Dans le Val Pusteria (province autonome de Bolzano)
Capitale:
Sebatum (San Lorenzo di Sebato) ?
Saevates
Localisation
Peuple du Norique. Un premier indice permettant leur localisation se trouve très probablement dans l'Itinéraire d'Antonin (IIIe s. ap. J.-C.). En effet, le nom de ce peuple semble pouvoir être être identifié dans celui de la localité dénommée Sebato, l'actuelle San Lorenzo di Sebato (province de Bolzano) (280, 2). Celle-ci était alors traversée par la voie allant d'Aquileia (Aquilée) à Veldidena (Innsbruck-Wilten), voie qui passait justement par Iulia Carnico (Zuglio), où les Saevates et les Laiances ont laissé une inscription honorifique (CIL 05, 1838). Si ce rapprochement - communément admis - est correct, il impliquerait que les Saevates étaient installés dans le Val Pusteria (le Pustertal des Allemands), entre l'extrémité ouest du Hohe Tauern et les Alpes carniques (Alfoldy, 1974).
Attestations et étymologie
Les Saevates ne nous sont connus que par quelques attestations. Trois inscriptions découvertes à Magdalensberg (Autriche) les mentionnent sous la forme abrégée SAEV(ATES) (ILLPRON 234 ; 235 et 236), et une inscription mise au jour à Zuglio (Italie), sous la forme CIVITAS SAEVATVM (CIL 05, 1838). Ce sont très probablement les mêmes que Ptolémée mentionne sous le nom de Σεούακες "Seouakes" (Géographie, II, 14, 2), supposant une transcription erronée de leur nom. Leur nom est possiblement celtique. Le premier terme saev(a)- est inconnu, mais il est associé au suffixe d'appartenance -ati.
Protohistoire
Entre le VIe et le Ier s. av. J.-C., le territoire prêté aux Laiances appartenait à la sphère de la culture de Fritzens-Sanzeno, une culture matérielle du centre-est des Alpes, propre aux peuples rhètes (Strobel, 2011). En témoigne la découverte de dix inscriptions rhétiques datées de l'intervalle VIe-IVe s. av. J.-C. à San Lorenzo di Sebato. Toutes utilisent un alphabet spécifique, dit "alphabet de Bolzano-Sanzeno", lequel est réputé propre aux Rhètes (Constantini, 2002). Tout au long de son histoire, cette culture a été très poreuse aux influences de ses voisins, Vénètes, Étrusques et Celtes. Les influences celtiques sont clairement détectables à partir du Ve s. av. J.-C., sur un plan matériel et religieux. Dés le IVe s. av. J.-C., ces influences sont devenues prédominantes, ce qui a abouti notamment à l'adoption d'un armement typiquement laténien. Notons enfin que plusieurs auteurs ont observé que la culture de Fritzens-Sanzeno a atteint son apogée lorsque s'est développée la culture des oppida en Bavière, soit entre le IIIe et le Ier s. av. J.-C. (Tecchiati, 1999 ; Roncador, 2017). Les travaux de U. Tecchiati (1999), F. Marzatico (2001), S. Marchesini & R. Roncador (2016), R. Roncador (2017), etc. expliquent ces liens par des échanges commerciaux et culturels, suivis par des relations de type mariage et des apports de populations ayant migré en Rhétie depuis le Nord des Alpes et la plaine du Pô. Ces dernières dynamiques expliqueraient l'adoption d'éléments religieux celtiques, ainsi qu'une influence celtique sur la langue rhétique et l'onomastique. Ainsi, il est tout à fait possible que les Saevates aient été des Celtes s'étant surimposés sur un substrat rhète, à moins qu'ils aient été des Rhètes celtisés.
À une date méconnue, probablement entre la fin du IIe s. et la fin du Ier s. av. J.-C., les Saevates furent intégrés à une confédération des peuples du royaume du Norique. Ils y demeurèrent jusqu'à l'époque romaine.
Histoire
● La conquête romaine
Nous ne savons rien des conditions dans lesquelles les Saevates passèrent sous domination romaine. Le fait que leur nom apparaisse sur les inscription honorifiques de Magdalensberg (ILLPRON 234 ; 235 et 236) est cependant riche en enseignements. En effet, ces trois inscriptions sont datées de 10-9 av. J.-C., elles sont donc postérieures de peu aux campagnes menées par Publius Silius Nerva (16 av. J.-C.) et Tibère et Drusus (15 av. J.-C.) contre les peuples du Norique. Compte-tenu de ce contexte, elles constituaient un évident acte de soumission et de reconnaissance de l'autorité de l'empereur sur la région.
