Le siège est l'action d'encercler une ville ou une position ennemie, pour le couper du reste de ses troupes. L'objectif attendu est, dans l'idéal, de s'emparer de la place assiégée par le temps plutôt que parla force En efft, un assaut frontal contre une place forte est extrêmement difficile et meurtirier. Nous verrons, au travers des exemples collectés dans les Commentaires de la Guerre des Gaules de César, que lors de ce conflit, des assauts furent donnés quasi systématiquement par les Gaulois, alors pressés par le temps. Les objectifs d'une telle entreprise étaient multiples, piller une ville ou obtenir la reddition de l'ennemi. Les textes antiques mentionnent régulièrement des armées celtiques assiégeant des villes et autres positions ennemies. Quelques textes seulement évoquent les stratégies adoptées par les Celtes dans l'art du siège. Ces stratégies sont multiples, néanmoins, il apparaît clairement, au fil des témoignages, qu'à l'échelle de l'Europe celtique, et ce, sur une durée de plusieurs siècles, les grandes étapes du siège sont similaires, à quelques détails près.
Les travaux de siège
César et l'auteur anonyme de la Guerre d'Espagne évoquent les travaux entrepris par les Celtes pour assiéger une position ennemie. Ces sources sont relativement tardives et ne permettent pas de dire avec certitude si les tactiques employées sont typiquement celtiques. Quoiqu'il en soit, qu'il s'agisse d'influences extérieures ou non, les Celtes ont utilisés ces stratégies.
L'art de la guerre "psychologique"
En 45 av. J.-C., dans le cadre de la Guerre d'Espagne, les Gaulois de l'armée de César ont assiégé la ville de Munda selon une méthode qui leur était propres (selon l'auteur). Les place forte espagnol a été entourée de circonvallations édifiées à l'aide des cadavres des ennemis, surmontés d'une palissade constituée d'amoncellements d'armes. Enfin, sur cette palissade étaient disposées sur des pics les têtes des ennemis morts, toutes tournées vers la ville assiégée. Cette technique était, à l'évidence employée pour effrayer l'ennemi. Il est également possible d'imaginer que ce rituel pouvait également avoir un aspect religieux.
Anonyme, Bellum hispaniense, 32 : "Comme les débris de l'armée ennemie s'étaient réfugiés dans Munda, les nôtres furent obligés de faire le siège de cette place. La circonvallation fut formée des armes et des cadavres des ennemis; la palissade, de javelots, de dards de boucliers, d'épées et de piques, surmontées de têtes coupées et tournées vers la place; de sorte que l'ennemi était de toutes parts entouré des marques formidables de notre valeur, qui nous servaient à l'assiéger. C'est ainsi que les Gaulois, quand ils vont attaquer une ville, plantent à l'entour sur des piques et des javelots les cadavres de leurs ennemis".
Une influence romaine?
Cicéron, assiégé par les Nerviens en 54 av. J.-C. fut témoins d'une stratégie tout à fait originale des Gaulois qui nous est décrite par César. Ce qui est surprenant, et qui ne manqua par de surprendre Cicéron, puis César, a été de voir les Gaulois édifier un rempart autour du camps romain, protégé par un fossé, puis tenter de donner l'assaut à l'aide de tours mobiles et en employant la technique de la tortue. Pour César, il semble évident que les Gaulois tenaient ce savoir de prisonniers d'origine romaine. Il faut néanmoins souligner que César, dans un extrait
Jules César, La guerre des gaules, V, 42, : "Déchus de cet espoir, les Nerviens entourent les quartiers d'un rempart de onze pieds et d'un fossé de quinze. Ils avaient appris de nous cet art dans les campagnes précédentes et se le faisaient enseigner par quelques prisonniers faits sur notre armée ; mais, faute des instruments de fer propres à cet usage, ils étaient réduits à couper le gazon avec leurs épées et à porter la terre dans leurs mains ou dans leurs saies. Du reste, on put juger, par cet ouvrage, de leur nombre prodigieux : car, en moins de trois heures, ils achevèrent un retranchement de quinze mille pas de circuit. Les jours suivants, ils se mirent à élever des tours à la hauteur de notre rempart, à préparer et à faire des faux et des tortues, d'après les instructions des mêmes prisonniers [...] Les ennemis, poussant alors de grands cris, comme s'ils eussent déjà obtenu et remporté la victoire firent avancer leurs tours et leurs tortues, et montèrent à l'escalade.".
