Entre l'Orba, le Tanaro, et l'Apennin ligure (provinces d'Alexandrie, de Savone, d'Asti et de Coni)
Capitale:
Carystum (?), puis Aquae Statiellae (Acqui Terme)
Statielles / Statellates [Aquenses Statiellenses]
Localisation
Les Statielles étaient un peuple ligure, dont le territoire correspondait à celui du diocèse médiéval d'Acqui Terme, ville qui fut leur métropole. Leur cité s'étendait donc entre les rivières Orba et Tanaro, et les plus hautes crêtes de l'Apennin ligure, soit une région située à cheval entre les actuelles provinces d'Alexandrie, de Savone, d'Asti et de Coni (Italie). Leur capitale pré-romaine pourrait avoir été Carystum (non-localisée), à laquelle succéda Aquae Statiellae (Acqui Terme, province d'Alexandrie), à l'époque romaine.
Attestations et étymologie
Ce peuple fut mentionné à plusieurs reprises par des auteurs latins. Pline les évoque sous le nom de Statielli (Histoire naturelle, III, 47), et plus indirectement lorsqu'il mentionne leur ville, Aquis Statiellorum, "les eaux des Statielles" (Histoire naturelle, III, 49). Tite-Live mentionne quant à lui l'agro Statellati, "le territoire des Statellates" (Histoire romaine, XLII, 7), et dénomme ce peuple Statellates et Statellatibus Liguribus (Histoire romaine, XLII, 8 ; 21). Enfin, une lettre de Decimus Junius Brutus Albinus à Cicéron mentionne les finibus Statiellensium, "les frontières des Statiellenses" (Lettres familières, XI, 11). Ces différentes attestations révèlent donc trois dénominations distinctes, Statielli, Statellates et Statiellenses. Les sources épigraphiques privilégient la première forme. Ainsi, la Table alimentaire de Veleia mentionne à plusieurs reprises le PAG(O) STATIELLO (CIL 11, 1147), tandis que plusieurs épitaphes qualifient les défunts de STATIELLIS (AE 1997, 1329 ; 2017, 123 ; TitAq-02, 666). La dénomination plus tardive d'AQVENSES STAT(IELLENSES) est également attestée (NSA-1899-426 ; CIL 05, 7153). Enfin, de nombreuses mentions d'Aquae Statiellae "Aquae / les eaux des Statielles" fournissent autant d'attestations indirectes.
Histoire
● La conquête romaine
Bien que les Statielles ne s'étaient jamais montrés hostiles aux Romains, au printemps 173 av. J.-C., ils furent attaqués par l'armée du consul Marcus Popillus Laenas, sans la moindre justification. Les Statielles furent vaincus à la bataille de Carystum, au cours de laquelle ils perdirent près de 10000 hommes. Ce bilan dramatique leur ayant ôté tout espoir de résister plus longtemps, ils furent donc contraints de capituler. Une fois encore, les Romains les maltraitèrent injustement, puisqu'ils furent désarmés, leurs villes furent détruites, tandis que les hommes et les biens furent vendus à l'encan. La cruauté et l'injustice dont fit preuve le consul indigna même le Sénat, qui prit fait et cause pour les Statielles. Marcus Popillus Laenas fut donc renvoyé en Ligurie, prorogé en tant que proconsul, et chargé de libérer les esclaves et restituer les biens pris aux Statielles (Tite-Live, Histoire romaine, XLII, 7-9).
Contre toute attente, le proconsul ne chercha aucunement a accomplir la mission qui lui fut confiée, bien au contraire. En effet, Tite-Live indique qu'il lança une seconde campagne contre les Statielles (172 av. J.-C.), au cours de laquelle il tua de nouveau 10000 hommes. À Rome, l'exaspération fut telle qu'une enquête fut diligentée et que le proconsul dut comparaître pour justifier ses exactions. Finalement, l'influence de la tribu Popilia et le jeu trouble du consul Caius Popillus Laenas (frère de l'accusé), eurent raison de cette procédure. Cependant, les esclaves statielles ne furent pas abandonnés à leur sort. Les tribuns de la plèbe Marcus Marcius Sermo et Quintus Marcius Scilla firent adopter un texte prescrivant leur libération immédiate, lequel fut confirmé et complété par un décret du Sénat. Les préteurs Caius Licinius Crassus et Cnaeus Sicinius furent chargés de diligenter ces libérations, tandis que le consul Caius Popillus Laenas fut chargé de leur attribuer de nouvelles terres sur la rive gauche du Pô (Histoire romaine, XLII, 21-22).
