Carcaso - Nom antique de Carcassonne (Aude), qui fut l'une des villes des Volques Tectosages, puis une ville gallo-romaine de la province de Gaule transalpine, puis à c"elle de Gaule narbonnaise. Elle fut mentionnée sous la forme Carcasone par César (Guerre des Gaules, VII, 20), Carcasum Volcarum Tectosagum par Pline (Histoire naturelle, III, 36), Καρκασώ par Ptolémée (Géographie, II, 10, 9), Carcassione sur la Table de Peutinger et Castellum Carcassone dans l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem (551, 9). Les attestations épigraphiques furent quant à elles plus rares. Carcaso est mentionnée sous la forme CARC(ASONE) sur une inscription funéraire découverte à Bretzenheim (CIL 13, 7234 ; CSIR-D-02-05, 79), un quartier de Mayence (Rhénanie-Palatinat, Allemagne). Deux autres attestations épigraphiques ont longtemps été considérées comme plus hypothétiques, et ont même été considérées comme étrangères au corpus relatif à Carcaso par T. Bekker-Nielsen (2008). Un réexamen proposé par M.-T. Raepsaet-Charlier (2017) ne permet pas de trancher définitivement sur le cas de la borne miliaire de Barbaira (Aude), qui mentionnerait possiblement la C(IVITATE) I(VLIA) [K(ARCASONE)] (AE 1888, 144 ; 1907, 139), tandis que l'inscription de Rieux-Minervois (Aude) ferait bien mention de cette ville sous la forme C(OLONIAE) ou C(IVITAS) I(VLIAE) C(ARCASONIS) (CIL 12, 5371 ; ZPE-164-249). X. Delamarre (2012 ; 2019) reconnaît la racine *carca- comme celtique. Comme beaucoup de toponymes avec dérivation en nasale, *Carcassō (< *Carcassū) pourrait avoir été forgé à partir d'un théonyme, et devrait alors être traduit par "le domaine (du dieu) Carcasso(s)" (théonyme non-attesté).
Carcaso semble l'héritière de plusieurs sites protohistoriques antérieurs, dont l'oppidum de Carsac (Carcassonne), agglomération de près de 25 ha, située à 2,5 kilomètres au sud de la ville gallo-romaine. Cet oppidum fut occupé entre le IXe et le milieu du VIe s. av. J.-C., et entretenait d'évidentes relations commerciales avec la Méditerranée, comme en témoignent les tessons de céramiques étrusques, grecques et carthaginoises ou ibéro-puniques qui y furent découverts (Guilaine et al., 1986). Ce site fut abandonné dés le milieu du VIe s. av. J.-C., tandis qu'un nouvel oppidum se développa au niveau de l'actuelle ville-haute de Carcassone, une éminence dominant la vallée de l'Aude (Atax) et son franchissement par un axe de communication majeur reliant la Méditerranée à l'Océan (Rancoule, 1979 ; 2001 ; Gardel et al., 2003). Cette position hautement stratégique favorisa l'essors rapide de l'agglomération et les échanges commerciaux. Ainsi, dés le premier niveau d'occupation, en plus des tessons de céramiques indigènes, des nombreux restes d'amphores iono-massaliotes, des céramiques ioniennes, attiques et ibéro-ioniennes ont été découverts. Les céramiques d'origine italique firent quant à elles leur apparition au cours du IIIe s. av. J.-C. (Rancoule, 1979) et sont sont faites bien plus importantes aux IIe et Ier s. av. J.-C. (Rancoule, 1985), en conséquence de la prise des régions situées à l'ouest du Rhône par les Romains (entre 121 et 118 av. J.-C.) et la déduction de la colonie de Narbo Martius (118 av. J.-C.). Les travaux relatifs à la Carcassonne protohistorique ne permettent aucunement de se faire une idée de l'extension et de l'organisation interne du site (Rancoule, 2001).
Lorsque Carcaso entra véritablement dans l'histoire, au milieu du Ier s. av. J.-C., elle était déjà le centre politique d'une petite cité autonome, conservant peut-être le souvenir de l'une des peuplades constitutives des Volques Tectosages. En effet, César qualifie tout autant Tolosa (Toulouse), Narbo Martius (Narbonne) et Carcaso de ciuitates Galliae prouinciae "cités de la province de Gaule (transalpine)", lorsqu'en 56 av. J.-C., elles fournirent des renforts à Publius Licinius Crassus Dives pour mener sa campagne contre les Sotiates (Guerre des Gaules, III, 20). Dans la seconde moitié du Ier s. av. J.-C., Carcaso fut érigé au rang d'oppidum latinum (Pline, Histoire naturelle, III, 36). Les inscriptions de la borne miliaire de Barbaira et celle de Rieux-Minervois indiquent que cette cité avait pour titulature Iulia et non Iulia Augusta, ce qui amène à dater cette promotion entre 44 et 27 av. J.-C. Un cadastre propre à cette cité fut développé, oblitérant un cadastre antérieur, établi lorsque ce territoire dépendait de Narbo Martius (Narbonne) (Gayraud, 1981 ; Pérez, 1986). La chronologie de ces différents cadastres pose néanmoins problème, et ont amené M. Gayraud (1981) à envisager une promotion plus tardive que prévu de Carcaso, autour de 16-15 av. J.-C. Ce dernier point de vue ne semble pas faire l'unanimité. Toujours est-il que l'agglomération gallo-romaine dépassa rapidement des limites du site indigène, pour s'étendre vers la plaine. Son organisation interne n'est pas clairement connue.
