Segeda / Sekaiza (El Poyo de Mara, Mara, puis Durón, Belmonte de Gracián)
Les villes celtiques
Nom antique:
Σεγήδα / Segeda
Nom actuel:
El Poyo de Mara (Segeda I), puis Durón (Segeda II)
Ville:
Mara, puis Belmonte de Gracián
Localisation:
Province de Saragosse, Espagne
Peuple:
Bèles, Segedenses
Etymologie:
La forte
Superficie:
17 ha (Segeda I)
Segeda - Ville des Bèles (1), elle était le siège de l'une de leurs composantes, la cité des Segedenses. Cette ville fut mentionnée sous la forme Σεγήδη par Appien (Ibérique, IX, 44), Σεγήδα par Strabon (Géographie, III, 4, 13), ou encore (Sekaiza) sur des monnaies qui y furent frappées entre le dernier quart du IIe s. et le milieu du Ier s. av. J.-C. La même ville fut mentionnée sous le forme corrompue Βεγέδα par les copistes de Diodore de Sicile (Bibliothèque historique, XXXI, 39). Enfin, indirectement, la ville fut également mentionnée par le gentilé de ses habitants, Σεγηδαῖοι en grec (Appien, Ibérique, IX, 45) et Segidenses en latin (Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, II, 18). Suivant X. Delamarre (2003 ; 2012), ce nom s'expliquerait par la racine celtique *sego-, qui signifie "victoire / force", ce qui amène à traduire le toponyme par "la forte". Il y a un large consensus pour localiser l'antique Segeda au niveau de deux importants sites archéologiques situés pour l'un à Mara ("Segeda I") et pour l'autre dans la commune voisine de Belmonte de Gracián ("Segeda II"), dans la province de Saragosse (Espagne).
La première phase de l'histoire de Segeda est visible au niveau du site "Segeda I", situé sur la cime du Poyo de Mara. Cette agglomération mesurait initialement 255 mètres de long, pour 210 mètres de large, et avait une superficie de 5 ha. Bien que très altéré par l'érosion, il est possible d'affirmer que ce site était organisé en un système de terrasses, sur lesquelles étaient disposées les habitations. À partir de la fin du IIIe av. J.-C., des influences méditerranéennes y firent leur apparition à la faveur de la présence romaine, comme en témoignent notamment l'importation de vin dans des amphores gréco-italiques, l'apparition de pressoirs à vin ou encore des modifications notables dans l'habitat. La ville connut une phase d'agrandissement qui porta sa superficie à 17 ha. (Burillo Mozotta, 2005 ; 2007). Ce furent les travaux nécessaires à l'agrandissement de "Segeda I", entrepris en 154 av. J.-C. qui furent la cause d'un contentieux entre les Segedenses et les Romains (automne-hiver 154 av. J.-C.), lequel initia la deuxième guerre celtibère (153-151 av. J.-C.). Notons toutefois que l'enceinte fortifiée qui entourait "Segeda I" après son extension fut de dimension bien moindre que les 40 stades (soit 7,4 km) évoqués par Appien (Ibérique, IX, 44), Les fouilles effectuées montre que "Segeda I" fut abandonnée au milieu du IIe s. av. J.-C., ce qui coïncide bien avec le texte d'Appien, qui assure que les Ségédéens quittèrent leur ville et trouvèrent refuge auprès des Numantins, lors de l'approche de l'armée du consul Quintus Fulvius Nobilior (153 av. J.-C.). Tout porte à penser que la ville fut alors détruite par les Romains.
Après la deuxième guerre celtibère (153-151 av. J.-C.), la ville fut reconstruite à près d'un kilomètre de la précédente, au niveau du lieu-dit Durón (Belmonte de Gracián). L'édification de cette "Segeda II", se fit sous l'égide de Rome et une nouvelle enceinte fut édifiée. Suivant F. Burillo Mozotta (2005 ; 2007), cette seconde ville fut à son tour détruite et définitivement abandonnée, probablement à l'époque des guerres sertoriennes (80-72 av. J.-C.).
Appien, Ibérique, IX, 44 :"Quelques années plus tard, une autre guerre importante éclata en Espagne pour la raison suivante : Segeda, une grande et puissante ville d'une tribu des Celtibères appelée Belli, fut incluse dans les traités conclus par Gracchus. Elle persuada certaines des villes plus petites de s'établir dans son propre territoire, et ensuite, s'entoura d'un mur de quarante stades de circonférence. Elle força également les Titthi, une tribu voisine, de s'associer à l'entreprise. Quand le Sénat apprit cela, il fit interdire la construction du mur, exigea le tribut imposé par Gracchus, et ordonna aux habitants de fournir un contingent pour l'armée romaine, parce que c'était l'une des conditions du traité conclu avec Gracchus. Pour le mur, ils répondirent que Gracchus avait interdit aux Celtibères de construire de nouvelles villes, mais non d'accroître celles qui existaient. Quant au tribut et au contingent militaire, ils dirent qu'ils en avaient été exemptés par les Romains eux-mêmes après le départ de Gracchus. C'était vrai, mais le Sénat, en accordant ces exemptions, ajoutait toujours qu'elles ne perduraient que selon le bon plaisir du peuple romain."
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XXXI, 39 :"Il y avait en Celtibérie une petite ville du nom de Végéda; comme elle avait pris beaucoup d'accroissement, on résolut de l'agrandir. Le sénat, jaloux de cet agrandissement, envoya des commissaires pour empêcher les constructions, conformément au traité qui portait, entre autres, que les Celtibériens, pour construire une ville, devaient demander la permission des Romains. Un des anciens, nommé Cacyrus, répondit qu'en effet le traité les empêchait de construire des villes, mais qu'il ne leur défendait pas de les agrandir; qu'ils n'avaient pas l'intention de fonder une ville nouvelle, mais de donner plus d'étendue à celle qui existait; qu'il n'agissait donc pas contre le traité ni contre le droit commun ; que d'ailleurs ils étaient prêts à obéir aux Romains et à leur fournir des secours en cas de besoin, mais qu'en aucune façon ils ne renonceraient à leur construction. Cet avis fut sanctionné par le peuple, et les envoyés le rapportèrent au sénat. Celui-ci rompit le traité et recommença la guerre."
Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, II, 18 :"Jamais, à dire vrai, motif de guerre ne fut plus injuste. Les Numantins avaient accueilli les Ségidenses, leurs alliés et leurs parents, qui avaient échappé aux Romains, et ils avaient vainement intercédé en leur faveur. Bien qu'ils n'eussent pris part à aucune guerre, les Romains leur ordonnèrent de déposer les armes ; leur alliance était à ce prix."
Strabon, Géographie, III, 4, 13 :"Des quatre cantons ou districts de la Celtibérie, ce sont ceux de l'est et du midi qui renferment la nation la plus puissante, j'entends la nation des Arvaques, laquelle confine au territoire des Carpétans et aux sources du Tage. Leur ville la plus renommée est Nomantia ou Numance, qui, dans cette fameuse guerre de vingt ans entre les Celtibères et les Romains, déploya tant de courage; on sait, en effet, qu'après avoir détruit plusieurs armées romaines avec leurs chefs les Numantins, enfermés dans leurs murailles, finirent par se laisser mourir de faim, à l'exception d'un petit nombre, qui aima mieux rendre la place. Les Lusons, qui habitent également la partie orientale de la Celtibérie, confinent, comme les Arvaques, aux sources du Tage. A ces derniers appartiennent encore les villes de Segeda et de Pallantia."