Scarponna - Localité mentionnée sous les formes Scarponna dans l'Histoire de Rome d'Ammien Marcellin (XXVII, 2, 1) et dans l'Itinéraire d'Antonin (366, 5), Scarponna (var. Scarpomma) sur la Table de Peutinger, et enfin Scarbona dans la Cosmographie de Ravenne (IV, 26). L'origine de ce toponyme n'est pas résolue. Il s'agît de l'actuelle ville de Dieulouard (Meurthe-et-Moselle), et plus précisément du lieu-dit de Scarpone.
Initialement, Scarponna était un relais routier situé sur une île de la Moselle, le long de l'une des principales voies édifiées à partir de 20-19 av. J.-C. dans le cadre vastes travaux routiers engagés par Marcus Vipsanius Agrippa. Cette route, aujourd'hui dénommée la "voie du Rhin", reliait Lugdunum (Lyon) aux régions rhénanes, par Andematunnum (Langres), Divodurum (Metz) et Augusta Treverorum (Trêves). Différents travaux soulignent le fait que plusieurs itinéraires secondaires convergeaient à Scarponna, faisant de cette localité un véritable carrefour (Massy, 1997). La cité à laquelle appartenait ce relais a suscité de vifs débats, comme en témoignent les synthèses publiées par J.-L. Massy, (1997) et L. Sanson (2012). En 1970, à l'occasion du percement du canal de la Moselle, la découverte de deux des trois bornes leugaires de Dieulouard a finalement permis de trancher cette question de manière définitive. L'une d'entre elles indique justement que l'entretien de cette portion de voie relevait bel et bien des autorités de la cité des Médiomatriques (CIL 17-02, 538 ; AE 1969/70, 415). Cette localité était cependant frontalière avec le territoire des Leuques.
Les plus anciennes traces d'occupation sur ce site remontent possiblement au Ier s. ap. J.-C., mais les développements postérieurs de cette petite agglomération sont pour l'heure difficiles à appréhender, tant les vestiges ont été remaniés ou arasés, en vue de la récupération de matériaux. Ce sont principalement des caves qui ont pu être fouillées. Il est fort probable que cette localité ait été dotée de monuments publics, tels que des temples. Ces monuments demeurent cependant très hypothétiques, puisque leur existence n'est que conjecturée, sur la foi de la découverte de blocs décorés, remaniés dans la muraille du bas-Empire, aux XVIIIe et XIXe s. (Massy, 1997).
À l'instar de tout le nord-est de la Gaule, la région de Scarponna fut très vraisemblablement troublée par les raids répétés des Alamans, dés le milieu du IIIe ap. J.-C. Ce fut d'ailleurs au niveau de cette localité que Flavius Valerius Iovinus remporta l'une des ses trois victoires sur les Alamans, en 366 ap. J.-C. (Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XXVII, 2, 1). Entre la fin du IVe s. et le début du Ve ap. J.-C., la position singulière de Scarponna, sur une île de la Moselle et le long d'une voie d'importance capitale, fut exploitée à des fins stratégiques et un castrum de forme trapézoïdale y fut édifié, d'un peu plus de 100 mètres de long dans sa plus grande longueur, pour un peu plus de 75 de large dans sa plus grande largeur. Suivant M. Kasprzyk (2019), ce castrum était partie prenante d'un vaste système de fortifications disposées entre Lugdunum et Divodurum, le long de la "voie du Rhin". Pour les besoins de son édification, de nombreuses stèles funéraires furent prélevées, tandis que les mausolées et différents bâtiments ont été démantelés pour en récupérer les pierres, lesquelles furent réemployées dans le mur d'enceinte (Massy, 1997 ; Gucker & Legendre, 2011). Ce furent les défenses de ce castrum qui mirent en échec les Huns d'Attila, selon Paul Diacre (Livre des évêques de Metz).
Sources littéraires anciennes
Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XXVII, 2, 1 :"Nonobstant l'extrême consternation qui suivit ce désastre, Dagalaif fut incontinent envoyé de Paris pour tâcher de le réparer. Mais il ne fit que temporiser, alléguant que les forces des barbares étaient trop divisées pour lui permettre de frapper un coup décisif. Il ne tarda pas à être rappelé pour recevoir avec Gratien l'investiture du consulat ; et Jovin, maître de la cavalerie, prit le commandement à sa place. Ce dernier disposait d'un corps complet et en bon état. Il mit le plus grand soin à bien couvrir ses flancs ; et, surprenant à Scarponne le plus nombreux des trois corps de barbares avant que ceux-ci eussent le temps de courir aux armes, il les extermina jusqu'au dernier."
Sources
• D. Gucker & J.-P. Legendre, (2011) - "Dieulouard, Meurthe-et-Moselle. Les ponts de Scarpone", in : G. Barruol et al. (dir.), Les pont routiers en Gaule romaine, Supplément Revue Archéologique de Narbonnaise n°41, Actes du colloque tenu au Pont du Gard du 8 au 11 octobre 2008, Presses Universitaires de la Méditerranée, pp.97-104
• M. Kasprzyk, (2019) - "Les enceintes du Bas-Empire entre Lyon et Metz : état de la question, analyse du réseau et fonctions", in : D. Bayard & J.-P. Fourdrin (dir.), Villes et enceintes du Bas-Empire dans le Nord de la Gaule, Actes du colloque de Lille, 23-25 mars 2015, coll. Revue du Nord. Hors série. Collection Art et Archéologie, pp.187-212
• J.-L. Massy, (1997) - "Dieulouard-Scarpone. Une ville pont sur la grande voie impériale Langres-Trèves", in : J.-L. Massy (dir.), Les agglomérations secondaires de la Lorraine romaine, Presses Universitaires de Franche-Comté, Paris, pp.108-141
• L. Sanson, (2012) - "L'appartenance de Scarponne-Dieulouard (Meurthe-et-Moselle) à la cité des Médiomatriques : réexamen des sources, nouvelle interprétation", Revue archéologique de l'Est, tome 61, pp.329-336
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique
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