Peuplade de la province d'Hispanie tarraconnaise, elle fut située dans la juridiction de Lucus, sans plus de précision (Histoire naturelle, III, 28). Il y a un très large consensus pour situer leur territoire au niveau de celui du comarque de Terra de Lemos, dont le nom serait issu. D'après Ptolémée, la principale ville des Lémaves était Δακτόνιον / Dactonium (Géographie, II, 6, 25), ville que les plaquettes de Cangas de Onís et la toponymie permettent de situer selon certains à San Vicente de Castillón (Pantón, province de Lugo, Espagne) et selon d'autres non-loin de là à Monforte de Lemos (province de Lugo, Espagne). Quelques travaux laissent entendre que les deux sites ont pu être successivement la capitale de ce territoire, à l'époque romaine pour le premier, puis à l'époque médiévale pour le second (Arias Vilas, 1992 ; Pérez Losada, 2002).
Attestations et étymologie
Les Lémaves furent mentionnés sous la forme Lemauos par Pline (Histoire naturelle, III, 28) et Λεμαύων par Ptolémée (Géographie, II, 6, 25). Ils sont également indirectement attestés à travers le nom de la cohorte I Lemavorum et celui de l'aile I Lemavorum. Enfin, cet ethnonyme se retrouve très certainement dans celui du comarque de Terra de Lemos. J. Untermann (1992) explique cet ethnonyme en ayant recours à une hypothétique racine indo-européenne *lem- / lim- / lym-, faisant référence à un élément du paysage, tel une lagune, une zone marécageuse ou une rivière. X. Delamarre (2023) ne mentionne pas cet ethnonyme, mais relève une racine celtique lemo- (< lēmo-), rencontrée dans plusieurs hydronymes, qui proviendrait effectivement d'une racine indo-européenne *leim- / lim-, signifiant "boueux / humide". Suivant cette hypothèse, on peut donc conjecturer un nom construit à partir d'un hydronyme ou du nom d'une zone marécageuse appelée *Lema, ce qui amènerait à faire des Lémaves "ceux de la Lema". Selon A. Falileyev et al. (2010), ce nom serait à rapprocher de la racine celtique *lemo- / limo- qui signifie "orme", associé à une dérivation en *-auo-, et propose de traduire cet ethnonyme par "le peuple de l'orme".
Histoire
● Protohistoire
Le texte de Pline distingue les Celtiques des Lémaves, ce qui a conduit notamment G. Vázquez Rodríguez (1990) à considérer qu'il fallait y voir une distinction entre des populations celtiques et des populations autochtones, supposées pré-indo-européennes et héritières des communautés de la fin de l'âge du Bronze. M. Delgado Borrajo & M. Grande Rodríguez (2008) considèrent que cette interprétation est plus que discutable. Quelle que fut l'origine lointaine de la culture des Castros (IXe-Ier s. av. J.-C.), il n'y a pas de différence culturelle notable observée en son sein. Tout porte donc à penser que les différences entre autochtones et arrivants plus récents étaient estompées de longue date. En outre, ils font appel à l'étude anthroponymique menée par M. L. Albertos Firmat (1977), à partir des inscription antiques provenant de Terra de Lemos, qui démontrait une indéniable appartenance aux langues indo-européennes, et une certaine affinité avec la langue lusitanienne.
La localisation de la capitale protohistorique de ce peuple continue à faire débat, et récemment, la découverte des vestiges d'un castro au niveau du monastère de San Vicente del Pino à Monforte de Lemos l'a relancé, bien que les datations soient relativement tardives (Ier s. av.-IIe ap. J.-C.) (Delgado Borrajo & Grande Rodríguez, 2008). Il est nettement plus probable que la principale ville de ce peuple ait été l'un des cent autres castros identifiés au niveau de la Terra de Lemos,
Quelle que fut la capitale protohistorique des Lémaves, celle-ci semble avoir été transférée au niveau de l'actuelle San Vicente de Castillón au début de l'époque romaine, où les vestiges d'un important vicus, construit selon des normes typiquement romaines, ont été identifiés.. Celui-ci fut occupé entre le Ier et la Ve s. ap. J.-C. (Arias Vilas, 1992 ; Pérez Losada, 2002).
La portion de la province d'Hispanie citérieure à laquelle appartenait le territoire des Lémaves fut intégré à la juridiction de Lucus, à une époque comprise entre le règne d'Auguste et celui de Claude.
Dés le début du Ier s. ap. J.-C., de nombreux soldats auxiliaires furent recrutés dans la juridiction de Lucus, pour consituer les différentes cohortes dénommées Lucensium ou Callaecorum Lucensium. Pour une raison inconnue, les Lémaves constituèrent des unités spécifiques. Ainsi, on connaît une cohorte I Lemavorum, qui fut déployée en Maurétanie tingitane, et une aile I Lemavorum, dont le terrain d'exercice n'est pas déterminé.
● Le Bas-Empire
Au début du IIIe s. ap. J.-C., les juridictions les plus occidentales de la province de Tarraconnaise, dont la juridiction de Lucus, furent détachées pour constituer l'éphémère province de Noua Hispania Citerior Antoniniana. Ce ne fut finalement qu'à la transition du IIIe et du IVe s., à l'occasion de la réforme administrative de Dioclétien, que ces juridictions furent définitivement détâchées de la province de Tarraconaise, pour constituer la province de Gallécie.
Sources littéraires anciennes
Pline, Histoire naturelle, III, 28 :"Le ressort de Lucus comprend, outre les Celtiques et les Lemaves, 16 peuples sans illustration et portant des noms barbares, mais comptant environ 166.000 têtes libres."