Tout porte à penser que l'importance de Carcaso déclina progressivement et son territoire fut rattaché à celui de la colonie des Narbonenses. Selon L. Schneider (2008), il conviendrait de situer cette incorporation à la fin du Haut Empire (fin du IIe- début du IIIe s. ap. J.-C.). M.-T. Raepsaet-Charlier (2017) place quant à elle cet événement à la transition du IIIe et du IVe s. ap. J.-C., au cours du règne de Dioclétien. Ce fut néanmoins au cours du dernier quart du IVe s. ap. J.-C., lors de la phase de retrait de la ville, que celle-ci se dota d'imposantes fortifications, correspondant assez largement à l'enceinte interne de la ville-haute de Carcassonne (Colin et al., 1995 ; Gardel et al., 2003). Ainsi, en 333 ap. J.-C., cette ville ne fut plus désignée que comme Castellum Carcassone dans l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem (551, 9). Aussi, Carcaso ne fut pas mentionnée dans la liste des cités de la province de Narbonnaise première figurant dans la Notice des Gaules (début du Ve s.).
Sources littéraires anciennes
César, Guerre des Gaules, III, 20 :"Presque à la même époque, P. Crassus était arrivé dans l'Aquitaine, pays qui, à raison de son étendue et de sa population, peut être estimé, comme nous l'avons dit, le tiers de la Gaule. Songeant qu'il aurait à faire la guerre dans les mêmes lieux où, peu d'années auparavant, le lieutenant L. Valérius Préconinus avait été vaincu et tué, et d'où le proconsul Manlius avait été chassé après avoir perdu ses bagages, il crut qu'il ne pouvait déployer trop d'activité. Ayant donc pourvu aux vivres, rassemblé des auxiliaires et de la cavalerie, et fait venir en outre de Tolosa, de Carcaso et de Narbo, pays dépendants de la province romaine et voisins de l'Aquitaine, bon nombre d'hommes intrépides qu'il désigna, il mena son armée sur les terres des Sotiates."
Pline, Histoire naturelle, III, 36-37 :"Dans l'intérieur des terres, colonies : Arelate de la sixième légion, Baeterra de la septième, Arausio de la seconde ; dans le territoire des Cavares, Valentia, des Allobroges, Vienna ; villes latines : Aquae Sextia des Salluviens, Avennio des Cavares, Apta Iulia des Vulgientes, Alebaece des Reies Apollinaires, Alba des Helves, Augusta des Tricastins, Anatilia, Aeria, les Bormanni, les Comani, Cabellio, Carcasum des Volques Tectosages, Cessero, Carpentorate des Mémines, Ies Caenicenses, les Cambolectres, surnommés Atlantiques, Forum Voconii, Glanum Livii ; les Lutevans, appelés aussi Foroneronienses ; Nemausus des Arécomiques, les Piscènes, les Rutènes, les Samnagenses ; Tolosa des Tectosages, sur la frontière de l'Aquitaine ; les Tascons, les Tarusconienses, les Umbraniques ; les deux capitales de la cité des Vocontiens alliés, Vasio et Lucus Augusti ; 19 villes sans renom, de même que 24 attribuées à Nemausus."
"À Caius Pius (Esuvius) Tetricus (II), nobilissime César, prince de la jeunesse, consul (1). 11 (mille pas) jusqu'à la cité Iulia de Karcaso."
(1) Le César Gaius Pius Esuvius Tetricus (II) régna conjointement avec son père, l'empereur gaulois Gaius Pius Esuvius Tetricus (Ier) de 273 à 274 ap. J.-C. Il fut consul à partir de janvier 274 ap. J.-C., jusqu'en février ou mars de la même année (Gayraud, 1981).
Bretzenheim (Mayence) (CIL 13, 7234 ; CSIR-D-02-05, 79) C(AIVS) IVLIVS C(AI) F(ILIVS) VOL(TINIA) / CARC(ASONE) NIGER MI/LES LEG(IONIS) II ANNOR(VM) / XXXXV AER(ORVM) XVII / H(IC) S(ITVS) E(ST) / HOSPES ADES PAVCIS ET PERLE<G=C>E VER/SIBVS ACTA AETERNVM PATRIAE HIC / ERIT IPSA DOMVS HIC ERIT INCLVSVS TVMV/LO HIC IVLIVS IPSE HIC[S] CINIS E<X=T> CARO COR/PORE FACTVS ERIT CVM ME<A=R> IVCVNDE / AETAS FLOREBAT AB ANNIS ADVENIT FATIS / T<E=R>MINVS IPS<E=R> <M=A>EIS VLTIMVS IPSE <FV=IN>IT / XXXXV ANNVS CVM MIHI FATALIS VE/NIT ACERBA DI<ES=LC> HI<C=G> EGO NVNC COGOR / STY<G=C>IAS TRANSIRE PALVDES SEDIBVS AETER/NIS ME MEA FAT<A=I> TENENT ME MEMINI GAL/LIA NATVM CAROQ(VE) <P=I>ARE[NT]E ET MIL<E=I>S COLLO / FORTITER ARM[A T]VLI GALLIA CRVDELIS TRI/BVIT MIHI [FV]NV[S ET IGNEM ET] CV[L]TOS ARTVS TER/RA CINISQV(E) P[REMVNT? ...]TO GNATVS / MILES LE<G=C>(IONIS) II P[...]AT HER<E=I> / EIVS EST
"Caius Iulius Niger, fils de Caius, (de la tribu) Voltinia, de Carcaso, soldat dans la légion II (Augusta), âgé de 45 ans, 17 années de service, repose ici. - Voyageur, arrête-toi et parcours ces quelques lignes ; tu y apprendras ainsi l'histoire de ma vie. Cette demeure est devenue ma patrie pour l'éternité ; c'est dans ce tombeau que Iulius restera à jamais enfermé ; la cendre qui s'y trouve est maintenant tout ce qui reste du corps qui m'était cher. Je jouissais agréablement de la vie, lorsque le terme de ma destinée est arrivé ; ma 45e année a été la dernière de mon existence ; c'est pendant son cours que s'est levé le jour cruel qui devait m'être fatal. Me voilà maintenant forcé de traverser les marais du Styx, les destins me retiennent dans des demeures éternelles. J'aime à me souvenir de la Gaule où je suis né, et je n'oublie pas mes chers parents. Mon devoir était de porter les armes avec courage et de faire mon métier de soldat ; je l'ai accompli -. [...]tognatus, soldat dans la légion II (Augusta), […], son héritier (a érigé ce monument)."
"À Caius Cominius Bituitio, fils de Caius, (de la tribu) Voltinia, préteur de la colonie Iulia de Carcaso."
Sources
• T. Bekker-Nielsen, (2008) - "Colonia Iulia Carcaso ? The Barbaira Milestone (CIL XVII 2, 299) and the Civic Status of Carcassonne", Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, vol.164, pp.248-250
• M.-G. Colin et al., (1995) - "Carcassonne, château comtal", Bilan scientifique régional 1995, Service Régional de l'Archéologie Languedoc-Roussillon, Montpelier, pp.26-27
• X. Delamarre, (2012) - Noms de lieux celtiques de l'Europe ancienne, Errance, Paris, 384p. • X. Delamarre, (2019) - Dictionnaire des thèmes nominaux du gaulois (I. Ab- / Ixs(o)-), Les Cent Chemins, 398p. • M.-E. Gardel et al., (2003) - "Carcassonne, château comtal : essai de datation des structures d'après les sondages de 1993", Archéologie du Midi Médiéval, n°21, pp.71-105
• M. Gayraud, (1981) - Narbonne antique, des origines à la fin du IIIe siècle, Supplément 8 de la Revue Archéologique de Narbonnaise, De Broccard, Paris, 591p.
• J. Guilaine et al., (1986) - Carsac. Une agglomération protohistorique en Languedoc, Centre d'Anthropologie des Sociétés Rurales, Toulouses, 302p.
• A.-N. Pérez, (1986) - "Un cadastre romain de Narbonnaise occidentale", Revue archéologique de Narbonnaise, n°19, pp.117-132
• M.-T. Raepsaet-Charlier, (2017) - "Notes épigraphiques", L'Antiquité Classique, T.86, pp.195-242
• G. Rancoule, (1979) - "Sondages stratigraphiques à la Cité de Carcassonne (Aude)", Documents d'Archéologie Méridionale, vol.2, pp.107-118
• G. Rancoule, (1985) - "Observations sur la diffusion des importations italiques dans l'Aude aux IIe et Ier siècles avant J.-C.", Revue archéologique de Narbonnaise, n°18, pp.263-275
• G. Rancoule, (2001) - "Carcassonne, protohistoire. Les agglomérations, acquis et incertitudes", in : F. Letterlé (dir.), Carcassonne, études archéologiques, Société d'Etudes Scientifiques de l'Aude, Carcassonne, pp.37-43
• L. Schneider, (2008) - "Aux marges méditerranéennes de la Gaule mérovingienne. Les cadres politiques et ecclésiastiques de l'ancienne Narbonnaise Iere entre Antiquité et Moyen Age (Ve-IXe siècles)", in : F. Mazel, (coord.), L'espace du diocèse. Genèse d'un terrioire dans l'occident médiéval (Ve-XIIIe siècle), Presses universitaires de Rennes, pp.69-95
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique