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C'est un peu plus loin que Tolkien ne les prévoyait mais...
Je vous met l'intégralité de l'article du Monde car il disparaît du lien quelques semaines après :
La polémique n'en finit pas de rebondir au sujet des restes appartenant à une petite femme, haute de 1 mètre et vieille de 18 000 ans, mise au jour sur l'île de Flores en Indonésie, en 2003, par une équipe australo-indonésienne. Un article dans la revue Nature et deux autres parus dans Science relancent un débat qui avait provoqué, lors de son annonce, en octobre 2004, un véritable séisme dans le monde de la paléoanthropologie. L'une des grandes interrogations concerne la capacité cérébrale du petit être, évaluée à 380-400 cm3, plus proche de celle du chimpanzé ou de l'australopithèque Lucy (3,2 millions d'années).
Lors de leur découverte, l'équipe de chercheurs, dirigée par Peter Brown et Mike Morwood (université de Nouvelle-Angleterre, Australie), ont estimé que le petit " Hobbit" n'était pas un être atteint de microcéphalie ou de nanisme pathologiques, mais qu'il appartenait à une nouvelle famille humaine, baptisée Homo floresiensis . Sa petite taille, estimaient-ils, était due à un nanisme insulaire, déjà connu chez les mammifères herbivores (cervidés, hippopotames, éléphants et mammouths). La nouvelle espèce humaine aurait évolué pendant des millénaires, isolée sur l'île de Flores, à partir d'un ancêtre Homo erectus arrivé sur l'île il y a 800 000 ans.
Depuis, Peter Brown et Mike Morwood, avec des chercheurs indonésiens du centre d'archéologie, ont poursuivi leurs fouilles sur l'île de Flores en creusant jusqu'à 11 mètres de profondeur. Ils ont découvert -  comme ils l'indiquent dans la revue Nature du 13 octobre  - des fossiles complémentaires du premier squelette dénommé LB1 (humérus droit, radius et cubitus), la mandibule d'un second individu (LB6), ainsi que des restes d'autres Hobbits, l'ensemble des ossements appartenant à neuf individus.
Les nouvelles observations confirment la petitesse d'Homo floresiensi s (environ 1 mètre de haut) et montrent qu'il chassait des animaux, tel le stégodon nain (une espèce d'éléphant), savait fabriquer des outils lithiques et connaissait le feu. Mais surtout, expliquent Peter Brown et ses coéquipiers, ces nouveaux fossiles "démontrent que LB1 n'est pas un individu aberrant ou pathologique, mais qu'il est représentatif d'une population présente sur l'île entre - 95 000 et - 12 000 ans".
Les chercheurs australiens et indonésiens reviennent néanmoins sur l'hypothèse initiale selon laquelle Homo floresiensis serait issu de Homo erectus . Car, écrivent-ils dans Nature, "les caractéristiques morphologiques des nouveaux spécimens confirment que cette population d'hominidés ne peut se référer à Homo erectus ou à Homo sapiens . La taille des dents et la morphologie faciale dictent, certes, l'inclusion de cette espèce dans le genre Homo , mais la stature et les proportions du corps sont similaires à celles des australopithèques". Au total, concluent les chercheurs, "la généalogie de Homo floresiensis demeure à ce jour incertaine" .
Daniel Lieberman, du Peabody Museum (université Harvard, Etats-Unis), dans la même édition de Nature, estime "indispensable de trouver d'autres fossiles pour supprimer toute ambiguïté concernant l'hypothèse microcéphale et dire avec certitude si les ancêtres d'Homo floresiensis ressemblaient à Homo erectus ou à autre chose".
Jean-Jacques Jaeger, professeur de paléontologie des vertébrés à l'université Montpellier-II précise, pour sa part, que la nouvelle publication de Nature "met fin à la polé mique, car l'idée de nanisme ne tient pas la route avec les nouvelles découvertes ". En revanche, le paléoanthropologue français juge "qu'il est très difficile, voire impossible , de reconstituer l'ancêtre de ces petits êtres sans fossiles intermédiaires . En cas de nanisme insulaire, précise-t-il, "la puissance de l'évolution est telle qu'elle change les caractères ancestraux. Dans l'affaire qui nous concerne, l'ancêtre peut être aus si bien un Homo erectus, qu'un pré-erectus, ou encore un Homo sapiens, car certains caractères peuvent être contraints par l'évolution, comme on le constate couramment chez des mannifères victimes de nanisme insulaire".
Cependant, la petite taille du cerveau de LB1 pose encore problème. En mars 2005, Dean Falk (département d'anthropologie de l'université d'Etat de Floride) avait établi que le cerveau d'Homo floresiensis était très proche de celui d'Homo erectus (Le Monde du 5 mars 2005) après avoir comparé les endocrânes (intérieur du crâne) d'australopithèques, de plusieurs Homo erectus , d'humains contemporains, de gorilles, de chimpanzés, d'une femme pygmée adulte et d'une personne atteinte de microcéphalie.
Mais le débat rebondit dans la revue Science du 14 octobre. Jochen Weber (département de neurochirurgie de l'hôpital Leopoldina à Schweinfurt en Allemagne) et deux autres chercheurs allemands ont observé le crâne de dix-neuf microcéphales modernes, et s'estiment "en complet désaccord avec Dean Falk , car on ne peut exclure complètement l'hypothèse de la microcéphalie". La réponse vigoureuse de Dean Falk, parue dans le même numéro de Scienc e, reproche aux scientifiques allemands d'avoir établi leurs conclusions sans avoir observé le crâne du petit Hobbit, LB1. A suivre...
Christiane Galus
Article paru dans l'édition du Monde du 15.10.05