Carthaginois et Gaulois dévastent le territoire des Anares (novembre / décembre 218 av. J.-C.)
Très rapidement après la prise de Clastidium, Hannibal obtint le ralliement des Anares à sa cause. Cette satisfaction fut de courte durée puisqu'il apprit peu après, que ce peuple avait aussi fait parvenir des députés aux Romains, espérant ainsi jouer sur les deux tableaux. Dans ces circonstances, Hannibal réagit de la manière la plus brutale : il envoya 2000 fantassins et 1000 cavaliers numides et gaulois ravager le territoire des Anares et y faire du butin (Polybe, Histoire générale, III, 69 ; Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 52).
Les Anares ne purent faire face à cette attaque et leurs troupes, défaites, allèrent chercher refuge au-delà de la Trébie, auprès du consul Publius Cornelius Scipio. Celui-ci refusa de leur apporter son soutien, du fait qu'il redoutait d'affronter de nouveau les Carthaginois, mais aussi parce que les récentes défections de nombreux gaulois ne lui inspiraient pas confiance (Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 52). Les représentants des Anares exploitèrent la mésentente en les deux consuls pour se tourner vers Tiberius Sempronius Longus, qui cherchait justement un prétexte pour intervenir et obtenir son soutien (Polybe, Histoire générale, III, 69 ; Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 52). Il parvint à surprendre les soldats au service de Carthage, occupés à faire du butin, et à les contraindre à regagner leurs retranchements, en leur opposant l'ensemble de sa cavalerie et près de 1000 archers. Les troupes carthaginoises contre-attaquèrent, contraignant les Romains à regagner leurs propres retranchements. Tiberius Sempronius Longus répliqua en lançant des troupes plus conséquentes, qui réussirent à repousser les Gaulois à la solde d'Hannibal au-delà de la Trébie. (Polybe, Histoire générale, III, 69).
Suite à cette attaque, les troupes de Tiberius Sempronius Longus se mirent en ordre de bataille. De son côté, Hannibal préférait ne pas hâter une confrontation dont l'issue pourrait être majeure, notamment parce qu'il rencontrait toujours autant de difficultés pour ravitailler ses troupes, si bien qu'il leur ordonna de ne pas chercher à poursuivre les escarmouches contre les Romains (Polybe, Histoire générale, III, 69).
Polybe, Histoire générale, III, 69 :"Peu de temps après, informé que quelques peuplades gauloises situées entre le Pô et la Trébie, qui avaient conclu alliance avec lui, avaient aussi envoyé des députés à l'ennemi, afin de trouver chez l'un et l'autre parti une égale sûreté, il fit partir deux mille fantassins, et environ mille cavaliers numides et celtes, avec ordre de ravager leurs terres. Les Numides en effet y firent un riche butin, et les Gaulois coururent au camp des Romains, réclamant assistance. Tibérius, qui depuis longtemps cherchait une occasion d'agir, saisit avidement ce prétexte, et envoya la plus grande partie de sa cavalerie avec environ mille archers. Ils traversèrent au plus vite la Trébie, et disputèrent si bien aux ennemis leurs dépouilles, que les Celtes et les Numides furent mis en fuite et contraints de se rabattre sur leur camp. Les sentinelles carthaginoises qui veillaient à l'entour, à la vue de cette retraite, portèrent aussitôt secours à leurs camarades vivement pressés, et les Romains à leur tour furent obligés de se retirer derrière leurs retranchements. Mais Tibérius lança toute sa cavalerie et ses archers, et les Celtes refoulés par ces nouvelles forces, allèrent rejoindre Annibal. Celui-ci, qui n'était pas suffisamment prêt pour une bataille décisive, et qui d'ailleurs, comme il convient à un bon général, tenait pour maxime qu'il ne fallait pas, sans mûre réflexion et pour un motif frivole, risquer une action générale, se contenta d'arrêter ses soldats, qui se précipitaient en tumulte, et à les forcer de faire volte-face ; du reste, il les empêcha de poursuivre les Romains et d'en venir aux mains avec eux en les rappelant au son de la trompette et par la voix de ses officiers d'ordonnance. Les Romains, après avoir un peu attendu l'ennemi, s'en retournèrent. Ils avaient perdu quelques hommes, mais en avaient tué beaucoup plus aux Carthaginois."
Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 52 :"La réunion des deux consuls et de toutes les forces romaines contre Hannibal semblait être pour l'empire un gage de salut, ou il fallait désormais renoncer à toute espérance. Cependant l'un des consuls, abattu par la défaite de sa cavalerie et par sa blessure, était d'avis de gagner du temps ; l'autre, plein d'une ardeur nouvelle et partant plus hardi, ne pouvait souffrir de retard. Tout le terrain entre la Trébie et le Pô était alors occupé par les Gaulois. Dans cette lutte de deux peuples si puissants, leur politique indécise tendait visiblement à se déclarer pour le vainqueur. Les Romains ne leur demandaient que de rester neutres ; mais Hannibal irrité s'écriait qu'eux-mêmes l'avaient appelé en Italie, pour être leur libérateur. Cédant à la colère, à la nécessité de nourrir son armée par le butin, il envoie deux mille hommes d'infanterie, mille de cavalerie, presque tous Numides, et parmi eux quelques Gaulois, ravager tout le territoire jusqu'aux rives du Pô. Incapables de résister, les Gaulois, qui jusqu'alors avaient flotté incertains, forcés par les outrages de leurs agresseurs, se déclarent pour ceux dont ils attendent des vengeurs ; ils députent vers le consul, et implorent le secours des Romains pour leur pays, victime de sa trop grande fidélité envers Rome. Cornélius ne trouvait ni le motif suffisant, ni l'instant favorable pour hasarder une action ; les Gaulois aussi lui étaient suspects : que de fois ils avaient usé de perfidie! Le souvenir de leurs anciennes trahisons pouvait être effacé par le temps ; mais devait-on oublier la révolte toute récente des Boïens ? Sempronius, au contraire, tenait que ce serait un lien indissoluble pour la foi des alliés, si l'on accordait une protection généreuse à ceux qui, les premiers, l'avaient réclamée. Son collègue hésitait encore ; il prend alors sa cavalerie, y joint mille fantassins, archers en grande partie, et les fait passer au-delà de la Trébie, pour défendre les terres des Gaulois. Cette troupe rencontre celle d'Hannibal, dispersée, sans ordre, dont la plupart des soldats étaient d'ailleurs chargés de butin ; elle l'attaque à l'improviste, y sème l'épouvante et le carnage, la met en fuite, et la poursuit jusqu'au camp, jusqu'aux avant-postes ennemis : là, repoussée par la multitude qui se précipite hors des lignes, elle rétablit le combat avec de nouveaux renforts. Il s'ensuivit un engagement très disputé ; et, quoique à la fin les chances fussent devenues égales, cependant l'avantage parut pencher du côté des Romains."