● La romanisation
L'inscription de Zuglio (CIL 05, 1838), datée de l'intervalle 41-54 ap. J.-C., indique qu'au sein de la province romaine du Norique, la cité des Saevates et celle des Laiances furent réunies pour former la ciuitas Saeuatum et Laiancorum, la "cité des Saevates et des Laiances". Cette inscription est donc contemporaine d'un moment important de l'histoire du Norique, lorsque les différentes cites furent pleinement intégrées à l'Empire et reçurent le droit latin. Dans ce cadre, plusieurs cités fusionnèrent pour donner naissance à municipes, organisés autour d'une métropole commune. Dans le cas des Saevates et des Laiances, la métropole fut fixée à Aguntum (Dölsach). Ces deux populations furent dés lors dénommées les Aguntenses.
Inscription de Zuglio (CIL 05, 1838) C(AIO) BAEBIO P(VBLI) F(ILIO) CLA(VDIA) ATTICO IIVIR(O) I(VRE) [D(ICVNDO)] PRIMO PIL(O) LEG(IONIS) V MACEDONIC(AE) PRAEF(ECTO) C[I]VITATIVM MOESIAE ET TREBALLIA[E PRA]EF(ECTO) [CI]VITAT(IVM) IN ALPIB(VS) MARIT<I=V>MIS T[R(IBVNO)] MIL(ITVM) COH(ORTIS) VIII PR(AETORIAE) PRIMO PIL(O) ITER(VM) PROCVRATOR(I) TI(BERI) CLAVDI CAESARIS AVG(VSTI) GERMANICI IN NORICO CIVITAS SAEVATVM ET LAIANCORVM
"A Caius Baebius Atticus, fils de Publius, (de la tribu) Claudia, duumvir pour dire le droit, primipile de la légion V Macedonica, préfet des cités de Mésie et de Triballie, préfet des cités dans les Alpes maritimes, tribun militaire de la cohorte VIII Praetoria, primipile une seconde fois, procurateur de Tiberius Claudius Caesar Augustus Germanicus dans le Norique. La cité des Saevates et des Laiances"
Sources
• G. Alfoldy (1974) - Noricum, Routledge and Kegan Paul, collection : The Provinces of the Roman Empire, Londres et Boston, 413p.
• R. Constantini, (2002) - Sebatum, Atlante tematico di topografia antica; XII Supplemento, L'Erma di Bretschneider, Roma, 136p.
• S. Marchesini & R. Roncador, (2016) - "Celts and Raetians in the central-eastern Alpine Region during the Second Iron Age : multidisciplinary research", in : I. Armit et al., (ed.), Cultural Encounters in Iron Age Europe, Archaeolingua, Series Minor, Budapest, pp.267-284
• F. Marzatico, (2011) - "I Reti in Trentino: Il Gruppo Fritzens-Sanzeno", in : G. Ciurletti & F. Marzatico (eds), Die Räter/I Reti, ArcheoAlp 5., Servizio Beni Culturali/Uffi cio Beni Archeologici, Trento, pp.467-504
• R. Roncador, (2017) - Celti e Reti. Interazioni tra popoli durante la seconda età del Ferro in ambito alpino centro-orientale, BraDypUs ed., Roma, 366p.
• K. Strobel, (2011) - "Zwischen Italien und den 'barbaren' : das werden neuer politischer und administrativer grenzen in caesarisch-augusteischer zeit", in : O. Hekster & T. Kaizer (Hrsg.), Frontiers in the Roman World, Proceedings of the Ninth Workshop of the International Network Impact of Empire, Durham, 16-19. April 2009, Brill, Leiden, pp.199-231
• U. Tecchiati, (1999) - "L'esperienza dell'altro. Scambi e relazioni transculturali nella preistoria e nella protostoria della regione alpina centrale", in : M. Cossetto (ed.), Fare Storia a Scuola, vol 2. Materiali di lavoro del gruppo di studio sulle fonti della storia locale, Istituto Pedagogico in Lingua Italiana, Bolzano/Bozen, pp.13-44
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique