La Table claudienne est une plaque de bronze sur laquelle est conservé un discours de l'empereur Claude, prononcé au Sénat de Rome, en 48 ap. J.-C. Dans ce discours, l'empereur plaidait pour que les notables de Gaule chevelue puissent accéder aux magistratures romaines. L'idée que les Gaulois puissent en bénéficier et ainsi entrer au Sénat romain se heurtait à de très nombreuses réticences, que l'empereur cherchait, par son discours, à dissiper (Cf. fiche relative à l'entrée de notables gaulois au Sénat romain). Les Gaulois obtinrent finalement satisfaction et firent graver cette plaque, en témoignage de leur reconnaissance envers l'empereur Claude, et l'exposèrent dans le Sanctuaire fédéral des Trois Gaules.
La Table claudienne a été découverte en 1528 par Roland Gribaux, drapier et bourgeois de la ville de Lyon, à l'occasion de travaux d'épierrement de sa vigne située sur les pentes de la Croix-Rousse. C'est justement sur ces mêmes pentes que se trouvait le Sanctuaire fédéral des Trois Gaules. Un antiquaire lyonnais, Claude de Bellièvre, reconnut immédiatement le texte figurant sur la plaque de bronze comme un discours de l'empereur Claude et la fit acquérir par la ville, en mars 1529. Le document en lui-même est constitué par deux fragments d'une plaque de bronze, mesurant 193 cm de large et 139 cm de haut. Le document originel était plus grand, les fragments découverts ne correspondent qu'à la base de celui-ci. Ses dimensions initiales étaient de l'ordre de 193 cm de large pour 250 cm de haut. Le texte de la Table claudienne est donc largement lacunaire.
Les deux fragments de la Table claudienne sont aujourd'hui conservés au musée gallo-romain de Lyon (LUGDUNUM - Musée & Théâtres romains).
...]/MAE RERVM NO[3]M SIT V[3] / EQVIDEM PRIMAM OMNIVM ILLAM COGITATIONEM HOMINVM QVAM / MAXIME PRIMAM OCCVRSVRAM MIHI PROVIDEO DEPRECOR NE / QVASI NOVAM ISTAM REM INTRODVCI EXHORRESCATIS SED ILLA / POTIVS COGITETIS QVAM MVLTA IN HAC CIVITATE NOVATA SINT ET / QVIDEM STATIM AB ORIGINE VRBIS NOSTRAE IN QVO<T=D> FORMAS / STATVSQVE RES P(VBLICA) NOSTRA DIDVCTA SIT /
[...] soit utile à notre intérêt général [...] Pour moi, la première de toutes, cette considération que, tout à fait la première, je prévois qu'on m'opposera, je vous prie de l'écarter, de n'appréhender point comme une nouveauté l'introduction de la chose dont il s'agit, mais de considérer plutôt ceci, combien nombreuses dans cette cité furent les innovations, et dès l'origine même de notre ville, par combien de formes et d'états notre république passa successivement.
QVONDAM REGES HANC TENVERE VRBEM NEC TAMEN DOMESTICIS SVCCES/SORIBVS EAM TRADERE CONTIGIT SVPERVENERE ALIENI ET QVIDAM EXTER/NI VT NVMA ROMVLO SVCCESSERIT EX SABINIS VENIENS VICINVS QVI/DEM SED TVNC EXTERNVS VT ANCO MARCIO PRISCVS TARQVINIVS [IS] / PROPTER TEMERATVM SANGVINEM QVOD PATRE DEMARATHO C[O]/RINTHIO NATVS ERAT ET TARQVINIENSI MATRE GENEROSA SED INOPI / VT QVAE TALI MARITO NECESSE HABVERIT SVCCVMBERE CVM DOMI RE/PELLERETVR A GERENDIS HONORIBVS POSTQVAM ROMAM MIGRAVIT / REGNVM ADEPTVS EST HVIC QVOQVE ET FILIO NEPOTIVE