Jules César, La guerre des gaules, V, 52 : "César, sans avoir perdu un seul homme, joignit Cicéron le même jour. Il ne vit pas sans étonnement les tours, les tortues et les retranchements qu'avaient élevés les Barbares".
L'attaque de la place ennemie
L'attaque de la place ennemie constitue le moment le plus périlleux du siège, dans la mesure où elle expose les assaillants (alors à la portée des assiégés) à une riposte. Cette riposte est d'autant plus dangereuse que l'assaillant fait face aux défenses ennemies, défenses qui elles, protègent les assiégées. La progression à découvert des assaillants doit donc être facilitée. Ainsi, l'assaut s'effectue en trois grandes étapes :
1. - une attaque par le feu
2. - le pilonnage du rempart et la destruction des défenses ennemies
3. - l'escalade du rempart
L'attaque par le feu
L'attaque par le feu consiste à incendier les bagages, habitations et provisions ennemies afin de désorganiser ses défenses. En effet, en cas de siège, les provisions sont décisives à la survie des assiégés. En plus de limiter dans le temps la résistance des assiégés, cette tactique provoque une réelle désorganisation de leurs troupes. Celles-ci doivent en même temps protéger le rempart d'éventuels assauts et en même temps éteindre les incendies provoqués. Les projectiles utilisés étaient des flèches enflammées et des balles de fronde en argile, rougies au feu. Eusèbe et César évoquent cette tactique :
Eusébe Pamphile, IX : "Ceci, ce n'est pas aux Macédones eux-mêmes que je l'ai ouï dire ; c'est dans un autre siège qu'a été trouvé l'artifice qu'on pouvait opposer à ces traits incendiaires. Les Celtes assiégeaient une ville dite des Tyrrhènes. Cette ville appartient à une contrée de la Galatie - de celles qui sont situées à l'Occident, - et à la nation Lugdonosie. C'était le temps - il y avait dix ans qu'on était occupé à ce siège - où la Galatie entière et les nations voisines n'obéissaient pas à l'empire romain, mais s'en étaient séparées et faisaient cause commune avec les insurgés. Alors les Celtes d'outre-Rhin étant venus en armes, une partie d'entre eux se détacha du reste et vint assiéger la ville susdite[...] Beaucoup de leurs machines ayant été brûlées, on recourut à un artifice : derrière les machines, on creusa des réservoirs et on les remplit d'eau ; ensuite on fit des conduits couverts en plomb pour recevoir et [transmettre l'eau [...]
Jules César, La guerre des gaules, V, 43, : "Le septième jour du siège, un très grand vent s'étant élevé, ils lancèrent avec la fronde des boulets d'argile rougis au feu et des dards enflammés sur les buttes des soldats, couvertes en paille, à la manière gauloise. Elles eurent bientôt pris feu, et la violence du vent porta la flamme sur tout le camp".
Le pilonnage du rempart et la destruction des ouvrages ennemis précèdent l'assaut
Le plus souvent, les sources antiques n'évoquent qu'un autre aspect du siège, le pilonnage des remparts de la place assiégée à l'aide de toute sorte de projectiles, étape qui précède immédiatement l'assaut. Strabon donne quelques informations sur la nature des projectiles qui étaient alors employés.
Strabon, Géographie, IV, 4, 3 : "Quelques-uns se servent en outre d'arcs et de frondes. Ils ont encore une arme de jet, une sorte de haste en bois, semblable à celle des vélites, qu'ils lancent sans amentum ou courroie, et rien qu'avec la main, plus loin qu'une flèche, ce qui fait qu'ils s'en servent de préférence, même pour chasser à l'oiseau".
Comme l'évoque César dans l'extrait suivant, le but de cette première étape était d'éloigner les assiégés du rempart. Cette étape était relativement longue selon les auteurs antiques qui soulignent la fatigue des assiégés et surtout l'existence de nombreux blessés dans leurs rangs. Les assaillants, eux, se relayaient. Ils étaient régulièrement remplacés par des troupes fraîches, ce qui permettait de maintenir un feu constant sur le rempart. En parallèle avec ce harcèlement constant, les troupes comblaient les fossés de la place assiégée et tentaient d'en détruire le rempart. Une fois les défenses de l'assiégé entamées, l'assaut était donné.
Jules César, La guerre des gaules, II, 6 : "À huit mille pas de ce camp était une ville des Rèmes, appelée Bibrax. Les Belges dans leur marche l'attaquèrent vivement. Elle se défendit tout le jour avec peine. Leur manière de faire les sièges est semblable à celle des Gaulois. Lorsqu'ils ont entièrement entouré la place avec leurs troupes, ils lancent de tous côtés des pierres sur le rempart ; quand ils en ont écarté ceux qui le défendent, ils forment la tortue, s'approchent des portes et sapent la muraille. Cela était alors aisé ; car cette grêle de pierres et de traits rendait toute résistance impossible du haut des remparts. Lorsque la nuit eut mis fin à l'attaque, le Rème Iccios, homme d'une haute naissance et d'un grand crédit, qui commandait alors dans la place, et un de ceux qui avaient été députés vers César pour traiter de la paix, lui dépêcha des courriers pour l'informer que s'il n'était promptement secouru, il ne pouvait tenir plus longtemps".
Jules César, La guerre des gaules, III, 4 : "Peu d'instants s'étaient écoulés depuis cette résolution, et on avait à peine eu le temps de faire les dispositions qu'elle exigeait, lorsque les ennemis accourent de toutes parts à un signal donné, et lancent sur notre camp des pierres et des pieux. Les nôtres, dont les forces étaient encore entières, opposèrent une courageuse résistance : lancés du haut des retranchements, tous leurs traits portaient coup : apercevaient-ils quelque point du camp trop vivement pressé faute de défenseurs, ils couraient y porter secours ; mais les Gaulois avaient cet avantage, qu'ils pouvaient remplacer par des troupes fraîches celles qui se retiraient fatiguées par un long combat, manoeuvre que le petit nombre des nôtres leur interdisait. Ceux dont les forces étaient épuisées, et les blessés eux-mêmes, ne pouvaient quitter la place où ils se trouvaient, pour reprendre haleine".
Jules César, La guerre des gaules, III, 5 : "II y avait déjà plus de six heures que le combat durait sans interruption ; et non seulement les forces, mais les traits même commençaient à manquer ; l'attaque devenait plus pressante et la résistance plus faible. L'ennemi forçait déjà le retranchement et comblait le fossé ; nos affaires enfin étaient dans le plus grand péril"
Jules César, La guerre des gaules, V, 40, : "Le lendemain, les ennemis, en bien plus grand nombre, viennent attaquer le camp et comblent le fossé. La résistance de notre côté est aussi vive que la veille. Les jours suivants se passent de même".
Jules César, La guerre des gaules, V, 45, : "Plus le siège devenait rude et difficile à soutenir, surtout avec le peu de défenseurs auxquels nous réduisait chaque jour le grand nombre des blessés
Jules César, La guerre des gaules, V, 51, : "Enfin ils conçurent pour nous un tel mépris que, croyant trouver trop de difficulté à forcer nos portes fermées, pour la forme, par une simple couche de gazon, ils se mirent, les uns à détruire le rempart à l'aide seulement de leurs mains, les autres à combler le fossé".
Jules César, La guerre des gaules, VII, 41 : "Presque à moitié chemin, des cavaliers, expédiés par Fabius, lui apprirent quel danger avait couru le camp ; il avait été attaqué par de très grandes forces ; des ennemis frais remplaçaient sans cesse ceux qui étaient las, et fatiguaient par leurs efforts continuels les légionnaires forcés, à cause de la grande étendue du camp, de ne pas quitter le rempart ; une grêle de flèches et de traits de toute espèce avait blessé beaucoup de monde ; les machines avaient été fort utiles pour la défense. Après la retraite des assaillants, Fabius, ne conservant que deux portes, avait fait boucher les autres, et ajouter des parapets aux remparts : il s'attendait pour le lendemain à une attaque pareille."
