Depuis l'antiquité, l'origine de nom de la Bohème fait l'unanimité. Cette région tire son nom des Boïens qui la peuplèrent avant la transition entre le Ier s. av. J.-C. et le Ier s. ap. J.-C. Au début du Ier s. ap. J.-C., elle fut dénommée Βουίαιμον par Strabon (Géographie, VII, 1, 3), vers 30 ap. J.-C. Boiohaemum par Velleius Paterculus (Histoireromaine, II, 109), vers 98 ap. J.-C. Boihaemi par Tacite (Germanie, XXVIII, 2) et enfin vers 150 ap. J.-C. Βαινοχαῖμαι par Ptolémée (Géographie, II, 11, 20). Si, sans le moindre doute, la première partie de cette dénomination Boi(o)- se rapporte bel et bien aux Boïens, la seconde partie -haemum / -αιμον ne s'explique ni par le gaulois, ni par le latin, ni par le grec.
Le suffixe -haemum / -αιμον se retrouve également dans le nom des Τευριοχαῖμαι (Ptolémée, Géographie, II, 11, 23), autre peuple réputé celtique. On le trouve aussi employé comme préfixe dans le nom des Chamaves ((C)hamaui) et son dérivé tardif pagus Amauorum (Pays d'Amous, entre la Saône et le Doubs). Ce terme est bien connu et est éminemment germanique : vieil-anglais hām "village / demeure / domaine", vieux-saxon hēm "maison / résidence héréditaire / village / patrie", vieux-francique *haim "village", vieux-haut-allemand heim "maison / asile", vieux-norois haeimr / heimr / heim "maison / village / territoire / patrie", gothique haims "village / pays", etc. (1), l'ensemble étant issu d'un proto-germanique *haimaz qui semble avoir originellement désigné un "territoire", avant de prendre plus tardivement le sens de "demeure / maison". Le nom de la Bohème proviendrait d'un proto-germanique *Bajo-haimaz signifiant "territoire / demeure des Boïens". Les auteurs antiques se seraient donc contentés de latiniser / helléniser la dénomination germanique d'un territoire celtique.
(1) Notons que ce terme est à l'origine du français "hameau" et se retrouve dans de nombreux toponymes, principalement employé sous forme de suffixe : -ham en Normandie, Picardie et autour des Ardennes ; -ghem en Flandre française ; -hem en Picardie et en Flandre française ; -heim en Alsace et en Moselle.
Strabon, Géographie, VII, 1, 3 : "Il s'en faut bien pourtant que ces montagnes de la Germanie atteignent à l'immense altitude des Alpes. C'est dans cette partie de la Germanie que s'étend la forêt hercynienne, et que se trouve répandue la nation des Suèves. Quelques tribus suéviques, celle des Quades notamment, habite l'intérieur même de la forêt : on y rencontre aussi Boiaemon, cette résidence du roi Marobodos, qui, pour la peupler, y a transplanté naguère différentes tribus, celle entre autres des Marcomans, ses compatriotes."
Velleius Paterculus, Histoireromaine, II, 109 : "Voilà l'homme et le pays que Tibère César décida d'attaquer l'année suivante sur différents points à la fois. Sentius Saturninus reçut l'ordre de passer par le pays des Chattes, de raser la partie de la forêt Hercynienne qui le borne et de conduire ensuite ses légions jusqu'en Boiohaemum (tel est en effet le nom de la contrée qu'habitait Maroboduus). Tibère partant lui-même de Carnunte, ville qui, de ce côté, est la plus proche du royaume de Norique, entreprit de mener contre les Marcomans l'armée qui servait en Illyrie."
Tacite, Germanie, XXVIII, 2 : "Ainsi les Helvètes s'établirent entre la forêt hercynienne, le Rhin et le Main, tandis que les Boiens se fixaient encore plus à l'intérieur. Ce sont deux peuples gaulois. Le nom de Boihaemi subsiste encore, qui évoque d'antiques souvenirs liés à ce lieu, même si les occupants en ont changé."