EIVS NAM ET / HOC INTER AVCTORES DISCREPAT INSERTVS SERVIVS TVLLIVS SI NOSTROS / SEQVIMVR CAPTIVA NATVS OCRESIA SI TVSCOS CAELI QVONDAM VI/VENNAE SODALIS FIDELISSIMVS OMNISQVE EIVS CASVS COMES POST/QVAM VARIA FORTVNA EXACTVS CVM OMNIBVS RELIQVIS CAELIANI / EXERCITVS ETRVRIA EXCESSIT MONTEM CAELIVM OCCVPAVIT ET A DVCE SVO / CAELIO ITA APPELLITATVS MVTATOQVE NOMINE NAM TVSCE MASTARNA / EI NOMEN ERAT ITA APPELLATVS EST VT DIXI ET REGNVM SVMMA CVM REI / P(VBLICAE) VTILITATE OPTINVIT DEINDE POSTQVAM TARQVINI SVPERBI MORES IN/VISI CIVITATI NOSTRAE ESSE COEPERVNT QVA IPSIVS QVA FILIORVM EI[VS] / NEMPE PERTAESVM EST MENTES REGNI ET AD CONSVLES ANNVOS MAGIS/TRATVS ADMINISTRATIO REI P(VBLICAE) TRANSLATA EST /
Jadis des rois possédèrent cette ville, et cependant il ne leur fut pas donné de la transmettre à des successeurs de leur maison. Ceux qui survinrent à leur place étaient d'une autre famille, et certains d'un autre pays, de sorte qu'à Romulus succéda Numa, venant de chez les Sabins, un voisin sans doute, mais alors d'un autre pays ; de même à Ancus Marcius, Tarquin l'Ancien. Celui-ci, comme par l'impureté de son sang vu qu'il avait pour père le Corinthien Démarathus et pour mère une femme de Tarquinies, noble, mais pauvre, puisqu'elle fut obligée de subir un tel mari -, il était exclu chez lui de la gestion des honneurs, après qu'il eut émigré à Rome, y obtint la royauté. Entre lui aussi et son fils ou petit-fils, car sur ce point encore les auteurs sont en désaccord, s'intercala Servius Tullius, si nous suivons les nôtres, né de la captive Ocrésia. Si nous suivons les Toscans, jadis camarade très fidèle de Caelius Vivenna et compagnon de toute son aventure, après que, chassé par les vicissitudes de la fortune, avec tous les débris de l'armée de Caelius il eut quitté l'Étrurie, il occupa le mont Caelius, et de son chef Caelius il l'appela ainsi ; et ayant changé de nom, car en Toscan il avait nom Mastarna, il fut appelé comme je l'ai dit, et il exerça la royauté pour le plus grand bien de la république. Ensuite, après que le caractère de Tarquin le Superbe devint odieux à notre cité, tant le sien que celui de ses fils, apparemment les esprits se dégoûtèrent de la royauté, et à des consuls, magistrats annuels, le gouvernement de la République fut transféré.
QVID NVNC COMMEMOREM DICTATVRAE HOC IPSO CONSVLARI IMPE/RIVM VALENTIVS REPERTVM APVD MAIORES NOSTROS QVO IN A[S]/PERIORIBVS BELLIS AVT IN CIVILI MOTV DIFFICILIORE VTERENTV[R] / AVT IN AVXILIVM PLEBIS CREATOS TRIBVNOS PLEBEI QVID A CONSV/LIBVS AD DECEMVIROS TRANSLATVM IMPERIVM SOLVTOQVE POSTEA / DECEMVIRALI REGNO AD CONSVLES RVSVS REDITVM QVID IN [PL]V/RIS DISTRIBVTVM CONSVLARE IMPERIVM TRIBVNOSQVE MIL[ITV]M / CONSVLARI IMPERIO APPELLATOS QVI SENI ET SAEPE OCTONI CREAREN/TVR QVID COMMVNICATOS POSTREMO CVM PLEBE HONORES NON IMPERI(I) / SOLVM SED SACERDOTIORVM QVOQVE IAM SI NARREM BELLA A QVIBVS / COEPERINT MAIORES NOSTRI ET QVO PROCESSERIMVS VEREOR NE NIMIO / INSOLENTIOR ESSE VIDEAR ET QVAESISSE IACTATIONEM GLORIAE PRO/LATI IMPERI VLTRA OCEANVM SED ILLOC POTIVS REVERTAR CIVITATEM / [...
Pourquoi maintenant rappellerais-je le pouvoir de la dictature, plus puissant que ce pouvoir consulaire lui-même, imaginé chez nos ancêtres afin d'en user dans les guerres plus dures ou les troubles civils plus difficiles ? ou bien les tribuns de la plèbe, créés pour venir en aide à cette plèbe ? Pourquoi, le pouvoir transféré des consuls aux décemvirs, et plus tard, la royauté décemvirale abolie, de nouveau le retour aux consuls ? Pourquoi, le pouvoir consulaire distribué entre plusieurs magistrats, qui, appelés tribuns des soldats à pouvoir consulaire, étaient créés par sixaines et souvent par huitaines ? Pourquoi, la participation finale de la plèbe aux honneurs, non du pouvoir seulement, mais des sacerdoces aussi ? A présent, si je racontais les guerres par lesquelles ont commencé nos ancêtres, et jusqu'à quel point nous avons progressé, je semblerais, je le crains, être orgueilleux plus qu'à l'excès et avoir cherché l'occasion d'étaler la gloire d'une extension de l'Empire par delà l'Océan. Mais plutôt je reviendrai à mon propos. La cité [...]
... P]OTEST SANE / NOVO M[ORE] ET DIVVS AVG[VSTVS AV]<V=O>NC[VLVS] MEVS ET PATRVVS TI(BERIVS) / CAESAR OMNEM FLOREM VBIQVE COLONIARVM AC MVNICIPIORVM BO/NORVM SCILICET VIRORVM ET LOCVPLETIVM IN HAC CVRIA ESSE VOLVIT / QVID ERGO NON ITALICVS SENATOR PROVINCIALI POTIOR EST IAM / VOBIS CVM HANC PARTEM CENSVRAE MEAE ADPROBARE COEPERO QVID / DE EA RE SENTIAM REBVS OSTENDAM SED NE PROVINCIALES QVIDEM / SI MODO ORNARE CVRIAM POTERINT REICIENDOS PVTO /
[...] Assurément c'était un usage nouveau, quand et mon grand oncle maternel, le Divin Auguste, et mon oncle paternel, Tibère César, voulurent que toute la fleur des colonies et des municipes, où que ces villes fussent situées, c'est-à-dire la fleur de leurs hommes honnêtes et riches, fût dans cette curie. Quoi donc ? un Italien, comme sénateur, n'est-il pas préférable à un provincial ? Bientôt, lorsque j'en serai à vous faire approuver cette partie de ma censure, mon opinion à ce sujet, je la montrerai par des faits. Mais, les provinciaux eux-mêmes, pourvu qu'ils puissent honorer la curie, je ne pense pas qu'il faille les rejeter.
ORNATISSIMA ECCE COLONIA VALENTISSIMAQVE VIENNENSIVM QVAM / LONGO IAM TEMPORE SENATORES HVIC CVRIAE CONFERT EX QVA COLO/NIA INTER PAVCOS EQVESTRIS ORDINIS ORNAMENTVM L(VCIVM) VESTINVM FA/MILIARISSIME DILIGO ET HODIEQVE IN REBVS MEIS DETINEO CVIVS LIBE/RI FRVANTVR QVAESO PRIMO SACERDOTIORVM GRADV POSTMODO CVM / ANNIS PROMOTVRI DIGNITATIS SVAE INCREMENTA VT DIRVM NOMEN LA/TRONIS TACEAM ET ODI ILLVD PALAESTRICVM PRODIGIVM QVOD ANTE IN DO/MVM CONSVLATVM INTVLIT QVAM COLONIA SVA SOLIDVM CIVITATIS ROMA/NAE BENIFICIVM CONSECVTA EST IDEM DE FRATRE EIVS POSSVM DICERE / MISERABILI QVIDEM INDIGNISSIMOQVE HOC CASV VT VOBIS VTILIS / SENATOR ESSE NON POSSIT /
Voici la très honorable et très puissante colonie des Viennois : combien longtemps il y a déjà qu'elle fournit des sénateurs à cette curie ! De cette colonie est Lucius Vestinus, qui honore, comme peu d'autres le font, l'ordre équestre ; je l'aime d'une affection très intime et le tiens employé aujourd'hui même au soin de mes affaires. Que ses enfants, je vous en prie, jouissent du premier degré des sacerdoces, afin que plus tard, avec les années, ils avancent l'accroissement de leur dignité. Je veux taire le nom sinistre du brigand, et je le hais, ce prodige de palestre, qui apporta le consulat dans sa maison, avant que sa colonie n'eût acquis le bénéfice intégral de la cité romaine. Autant puis-je en dire de son frère, qui est à plaindre certes et ne méritait nullement ce malheur, de ne pouvoir vous être utile comme sénateur.
TEMPVS EST IAM TI(BERI) CAESAR GERMANICE DETEGERE TE PATRIBVS CONSCRIPTIS / QVO TENDAT ORATIO TVA IAM ENIM AD EXTREMOS FINES GALLIAE NAR/BONENSIS VENISTI / TOT ECCE INSIGNES IVVENES QVOT INTVEOR NON MAGIS SVNT PAENITENDI / SENATORES QVAM PAENITET PERSICVM NOBILISSIMVM VIRVM AMI/CVM MEVM INTER IMAGINES MAIORVM SVORVM ALLOBROGICI NO/MEN LEGERE QVODSI HAEC ITA ESSE CONSENTITIS QVID VLTRA DESIDERA/TIS QVAM VT VOBIS DIGITO DEMONSTREM SOLVM IPSVM VLTRA FINES / PROVINCIAE NARBONENSIS IAM VOBIS SENATORES MITTERE QVANDO / EX LVGVDVNO HABERE NOS NOSTRI ORDINIS VIROS NON PAENITET / TIMIDE QVIDEM P(ATRES) C(ONSCRIPTI) EGRESSVS ADSVETOS FAMILIARESQVE VOBIS PRO/VINCIARVM TERMINOS SVM SED DESTRICTE IAM COMATAE GALLIAE / CAVSA AGENDA EST IN QVA SI QVIS HOC INTVETVR QVOD BELLO PER DE/CEM ANNOS EXERCVERVNT DIV<V=O>M IVLIVM IDEM OPPONAT CENTVM / ANNORVM IMMOBILEM FIDEM OBSEQVIVMQVE MVLTIS TREPIDIS RE/BVS NOSTRIS PLVS QVAM EXPERTVM ILLI PATRI MEO DRVSO GERMANIAM / SVBIGENTI TVTAM QVIETE SVA SECVRAMQVE A TERGO PACEM PRAES/TITERVNT ET QVIDEM CVM AD CENSVS NOVO TVM OPERE ET INADSVE/TO GALLIS AD BELLVM AVOCATVS ESSET QVOD OPVS QVAM AR/DVVM SIT NOBIS NVNC CVM MAXIME QVAMVIS NIHIL VLTRA QVAM / VT PVBLICE NOTAE SINT FACVLTATES NOSTRAE EXQVIRATVR NIMIS / MAGNO EXPERIMENTO COGNOSCIMVS
Il est temps maintenant, Tibère César Germanicus, que tu découvres aux pères conscrits quel est le but de ton discours ; car tu es maintenant parvenu aux extrêmes confins de la Gaule narbonnaise. Tous ces distingués jeunes hommes que voici devant mes yeux, nous n'avons pas plus à regretter qu'ils soient sénateurs que nous ne regrettons que mon ami Persicus, de très ancienne noblesse, lise parmi ses portraits d'ancêtres le nom d'Allobrogicus. Et si vous êtes d'accord avec moi qu'il en est ainsi, que désirez-vous en outre, sinon que je vous montre du doigt que le sol lui-même au delà des confins de la province Narbonnaise vous envoie déjà des sénateurs, puisque de Lugdunum nous ne regrettons pas d'avoir des hommes de notre ordre. Timidement certes, pères conscrits, j'ai dépassé les bornes provinciales qui vous sont accoutumées et familières ; mais ouvertement, à présent, il faut plaider la cause de la Gaule chevelue. Si l'on y envisage ceci, que, par la guerre, pendant dix ans, ils ont donné du mal au Dieu Julius, qu'on mette aussi par contre en balance une fidélité immuable de cent ans et une obéissance plus qu'éprouvée dans maintes conjonctures critiques pour nous. Grâce à eux, mon père Drusus soumettant la Germanie eut derrière lui, garantie par leur calme, la sécurité de la paix ; et cela, bien que du recensement, opération nouvelle alors et insolite pour les Gaulois, cette guerre l'eût obligé à se détourner. Une telle opération, combien elle est ardue pour nous, tout juste maintenant, quoique l'enquête n'ait d'autre objet que la constatation officielle de nos ressources, à l'épreuve nous l'apprenons trop bien.
Sources
• Fabia P., (1929) - La table Claudienne de Lyon, imprimerie M. Audin, Lyon, 168p.
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique