Des ambassadeurs celtibères sont reçus à Rome pour négocier la paix (152-151 av. J.-C.)
Les propositions de paix formulées par les délégations celtibères conduirent à un armistice. Marcus Claudius Marcellus fit donc convoyer les délégations celtibères à Rome afin de négocier les conditions de la paix. Parallèlement, il fit parvenir des courriers et des représentants au Sénat afin de l'inciter à faire preuve de clémence et de prendre le chemin de la paix. De l'avis d'Appien, Marcus Claudius Marcellus voulu précipiter les choses de manière à ce qu'un terme soit donné à cette guerre au cours de son mandat (Ibérique, IX, 49). Ces dispositions prises et sa province étant alors provisoirement pacifiée, Marcus Claudius Marcellus lança une expédition en Hispanie ultérieure.
Arrivés à Rome, les délégations furent accueillies de manière différente suivant les cas (Polybe, Histoire générale, XXXV, 2 ; Appien, Ibérique, IX, 49) :
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Les délégations des cités perçues comme amies des Romains furent acccueillies dans Rome et reçues comme le sont les invités. Polybe précise que ce fut le cas des ambassadeurs des Bèles et des Tites.
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Les autres délégations, celles perçues comme hostiles à Rome, furent accueillies en-dehors de la ville, sur la rive droite du Tibre. D'après Polybe, ce fut le cas des ambassadeurs des Arévaques.
Les délégués des cités alliées de Rome furent reçus les premiers en audience par le Sénat. Ceux-ci exprimèrent leurs craintes de voir les cités hostiles à Rome (en l'occurrence les Arévaques) poursuivre leurs destabilisations, et d'être - à termes - menacées par ces dernières. Ainsi, les délégués des Bèles et des Tites réclamèrent le maintient des troupes romaines en Hispanie, la présence systématique d'un consul dans cette province pour veiller au respect des dispositions prises, et le châtiment des chefs insurgés. Les délégués des Arévaques furent à leur tour entendus. Ils firent amende honorable, mais eurent certainement le tord de faire allusion aux batailles qu'ils disaient avoir remporté sur les Romains. Ils firent savoir qu'ils accepteraient d'avoir à en subir les conséquences, mais firent savoir qu'ils voulaient de nouveau bénéficier des conditions prescrites par le traité qu'ils avaient conclu avec Rome du temps de Tiberius Sempronius Gracchus (179 av. J.-C.), ce qui fut perçu comme présomptueux (Polybe, Histoire générale, XXXV, 2). Enfin, les derniers qui comparurent furent les délégués de Marcus Claudius Marcellus, qui défendirent l'idée de conclure promptement la paix avec les Celtibères et de faire preuve de mesure avec les populations impliquées dans les soulèvements. Au termes de ces auditions, le Sénat rejetta les propositions de paix et par courrier, chargea Marcus Claudius Marcellus d'annoncer cette décision aux délégations celtibères, à leur retour en Hispanie (Polybe, Histoire générale, XXXV, 3). On notera cependant que le rapport fait par Polybe est probablement simpliste, puisque plusieurs cités qui s'étaient rebellées appartenaient aux Bèles, il est donc assez difficile de penser que ces derniers aient pu rejeter l'entière responsabilité de ce conflit sur les seuls Arévaques. Appien, quant à lui, ne fait pas une telle distinction et indique que le Sénat rejetta cette proposition de paix au prétexte que la fraction hostile à Rome avait refusé de se soumettre à Quintus Fulvius Nobilior en 153 av. J.-C. (Ibérique, IX, 49). Alors même que les délégations regagnaient leur territoire, les comices eurent lieu, et deux nouveaux consuls furent élus. Le Sénat ayant rejeté la proposition de paix, l'un des consuls élus, Lucius Licinius Lucullus, reçut pour mission de conduire cette nouvelle guerre en Hispanie citérieure.
Au début de l'année 151 av. J.-C., les délégations celtibères retrouvèrent finalement Marcus Claudius Marcellus, après son hivernage à Corduba. Prenant connaissance de la délibération du Sénat, il annonça la décision prise aux délégués celtibères, laquelle impliquait l'imminence d'une guerre. Il convoqua cependant le chef de cette délégation afin de le convaincre de s'en remettre à lui pour conclure la paix, avant l'arrivée du nouveau consul (Ibérique, IX, 50). Cette initiative fut cependant gravement menacée, puisqu'une partie au moins des Arévaques attaqua les Nertobrigenses.
Sources littéraires anciennes
Appien, Ibérique, IX, 49 :"Marcellus envoya des ambassadeurs de chaque camp à Rome pour y débattre de leur conflit. En même temps, il envoya des lettres privées au Sénat pour le pousser à la paix. Il désirait que la guerre se terminât sous son commandement, pensant qu'il y gagnerait la gloire. Certains des ambassadeurs de la faction amie arrivèrent en ville et y furent traités comme des invités, mais, comme c'était l'usage, ceux de la faction hostile furent logés hors des murs. Le Sénat rejeta la proposition de paix et prit comme prétexte qu'ils avaient refusé de se rendre aux Romains quand Nobilior, le prédécesseur de Marcellus, le leur avait demandé. Aussi ils répondirent que Marcellus leur annoncerait la décision du Sénat."
Appien, Ibérique, IX, 50 :"Tandis que Lucullus faisait route, Marcellus informa les Celtibères de la guerre prochaine, et leur rendit les otages en réponse à leur demande. Alors, il fit venir le chef de l'ambassade des Celtibères à Rome et conféra longuement avec lui en privé. Dès ce moment, on le suspecta, et cela fut fortement confirmé par la suite des événements, d'avoir cherché à les persuader de s'en remettre à lui, parce qu'il essayait par tous les moyens de terminer la guerre avant l'arrivée de Lucullus."
Polybe, Histoire générale, XXXV, 2 :"Aussitôt cet armistice conclu, les Celtibériens envoyèrent leurs ambassadeurs à Rome, et en attendant la réponse du sénat, demeurèrent tranquilles. Dans l'intervalle, Marcus fit une expédition en Lusitanie, enleva d'assaut la ville de Nercobrige et établit ses quartiers d'hiver à Corduba. Lorsque les députations furent arrivées en Italie, le sénat admit immédiatement dans la ville celles des Tittes et des Belles, qui étaient partisans de Rome, et traitant les Aravaques en ennemis, leur ordonna de demeurer au delà du Tibre, jusqu'à ce qu'on eût discuté sur leur affaire. Le moment de l'audience venu, le consul introduisit d'abord successivement les députations des alliés. Quoique Barbares, ces députés surent disposer habilement leur discours, et, avec une grande netteté, rendre compte des factions qui troublaient leur pays : ils montrèrent que si les peuplades ennemies de Rome n'étaient ramenées forcément à l'ordre et ne recevaient le châtiment qu'elles méritaient, elles ne manqueraient pas, après le départ des troupes romaines, de leur faire subir à eux-mêmes la peine de ce qu'elles appelaient leur trahison ; qu'elles exciteraient bientôt de nouveaux mouvements, pour peu que l'impunité suivît leurs premiers crimes ; que les rebelles, enfin, se posant les dignes rivaux de Rome, ramèneraient bientôt l'Ibérie entière à tenter quelque révolution. Ils demandaient donc que les légions romaines restassent en Ibérie, et que, chaque année, vint dans le pays un consul chargé de veiller sur les alliés de Rome et d'empêcher les injures des Aravaques; ou bien, dans le cas où le sénat voudrait rappeler ses troupes, il devait frapper d'un châtiment exemplaire les coupables, afin que personne n'osât dorénavant les imiter. Telles furent à peu près les paroles des Belles, des Tittes et des autres alliés de Rome. On fit ensuite entrer l'ambassade des peuplades ennemies. Les Aravaques affectèrent, dans leur langage, un ton fort humble et fort soumis; mais leurs sentiments, comme on le pouvait voir, n'étaient pas ceux d'hommes vaincus ou découragés. Ils parlèrent plus d'une fois des chances incertaines de la fortune, et revinrent sur les succès équivoques des batailles passées de manière à faire voir qu'ils en étaient sortis vainqueurs. Leur résumé fut que, s'il leur fallait subir quelque châtiment pour leur faute, ils étaient prêts à le recevoir, mais qu'ils priaient aussi le sénat, ses ordres exécutés, de les remettre sur le pied du traité signé avec Rome sous le consulat de Tibérius."
Polybe, Histoire générale, XXXV, 3 :"Le sénat, après ce discours, fit paraître devant lui les députés de Marcellus. Comme il les voyait incliner à la paix, et le consul se montrer avec eux plus favorable aux prétentions des ennemis qu'à celles des alliés, il répondit aux Aravaques et aux nations qui étaient hostiles que Marcellus leur ferait connaître, en Ibérie, les volontés de Rome. En définitive, persuadés que les alliés leur avaient fait entendre l'exacte vérité, que les Aravaques avaient des espérances fort orgueilleuses, que Marcellus craignait la guerre et rien de plus, il lui fit dire par ses députés de poursuivre les hostilités avec vigueur et d'une façon vraiment romaine. La guerre fut donc continuée. Mais comme il se défiait de Marcellus, le sénat se prépara à envoyer un autre général en Ibérie. Les consuls venaient précisément d'entrer en charge : c'étaient Aulus Posthumius et Lucius Licinius Lucullus. On se mit donc avec activité à faire des préparatifs considérables, dans l'espoir que cette expédition déciderait du sort des affaires. Le sénat pensait que ces rudes ennemis une fois vaincus, toute l'Ibérie s'empresserait de se soumettre à ses ordres, tandis que s'ils enlevaient aux rebelles l'épouvantail de la guerre, non seulement les Aravaques, mais encore les autres peuples s'enhardiraient au crime."