Aménagement de la voie Cottia (entre 14 et 9-8 av. J.-C.)
Les différents conflits qui ensanglantèrent les Alpes du temps d'Auguste furent systématiquement entrepris suite au fait que certaines populations ont tenté de faire obstacle au franchissement de ces montagnes par les Romains. Tout aussi systématiquement, ils se sont conclus par l'aménagement d'axes routiers désenclavant les territoires alpins et facilitant leur franchissement depuis l'Italie ou la Gaule.
Dans le cadre du rapprochement opéré entre le royaume de Cottius et Rome, c'est Cottius I, devenu préfet, qui engagea d'importants travaux pour désenclaver son territoire et faciliter les échanges entre le sud de la Gaule et l'Italie du nord (Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XV, 10, 2-7 ; Strabon, Géographie, IV, 1, 3). Connue dans l'antiquité sous le nom de via Cottia, la "voie cottienne", cette route suivait le cours de la Doire Ripaire, passait par Segusio (Suse) et permettait de franchir les Alpes depuis Augusta Taurinorum (Turin) dans la région de Transpadane, par le col de Montgenèvre. Depuis le Montgenèvre, la voie suivait le cours de la Durance, en traversant le territoire de plusieurs peuples mentionnés sur le trophée des Alpes (7-6 av. J.-C.) : il passait par Brigantium (Briançon), sur le territoire des Brigiens, puis Eburodunum (Embrun) et Caturigomagus (Chorges), sur le territoire des Caturiges, Vapincum (Gap), sur le territoire des Avantiques, Segustero (Sisteron) sur le territoire des Sogiontes, avant d'entrer dans la province de Gaule narbonnaise par Apta Iulia (Apt).
Strabon, Géographie, IV, 1, 3 :"L'autre route qui, par le pays des Vocontiens et le territoire dit de Cottius, [mène aussi à la frontière d'Italie], se confond avec la précédente depuis Nimes jusqu'à Ugernum et à Taruscon, puis, elle traverse le Druentias, passe par Cavallion, et mesure déjà 63 milles depuis Nimes, quand elle atteint, à la frontière du pays des Vocontiens, le point où commence la montée des Alpes ; de ce point-là, maintenant, au bourg d'Ebrodunum, situé à l'autre frontière des Vocontiens, du côté du royaume de Cottius, la distance est de 99 milles ; enfin l'on en compte autant pour le reste de la route qui, passant par le bourg de Brigantium, le bourg de Scingomagus et le col des Alpes, s'arrête à Ocelum, point extrême du territoire de Cottius. Mais, dès Scingomagus, on est en Italie, et la distance de ce bourg à Ocelum est de 28 milles"
Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XV, 10, 2 :"C'est là que le roi Cottis tint seul contre nous si longtemps, protégé par ses impraticables défilés et par ses rocs inaccessibles. Ce prince toutefois rabattit plus tard de sa fierté ; et ce fut lui qui, devenu l'ami de l'empereur Octavien, par un retour d'affection mémorable, et après des efforts inouïs, ouvrit plus loin, au travers des vieilles Alpes, ces routes si commodes qui en abrègent le trajet. Je donnerai une autre fois sur cette opération les renseignements que j'ai pu recueillir."
Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XV, 10, 4 :"La montée, pour le voyageur qui vient de la Gaule, s'en opère facilement sur un plan peu incliné ; mais pour descendre par le versant opposé on trouve une pente et des précipices dont la vue seule fait frémir. C'est surtout au printemps, quand la température adoucie détermine le dégel et la fonte des neiges, que sur une chaussée étroite, bordée des deux côtés par des précipices, et coupée de fondrières masquées par une accumulation de frimas, il faut voir chanceler, trébucher piétons, bêtes de charge et voitures. On n'a encore trouvé qu'un expédient pour diminuer les chances de destruction : c'est d'assujettir les véhicules au moyen de gros câbles qu'on retient en arrière à force de bras, ou avec des attelages de boeufs ; et, une fois enrayés de la sorte, de les convoyer un peu plus sûrement jusqu'au pied de la côte. Voilà comme les choses se passent au printemps."
Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XV, 10, 5 :"En hiver, la scène change : le sol, durci et comme poli par la gelée, n'offre partout qu'une surface glissante où l'on peut à peine tenir pied; et de profonds abîmes, auxquels une croûte de glace donne l'apparence perfide de la plaine, engloutirent plus d'une fois les imprudents qui osèrent s'y risquer. Aussi, pour le salut des voyageurs, les habitants du pays, à qui les passes sont connues, ont-ils soin de leur jalonner la route la plus sûre par de longues perches fichées en terre. Mais que, renversés par les éboulements, ces pieux viennent à disparaître sous la neige, la traversée devient bien dangereuse, même en prenant pour guides les paysans des environs."
Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XV, 10, 6 :"Ce pas franchi, on marche en plaine l'espace de sept milles jusqu'à la station de Mars. Là se dresse devant vous un pic plus élevé, plus difficile encore à gravir, et dont le point culminant a pris le nom de la Dame (Matrona), depuis l'accident arrivé à une femme de qualité. De là on ne fait plus que descendre en pente douce jusqu'au fort de Virgance (castellum Brigantiam)."
Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XV, 10, 7 :"Le tombeau du petit souverain constructeur des routes dont nous avons parlé se voit sous les murs de Suse. Un double motif de vénération s'attache à sa mémoire : il gouverna son peuple avec équité, et, par son alliance avec nous, lui assura la paix à toujours."