous le comprenons : il subsiste une part d'inconnu dans la mesure où l'on peut très bien imaginer que ce que le grec, le latin et le sanskrit ont conservé comme un p pouvait être autre chose à l'époque de l'indo-européen. En l'occurrence, nous verrons plus loin que cette remarque prend tout son sens avec le *b.