Les campagnes d'Octavien en Illyrie (35-33 av. J.-C.)
Bien qu'il furent vaincus à plusieurs reprises par les Romains et soumis au tribut, les Illyiens, ne respectèrent jamais les traités. Déjà, lorsque César était gouverneur des provinces de Gaule transalpine, de Gaule cisalpine et d'Illyrie, les Illyriens et les Dalmates profitèrent de la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.) pour secouer le joug (Appien, Illyrique, 12 ; 15-17). Au cours de cette période troublée, les Iapodes relancèrent les hostilités en envahissant le territoire d'Aquileia et en pillant Tergeste (été 52 av. J.-C.) (Appien, Illyrique, 18). Les timides interventions romaines ne ramenèrent pas le calme, loin de là. En effet, après l'assassinat de César, à la faveur de la succession de guerres civiles qui ensanglantaient Rome, les provinces d'Illyrie et de Dalmatie ne furent plus véritablement administrées. Dés 43 av. J.-C., les troupes de Marcus Iunius Brutus Caepio investirent la Dalmatie depuis la Macédoine, après quoi ces territoires échurent à Marc-Antoine (fin 42 av. J.-C.), qui s'en désintéressa. De fait, les Illyriens et les Dalmates regagnèrent pleinement leur autonomie et n'hésitaient plus à rançonner les voyageurs traversant ces contrées, ou à s'illustrer dans la piraterie sur la mer Adriatique. Ainsi, loin de se résumer à la seule perte de contrôle de territoires soumis ou tributaires de Rome, ces populations menaçaient directement l'Italie, aussi bien par leurs expéditions terrestres que maritimes.
À la suite du pacte de Brindes (septembre 40 av. J.-C.), la plupart des provinces occidentales échurent à Octavien et notamment les provinces de Dalmatie et de Gaule cisalpine, voisines de l'Illyrie rebelle. Cette division fut par la suite confirmée par le Pacte de Tarente (printemps 37 av. J.-C.), mais Octavien ne put toujours pas administrer correctement son domaine tant il était en difficulté pour régler la révolte sicilienne menée par Sextus Pompée (44-36 av. J.-C.). Ainsi, ce ne fut qu'après la victoire de Marcus Vipsanius Agrippa sur Sextus Pompée (35 av. J.-C.) qu'Octavien eut les mains libres pour lancer une série de campagnes en Illyrie et Dalmatie, visant à châtier les populations révoltées et d'obtenir le paiement du tribut des populations jadis vaincues par les Romains. Politiquement, Octavien espérait avant tout rassurer les Italiens qui ne lui étaient pas forcément acquis. Stratégiquement, il en profita pour discipliner ses troupes, sujettes aux mutineries, et peut-être déjà pour tenir des territoires essentiels en vue d'une éventuelle offensive vers l'Orient.
Au cours de ce conflit, Octavien dirigea trois campagnes successives qui eurent respectivement lieues en 35, 34 et 33 av. J.-C. Les sources relatives à ces guerres sont rares, et souvent peu précises. Les récits les plus détaillés proviennent de l'Illyrique d'Appien (16-28), qui tirait ses informations des commentaires laissés par Auguste lui-même, et de l'Histoire romaine de Dion Cassius (XLIX, 34-35), mais ceux-ci nécessitent d'user de quelques conjectures pour en reconstituer les grandes lignes. À ce titre, Appien reconnaissait lui-même n'avoir que des informations partielles, puisque les commentaires laissés par Auguste ne mentionnaient que les guerres qu'il avait lui-même dirigées, sans mentionner les campagnes menées en parallèle par ses généraux (Illyrique, 14-15). Aussi, les populations qui en subirent les conséquences étaient à la fois des Celtes, des populations iilyriennes celtisées ou des Illyriens. Ainsi, nous ne nous concentrerons que sur les événements qui affectèrent les populations celtiques ou celtisées de l'Illyrie, à savoir les Taurisques, Iapodes et Ségestains.
Appien, Illyrique, 13 :"Le Sénat romain a transféré cette armée, ainsi que la province de Macédoine et l'Illyrie romaine, à Brutus Caepio, a noté l'un des meurtriers de César et, dans le même temps, a assigné la Syrie à Cassius, un autre assassin. Mais eux aussi, étant impliqués dans la guerre avec [Marc] Antoine et le deuxième César, surnommé Auguste, n'ont pas le temps de s'occuper des Illyriens."
Appien, Illyrique, 14 :"Lorsque l'expédition de Cornelius contre les Pannoniens eut un effet désastreux, tous les Italiens eurent une si grande peur que, longtemps après, aucun consul n'osa oser marcher contre eux. En ce qui concerne les débuts de l'histoire des Illyriens et des Pannoniens, je n'ai rien découvert de plus, ni rien dans les Commentaires d'Auguste dans les chapitres consacrés aux Pannoniens."
Appien, Illyrique, 15 :"Je pense que d'autres tribus illyriennes que celles mentionnées ont déjà été soumises à la domination romaine, mais comment, je ne sais pas. Auguste n'a pas décrit les transactions des autres autant que les siennes, racontant comment il a ramené ceux qui s'étaient révoltés et les a de nouveau obligés à rendre hommage, comment il a subjugué des personnes indépendantes depuis le début et comment il a maîtrisé toutes les tribus qui habitent les sommets des Alpes, peuples barbares et guerriers, qui ont souvent pillé les régions voisines de l'Italie. C'est une merveille pour moi que tant de grandes armées romaines traversant les Alpes pour conquérir les Celtes et les Ibères aient dû ignorer ces tribus et que même Caius César, cet homme de guerre des plus réussis, ne les ait pas envoyés pendant dix ans. il combattait les Celtes et hivernait dans ce pays même. Mais les Romains ne semblent avoir voulu que traverser la région alpine pour résoudre le problème, et César semble avoir tardé à mettre un terme aux troubles illyriens en raison de la guerre celtique et du conflit avec Pompée. suivi de près. Il semble qu'il ait été choisi commandant de l'Illyrie ainsi que de la Celtique - non pas en totalité, mais autant qu'il était à l'époque sous la domination romaine."
Appien, Illyrique, 16 :"Quand Auguste se fut rendu maître de tout, il informa le Sénat, en contraste avec la paresse de [Marc] Antoine, il avait libéré l'Italie des tribus sauvages qui l'avaient si souvent attaquée."
Dion Cassius, Histoire romaine, XLIX, 34 :"Quant à César, comme, dans cet intervalle, Sextus était mort et que la Libye avait besoin d'être pacifiée, il se rendit en Sicile, dans l'intention de passer de là dans cette contrée ; mais, attardé par la tempête, il renonça à effectuer la traversée. En effet, les Salasses, les Taurisques, les Liburnes et les lapydes, qui, déjà auparavant, loin de se bien conduire avec les Romains, refusaient de payer les tributs, et même quelquefois portaient, par des incursions, le ravage dans le voisinage, profitèrent de son absence pour se soulever ouvertement. César, rappelé en arrière par cette révolte, fit donc ses préparatifs pour marcher contre eux ; et, quelques-uns des soldats congédiés sans gratification à la suite de leur soulèvement ayant consenti à reprendre du service, il en forma une légion à part, afin qu'isolés et réduits à eux seuls, ils ne corrompissent personne, et que, s'ils tentaient quelque mouvement, on s'en aperçût aussitôt. Comme ils n'étaient pas plus sages pour cela, il envoya un petit nombre des plus âgés dans les colonies de la Gaule, pensant donner ainsi des espérances aux autres et les apaiser. Cette mesure n'ayant pas arrêté leur audace, il en livra plusieurs au supplice ; puis, voyant le reste exaspéré par cette exécution, il les convoqua comme s'il se fût agi d'autre chose, et, après les avoir fait cerner par ses troupes, il leur enleva leurs armes et les licencia. Comprenant alors leur faiblesse et la fermeté de César, ils changèrent réellement de sentiments et obtinrent de lui, à force de prières, la permission de reprendre du service. César, en effet, qui avait besoin de soldats et craignait qu'Antoine ne se les attachât, déclara qu'il leur pardonnait, et tira bon parti d'eux en toutes circonstances. Mais cela n'eut lieu que plus tard."
Festus Historicus, Abrégé des hauts faits du peuple romain, VI :"Sous les Césars Jules et Octavien, on s'ouvrit un passage à travers les Alpes Juliennes : toutes les peuplades des Alpes furent assujetties, et les deux Noriques devinrent provinces romaines. Après la défaite de Baton, roi des Pannoniens, les Pannoniens tombèrent en notre pouvoir. Les Amantins, entre la Save et la Drave, furent écrasés par nos armes, et alors nous nous emparâmes du pays des Saves et de la basse Pannonie."