Campagne de Lucius Licinius Lucullus contre les Vaccéens (151 av. J.-C.)
Au terme de l'audition des ambassadeurs celtibères à Rome, le Sénat décida de reprendre les hostilités. Il chargea donc l'un des nouveaux consuls, Lucius Licinius Lucullus, de mener cette campagne. Dés l'organisation des préparatifs de cette guerre, le consul se heurta à des difficultés inédites ; Quintus Fulvius Nobilior, qui avait dirigé la guerre contre les Celtibères (153 av. J.-C.), fit un récit glaçant de sa campagne et vanta la hardiesse des Celtibères. Il considérait que si son successeur, Marcus Claudius Marcellus, voulait ainsi conclure la paix, c'était avant-tout parce qu'il redoutait plus que tout d'avoir à les affronter. Ce discours inspira les pires craintes à la jeunesse et aux tribuns, Les premiers refusèrent donc de s'engager, tandis que les seconds refusaient d'obéir. Ce ne fut qu'après l'intervention du tout jeune Publius Cornelius Scipio Aemilianus (Scipion Émilien) que le recrutement put se faire, avec un certain retard (Polybe, Histoire générale, XXXV, 4). Appien indique quant à lui qu'il fut nécessaire de recourir à un tirage au sort pour lever les armées des nouveaux consuls (Ibérique, IX, 49). Compte-tenu de ces circonstances, la campagne de Lucius Licinius Lucullus prit un certain retard.
Marcus Claudius Marcellus profita de ce retard pour terminer la pacification des Celtibères, si bien qu'au printemps 151 av. J.-C., lorsque le consul Lucius Licinius Lucullus arriva dans la province, il ne trouva plus de guerre à mener. D'après Appien, il ne vit pas cette situation sous un oeil favorable, puisqu'il ambitionnait tout autant la renommée que la richesse. Il chercha donc un prétexte pour déclencher de nouvelles hostilités, potentiellement pourvoyeuses de gloire (Ibérique, 51).
Le consul jeta son dévolu sur les Vaccéens, bien que le Sénat ne l'y ait aucunement mandaté et ces derniers n'avaient jamais été hostiles aux Romains. Pour justifier cette attaque, il prétextait que les Vaccéens auraient maltraité les Carpétans. Ainsi, à la tête de son armée, il franchit le Tagus (le Tage) et fit avancer ses troupes vers Cauca (Coca, province de Ségovie, Espagne). Compte-tenu de cette agression, les Caucenses se réfugièrent derrière les murs de leur ville et commencèrent à soutenir le siège que leur imposaient les Romains (Ibérique, 51). C'est ainsi que débuta la guerre contre les Vaccéens.
Cette campagne n'aboutit pas aux résultats escomptés. Pire, la campagne prit fin prématurément dans des conditions désastreuses, après une remarquable déroute. De manière étonnante, malgré cette issue et le caractère illégal de cette campagne, Lucius Licinius Lucullus n'eut jamais à rendre de compte.
Sources littéraires anciennes
Appien, Ibérique, IX, 49 :"Et pour la première fois, on tira au sort l'armée pour l'Ibérie, au lieu du recrutement habituel, parce que, beaucoup s'étaient plaints d'avoir été traités injustement par les consuls lors de l'enrôlement alors que certains avaient été choisis pour des campagnes plus faciles. Le consul Licinius Lucullus fut nommé commandant, et il prit pour légat Cornelius Scipion qui se distingua peu après par la conquête de Carthage et de Numance."
Appien, Ibérique, 51 :"Lucullus était avide de renommée et avait besoin d'argent parce qu'il était pauvre. Il envahit le territoire des Vaccéens, une autre tribu Celtibère, voisine des Arévaques, contre qui la guerre n'avait pas été déclarée par le Sénat, et qui n'avait jamais attaqué les Romains ni offensé Lucullus lui-même. Traversant le Tagus, il arriva à la ville de Cauca, et établit son camp près de celle-ci. Les citoyens lui demandèrent la raison de sa venue et pourquoi il voulait la guerre, et quand il répondit qu'il était venu pour aider les Carpétans que les Vaccéens avait maltraités, ils se retirèrent à l'intérieur de leurs murs, puis en sortirent et attaquèrent les coupeurs de bois et les fourrageurs, en tuant beaucoup et poursuivant les autres jusqu'au camp."
Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, II, 17 :"Il est plus difficile de conserver une province que de la conquérir. Aussi envoya-t-on des généraux dans les différentes parties du pays contre des peuples extrêmement farouches, jusque-là encore libres, et par suite incapables de supporter le joug ; il fallut de pénibles efforts et de sanglants combats pour leur apprendre à endurer la servitude. Caton, le censeur bien connu, brisa en quelques combats les Celtibères, le peuple le plus fort de l'Espagne. Gracchus, l'illustre père des Gracques, punit ces mêmes peuples par la destruction de cent cinquante de leurs villes. Le fameux Métellus, qui avait mérité le surnom de Macédonique, mérita aussi celui de Celtibérien à la suite de la prise mémorable de Contrébie et du pardon plus glorieux encore, qu'il accorda à Nertobrige. Lucullus dompta les Turdules et les Vaccéens ; le jeune Scipion avait déjà tué en combat singulier leur roi qui l'avait provoqué, et il avait remporté les dépouilles opimes."
Polybe, Histoire générale, XXXV, 4 :"Mais plus le sénat montrait d'ardeur belliqueuse, plus il dut être surpris d'un fait étrange qui alors eut lieu à Rome. Quintus Fulvius, qui, l'année précédente, avait fait la guerre en Ibérie, et ses compagnons d'armes, avaient plus d'une fois redit les combats continuels qu'ils avaient soutenus, l'étendue de leurs pertes, le courage des Celtibériens. Marcellus reculait évidemment devant la guerre. A cette vue et sur ces récits, une terreur, dont les vieillards ne connaissaient pas d'exemple, s'empara de toute la jeunesse. Cette crainte alla si loin qu'il ne se présenta pas d'abord un nombre suffisant de tribuns, et que les rôles restèrent vides, tandis qu'auparavant on recevait les offres de plus de tribuns qu'il n'était nécessaire. Les lieutenants qui, choisis par le consul, devaient partir avec lui, refusèrent d'obéir. Enfin, pour comble de malheur, les jeunes gens évitaient de s'enrôler, et pour y échapper faisaient valoir des prétextes qu'il était honteux de dire, inconvenant d'examiner, impossible de rejeter. Le sénat et les consuls se trouvaient donc dans le plus grand embarras, et ne savaient où s'arrêteraient ces lâches refus (il fallait bien en ces circonstances se servir de ce terme), lorsque Publius Cornélius l'Africain, encore tout jeune, mais qui passait pour avoir été d'avis de continuer la guerre, et qui, déjà célèbre sans contestation par sa sagesse et sa vertu, avait besoin de se faire un renom de courage, à la vue des sénateurs consternés, se levant, déclara qu'on le pouvait envoyer en Ibérie avec les consuls, comme tribun ou comme lieutenant, et qu'il était prêt à l'une ou l'autre de ces fonctions. - Sans doute, dit-il, dans mon intérêt particulier, mieux vaudrait pour moi aller en Macédoine (les Macédoniens l'avaient à cette époque nominativement appelé en Macédoine pour mettre fin à leurs dissensions), mais ces circonstances où se trouve Rome sont pour moi plus pressantes et appellent en Ibérie les vrais amis de la gloire -. Cette proposition produisit d'autant plus d'effet qu'elle venait d'un homme à la fleur de l'âge, et d'une modestie reconnue. Aussi, sur le moment, l'enthousiasme fut grand, et ne fit que doubler chaque jour. On vit ceux qui tout à l'heure tremblaient le plus, craignant le fâcheux parallèle, prendre l'engagement de partir comme lieutenants avec les généraux, ou s'inscrire en foule sur les rôles comme soldats, par esprit de camaraderie."