Cnaeus Manlius Vulso et Eposognatos tentent de négocier la paix (été 189 av. J.-C.)
Après avoir pillé Synnada (Şuhut, province d'Afyonkarahisar) et ses environs, l'armée commandée par le consul Cnaeus Manlius Vulso poursuivit sa route vers la Galatie par Beudos Vetus (Yarışlı, province d'Afyonkarahisar), Anabura (Çobanlar, province d'Afyonkarahisar), les sources de l'Alandros (non-localisées) et Abbassios (non-localisée), à la frontière des Tolistobogiens (Tite-Live, Histoire romaine, XXXVIII, 15). Là, l'armée stationna et le consul harangua ses soldats afin que ceux-ci entrassent sans crainte en Galatie (Histoire romaine, XXXVIII, 17). Aussi, il dépêcha des envoyés auprès d'Eposognatos, l'unique chef galate ayant refusé d'envoyer des renforts à Antiochos III Mégas lors de la bataille de Magnésie du Sipyle (fin 190 av. J.-C.), afin que celui-ci obtienne la reddition des autres chefs Galates. Il n'attendit pas la réponse d'Eposognatos et reprit sa marche par les rives de l'Alandros (non-localisées) et Tyscon (non-localisé). Là, Cnaeus Manlius Vulso reçut une députation des Oroandiens venue lui demander la paix (1), avant de reprendre sa marche par Plitendum (non-localisé), puis les terres d'Alyattes (2).
Alors que l'armée de Cnaeus Manlius Vulso stationnait sur les terres d'Alyattes, les députés qu'il avait envoyé à Eposognatos lui revinrent. Le chef galate lui fit savoir par leur intermédiaire qu'il le conjurait à ne pas envahir le territoire des Tolistobogiens (ou les Tectosages selon Tite-Live) et lui proposait de se rendre en personne auprès des chefs Galates hostiles à Eumène II de Pergame. Le consul consentit à ses demandes, puis remit en marche son armée à travers le territoire dénommé Axylos (Polybe, Histoire générale, XXII, 20 ; Tite-Live, Histoire romaine, XXXVIII, 18). Si l'on se fie à la séduisante proposition faite par F. Robiou (1863), l'Axylos correspondrait à l'actuelle plaine de l'Haïmaneh. Ce détail est plus qu'important, puisque cela tendrait à indiquer que Cnaeus Manlius Vulso contournait alors le territoire des Tolistobogiens par le sud, très certainement en vue d'attaquer les Tectosages.
Ce fut dans cette région qu'un premier combat opposa les Galates aux troupes romaines et pergamiennes, fragilisant les négociations de paix entamées.
Notes
(1) Il s'agît d'une peuplade lycaonienne établie à l'est du lac de Beyşehir, dont le territoire semble avoir été frontalier avec celui des Tolistobogiens.
(2) Alyattes était un roi de Lydie du VIIe-VIe av. J.-C. Il s'agît là du seul témoignage du fait que son royaume ait pu s'étendre aussi loin de Sardes (Sart, province de Manisa, Turquie).
Sources littéraires anciennes
Polybe, Histoire générale, XXII, 20 :"Le consul Cnéus lui envoya une députation pour le prier d'intervenir auprès des autres rois galates. Éposognate à son tour dépêcha des députés à Cnéus, et par eux l'engagea à ne pas se mettre trop promptement en route et à ne point envahir le pays des Tolistobogiens, parce qu'il se proposait de se rendre en personne auprès des princes gaulois pour les inviter à la paix, et qu'il espérait leur persuader d'accueillir toute condition qui serait honorable."
