Le Sénat tente de sanctionner Marcus Popillus Laenas (172 av. J.-C.)
Lorsque le Sénat réalisa que le proconsul Marcus Popillus Laenas n'avait pas accompli sa mission et que, pire, il s'était illustré par une nouvelle campagne illégitime, sa réaction fut vive. Cette réaction le fut d'autant, que la précédente campagne du proconsul fut durement condamnée, et que les consuls de l'année tardaient à quitter Rome pour gagner les provinces qui leur avaient été attribuées, témoignant ainsi d'un climat général de défiance vis-à-vis de cette institution. Les tribuns de la plèbe Marcus Marcius Sermo et Quintus Marcius Scilla critiquèrent à leur tour vivement les consuls de l'année, et proposèrent une motion visant à punir durement tout citoyen qui n'aurait rendu leur liberté aux esclaves statielles en leur possession, avant les calendes de Sextilis (le 1er août 172 av. J.-C.), laquelle fut unanimement acceptée. En outre, le Sénat chargea le préteur Caius Licinius Crassus de diligenter une enquête sur les actes du proconsul Marcus Popillus Laenas (Histoire romaine, XLII, 21).
Lorsque les consuls se décidèrent enfin à gagner leurs provinces, Marcus Popillus Laenas leur remis ses troupes, puis resta à distance de Rome pour ne pas avoir à rendre de comptes. Ce ne fut que sous la menace de nouvelles dispositions qui seraient prises à son encontre s'il n'était pas à Rome avant les ides de November (le 13 novembre 172 av. J.-C.), qu'il se décida à comparaître. Après deux premières comparutions devant le préteur Caius Licinius Crassus, la troisième comparution fut repoussée aux ides de Martius (le 15 mars 171 av. J.-C.) à la demande de la tribu Popilia et justifiée par l'absence du consul Caius Popillus Laenas (frère de l'accusé). Ce report, au jour des comices, a abouti à l'impossibilité de le proconsul puisque, de fait, il n'occupait plus aucune charge à cette date et ne pouvait donc plus siéger. Ainsi, ses crimes demeurèrent impunis.
Tite-Live, Histoire romaine, XLII, 21 :"Les consuls jusque là n'étaient pas encore partis pour leurs provinces, parce qu'ils n'obéissaient pas au sénat en faisant leur rapport sur l'affaire de Popilius, et que les sénateurs avaient résolu de ne rien décider au préalable sur quoi que ce fût. Popilius gâta encore sa cause par une lettre où il annonçait qu'il avait, comme proconsul, livré un second combat aux Ligures de Statellum, et qu'il leur avait tué dix mille hommes. Cette injuste guerre souleva le reste de la Ligurie et lui fit prendre les armes. Alors ce ne fut plus seulement Popilius, pour avoir, contre toute foi et tout honneur, porté la guerre chez un peuple couvert par une capitulation, et avoir poussé à la révolte une nation pacifiée, ce furent aussi les consuls, pour ne s'être pas rendus à leur poste, qui s'attirèrent les reproches du sénat. Cet accord des Pères conscrits alluma le zèle des tribuns du peuple, M. Marcius Sermo et Q. Marcius Scylla, qui se déclarèrent prêts à mettre les consuls à l'amende s'ils ne se rendaient pas à leur poste, et qui lurent dans le sénat la motion qu'ils avaient projet de promulguer au sujet de la capitulation des Ligures. Elle portait que si un seul des Statellates, compris dans cette capitulation, n'était pas rendu à la liberté avant le premier jour des calendes d'août, le citoyen qui, par mauvaise foi, le retiendrait en servitude, se vît l'objet d'enquêtes et de poursuites en vertu d'un décret du sénat assermenté. Ils promulguèrent ensuite cette motion, revêtue de la sanction du sénat. [...]. La motion Marcia, au sujet des Ligures, fut unanimement approuvée et rendue exécutoire par le peuple. En vertu de ce plébiscite le préteur C. Licinius consulta le sénat pour savoir qui il chargeait de l'enquête par cette décision. Le sénat l'en chargea lui-même."
Tite-Live, Histoire romaine, XLII, 22 :"Enfin les consuls partirent pour leurs provinces et reçurent l'armée des mains de Popilius. Ce dernier n'osait revenir à Rome pour ne pas devoir plaider sa cause en face d'un sénat malveillant, d'un peuple plus mal disposé encore, devant le préteur qui avait sollicité, dans l'enquête dirigée contre lui, un sénatus-consulte. Pour prévenir cette manoeuvre évasive, les tribuns lui dénoncèrent une motion nouvelle : s'il n'était pas à Rome avant les ides de novembre, Licinius statuerait sur son compte et prononcerait son jugement. Cette résolution fut comme une chaîne qui le tira à Rome, où le sénat le reçut comme un homme que l'on hait. Mille traits piquants furent dirigés contre lui, [...]. M. Popilius, en vertu de la proposition Marcia, comparut deux fois devant C. Licinius. À la troisième comparution le préteur, par égard pour le consul absent, et cédant aux instances de la famille Popilia, l'assigna pour le jour des ides de mars, jour où les nouveaux magistrats devaient entrer en charge : il ne pouvait plus siéger, étant redevenu simple particulier. C'est ainsi que la proposition relative aux Ligures fut éludée par l'astuce et la duplicité."