L'installation des Ubiens en Gaule [-39:-38 / -20:-18]
L'installation des Ubiens en Gaule (39-38 ou 20-18 av. J.-C.)
Les Ubiens furent mentionnés pour la première fois au cours de la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.). A cette occasion, César a dit d'eux qu'ils furent un peuple jadis puissant, mais qu'ils furent considérablement affaiblis par les assauts répétés des Suèves. Cette menace les incita à entrer dans l'alliance de Rome en 55 av. J.-C. (Guerre des Gaules, IV, 16).
Au cours de la seconde moitié du Ier s. ap. J.-C., la situation des Ubiens devint plus que précaire. Constamment aux prises avec les Suèves, les Ubiens étaient progressivement expulsés de leur territoire et contraints à chercher asile en Gaule. Compte-tenu de l'incontestable fidélité de ce peuple et de la nécessité des défendre les abords du Rhin contre les raids germaniques, Marcus Vipsanius Agrippa les fit transporter en Gaule (Strabon, Géographie, IV, 3, 4 ; Tacite, Annales, XII, 27 ; Germanie, XXVIII). Sur la foi du témoignage de Strabon et Tacite, les historiens contemporains débattent encore de la date de l'installation des Ubiens en Gaule :
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Lors du 1er séjour d'Agrippa en Gaule (40-37 av. J.-C.) : Certains travaux proposent de faire remonter ce transfert de l'époque où Marcus Vipsanius Agrippa intervint le long du Rhin (39-38 av. J.-C.), et notamment sur la rive droite de ce fleuve (Wells, 1972 ; Beneker, 1989).
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Lors du 2e séjour d'Agrippa en Gaule (20-18 av. J.-C.) : D'autres travaux, souvent plus récents, privilégient l'idée d'un transfert contemporain du second séjour d'Agrippa en Gaule. À cette occasion, Marcus Vipsanius Agrippa dût à nouveau intervenir le long de ce fleuve, aussi bien contre des populations révoltées, que contre la menace germanique (Roddaz, 1984 ; Galsterer, 1992 ; 1999 ; Raepsaet-Charlier, 1999).
D'après Strabon, les Ubiens vivaient jadis sur la rive droite du Rhin, face au territoire des Trévires (Géographie, IV, 3, 4). Les Ubiens ne furent pas fixés chez ces derniers, mais plus au nord, sur de vastes et prospères territoires appartenant aux Germains cisrhénans. Marcus Vipsanius Agrippa les y installa et fonda pour eux leur nouvelle métropole, l'Oppidum Ubiorum (Cologne) sur les bords du Rhin. Tacite indique que la transplantation des Ubiens visait d'une part à les récompenser pour leur fidélité, mais aussi afin qu'ils défendent les rives du Rhin (Germanie, XXVIII). L'idée était probablement qu'ils contribuent à empêcher d'éventuels raids des Suèves, mais probablement aussi d'opposer à des peuples gaulois sujets aux soulèvements (et ouverts à des alliances avec les Suèves), des alliés indéfectibles de Rome.
Sources littéraires anciennes
Tacite, Annales, XII, 27 :"Agrippine voulut aussi étaler son pouvoir aux yeux des peuples alliés. Elle obtint qu'on envoyât dans la ville des Ubiens, où elle était née, des vétérans et une colonie, à laquelle on donna son nom, Par une rencontre du hasard, c'était son aïeul Agrippa qui, à l'époque où cette nation passa le Rhin, l'avait reçue dans notre alliance."
Tacite, Germanie, XXVIII :"Quant à la rive même du Rhin ; elle est habitée par des peuples évidemment germains, les Vangions, les Triboques, les Némètes. Les Ubiens le sont aussi ; et, quoique ayant mérité d'être colonie romaine, quoique aimant à s'appeler Agrippiniens, du nom de leur fondatrice, ils ne rougissent pas de cette origine. Ils passèrent anciennement le Rhin, et, sur la preuve acquise de leur fidélité, ils furent placés au bord même du fleuve, comme défenseurs et non comme prisonniers."
Strabon, Géographie, IV, 3, 4 :"Au-dessous des Médiomatrices et des Triboques sur le Rhin, à la hauteur du pont, que les généraux romains, qui opèrent actuellement contre les Germains, viennent de jeter sur ce fleuve, habitent les Trévires. Juste vis-à-vis, sur la rive opposée, étaient établis les Ubiens, avant qu'Agrippa les eût transportés de leur plein gré de ce côté-ci du fleuve. [...] Enfin, au-dessus de la vallée même du fleuve, et tout le long de sa rive droite, habitent les Suèves, Germains aussi l'origine, mais qui surpassent de beaucoup les autres peuples de la même race par leur nombre et leur puissance militaire : ce sont les armes des Suèves, en effet, qui ont expulsé le peuple que nous avons vu tout récemment chercher asile sur la rive citérieure, et, règle générale, à mesure que les peuples placés devant eux déposent les armes et traitent avec les Romains, les Suèves ne manquent jamais de prendre violemment leur place ; comme pour faire renaître la guerre de ses cendres."
Sources
• A. Beneker, (1989) - Die Feldzüge des Tiberius und die Darstellung der unterworfenen Gebiete in der "Géographie des Ptolemaeus", Kommission bei R. Habelt, Bonn, 529p.
• H. Galsterer, (1992) - "Des Éburons aux Agrippiniens. Aspects de la romanisation en Rhénanie", Cahiers du Centre Gustave Glotz, n°3 pp.107-121
• H. Galsterer, (1999) - "Kolonisation im Rheinland", in : M. Dondin-Payre & M.-T. Raepsaet-Charlier (dir.), Cités, municipes, colonies. Les processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut Empire romain, Éditions de la Sorbonne, pp.251-269
• M.-T. Raepsaet-Charlier, (1999) - "Les institutions municipales dans les Germanies sous le Haut Empire : bilan et questions", in : M. Dondin-Payre & M.-T. Raepsaet-Charlier (dir.), Cités, municipes, colonies. Les processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut Empire romain, Éditions de la Sorbonne, pp.271-352
• J.-M. Roddaz (1984) - Marcus Agrippa, Ecole française de Rome, Rome, 774p.
• C. M. Wells, (1972) - The German Policy of Augustus : An Examination of the Archaeological Evidence, Oxford University Press, Oxford, 362p.
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique