Nom donné par quelques auteurs latins aux territoires gaulois transalpins situés au nord de la Prouincia, la province romaine de Gallia Transalpina (la future Gallia Narbonensis). On connaît un certain nombre d'occurrences de cette dénomination dans les sources antiques (1). A l'exception des mentions très tardives faites dans la Table de Peutinger et la Cosmographie du pseudo-Aethicus Ister, toutes font systématiquement référence à la portion de la Gaule ultérieure conquise par Rome au cours de la Guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.), ou postérieures de peu à la conquête. Cette localisation est corroborée par Pomponius Mela (Description de la Terre, III, 15) et Pline (Histoire naturelle, IV, 105) qui précisent que cette région était subdivisée en trois domaines : Gallia Belgica / Belgica (la Gaule belgique), Gallia Celtica / Celtica (la Gaule celtique) et Gallia Aquitania / Aquitania (la Gaule aquitaine), c'est à dire les domaines reconnus par César au sein de la Gaule indépendante (César, Guerre des Gaules, I, 1). César lui-même n'a jamais employé le nom Gallia Comata, mais utilisait le plus souvent le nom de Gallia pour désigner la Gaule indépendante et ceux de Prouincia / Gallia prouincia / ou Prouincia nostra pour désigner la province romaine de Gaule. Il réunissait ces deux territoires sous le nom de Gallia Ulterior, expression qui ne semble avoir eu pour lui aucune dimension administrative. La notion de Gallia Comata ne fut utilisée qu'après la conquête. La plus ancienne attestation remonte au gouvernement de ce territoire par Lucius Munatius Plancus, en 43 av. J.-C. (Cicéron, Philippiques : Huitième philippique, IX ; Nicolas de Damas, Vie d'Auguste, 28). Son emploi se poursuivit par la suite, même après la réorganisation de la province Gaule transalpine par Auguste (27 av. J.-C.), pour distinguer au sein de la Gallia Transalpina les territoires nouvellement conquis, de ceux l'ayant été entre 125 et 118 av. J.-C.. Cette dénomination se maintint jusqu'au milieu du Ier s. ap. J.-C. comme en témoignent les inscriptions de Bracciano (CIL 11, 7553 ; AE 1889, 100 ; 1890, 94), de Castelvecchio Subequo (AE 1988, 451 ; 1990, 233) et la Table claudienne (CIL 13, 01668). Elle fut par la suite remplacée par la notion très équivalente de Tres Galliae, les "Trois Gaules".
Le terme comāta est latin. Il est composé de coma "cheveux" / "toison", associé au suffixe adjectival féminin -ata ; l'ensemble signifie "chevelue". Bien qu'aucun de ces auteurs n'ait expliqué l'origine de cette expression, il semble évident qu'elle se réfère aux cheveux des Gaulois, ou plus exactement à leurs cheveux plus longs que ceux des Romains. A partir du XIXe s., sous l'impulsion du courant romantique, une interprétation alternative a été proposée, tentant de faire de l'adjectif "chevelu" une métaphore transcrivant le caractère supposément forestier de la Gaule pré-romaine. L'archéologie a mis à mal l'image d'Épinal, en démontrant que les territoires gaulois n'étaient pas constitués d'immenses forêts impénétrables et que les Gaulois n'étaient pas des peuples forestiers vivant dans des cabanes disposées au sein de rares clairières. La première explication doit évidemment être privilégiée, mais une nuance doit y être apportée. La dénomination de Gallia comata la "Gaule chevelue", avait certainement une connotation péjorative, renvoyant les Gaulois vaincus au rang de "barbares" (lesquels étaient souvent décrits comme chevelus). Lucain (Pharsale, I, 441-446) l'exprime clairement en opposant le "Ligure, maintenant rasé", donc ayant cédé à la mode des Romains, à la "Gaule chevelue" ayant conservé des moeurs barbares.
Catulle, Poésie, XXIX. Contre César :"Quel est l'homme, s'il n'est un impudique, un goinfre et un pipeur, qui peut voir, qui peut souffrir qu'un Mamurra possède tous les trésors de la Gaule Chevelue et de la Bretagne où finit la terre ?"
Cicéron, Philippiques : Huitième philippique, IX :"Cependant il ne nous accable pas trop de ses demandes; il veut bien nous remettre quelque chose, se relâcher un peu de ses prétentions : " J'abandonne la Gaule togata, et je demande la chevelue ". Sans doute, il aime mieux vivre en paix, " avec six légions ", ajoute-t-il, " complétées de l'armée de Brutus ", et non simplement de ses propres levées."
Eusèbe de Césarée, Chroniques, II :"Olymp. 181, 1, an de R. 696. M. Callidius devient célèbre comme orateur; plus tard, dans la guerre civile, ayant embrassé le parti de Caesar, tandis qu'il gouvernait la Gallia togata, il mourut à Placentia."
Lucain, Pharsale, I, 441-446 :"Toi aussi, tu t'es réjoui que les combats aient changé de théatre, Trévire et toi, Ligure, maintenant rasé, gracieux jadis avec tes cheveux flottant sur la nuque et préféré à toute la Gaule chevelue, et ceux qui apaisent par un sang horrible le féroce Teutatès, le hideux Esus dans ses sauvages sanctuaires, Taranis aux autels non moins cruels que ceux de la Diane de Tauride."
Nicolas de Damas, Vie d'Auguste, 28 :"Ainsi Lépide ayant détaché une partie considérable de l'armée de César, prétendait aussi à la domination. Il était maître de l'Espagne citérieure et de la partie de la Celtique qui regarde la mer du Nord. D'un autre côté, Lucius Plancus, nommé lui-même consul, occupait avec une autre armée le pays des Comates. C. Asinius, autre chef d'armée, tenait sous ses ordres l'Ibérie ultérieure. Decimus Brutus commandait la Gaule cisalpine avec deux légions ; Antoine allait bientôt marcher contre lui. Caïus Brutus enfin couvait de l'oeil la Macédoine, quoiqu'il n'eût pas encore quitté l'Italie pour se rendre dans cette province, tandis que Cassius Longin, qui était préteur en Illyrie, convoitait la Syrie."
Pline, Histoire naturelle, IV, 105 :"Toute la Gaule désignée sous le nom général de Chevelue est divisée entre trois peuples séparés surtout par des fleuves la Belgique, de l'Escaut à la Seine; de la Seine à la Garonne, la Celtique ou Lyonnaise ; de la Garonne à la chaîne des Pyrénées, l'Aquitaine, appelée auparavant Arémorique."
Pomponius Mela, Description de la Terre, III, 15 :"Tout ce pays prend le nom de Gaule chevelue. Quant aux peuples qui l'habitent, ils sont connus sous trois grandes dénominations, et sont séparés entre eux par des fleuves considérables. Du Pyrénée à la Garonne, ce sont les Aquitains ; de la Garonne à la Seine, les Celtes ; de la Seine au Rhin, les Belges."
Suétone, Vies des douze Césars : Vie de César, XXII :"Il reçut d'abord la Gaule cisalpine avec l'Illyrie, en vertu de la loi Vatinia, et ensuite la Gaule chevelue, par un vote des sénateurs, qui craignaient, s'ils la lui refusaient, que le peuple ne la lui donne également."
Inscription de Castelvecchio Subequo (AE 1988, 451 ; 1990, 233) ] IIDIAI[...] HELVORVM CIVITA[TES ...] EX GALLIA COMA[TA ...]
"[...] de la cité des Helviens, en Gaule chevelue."
Inscription de Bracciano (CIL 11, 7553 ; AE 1889, 100 ; 1890, 94) CN(AEO) PVLLIO [...] POLLIONI FETI[ALI XVIR(O)] STLIT(IBVS) IUD(ICANDIS) EX S(ENATVS) C(ONSVLTO) TR(IBVNO) PL(EBIS) PR(AETORI) AD [AERAR(IVM)] PROCO(N)S(VLI) [PR]OVINCIAE NARB[ON(ENSIS) COMITI IMP(ERATORIS) CAES(ARIS)] AVGVS[TI I]N GALLIA COMAT[A ITEMQUE(?)] IN AQVI[T]ANI[CA] ATHENA[S ...] AVGVST(O) LEGATVS IN [...] IIVIR(O) QVINQVENNA[LI EX PRAEF(ECTVRA)] CLAVDI[ENSES PATRONO(?)]
"A Cnaeus Pullius Pollio, fétial, decemvir stlitibus iudicandis par décret du Sénat, tribun de la plèbe, préteur au trésor public, proconsul de la province de Narbonnaise, comitus Imperatoris de César Auguste en Gaule chevelue et pareillement en Aquitaine, […] à Athènes, légat d'Auguste en […], duumvir quiquennal à la préfecture des Claudienses. (Les Claudienses) à leur patron."