● La romanisation
Dans un premier temps, le territoire des Statielles dépendit du district militaire de Ligurie, qui était administré depuis Pisa (Pise, province de Pise, Italie). À une date inconnue et dans des circonstances tout aussi énigmatiques, l'ensemble des territoires situés entre l'Italie et les Alpes, furent organisée en une vaste province, la Gaule cisalpine. À la transition du IIe et du Ier s. av. J.-C., ce peuple fut doté d'un nouveau centre politique, Aquae Statiellae (Acqui Terme, province d'Alexandrie, Italie). Cette localité se développa très rapidement à partir du moment où elle fut pleinement intégrée au réseau routier romain, à la faveur de l'aménagement de la voie Aemilia Scauri (109 av. J.-C.). Ce fut dans ce contexte que les que les institutions indigènes des Statielles se calquèrent peu à peu sur le modèle romain, ce qui aboutit au fait que le statut de colonie de droit latin leur fut octroyé en 89 av. J.-C.. Dés lors, l'élite de la cité put accéder à la citoyenneté romaine et intégra la tribu Tromentina.
Au début de la guerre civile de 49 av. J.-C., César tenta de s'assurer le soutien des populations ayant bénéficié du droit latin en 89 av. J.-C., en leur octroyant la citoyenneté romaine. La colonie de droit latin des Statielles fut dés lors érigée au rang de municipe romain. Aussi, les habitant adoptèrent progressivement le nom d'Aquenses Statiellenses (NSA-1899-426 ; CIL 05, 7153).
Vers 42 av. J.-C., au cours du second triumvirat, la province de Gaule cisalpine fut intégrée à l'Italie. Cette intégration fut parachevée quelques décennies plus tard lorsque l'empereur Auguste réorganisa administrativement l'Italie. La province de Gaule cisalpine fut démantelée en plusieurs région, et le municipe des Aquenses Statiellenses intégra la région IX - Ligurie.
Sources littéraires anciennes
Cicéron, Lettres familières, XI, 11 :"D. Brutus à Cicéron - Le double de la lettre que m'ont apportée mes esclaves m'est parvenu. Je vous ai tant d'obligations, que je ne pourrai jamais m'acquitter envers vous. Je vous ai fait connaître notre situation. Antoine est en route. Il va joindre Lépide, et il ne désespérait pas encore de gagner Plancus. J'en ai la certitude par ses papiers qui sont tombés dans mes mains, et où j'ai trouvé les noms des affidés qu'il devait envoyer à Asinius, à Lépide et à Plancus. Je n'ai pas la moindre inquiétude sur Plancus, et je lui ai à l'instant même dépêché un exprès. Dans deux jours, j'attends les députés des Allobroges et de toute la Gaule ; je les renverrai chez eux, après m'être assuré de leurs dispositions, dont je réponds. De votre côté, pourvoyez à toutes les nécessités. Que rien ne se fasse que par vous, et pour le plus grand avantage de la république. Il y a bien de la malveillance contre moi. Empêchez-la, si vous le pouvez. Si vous ne le pouvez point, consolez-vous en pensant que tous leurs outrages ne sauraient me faire broncher. La veille des nones de mai ; de mon camp, à la frontière des Statielles."
Julius Obsequens, Livre des prodiges, LXVII :"Sous les consuls L. Posthumius Albinus et M. Popilius Lenas. À Lanuvium, on aperçut dans le ciel l'image d'une grande flotte. À Priverne, la terre produisit une sorte de laine brune. Dans le pays des Véiens, près de Remente, il plut des pierres. Tout le Pomptin fut couvert d'une nuée de sauterelles. Dans un champ de la Gaule, plusieurs poissons sortirent de dessous les mottes de terre, à l'endroit où passait la charrue. On consulta les livres Sibyllins, à l'occasion de ces prodiges, et l'on fit des prières pour détourner les malheurs qu'ils pouvaient annoncer. En Étolie, il s'éleva de dangereuses séditions, parce que la dette publique était devenue considérable. Persée fit des préparatifs de guerre contre les Romains. Chez les Liguriens, dans la plaine de Stellate, près de la ville de Caryste, on livra une bataille dans laquelle 10 000 hommes périrent, et dont l'avantage demeura aux Romains."
