Quelques remarques sur ce qui a été dit plus haut :
le manuscrit de Leyde n'est ni entièrement en breton, ni un document latin glosé : c'est un manuscrit (ou plutôt un fragment de 4 pages) de la fin du 8ème siècle d'un livre de médecine bilingue latin-breton. Il est reconnu comme étant d'origine bretonne armoricaine.
N'étant pas critique littéraire, je ne sais pas si on peut affirmer que le Barzaz Breizh de La Villemarqué est la première oeuvre littéraire majeure en langue bretonne. Ce qui est sûr, c'est que la littérature en langue bretonne commence bien avant lui (heureusement, sinon, on ne saurait rien du moyen-breton) : en 1450, "An Dialog etre Arzur Roe d'an Bretounet ha Guynglaff". Ensuite, on a plusieurs mystères, comme "la vie de sainte Nonne", "le mystère de saint Guénolé"...
Je ne sais pas si on peut dire que ces oeuvres sont de la grande littérature, mais en tout cas, pour le linguiste, elles ont autant, sinon plus de valeur que le Barzaz Breizh.
Quant au travail de La Villemarqué, il faut d'abord savoir qu'il a édité une traduction française, avec la version bretonne en dessous et en petit caractères. Ensuite, il suffit de comparer ses carnets de collecte, édités par Donation Laurent ("le Barzaz Breizh, la mémoire d'un peuple" Ar Men) et son édition finale pour voir qu'il fait sa sauce, en remplçant notamment certains mots empruntés du français par des néologismes ou des mots gallois, inconnus des conteurs bretons du 19ème siècle.
D'ailleurs, j'ai quelques doutes quant à l'authenticité d'un chant dont sont justement tirés les strophes "neventi vad d'ar Vretoned ha malloz ruz d'ar C'hallaoued", (bonne nouvelle pour les Bretons et maudits soient les Français) : "An alarc'h (le cygne), chanté encore aujourd'hui dans les manifs, et qui est devenu une sorte de symbole. Ce chant décrit le débarquement du duc Jean IV de Montfort au 14ème siècle, pendant la guerre de succession de Bretagne. Sauf que...le mot "alarc'h" n'est pas attesté en breton avant le 19ème siècle, où il fut emprunté au gallois, probablement par La Villemarqué lui-même. Avant, on a le mot "sign", emprunt au français, et qui se trouve dans le Catholicon (1499)
Pour ma part, je ne pense pas que La Villemarqué ait produit une oeuvre littéraire majeure en collectant et adaptant des chants contés par le peuple, ce sont ces chants eux-mêmes qui constituent cette oeuvre majeure, c'est-à -dire la poésie orale transmise de génération en génération depuis plusieurs siècles. En Bretagne, comme dans les autres pays celtiques, il a toujours existé une littérature, mais elle est d'abord et avant tout orale. La Bretagne n'a pas eu la chance d'avoir un Rhodri Mawr ou un Hywel Dda, qui aurait eu la volonté de mettre par écrit et dans sa langue sa poésie orale.