• Vie de saint Vigor, t. LVIII, 1965-66, p. 127-173, Traduction de : Dom Gaston Aubourg, in Saint Vigor, Evêque de Bayeux (Vie siècle), deuxième partie, Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie
Texte:
Vers ce même temps, alors qu'il s'en allait prêcher, il parvint au mont qu'on appelait Phaunus, et qu'on nomme aujourd'hui Chrismat, à un mille de la ville [Bayeux]. Sur ce mont il y avait une effigie de pierre qui représentait une femme. Les habitants de l'endroit avaient coutume de la vénérer comme un objet sacré. Comme à son habitude l'homme de Dieu se mettait à annoncer la parole divine, toute cette populace de rustres se dressa contre lui et le repoussa avec des injures : Nous maintiendrons, disaient-ils, les coutumes de nos pères et de nos ancêtres. Nous n'abandonnerons jamais le culte de nos dieux. Nous n'obéirons pas à tes ordres. Irrité par cette attitude, l'homme de Dieu quitta l'endroit. Après avoir pris conseil, il alla trouver le roi Childebert.
Il lui raconta comment la contrée bajocasse s'était convertie au culte de Dieu à l'exception de ce mont où l'on restait, sous les tromperies du diable, attaché à cette profane et démoniaque superstition. Le roi Childebert, en apprenant que sur ce mont vivait un peuple si exécrable, admira la sainteté de l'homme de Dieu, et la grande renommée de ses vertus. Incliné qu'il était à la miséricorde, il dit à l'homme de Dieu : " Tout le monde sait, vénérable Père, que ce mont et ses habitants relèvent de la puissance du roi des Francs. Aux temps anciens il appartenait au fils des rois, nos prédécesseurs. Eh bien ! je te donne ce lieu avec tous ses habitants en propriété perpétuelle.
Tu pourras ainsi détruire toute cette immonde et profane idolâtrie et tu édifieras une église consacrée au nom du Christ. Sur quoi, il envoya ses légats au lieu dont nous parlons, où ils firent comme nous venons de dire. Quand l'endroit fut purifié, tout le peuple de Bayeux, accordant son concours unanime à l'homme de Dieu, construisit une église. La population indigène devint dévouée au Christ. Et on appela ce lieu le mont Chrismat. C'est à partir de ce jour qu'il fut établi que tous les pontifes de cette cité y baptiseraient trois enfants aux solennités pascales. Ensuite ils retourneraient à pied dans la ville avec les reliques des saints, accompagnés des prêtres et des diacres en vêtements sacrés, tandis que le' choeur chanterait des psaumes. En ce lieu les évêques du voisinage venaient en foule visiter l'homme de Dieu. Ils lui donnaient leurs domaines et leurs possessions. Une grande foule de clercs vivaient là aussi dans le service de Dieu.