Tite-Live, Histoire Romaine, V, 43, : Les Gaulois, après avoir, pendant plusieurs jours, fait une folle guerre contre les maisons de la ville, voyant debout encore, au milieu de l'incendie et des ruines de la cité conquise, des ennemis en armes que tant de désastres n'avalent pas effrayés, et qu'on ne pourrait réduire que par la force, résolurent de tenter une dernière épreuve, et d'attaquer la citadelle. Au lever du jour, à un signal donné, toute cette multitude se rassemble au forum, où elle se range en bataille; puis, poussant un cri et formant la tortue, ils montent vers la citadelle. Les Romains se préparent avec ordre et prudence à les recevoir; ils placent des renforts à tous les points accessibles, opposent leur plus vaillante jeunesse partout où les enseignes s'avancent, et laissent monter l'ennemi, persuadés que plus il aura gravi de ces roches ardues, plus il sera facile de l'en faire descendre. Ils s'arrêtent vers le milieu de la colline, et, de cette hauteur, dont la pente les portait d'elle-même sur l'ennemi, s'élançant avec impétuosité, ils tuent et renversent les Gaulois, de telle sorte que jamais depuis, ni ensemble, ni séparément, ils ne tentèrent une attaque de ce genre.
Assaillir la place de nuit
Dans le cas où l'assaut est jugé trop périlleux de jour, ou pour surprendre l'ennemi dans son sommeil, les Celtes n'hésitaient pas à tenter de l'investir de nuit. Ce fut le cas de la forteresse du Capitole à Rome en 390 av. J.-C. selon Elien et Tite-Live.
Elien, De la Nature des Animaux, XII, 33 : "Pour garder, les chiens sont moins utiles que les oies : les Romains l'ont bien vu. Les Celtes leur faisaient la guerre et avec une, extrême vigueur ; ils les avaient repoussés et ils étaient déjà dans la ville ; oui, Rome avait été prise par eux à l'exception de la colline du Capitole, qui ne leur était pas d'un accès facile. Les points qui semblaient de nature à laisser passer les assaillants grâce à quelque artifice, ces points-là avaient été fortifiés. C'était le temps où Marcus Mallius, consul, gardait la colline susdite qui lui avait été confiée ; ce Mallius avait mis une couronne sur la tête de son fils qui s'était distingué par sa valeur, puis, parce que ce jeune homme avait quitté son poste, il l'avait envoyé à la mort. Or, quand les Celtes eurent reconnu que de toutes parts la colline leur était inaccessible, ils décidèrent de se tenir en embuscade au moment de la nuit où l'on ne voit rien, pour assaillir ensuite l'ennemi profondément endormi ; ils espéraient trouver un facile accès d'un côté qui n'était pas gardé et où tout était tranquille, les Romains croyant que les Galates ne les attaqueraient point par là".
Tite-Live, Histoire Romaine, V, 47, : En effet, les Gaulois, soit qu'ils eussent remarqué des traces d'homme à l'endroit où avait passé le messager de Véies, soit qu'ils eussent découvert d'eux-mêmes que près du temple de Carmentis la roche était d'accès facile, profilant d'une nuit assez claire, et se faisant précéder d'un homme non armé pour reconnaître le chemin, ils s'avancèrent en lui tendant leurs armes dans les endroits difficiles; et s'appuyant, se soulevant, se tirant l'un l'autre, suivant que les lieux l'exigeaient, ils parvinrent jusqu'au sommet.
Quand la forteresse est imprenable, affamer l'ennemi
Enfin, lorsque les défenses ennemies font qu'une place est jugée imprenable, les Celtes se contentaient de maintenir le siège, en bloquant tout ravitaillement afin d'affamer l'assiégé et le contraindre à se rendre.
Appien, les Celtiques, VI : Les Celtes, n'ayant pu par aucun moyen attaquer la citadelle, se tinrent tranquilles, comptant bien réduire les assiégés par la famine.