Tite-Live, Histoire romaine, XXXVIII, 17 :"Ayant en tête un ennemi si redouté de toute la contrée, le consul convoqua ses troupes et leur parla en ces termes : Je n'ignore point, soldats, que de tous les peuples d'Asie, les Gaulois sont réputés les plus belliqueux. C'est au milieu des peuples les plus pacifiques qu'est venue s'établir cette nation farouche, après avoir couru le monde entier. Stature gigantesque, longs cheveux roux, larges boucliers, épées démesurées, chants guerriers au moment de charger l'ennemi, hurlements, trépignements terribles, cliquetis d'armes et de boucliers heurtés d'après un usage national, tout semble combiné chez eux pour inspirer la terreur. Mais laissons s'effrayer de tout cela ceux qui ne sont pas familiarisés avec ces allures barbares, les Grecs, les Cariens, les Phrygiens ; les Romains, faits à tout ce bruit, n'y voient plus qu'un vain épouvantail. Une seule fois jadis, et à une première rencontre, au bord de l'Allia, ils défirent nos ancêtres ; depuis, voilà près de deux cents ans que, comme de vrais troupeaux, ils sont égorgés et chassés par nos pères, et que les Gaulois nous fournissent plus de triomphes que le reste du monde. Notre propre expérience nous le prouve, cette première charge, si fougueuse et si bouillante, une fois soutenue, haletants, tout en sueur, leurs armes leur échappent des mains : mous de corps, l'âme sans vigueur dès que leur emportement se refroidit, le soleil, la poussière, la soif, au défaut du fer, les abattent. Ce ne sont pas seulement nos légions aux prises avec les leurs, qui nous ont appris à les connaître ; des Romains se sont mesurés corps à corps avec eux, et T. Manlius, M. Valérius, ont fait voir la supériorité de la valeur romaine sur la fougue gauloise. M. Manlius, seul contre une armée de Gaulois, les a précipités du Capitole qu'ils tentaient d'escalader. Alors c'étaient de vrais Gaulois, nés en Gaule. Aujourd'hui ce sont des Gaulois abâtardis, du sang mêlé, des Gallo-Grecs enfin, comme on les appelle ; car il en est des hommes comme des plantes et des animaux : c'est moins le germe primitif qui contribue à leur conserver leur excellence naturelle que l'influence du terrain et du climat où ils vivent qui les fait dégénérer. Les Macédoniens, qui ont fondé Alexandrie en Égypte, Séleucie et Babylone, ainsi qu'une foule de colonies par le monde entier, sont devenus des Syriens, des Parthes, des Égyptiens. Marseille, dans les Gaules, a pris du caractère de ses voisins. Les Tarentins, nés sous cette âpre et rude discipline de Sparte, qu'en ont-ils gardé ? La terre natale est un foyer de vie : tout ce qui est transplanté se transforme et dégénère. Sous ces armures gauloises, ce sont donc des Phrygiens que vous allez encore une fois égorger comme lors de la bataille contre Antiochus, des vaincus que des vainqueurs vont écraser. Si je crains une chose, c'est qu'il y ait peu de gloire à recueillir là où il y aura si peu à faire. Le roi Attale les a souvent battus, dispersés. Ce n'est que chez les bêtes nouvellement enchaînées que l'humeur sauvage des bois se fait sentir: à force de recevoir leur nourriture de la main des hommes, elles s'apprivoisent. Eh bien! ne vous y trompez pas, la barbarie, chez les hommes, s'adoucit de la même manière. Ainsi, croyez-vous que ces Gaulois sont des hommes comme leurs pères et leurs enfants ? Forcés d'émigrer par le manque de terres, ils ont longé la côte ardue de l'Illyrie, traversé la Péonie et la Thrace en combattant contre des nations belliqueuses, et sont venus s'établir ici. Endurcis, irrités par mille privations, ils ont trouvé cette contrée pour s'engourdir dans l'abondance : fertilité du sol, beauté du climat, douceur des habitants, tout cela a adouci radicalement la sauvagerie qu'ils avaient en arrivant. Par le ciel ! enfants de Mars, fuyez, fuyez au plus tôt cette perfide langueur de l'Asie ! Ces voluptés d'un autre ciel énervent les âmes ! La vie, les moeurs de ces peuplades sont contagieuses ! Ce qu'il y a d'heureux, c'est que si peu que soient pour vous les Gaulois, ils conservent encore dans l'esprit des Grecs cette réputation de vaillance qu'ils avaient en arrivant. Ainsi la victoire vous donnera aux yeux des alliés la même gloire que si c'étaient des Gaulois de la vieille trempe que vous eussiez vaincus !"
Tite-Live, Histoire romaine, XXXVIII, 18 :"Les troupes congédiées, le consul expédia des envoyés à Éposognatus, le seul des princes d'Asie qui fût resté attaché à Eumène et eût refusé des secours à Antiochus contre les Romains ; puis il se remit en marche. Le premier jour on arriva aux bords de l'Alandros, le second au bourg de Tyscon. Là des ambassadeurs oroandiens vinrent demander la paix. On exigea deux cents talents ; il demandèrent avec instance la permission d'en référer à leurs compatriotes : on y consentit. Le consul se porta ensuite sur Plitendum, puis il alla camper sur les terres des Alyattes. Ce fut là que la députation qu'il avait envoyée à Éposognatus vint le rejoindre, accompagnée d'une ambassade du prince qui conjurait les Romains de ne point attaquer les Tectosages : Il allait se rendre lui-même chez eux, disait-il ; il les déciderait à faire leur soumission. Le consul y consentit, et se remit en marche à travers la contrée appelée Axylos. Ce nom lui vient du manque absolu de bois, de ronces, de toute matière à faire du feu. La fiente de vache y remplace le bois."
• F. Robiou, (1863) - "Campagne de Manlius Vulso contre les Galates", Revue Archéologique, Nouvelle Série, vol.8, pp.313-332
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique