La culture de La Tène est une phase de l'âge du Fer européen, qui succède à la culture de Hallstatt (environ 1200-450 av. J.-C.). Elle tire son nom de celui de la ville de La Tène (canton de Neuchâtel, Suisse), sur la rive nord du lac de Neuchâtel, où elle a été formellement caractérisée par l'archéologue H. Hildebrand en 1874. En effet, un important gisement archéologique y a été découvert à l'endroit où la Thielle part du lac de Neuchâtel, qui a livré un grand nombre d'objets en fer depuis le milieu du XIXe s. Des fouilles systématiques y ont révélé la présence de deux ponts, associés à d'importants dépôts d'armes, outils et parures, laissant penser qu'il s'agissait d'un lieu sacrificiel.
Cette culture est généralement datée de 450 à 25 av. J.-C., bien que les dates exactes puissent varier selon les régions, et marque un moment clé dans le développement des sociétés celtes en Europe. En outre, ce fut au cours de cette période que les Celtes entrèrent pleinement dans l'Histoire sous la plume d'historiens grecs, puis romains.
Liens avec la culture de Hallstatt
Les principaux facteurs de prospérité de la culture de Hallstatt ont été le progressif remplacement du bronze par le fer, et l'exploitation des importants gisements de sel des régions nord-alpines. L'essor économique engendré par ces activités a favorisé l'émergence de sociétés de plus en plus structurées, dominées par une élite guerrière, le développement de sites défensifs, la mise en place d'un système d'échanges à grande échelle, qui a favorisé l'arrivée la diffusion d'influences méditerranéennes. Cette culture s'est diffusée dans l'ensemble du domaine nord-alpin, avant de gagner de larges régions de l'Europe de l'Ouest et de l'Europe centrale, mais les principaux pôles économiques demeuraient répartis dans la seule région comprise entre la Bourgogne et le Wurtemberg.
La fin de cette période a été marquée par une crise interne et la réorganisation des réseaux commerciaux, peut-être engendrée par l'épuisement des ressources naturelles. Ainsi, autour de 500 av. J.-C., de nombreux sites fortifiés du premier âge du fer, jadis au coeur des relations commerciales, ont été abandonnés au profit d'un mode de vie plus rural, organisé autour de structures politiques et militaires de plus en plus complexes. La culture de La Tène découle donc de certaines pratiques observées durant cette précédente période, mais avec des changements notables dans l'organisation sociale, la technologie et les pratiques culturelles. Plusieurs régions ont été simultanément les foyers de ces innovations entre la fin du VIe s. et le début du Ve s. av. J.-C., telles que la Champagne, la Rhénanie et la Bohême, .
Spécificités de la culture de La Tène
La culture de La Tène se caractérise par plusieurs spécificités sur un plan technologique, organisationnel, ou encore artistique et matériel, influencées par les échanges avec les civilisations méditerranéennes, notamment les Grecs et les Étrusques.
• Progrès technologiques
Au cours du Second Âge du fer, la métallurgie du fer a été maîtrisée avec une grande expertise, peut-être sous l'infuence des Étrusques. Les armes, les outils et autres objets décoratifs ont été fabriqués avec une précision plus grande. Les armements ont eu tendance à se diversifier, incluant des épées, des casques, des boucliers et des javelots. En outre, les artisans de cette période ont produit des objets très décorés, souvent en bronze, en or ou en fer, notamment des fibules, des torques et des instruments en métal finement travaillés.
• Organisation sociale
La société de La Tène apparaît comme ayant été plus hiérarchisée et plus centralisée que celle de Hallstatt, outour d'une élite guerrière ou de chefs tribaux.
Dans une phase plus tardive de la culture de La Tène, la complexification de l'organisation militaire, politique et religieuse a abouti à l'emergence des oppida (villes fortifiées), sites habités de manière permanente, centralisant à la fois les fonctions économiques, politiques et parfois religieuses.
• Art et culture matérielle
Au cours de cette période, l'art celtique de La Tène a été marqué par une grande richesse ornementale, inspiré de motifs géométriques et stylisés, souvent en spirales, en volutes, et en formes végétales. Ces ornements se retrouvent se retrouvent aussi bien sur les armes, que sur les objets du quotidien, tels que les bijoux et récipients décorés, dont la production a été florissante. Des influences grecques dans le domaine de l'artisanat de luxe et des objets décoratifs sont perceptibles.
Diffusion de la culture de La Tène
L'émergence de cette culture s'est faite au niveau de trois principaux foyers ; la Champagne, la Rhénanie et la Bohême, Dés le Ve s. av. J.-C., elle s'est progressivement diffusée à travers la France, l'Allemagne, la Suisse, la Belgique, les Pays-Bas, le Nord de l'Italie et la Hongrie. Dés le IVe s. av. J.-C., cette culture a commencé à influencer notablement les sociétés locales en Grande-Bretagne et en Irlande. Au IIIe s. av. J.-C., les influences laténiennes commencèrent à être perceptibles dans la Péninsule ibérique, dans de larges régions des Balkans et jusqu'en Anatolie.
La diffusion de la culture de La Tène a été un processus complexe qui s'est opéré à la fois par des échanges commerciaux, des influences culturelles, mais aussi par le biais de migrations, parfois émaillées de conflits et de conquêtes :
• Migrations et mouvements de populations
Les sources antiques soulignent le fait que les peuples celtes, associés à la culture de La Tène, étaient connus pour leurs mouvements migratoires. Ainsi, les Celtes se sont installés dans de nouvelles régions, parfois en raison de pressions démographiques ou de conflits internes. Ces migrations ont souvent conduit à une diffusion des techniques métallurgiques, des objets artisanaux, et des modèles artistiques propres à La Tène, ainsi qu'à un partage des croyances et pratiques religieuses.
Ces migrations pouvaient être négociées et pacifiques, mais régulièrement, elles se sont faites dans le cadre de conquêtes militaires. Les Celtes ont mené plusieurs campagnes de conquête à travers l'Europe, imposant parfois leur culture aux peuples qu'ils subjuguaient, lesquels finirent par être absorbés..
• Les échanges commerciaux
La culture de La Tène s'est largement diffusée grâce aux réseaux commerciaux qui couvraient une grande partie de l'Europe. Les Celtes étaient des commerçants actifs, qui importaient de biens de luxe, tels que des objets en bronze ou des amphores grecques, et exportaient des métaux, du sel, des armes, des bijoux, des céramiques, des textiles et d'autres produits. Ces échanges se sont effectués à travers de vastes réseaux qui reliaient les régions de La Tène aux civilisations méditerranéennes, notamment les Grecs, les Étrusques, les Romains, mais aussi à d'autres peuples européens. Ces échanges ont permis de diffuser non seulement des biens matériels, mais aussi des influences culturelles.
Rétractation, puis disparition de la culture de La Tène
La culture de La Tène s'est progressivement heurtée à l'expansion d'autres cultures. Au Nord, les Celtes se sont progressivement heurtés aux Germains, porteurs de la culture de Jastorf (VIe-Ier s. av. J.-C.), qui se sont répandus dans les zones de moindre peuplement du nord du Danube. Les conditions dans lesquelles cette dernière culture s'est diffusée n'est pas toujours certaine pour les périodes plus anciennes, mais elle fut assurément conflictuelle à partir du IIe s. av. J.-C. Au Sud, l'expansion celtique a été bloquée par les Romains au IIIe-IIe s. av. J.-C., lesquels ne tardèrent pas à constituer une importante menace par leur expansionnisme. Enfin, à l'Est, les populations thraces et géto-daces, partiellement celtisées localement, ont réussi à se fédérer au milieu du Ier s. av. J.-C., et à repousser les Celtes dans de vastes contrées.
Consécutivement aux conquêtes menées par les Germains, les Romains et les Daces, la culture de La Tène recula notablement. Au milieu du Ier s. av. J.-C., elle ne prospérait toujours qu'en Grande-Bretagne, en Gaule, entre les Alpes et le Rhin, en Bohème, en Transdanubie et jusqu'en Serbie. La conquête de la Gaule par les Romains, puis celle de la Vindélicie et de la Pannonie, ne permit à cette culture de survivre que quelques décennies, sous une forme altérée. Il en fut de même suite à la conquête du Sud de la Grande-Bretagne (milieu du Ier s. ap. J.-C.). Ailleurs, notamment en Bohème, elle perdura jusqu'au début du Ier s. ap. J.-C., tandis que dans les Carpates occidentaux, elle se prolongea un temps à travers la culture de Púchov (IIIe s. av.-IIe s. ap. J.-C.).
Sources
• Pierre Crombet pour l'Arbre Celtique
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique