Campagne de Publius Quinctilius Varus et de Marcus Cornelius Cethegus (fin de l'été 203 av. J.-C.)
Dans un cadre très mal défini et uniquement relaté par Tite-Live, les Romains intervinrent alors que Magon Barca arpentait la Gaule en vue de recruter des mercenaires. Le préteur Publius Quinctilius Varus et le proconsul Marcus Cornelius Cethegus quittèrent visiblement Ariminum (Rimini) à la tête des légions XI, XII, XIII et d'une quatrième, mal identifiée. La rencontre entre l'armée constituée par les Carthaginois et leurs alliés numides, gaulois et ligures, avec l'armée romaine, se fit sur le territoire des Insubres. Il semblerait que les troupes du consul Gaius Servilius Geminus étaient quant à elles positionnées en appui dans le nord de l'Étrurie et sur le territoire des Boïens. Il est presque certain qu'elles étaient destinées à garder les Gaulois en respect et à venir au secours des Romains engagés contre Magon, en cas de péril.
Les Romains se mirent rapidement en ordre de bataille en mettant les légions du préteur Publius Quinctilius Varus en première ligne, et celles du proconsul Marcus Cornelius Cethegus en réserve. Après de premiers chocs non-décisifs, sentant la vigueur des Carthaginois grandir, les ailes de cavalerie des quatre légions furent quant à elles réunies et chargées de prendre part aux combats. Les Carthaginois répliquèrent avec leurs éléphants. L'infanterie de la légion XII fut presque intégralement anéantie, ce qui nécessita l'intervention de la légion XIII. À cette légion fraîche, Magon Barco opposa ses Gaulois, mais ceux-ci ne purent rien faire face à la détermination de la légion XIII et les hastats de la légion XI. Ces deux légions firent ensuite face aux éléphants, qu'elle parvinrent à faire paniquer, désorganisant ainsi les rangs carthaginois. Les Carthaginois ne reculèrent néanmoins que lorsqu'ils virent que Magon lui-même était gravement blessé à la cuisse (Tite-Live, Histoire romaine, XXX, 18).
Voyant leur général blessé, les Carthaginois se replièrent, concédant la victoire aux Romains. Au total, ils perdirent 5000 hommes et vingt-deux enseignes. Les Romains perdirent quant à eux 2300 hommes, dont trois tribuns militaires et vingt-deux chevaliers des plus illustres. Compte-tenu de cette défaite, les Carthaginois furent contraints de se replier chez les Ingaunes, où se trouvait encore leur flotte.
Tous les Carthaginois se retirèrent-ils ? Rien n'est moins sûr. En effet, le mystérieux général carthaginois Hamilcar et ses troupes, qui agitèrent les Gaulois cisalpins en 201-200 av. J.-C., pourraient bien avoir été les débris de cette armée. Cette hypothèse doit en effet être privilégiée à l'hypothèse de rescapés de la bataille du Métaure (207 av. J.-C.).
Tite-Live, Histoire romaine, XXX, 18 :"Dans la même campagne où ces décrets furent rendus à Rome et ces succès obtenus en Afrique, le préteur Publius Quinctilius Varus et le proconsul Marcus Cornélius Céthégus livrèrent bataille au Carthaginois Magon, sur le territoire des Gaulois Insubres. Les légions du préteur formaient la première ligne ; Cornélius laissa les siennes à la réserve, et s'avança lui-même à cheval jusqu'aux premiers rangs. À la tête des deux ailes, le préteur et le proconsul exhortèrent leurs soldats à attaquer vigoureusement les Carthaginois. Comme les ennemis ne s'ébranlaient pas, Quinctilius dit à Cornélius : " Le combat languit, comme vous le voyez ; les ennemis qui tremblaient d'abord se sont enhardis par une résistance inespérée, et je crains que leur confiance ne se change en audace. Il faut que notre cavalerie tombe sur eux comme une tempête, si nous voulons porter le trouble et le désordre dans leurs rangs. Soutenez donc le combat en tête des premières lignes, et j'amènerai, moi, la cavalerie sur le terrain, ou bien je me chargerai de combattre ici au premier rang et vous ferez avancer contre l'ennemi la cavalerie des quatre légions ". Le proconsul accepta le rôle que lui laisserait le choix du préteur : alors Quinctilius Varus, avec son fils, nommé Marcus, jeune homme plein d'ardeur, se porta vers les cavaliers, leur ordonna de monter à cheval, et les lança tout à coup sur l'ennemi. Au désordre produit par cette charge s'ajouta le cri formidable des légions : l'armée ennemie n'aurait pu tenir si, au premier mouvement de la cavalerie, Magon, qui avait ses éléphants tout prêts, ne les eût fait avancer. Leurs cris aigus, leur odeur, leur aspect effarouchèrent les chevaux et rendirent vaine cette charge de cavalerie : et si, dans la mêlée, les cavaliers romains avaient l'avantage lorsqu'ils combattaient de près et pouvaient faire usage de la pique et de l'épée, en ce moment emportés bien loin par leurs chevaux qui étaient épouvantés, ils se trouvaient par leur éloignement plus exposés aux traits des Numides. Cependant l'infanterie de la douzième légion, massacrée presque tout entière, gardait ses rangs par pudeur plus que par le sentiment de ses forces ; mais elle n'aurait pas tenu plus longtemps si la treizième légion ne se fût avancée de la réserve au front de la bataille et n'eût rétabli le combat qui devenait douteux. À cette légion toute fraîche, Magon opposa aussi des Gaulois de sa réserve. Ceux-ci furent culbutés sans peine par les hastats de la onzième légion, qui se formèrent ensuite en colonnes serrées, et attaquèrent les éléphants qui portaient déjà le désordre dans les rangs de l'infanterie. Comme ces animaux étaient pressés les uns contre les autres, les traits lancés par les Romains portèrent presque tous, et les forcèrent à se replier sur l'armée carthaginoise ; quatre d'entre eux tombèrent percés de coups. Alors la première ligne des ennemis s'ébranla ; bientôt l'infanterie se débanda tout entière, quand elle vit les éléphants qui tournaient le dos, et augmenta ainsi la frayeur et le désordre. Mais, tant que Magon se tint à la tête de ses soldats, ils ne reculèrent que pas à pas en conservant toujours leurs rangs : dès qu'ils virent que leur général, blessé à la cuisse, tombait à terre et qu'on l'emportait presque sans vie hors du champ de bataille, ils se mirent tous aussitôt à fuir. Ce jour-là les ennemis perdirent près de cinq mille hommes ; on leur prit vingt-deux enseignes. La victoire coûta aussi du sang aux Romains : l'armée du préteur perdit deux mille trois cents hommes, et ce fut la douzième légion qui souffrit le plus ; elle eut à regretter aussi deux tribuns militaires, Marcus Cosconius et Marcus Maevius ; la treizième légion, qui avait donné vers la fin de l'action, vit tomber le tribun militaire Gaius Helvius au moment où il cherchait à rétablir le combat : environ vingt-deux chevaliers des plus illustres furent écrasés par les éléphants et périrent avec quelques centurions ; encore la lutte se serait-elle prolongée, si la blessure du général ennemi n'eût livré la victoire."