Pline, Histoire naturelle, III, 47 :"A partir du Var on trouve Nice, ville fondée par les Marseillais : le fleuve Palo ; les Alpes et les peuples alpins portant un grand nombre de noms, particulièrement les Chevelus ; le peuple des Védiantiens, et Cémélion leur ville ; le port d'Hercule Monoecus, la côte de Ligurie. Ligures les plus célèbres : au delà des Alpes, les Salluviens, les Déciates, les Oxubiens ; en deçà des Alpes, les Vénènes, les Turres, les Sotes, les Bagiennes ; les Statyelles, les Vibelles, les Magelles, les Euburiates, les Casmonates, les Véliates, et ceux dont nous nommerons toutes les villes en parlant du rivage suivant ;"
Tite-Live, Histoire romaine, XLII, 7 :"Chez les Ligures aussi le territoire de Statellae fut le théâtre d'un combat livré près de la ville de Carystus. Elle avait servi de rendez-vous à une nombreuse armée de Ligures. D'abord, avant l'arrivée du consul Popilius, ils se tenaient dans leurs murailles ; puis, voyant que le général romain allait livrer l'assaut à leur ville, ils sortirent et vinrent se ranger en bataille hors des portes. Le consul, qui n'avait pas eu d'autre but en faisant mine de vouloir donner l'assaut, accepta avec empressement la bataille. Elle dura plus de trois heures, sans que le succès se décidât pour un côté ou pour l'autre. Quand le consul s'aperçut que, sur aucun point, les Ligures ne perdaient de terrain, il donna l'ordre aux cavaliers de monter à cheval, et d'attaquer l'ennemi par trois côtés, de manière à jeter dans les rangs le plus de désordre possible. Une grande partie de la cavalerie traversa de part en part la ligne de bataille, et se trouva sur les arrières de l'ennemi. Cette manoeuvre terrifia les Ligures ; ils prirent la fuite dans toutes les directions. Très peu rentrèrent dans la ville, car c'était surtout de ce côté que nos cavaliers leur fermaient la retraite ; indépendamment de ce qu'une lutte aussi opiniâtre avait coûté de monde aux Ligures, il y en eut aussi beaucoup qui trouvèrent la mort en fuyant à la débandade. On parla de dix mille hommes tués, de plus de sept cents prisonniers et de quatre-vingt-deux drapeaux enlevés sur eux. La victoire fut aussi achetée ; nous perdîmes plus de trois mille hommes ; chaque armée, en ne cédant pas, avait vu succomber ses premiers rangs."
Tite-Live, Histoire romaine, XLII, 8 :"Après ce combat, quand ces Ligures, que la fuite avait disséminés, se retrouvèrent ensemble, reconnaissant que le nombre des morts surpassait de beaucoup celui des survivants (ils n'étaient pas plus de dix mille), ils se rendirent à discrétion. Ils avaient toutefois espéré ne pas trouver plus de sévérité dans ce consul que dans les généraux ses prédécesseurs. Mais il leur ôta toutes leurs armes, il démolit leur ville, il vendit hommes et biens, et envoya au sénat un compte-rendu de sa gestion. Quand le préteur A. Atilius en eut donné lecture au sénat (car Postumius, l'autre consul, était occupé en Campanie à une délimitation de territoire), le sénat trouva cette sévérité exorbitante : Les Statellates, les seuls de la Ligurie qui n'avaient pas porté les armes contre Rome, attaqués de plein saut, sans avoir, cette fois encore, déclaré eux-mêmes la guerre ! Des gens qui s'en étaient rapportés à la loyauté du peuple romain traités avec la dureté la plus insigne, frappés et anéantis ! Tant de milliers d'innocents qui imploraient la foi du peuple romain, scandaleusement vendus, pour ôter, par cet exemple, l'envie de capituler à quiconque y serait disposé ! arrachés de leurs foyers, pendant que les vrais ennemis du peuple romain vivent à l'abri des capitulations, ceux-ci vont être esclaves !. Par ces considérations le sénat décide que Popilius rendra la liberté aux Ligures, en remboursant aux acheteurs leurs débours ; qu'il les fera rentrer dans tous ceux de leurs biens qu'il sera possible de recouvrer ; qu'au premier moment on fabriquera des armes dans ce pays ; que le consul quittera la province aussitôt qu'il aura rétabli dans leurs foyers les Ligures qui avaient fait leur soumission. Qu'une belle victoire c'est de vaincre celui qui attaque, et non de frapper sur celui qui est à terre."
Tite-Live, Histoire romaine, XLII, 21 :"Les consuls jusque là n'étaient pas encore partis pour leurs provinces, parce qu'ils n'obéissaient pas au sénat en faisant leur rapport sur l'affaire de Popilius, et que les sénateurs avaient résolu de ne rien décider au préalable sur quoi que ce fût. Popilius gâta encore sa cause par une lettre où il annonçait qu'il avait, comme proconsul, livré un second combat aux Ligures de Statellum, et qu'il leur avait tué dix mille hommes. Cette injuste guerre souleva le reste de la Ligurie et lui fit prendre les armes. Alors ce ne fut plus seulement Popilius, pour avoir, contre toute foi et tout honneur, porté la guerre chez un peuple couvert par une capitulation, et avoir poussé à la révolte une nation pacifiée, ce furent aussi les consuls, pour ne s'être pas rendus à leur poste, qui s'attirèrent les reproches du sénat. Cet accord des Pères conscrits alluma le zèle des tribuns du peuple, M. Marcius Sermo et Q. Marcius Scylla, qui se déclarèrent prêts à mettre les consuls à l'amende s'ils ne se rendaient pas à leur poste, et qui lurent dans le sénat la motion qu'ils avaient projet de promulguer au sujet de la capitulation des Ligures. Elle portait que si un seul des Statellates, compris dans cette capitulation, n'était pas rendu à la liberté avant le premier jour des calendes d'août, le citoyen qui, par mauvaise foi, le retiendrait en servitude, se vît l'objet d'enquêtes et de poursuites en vertu d'un décret du sénat assermenté. Ils promulguèrent ensuite cette motion, revêtue de la sanction du sénat. Avant le départ des consuls, le sénat donna audience, dans le temple de Bellone, à C. Cicéréius, préteur de l'année précédente. Après qu'il eut exposé ses exploits en Corse et demandé vainement le triomphe, il triompha sur le mont Albain, d'après un usage établi depuis longtemps déjà pour les cas où cet honneur n'était pas décerné officiellement. La motion Marcia, au sujet des Ligures, fut unanimement approuvée et rendue exécutoire par le peuple. En vertu de ce plébiscite le préteur C. Licinius consulta le sénat pour savoir qui il chargeait de l'enquête par cette décision. Le sénat l'en chargea lui-même."
Sources épigraphiques
Acqui Terme (NSA-1899-426) C(AIO) VALERIO M(ARCI) F(ILIO) TROMEN(TINA) ALBO [... V]IRO Q[VI] VIAM [......]BVS STR(AVIT) THERMAS E[...] AQVENSES STAT(IELLENSES) […......]ME[...
"À Caius Valerius Albus, fils de Marcus, (de la tribu) Tromentina, […] homme qui a fait paver la voie […], a […] les thermes […]. Les Aquenses Statiellenses […]."
Acqui Terme (CIL 05, 7506) EX COMITATV IMP(ERATORIS) DOMITIANI AVG(VSTI) GERMANICI AB AQVIS STATIELLIS
"De l'entourage de l'empereur Domitianus, Auguste, Germanique, depuis Aquae des Statielles."
Acqui Terme (CIL 05, 7516) ...] AQVENSES DECVR(IONES) ET MVNICIP(ES) [...
"[…] les Aquenses, les décurions et les habitants du municipe […]."
Budapest (TitAq-02, 666) D(IS) M(ANIBVS) T(ITO) MAGIO T(ITI) F(ILIO) TROMENTIN(A) CLEMENTI STAT(I)ELLIS VET(ERANO) LEG(IONIS) X G(EMINAE) P(IAE) F(IDELIS) P(VBLIVS) ATILIVS SVP(ER?) HER(ES) FECIT
"Aux Dieux Mânes de Titus Magius Clemens, fils de Titus, (de la tribu) Tromentina, statielle, vétéran de la légion X Gemina Pia Fidelis. Publius Atilius Super, son héritier, a fait (ce monument)."
"Lucius Cassius Martialis, fils de Lucius, (de la tribu) Tromentina, d'Aquae des Statielles, militaire dans la légion XI Claudia Pia Fidelis, dans la centurie de Pulpidus Silvester, 12 années de service, âgé de 35 ans, a ordonné par testament que soit fait (ce monument). Son héritier a pris soin de le faire."
"[...] Caius Sem[...]ius Se[...]us, fils de Caius, (de la tribu) Tromentina, d'Aquae des Statielles, [...] dans la légion XI Claudia Pia Fidelis, porte-enseigne, [...]."
"Lucius Memmius Secundus, fils de Publius, (de la tribu) Tromentina, d'Aquae des Statielles, militaire dans la cohorte IV Praetoria, dans la centurie de Lollius, qui servit 9 ans (et) vécut 30 ans, a ordonné par testament que soit posé (ce monument)."
"À Quintus Vettius Amatus (?), fils de Marcus, originaire d'Aquae des Statielles, conformément à son testament, ses héritiers (ont érigé ce monument)."
"[...] Celsus, fils de […], (de la tribu) Camilia, […], édile céréalier de la plèbe, questeur, admis dans le considérable ordre sénatorial par l'empereur César Nerva Traianus, Auguste (1), le Germanique, le Dacique, préfet de la cohorte Breucorum, parvenu dans son municipe à tous les honneurs, patron d'Alba Pompeia. Les colonies et les municipes d'Alba Pompeia, d'Augusta des Bagiennes, des […]enses, des Genuenses, des Aquenses Statellienses, […]."
"Aux Dieux Mânes de Lucius Vettius Optatus, fils de Lucius, (de la tribu) Tromentina, d'Aquae des Statielles, evocatus d'Auguste. Lucius Vettius Hermes et Lucius Vettius Chresimus, ses affranchis, à leur patron, pour son bon mérite."