Conuentus iuridicus Lucensis (La juridiction de Lucus)
Le conuentus iuridicus Lucensis ou conuentus Lucensis, était une division juridique de la province romaine de Tarraconaise, créée entre les règnes d'Auguste et de Claude. Ce conuentus fut rattaché à la province de Gallécie à la transition du IIIe et du IVe s., à l'occasion de la réforme administrative de Dioclétien, et y demeura jusqu'à la fin de l'Empire. Son nom provient de celui de Lucus Augusti (Lugo, province de Lugo, Espagne), qui était son centre administratif.
Localisation et peuplement
Le territoire de cette juridiction correspondait assez largement à la moitié nord de celui de la confédération pré-romaine des Gallèques, soit celui des provinces espagnoles de La Corogne, la partie occidentale de celle de Lugo, et la portion septentrionale des provinces de Portevedra et Ourense. Suivant Pline, seize peuplades relevaient de cette juridiction, où l'on recensait 160000 hommes libres (Histoire naturelle, III, 28). D'après les énumérations de Pline (Histoire naturelle, III, 28 ; IV, 111) et de Ptolémée (Géographie, II, 6), plusieurs travaux ont tenté d'identifier ces peuplades. D. Dopico Cainzos & P. Rodríguez Álvarez (1992) proposent de reconnaître les Albions, les Arrons, les Arrotrebes / Artabres, les Baedyes, les Cabarques, les Celtiques nériens, les Celtiques praestamarques, les Celtiques supertamarques, les Cilènes, les Copores, les Egivarres Namarins, les Iadoves, les Lémaves et les Seurres. E. R. Luján Martinez (2009), identifie quant à lui les peuplades suivantes : les Albions, les Arrons, les Arrotrebes / Artabres, les les Celtiques nériens, les Celtiques praestamarques, les Celtiques supertamarques, les Cilènes, les Copores, les Egivarres Namarins&, les Iadoves, les Lémaves et les Seurres.
Une oeuvre de décentralisation.
Les dimensions des provinces ibériques et leur caractère montagneux ont rendu nécessaire l'introduction d'un jalon administratif supplémentaire entre la cité et la province. En effet, l'ensemble des institutions administratives importantes telles que les sociétés de publicains, les banques, etc. était concentrée au niveau de la seule métropole de la province, ce faisant, le règlement de tout litige nécessitait un long déplacement. Ces juridictions permettaient donc de déconcentrer les institutions.
Une fois par an, à des dates fixées, chacun de ces juridictions accueillaient les assises du gouverneur ou du légat de la province. La population environnante se rendait dans le centre administratif du conventus à ces dates, pour accomplir toutes sortes d'actes juridiques, des régularisation des contrats et régler tous les litiges, notamment ceux impliquant des citoyens romains.
Ces juridictions n'étaient pas seulement un jalon supplémentaire dans la justice provinciale. Elles jouaient également un rôle dans le culte impérial et des prètres particuliers y officiaient. En outre, à l'occasion de la venue du gouverneur, la juridiction était également un jalon administratif sur un plan fiscal, ou encore la levée des troupes. En effet, plusieurs unités de l'armée romaines portaient un nom se rapprotant au conuentus iuridicus Lucensis :
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La cohorte I Lucensium, déployée dans la province de Germanie inférieure.
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La cohorte I Lucensium equitata, déployée successivement dans les provinces de Dalmatie et de Syrie.
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La cohorte II Lucensium, déployée successivement dans les provinces de Mésie, Pannonie, Mésie inférieure et Thrace.
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La cohorte III Lucensium, déployée successivement dans les provinces de Germanie inférieure et Tarraconaise.
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La cohorte IV Callaecorum Lucensium, déployée dans la province de Syrie.
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La cohorte V Callaecorum Lucensium, déployée successivement dans les provinces d'Illyrie, de Pannonie et de Pannonie inférieure.
Une des juridictions détâcheés de la province de Tarraconaise.
Les trois juridictions les plus occidentales de la province de Tarraconaise, les conuentus Asturicensis, Bracarensis et Lucensis, les plus distants de la métropole, Tarraco (Tarragone, province de Tarragone, Espagne), ont progressivement eu une autonomie grandissante. Ainsi, dés le début du IIIe s., ces territoires constituèrent l'éphémère province de Noua Hispania Citerior Antoniniana.
Ce ne fut finalement qu'à la transition du IIIe et du IVe s., à l'occasion de la réforme administrative de Dioclétien, que les juridictions Asturicensis, Bracarensis et Lucensis furent définitivement détâchées de la province de Tarraconaise, pour constituer la province de Gallécie.
Sources littéraires anciennes
Pline, Histoire naturelle, III, 18 :"L'ancienne forme de l'Hispanie citérieure, ainsi que de plusieurs provinces, a été un peu changée ; car Pompée le Grand, dans les trophées élevés par lui sur les Pyrénées, atteste que, des Alpes aux frontières de l'Hispanie ultérieure, il a soumis 870 villes. Aujourd'hui la province entière est divisée en sept juridictions : Carthago, Tarragona, Caesaraugusta, Clunia, Asturica, Lucus, Braca ; il faut y ajouter des îles, dont il sera fait mention à part."
Pline, Histoire naturelle, III, 28 :"Le ressort de Lucus comprend, outre les Celtiques et les Lemaves, 16 peuples sans illustration et portant des noms barbares, mais comptant environ 166.000 têtes libres."
Pline, Histoire naturelle, IV, 111 :"la région des Cantabres avec neuf cités ; le fleuve Sanda ; le port de Victoria des Juliobrigiens ; à 40.000 pas de ce lieu, les sources de l'Ebre, le port Blendium ; les Orgénomesques des Cantabres, avec leur port Vereasueca ; la région d'Asturum, la ville Noega ; dans une péninsule, les Paesiques ; puis, du ressort de Lucus, à partir du fleuve Navia, les Albions, les Cibarques, les Egovarres, surnommés Namariniens, les Iadoves, les Arrons, les Arrotrèbes, le promontoire Celtique ; les fleuves Florius et Nelo ; les Celtiques surnommés Nériens, et, au-dessus, les Tamariques, dans la péninsule desquels sont les trois autels Sestiens, consacrés à Auguste ; les Capores, la ville de Noela ; les Celtiques surnommés Praesamarques; les Cilènes. Parmi les îles dignes d'être nommées, Corticata et Aunios ;"
Sources
• D. Dopico Cainzos & P. Rodríguez Álvarez, (1992) - "Paleoetnografía de Gallaecia", in : M. Almagro-Gorbea & G. Ruiz Zapatero (coord), Paleoetnología de la Península Ibérica, Actas de la Reunión celebrada en la Facultad de Geografía e Historia de la Universidad Complutense, Madrid, 13-15 diciembre de 1989, Complutum, n°2-3, pp.395-398
• E. R. Luján Martinez, (2009) - "Pueblos celtas y no celtas de la Galicia Antigua : fuentes literarias frente a fuentes epigráficas", in : J. Aparicio Pérez & L. Silgo Gauche (Eds.), XXII Seminario de Estudios de Lenguas y Epigrafía Antiguas-ELEA , n°9, Real Acadèmia de Cultura Valenciana. Valencia, pp.219-250
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique