Antipolis / Ἀντίπολις - Poste massaliote, puis métropole d'une petite cité gallo-romaine, le nom d'Antipolis est grec, il s'explique par αντι-, qui signifie "opposé" et -πολις, "ville". Ce toponyme signifiait littéralement "la ville opposée", "la ville d'en face". Il s'agît de l'actuelle Antibes (Alpes-Maritimes).
Cette place a été édifiée pour combattre les pilleurs celto-ligures et garantir la sécurité des commerçants massaliotes. Antipolis fut d'ailleurs assiégée à plusieurs reprises au IIe s. av. J.-C. par les peuplades voisines.
L'emplacement de la ville antique doit correspondre à la vieille ville d'Antibes, où des vestiges épars ont été mis à jour. On notera néanmoins la découverte dans les années 1960 d'un sanctuaire grec de plein air, daté du IIe s. av. J.-C. à l'époque augustéenne, au niveau de l'actuel parc de Vaugrenier sur la commune voisine de Villeneuve-Loubet.
Dépendante de Massalia, Antipolis eu à subir les conséquences de la défaite des Massaliotes face à César. Un décret rendu contre les Massaliotes, a en effet, affranchi Antipolis de la juridiction de Massalia (Strabon, Géographie, IV, 1, 9), conséquences du ralliement de la cité phocéenne au camps de Pompée (49 av. J.-C.).
Devenue indépendante, Antipolis reçu le droit de battre monnaie. De nombreuses monnaies portant l'inscription ΑΝΤΙ ΛΕΠ. ont été découvertes. Cette dernière inscription est de loin la plus riche en information. ΑΝΤΙ ΛΕΠ est souvent considérée comme l'abréviation de ΑΝΤΙ(ΠΟΛΕΩC) ΛΕΠ(ΙΔΟΥ) et indiquerait que Marcus Aemilius Lepidus, gouverneur de Gaule Narbonnaise entre 44 et 43 av. J.-C. aurait élevé le comptoir massaliote au rang de colonie. D'après un passage de l'Histoire naturelle de Pline (III, 34-35) et de la Géographie de Strabon (IV, 1, 9), Antipolis serait devenue une colonie latine ou colonie de droit latin, disposant donc de droits civiques inférieurs à ceux des habitants d'une colonie romaine. Il semble que le territoire des Déciates a été rattaché à celui de la colonie d'Antipolis lors de la fondation de celle-ci.
Pline, Histoire naturelle, III, 34-35 :"le promontoire Zao, le port Citharista ; la région des Camatulliques, puis les Sueltères ; et au-dessus les Verrucins ; sur la côte elle-même, Athénopolis des Marseillais ; une colonie de la huitième légion, Forum Julii, ou Pacensis, ou Classica ; il y passe un fleuve appelé Argenté ; la région des Oxubiens et des Ligaunes, au-dessus desquels sont les Suètres, les Quariates, les Adunicates ; sur la côte, la ville latine d'Antipolis ; la région des Déciates ; le Var, qui descend du mont Céma, de la chaîne des Alpes."
Pline, Histoire naturelle, III, 79 :"Sur la côte des Gaules, à l'embouchure du Rhodanus, Métina ; puis celle qui est appelée Blascon ; trois Stoechades dénommées par les Massilienses, qui en sont voisins, dans l'ordre de leur situation, Proté, Mésé, appelée aussi Pomponiana ; et la troisième, Hypaea ; plus loin Sturium, Phoenice, Phila, Lero ; et, en face d'Antipolis, Larina, dans laquelle subsiste le souvenir de la ville de Vergoanum."
Polybe, Histoire générale, XXXIII, 8 :"Vers le même moment, arrivèrent des ambassadeurs envoyés par les Massaliotes, qui étaient depuis longtemps soumis aux attaques de Ligures. Ils étaient maintenant bloqués chez eux, tandis qu'Antipolis et Nikaia étaient même assiégées."
Pomponius Mela, Description de la Terre, II, 69 :"Sur les rivages sont quelques lieux connus sous certains noms ; mais les villes y sont peu nombreuses, tant à cause de la rareté des ports, que parce que la côte est exposée dans toute sa longueur aux vents du sud et du sud-ouest. Nicée, Deciatum et Antipolis touchent les Alpes."
Pseudo-Scymnos, Circuit de la Terre, v. 201-216 :"Tout près est Massilia très-grande ville, colonie des Phocéens. Ils la fondèrent dans la Ligystique cent vingt ans, dit-on, avant que fût livrée la bataille de Salamine. C'est ce que rapporte de sa fondation l'historien Timée. Puis vient après elle Tauroïs et, dans le voisinage, Olbia et, à l'extrémité, Antipolis."
Strabon, Géographie, IV, 1, 5 :"Ajoutons qu'ils avaient employé leurs forces militaires à fonder un certain nombre de places destinées à leur servir de boulevards contre les Barbares : les unes, situées sur la frontière d'Ibérie, devaient les couvrir contre les incursions des Ibères, de ce même peuple à qui ils ont communiqué avec le temps les rites de leur culte national (le culte de Diane d'Ephèse), et que nous voyons aujourd'hui sacrifier à la façon même des Grecs ; les autres, telles que Rhodanusia et Agathé, devaient les défendre contre les Barbares des bords du Rhône ; d'autres enfin, à savoir Tauroentium, Olbia, Antipolis et Nicaea, devaient arrêter les Salyens et les Ligyens des Alpes. Massalia possède encore des cales ou abris pour les vaisseaux et tout un arsenal."
Strabon, Géographie, IV, 1, 9 :"Quant à la côte qui se prolonge dans la direction du Var et de la partie de la Ligystique attenante à ce fleuve, elle nous présente, avec les villes massaliotes de Tauroentium, d'Olbia, d'Antipolis et de Nicaea, la station navale, fondée naguère par César-Auguste sous le nom de Forum Julium : cette station se trouve située entre Olbia et Antipolis, à 600 stades de Massalia. Le Var coule entre les villes d'Antipolis et de Nicaea, mais passe à 20 stades de l'une et à 60 de l'autre, de sorte qu'en vertu de la délimitation actuelle Nicaea se trouve appartenir à l'Italie, bien qu'elle dépende effectivement de Massalia. Nous l'avons déjà dit, ce sont les Massaliotes, qui, se voyant entourés de Barbares, ont bâti ces différentes places : ils voulaient les contenir et s'assurer au moins le libre accès de la mer, puisque du côté de la terre tout était aux mains de leurs ennemis. Tout le pays, en effet, est montagneux et escarpé: il y a bien encore auprès de Massalia une plaine passablement large, mais à l'est de cette ville les montagnes se rapprochent tout à fait de la mer et serrent la côte de si près qu'elles y laissent à peine la place d'un chemin praticable. Le commencement de cette chaîne de montagnes est occupé par les Salyens; l'autre extrémité l'est par des tribus ligyennes limitrophes de l'Italie, dont il sera parlé plus loin. Nous ferons remarquer seulement dès à présent que, bien qu'Antipolis soit située en dedans des limites de la Narbonnaise, et Nicaea en dedans des limites de l'Italie, celle-ci demeure dans la dépendance de Massalia et fait partie de la Province, tandis qu'Antipolis se trouve rangée au nombre des villes italiques, par suite d'un décret rendu contre les Massaliotes, qui l'a affranchie de leur juridiction."
Strabon, Géographie, IV, 6, 3 :"Le port de Monoecus ne saurait contenir beaucoup de bâtiments ni des bâtiments d'un fort tonnage. Il s'y trouve un temple d'Hercule dit Monoecus : d'où l'on peut inférer que le littoral Massaliotique s'étendait naguère jusque-là. La distance jusqu'à Antipolis est d'un peu plus de 200 stades. D'Antipolis, maintenant, à Massalia, voire même un peu au delà, les Alpes qui bordent la côte sont habitées par les Salyens ; la côte elle-même sur certains points nous offre des Salyens mêlés aux Grecs. Dans les anciens auteurs grecs les Salyens sont appelés Ligyens et le nom de Ligystique désigne tout le territoire dépendant de Massalia."
"Aux Dieux mânes de Marcus Moltelius Secundinus, fils de Caius, (de la tribu) Voltinia, flamine, duumvir d'Antipolis, ses héritiers (ont fait ce monument), conformément à son testament."
Inscription d'Antibes (CIL 12, 178) IVLIAE CAELIANI LIBERTAE NIALLVSAE VXORI MERENTISSIMAE VIVVS FECIT C(AIVS) TVLLIVS FLAVIANVS DECVRIONIS FILIVS DOMO CATINA EX PROVINCIA SICILIA INCOLA ANTIPOLITANVS SIBI ET [
"A Iulia Niallusa, affranchie de Caelianus, la plus méritante des épouses. De son vivant, Caius Tullius Flavianus, fils du décurion, originaire de Catina dans la province de Sicile, antipolitain pour loi, a fait (ce monument) pour lui-même et [...]."
Inscription d'Antibes (CIL 12, 188) D(IS) M(ANIBVS) PVERI SEPTENTRIONIS ANNOR(VM) XII QVI ANTIPOLI IN THEATRO BIDVO SALTAVIT ET PLACVIT
"Aux Dieux mânes du jeune Septentrio, âgé de 12 ans, qui, à Antipolis, pendant deux jours dans le théâtre, a dansé et diverti."
Inscription d'Antibes (ILN-02-A, 15) MA[...] MA[RC]ELLAE SA[CE]RDOT(I) MIN[E]RVAE ET DIANAE IN HONOR(EM) CALPVRNI HERMETIS MARIT(I) EIVS IIIIIIVIRI AVG(VSTALIS) COR(PORATI) A(NTIPOLITANI)
"Ma[...] Marcella, prêtresse de Minerve et de Diane, en l'honneur de Calpurnius Hermes, son mari, sévir augustal de la corporation des Antipolitains."
Inscription de Xanten (CIL 13, 8647 ; AE 1905, 225) M(ANIVS) MAECIVS VOL(TINIA) SEVERVS ANT[I]PO[LI] L(VCI) F(ILIVS) MIL(ES) LEG(IONIS) XV
"A Manius Maecius Severus, fils de Lucius, (de la tribu) Voltinia, d'Antipolis, militaire dans la légion XV."
Sources
• G. B. Rogers, (1986) - "Notes sur des rapports métrologiques : un système monétaire en Gaule de 43 à 23 av. J.-C.", Revue Numismatique, vol.6, n°28, pp.83-93
• A.-J. Domínguez, "Spain and France (including Corsica)", in An Inventory of Archaic and Classical Poleis ; An Investigation Conducted by The Copenhagen Polis Centre for the Danish National Research Foundation, Oxford University Press, 2005
• B. Blistène & R. May, Voyage en Massalie. 100 ans d'archéologie en Gaule du Sud, Marseille / Aix-en-Provence, Musées de Marseille / Edisud, 1990
• J.-H. Clergues, La recherche archéologique à Antibes ; Les secrets de son sol, Ville d'Antibes, Centre de Documentation du Musée Archéologique, Antibes, 1966
• P. Cosson, Histoire du municipe romain d'Antipolis : Civitas Antipolitana : (Antibes, Cannes, Grasse, Mandelieu...), Serre edition, 1995
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique