Anares / Anamares - Peuple de l'Apennin ligure, dont le territoire se situait dans le nord de l'Oltrepò pavese, entre le Pô et la Trébie. Seul Polybe semble les avoir mentionné, sous les dénominations Ἄναρες (var.Ανάμαρες) (Polybe, Histoire générale, II, 17) et Ἀνάρων (Polybe, Histoire générale, II, 32 et II, 34). Cette localisation peut être proposée puisque cet auteur indique que la ville de Κλαστίδιον (Clastidium, l'actuel Casteggio) leur appartenait (Polybe, Histoire générale, II, 34).
De l'avis de Polybe, les Anares se seraient installés dans cette région lorsque les Gaulois se sont répandus dans toute l'Italie du nord (Histoire générale, II, 17), soit au début du IVe s. av. J.-C. Cette simultanéité invite à croire qu'ils étaient eux-mêmes gaulois, à moins qu'à l'instar des Libiciens (autre peuple de la région), ils n'aient été repoussés de régions plus septentrionales, lors de cette invasion. De son côté, Tite-Live, qui ne cite pas les Anares, précise que Clastidium (Casteggio) était en Ligurie et semble indiquer qu'elle était peuplée de Ligures (Histoire romaine, XXXII, 29). Pourtant, dans un autre passage, le même auteur assure que les populations habitant entre le Pô et la Trébie, dans le voisinage de Clastidium, étaient des Galli "Gaulois" (Histoire romaine, XXI, 52), confirmant ainsi les propos de Polybe qui, évoquant le même événement et ces mêmes populations, les qualifie de Κελτοὶ "Celtes" (Histoire générale, III, 69). La celticité des Anares est corroborée par la présence de Comillomagus (Broni) à moins de 10 kilomètres de Clastidium (Casteggio), dont le nom est bel et bien celtique.
Les Anares furent soumis par Publius Furius Philus et Caius Flaminius en 223 av. J.-C. (Polybe, Histoire générale, II, 32). Ainsi, nous savons par Plutarque qu'une garnison romaine y fut laissée et qu'elle était basée à Clastidium en 222 av. J.-C. (Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Marcellus, VI-VII). Ce furent certainement la présence de cette garnison et des magasins de blé qui s'y trouvaient, qui expliquent que les Gésates, dirigés par Viridomaros, assiégèrent la ville. A l'issue de la bataille de Clastidium, le consul Marcus Claudius Marcellus parvint à sauver la ville qui demeura dans l'escarcelle des Romains (Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Marcellus, VI-VII ; Polybe, Histoire générale, II, 34).
Polybe, Histoire générale, II, 17 :"Les Gaulois, par leur proximité, avaient avec eux de fréquents rapports. Enchantés de la beauté du pays, ils l'envahirent tout à coup, sur un léger prétexte, avec une nombreuse armée, chassèrent les Tyrrhéniens des campagnes qu'arrosait le Pô et s'y établirent. Celles qui sont les plus rapprochées de la source du fleuve reçurent pour habitants les Laens et les Lébéciens. Un peu plus loin se fixèrent les Insubriens, la plus considérable des peuplades gauloises ; enfin les Cénomans occupèrent les bords du Pô. Quant au pays que baigne l'Adriatique, il était habité par une nation très-ancienne, les Vénètes, qui avaient avec les Gaulois quelque ressemblance pour les vêtements et les moeurs, mais aucune pour le langage. Les faiseurs de tragédies ont souvent parlé de ce peuple et ont débité sur son compte mille choses incroyables. Les plaines au delà du Pô, vers l'Apennin, virent arriver les Anares d'abord, puis les Boïens, les Lingons, qui touchent à l'Adriatique, et enfin les Sénonais, voisins de la mer."
Polybe, Histoire générale, II, 32 :"Quelque temps après les consuls Publius Furius et Caïus Flaminius dirigèrent une nouvelle expédition en Gaule, à travers le pays des Anares, situé à peu de distance de Massalie. Ils gagnèrent ce peuple à la cause de Rome, et passèrent sur le territoire des lnsubriens, au confluent du Pô et de l'Adda."
Polybe, Histoire générale, II, 34 :"Les consuls romains, au retour du printemps, conduisirent leurs armées sur le territoire des Insubriens, placèrent leur camp près d'Acerres, ville située entre le Pô et les Alpes, et l'assiégèrent. Les Insubriens, qui ne pouvaient secourir cette place, parce que les Romains s'étaient emparés des positions avantageuses, mais qui désiraient ardemment faire lever le siège, firent passer le Pô à une faible partie de leurs troupes, et investirent Clastidium dans le pays des Anares. A cette nouvelle, Marcus Claudius prit avec lui la cavalerie, quelque infanterie, et vola au secours des assiégés. Les Gaulois, informés de la présence des Romains, abandonnèrent Classidium, marchèrent au-devant d'eux et leur présentèrent la bataille."
Polybe, Histoire générale, III, 69 :"En ce moment Annibal, grâce à quelques secrètes manoeuvres, reçut les clefs de Clastidium des mains d'un habitant de Brindes, qui en était gouverneur pour les Romains. Devenu maître de la garnison et des nombreuses provisions de blé rassemblées dans la place, il distribua des vivres à ses troupes, et renvoya les soldats captifs sans leur faire aucun mal ; il voulait par là donner un exemple de sa future conduite, pour que les Gaulois, que les circonstances avaient tenus dans le parti des Romains, n'allassent pas par crainte, désespérer de sa clémence. Enfin, il récompensa le traître magnifiquement, afin de gagnera ses intérêts les chefs des villes. Peu de temps après, informé que quelques peuplades gauloises situées entre le Pô et la Trébie, qui avaient conclu alliance avec lui, avaient aussi envoyé des députés à l'ennemi, afin de trouver chez l'un et l'autre parti une égale sûreté, il fit partir deux mille fantassins, et environ mille cavaliers numides et celtes, avec ordre de ravager leurs terres. Les Numides en effet y firent un riche butin, et les Gaulois coururent au camp des Romains, réclamant assistance. Tibérius, qui depuis longtemps cherchait une occasion d'agir, saisit avidement ce prétexte, et envoya la plus grande partie de sa cavalerie avec environ mille archers. Ils traversèrent au plus vite la Trébie, et disputèrent si bien aux ennemis leurs dépouilles, que les Celtes et les Numides furent mis en fuite et contraints de se rabattre sur leur camp. Les sentinelles carthaginoises qui veillaient à l'entour, à la vue de cette retraite, portèrent aussitôt secours à leurs camarades vivement pressés, et les Romains à leur tour furent obligés de se retirer derrière leurs retranchements. Mais Tibérius lança toute sa cavalerie et ses archers, et les Celtes refoulés par ces nouvelles forces, allèrent rejoindre Annibal. Celui-ci, qui n'était pas suffisamment prêt pour une bataille décisive, et qui d'ailleurs, comme il convient à un bon général, tenait pour maxime qu'il ne fallait pas, sans mûre réflexion et pour un motif frivole, risquer une action générale, se contenta d'arrêter ses soldats, qui se précipitaient en tumulte, et à les forcer de faire volte-face ; du reste, il les empêcha de poursuivre les Romains et d'en venir aux mains avec eux en les rappelant au son de la trompette et par la voix de ses officiers d'ordonnance. Les Romains, après avoir un peu attendu l'ennemi, s'en retournèrent. Ils avaient perdu quelques hommes, mais en avaient tué beaucoup plus aux Carthaginois."
Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 48 :"Hannibal ne fut point trompé comme au Tessin ; il détacha d'abord les Numides, puis tous ses cavaliers, qui certes auraient jeté le trouble dans l'arrière-garde romaine, si, trop avides de butin, les Numides ne se fussent répandus dans le camp abandonné. Tandis qu'attentifs à fouiller çà et là, ils perdent les instants en recherches presque infructueuses, l'ennemi leur échappe des mains, ils le voient qui a passé la Trébie, et qui assoit son camp ; quelques traînards seulement, arrêtés en deçà du fleuve, tombent sous leurs coups. Le consul, hors d'état de supporter un second déplacement, à cause des souffrances qu'il venait d'éprouver, et résolu d'ailleurs à attendre son collègue, qu'il savait rappelé de la Sicile, choisit, près de la rivière, l'endroit qui lui parût le plus convenable pour former des lignes stationnaires, et les fortifia avec beaucoup de soin. Hannibal s'arrêta à peu de distance : mais, si la victoire de sa cavalerie lui avait inspiré de l'orgueil, il cédait à la crainte de la disette, de jour en jour plus affreuse dans une armée engagée sur le territoire ennemi, sans vivres, sans provisions ; il envoie donc un parti du côté de Clastidium, où les Romains avaient de nombreux magasins de blé. Le bourg allait être attaqué, lorsqu'on eut l'espoir de réussir par la trahison ; elle ne se fit point payer chèrement ; quatre cents écus d'or suffirent pour gagner Dasius de Brindes, commandant de la garnison, qui livra la place à Hannibal. Les Carthaginois trouvèrent là des approvisionnements, tant qu'ils restèrent sur la Trébie. La garnison prisonnière ne fut en rien traitée avec rigueur ; Hannibal voulait, dans les commencements de son entreprise, s'attirer une réputation de clémence."
Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 52 :"La réunion des deux consuls et de toutes les forces romaines contre Hannibal semblait être pour l'empire un gage de salut, ou il fallait désormais renoncer à toute espérance. Cependant l'un des consuls, abattu par la défaite de sa cavalerie et par sa blessure, était d'avis de gagner du temps ; l'autre, plein d'une ardeur nouvelle et partant plus hardi, ne pouvait souffrir de retard. Tout le terrain entre la Trébie et le Pô était alors occupé par les Gaulois. Dans cette lutte de deux peuples si puissants, leur politique indécise tendait visiblement à se déclarer pour le vainqueur. Les Romains ne leur demandaient que de rester neutres ; mais Hannibal irrité s'écriait qu'eux-mêmes l'avaient appelé en Italie, pour être leur libérateur. Cédant à la colère, à la nécessité de nourrir son armée par le butin, il envoie deux mille hommes d'infanterie, mille de cavalerie, presque tous Numides, et parmi eux quelques Gaulois, ravager tout le territoire jusqu'aux rives du Pô. Incapables de résister, les Gaulois, qui jusqu'alors avaient flotté incertains, forcés par les outrages de leurs agresseurs, se déclarent pour ceux dont ils attendent des vengeurs ; ils députent vers le consul, et implorent le secours des Romains pour leur pays, victime de sa trop grande fidélité envers Rome. Cornélius ne trouvait ni le motif suffisant, ni l'instant favorable pour hasarder une action ; les Gaulois aussi lui étaient suspects : que de fois ils avaient usé de perfidie! Le souvenir de leurs anciennes trahisons pouvait être effacé par le temps ; mais devait-on oublier la révolte toute récente des Boïens ? Sempronius, au contraire, tenait que ce serait un lien indissoluble pour la foi des alliés, si l'on accordait une protection généreuse à ceux qui, les premiers, l'avaient réclamée. Son collègue hésitait encore ; il prend alors sa cavalerie, y joint mille fantassins, archers en grande partie, et les fait passer au-delà de la Trébie, pour défendre les terres des Gaulois. Cette troupe rencontre celle d'Hannibal, dispersée, sans ordre, dont la plupart des soldats étaient d'ailleurs chargés de butin ; elle l'attaque à l'improviste, y sème l'épouvante et le carnage, la met en fuite, et la poursuit jusqu'au camp, jusqu'aux avant-postes ennemis : là, repoussée par la multitude qui se précipite hors des lignes, elle rétablit le combat avec de nouveaux renforts. Il s'ensuivit un engagement très disputé ; et, quoique à la fin les chances fussent devenues égales, cependant l'avantage parut pencher du côté des Romains."