Litaviccos soulève les troupes auxiliaires éduennes contre les Romains (avril-mai 52 av. J.-C.)
Bien que Convictolitavis ait été séduit par l'idée de prendre part au soulèvement général, il dut dissimuler son parti pris à ses concitoyens, dans la mesure où de nombreux Éduens demeuraient fidèles à Rome. Il donna le change aux partisans de l'alliance avec Rome, en tenant ses engagements pris auprès de César. Il fournit donc 10000 fantassins aux Romains, pour soutenir leur campagne contre les Arvernes, mais plaça à leur tête Litaviccos, un homme acquis à sa cause (Guerre des Gaules, VII, 37).
Alors que les auxiliaires éduens n'étaient plus qu'à trente mille pas (1) de Gergovia (Gergovie, La Roche-Blanche), Litaviccos arrêta la marche de ses troupes et, en larmes, tint un discours à ses soldats dans lequel il imputa d'impardonnables crimes à César. En effet, il accusa ce dernier d'avoir massacré l'ensemble de la cavalerie éduenne, de la noblesse, mais également Eporedorix et Viridomaros, en raison d'une supposée trahison au bénéfice des Arvernes. Il convia même des soldats prétendument rescapés de ce massacre à témoigner devant les fantassins (César, Guerre des Gaules, VII, 38 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 37). Litaviccos, proche de Convictolitavis, prétendait donc dénoncer le meurtre de Eporedorix et Viridomaros, qui avaient respectivement soutenu soutenu la cause de Convictolitavis, pour le premier, et la cause de Cotos, pour le second, lors du récent conflit qui agita la cité des Éduens (Guerre des Gaules, VII, 39). Adroitement, il tenta donc de toucher tous les Éduens, quels qu'aient été leurs précédentes sympathies. Ayant acquis le soutien de ses troupes, il désigna les soldats romains chargés du convoi de vivres et de blé, présents auprès d'eux, à la vindicte. Il les fit périr au milieu des pires tourments. Par la suite, il fit parvenir des courriers dénonçant les prétendus crimes de César aux différents pagi éduens, pour les inviter à se soulever contre Rome (César, Guerre des Gaules, VII, 38 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 37).
Lorsque Eporedorix eut vent de cet événement, il le fit savoir à César, tout en tentant de le minorer de manière à ce que les Éduens ne soient pas vus comme des ennemis par les Romains (Guerre des Gaules, VII, 39). César saisit immédiatement l'importance de ce qui se tramait et que se jouait à cet instant l'issue de ce conflit et l'avenir de la Gaule. Sans attendre, il confia le commandement du siège de Gergovia à Caius Fabius et fit route en direction des troupes de Litaviccos, à la tête de quatre légions et de toute sa cavalerie (2). Aussi, il ordonna que les frères de Litaviccos soient arrêtés, mais sans succès, ceux-ci ayant déjà trouvé refuge auprès des Arvernes (Guerre des Gaules, VII, 40).
À vingt-cinq mille pas (3) de Gergovia, la cavalerie romaine intercepta les Éduens, sans recourir à la violence, et César ordonna à Eporedorix et Viridomaros de se montrer au grand jour, afin de dénoncer les mensonges de Litaviccos. Les Éduens réalisèrent immédiatement avoir été victimes d'une manipulation, alors ils jetèrent leurs armes à terre et implorèrent les Romains. La situation lui étant devenue plus que défavorable, Litaviccos et ses clients prirent la fuite, pour finalement trouver refuge à Gergovia (Guerre des Gaules, VII, 40).
N'ignorant aucunement que Litaviccos avait pris contact avec les différents pagi de la cité des Éduens pour qu'ils se soulevassent, César fit à son tour parvenir des courriers visant à dénoncer les mensonges proférés et faire connaître à tous sa clémence ; visant ainsi à apaiser la situation. En effet, bien qu'ils aient massacré les citoyens romains en charge des vivres qui marchaient à leurs côtés, les Éduens ne furent pas inquiétés par ce crime (Guerre des Gaules, VII, 41).
Le prompt règlement de ce conflit permit à César d'obtenir ce renfort de 10000 fantassins éduens, à la tête duquel il plaça Cavarillos(4), et de regagner Gergovia assiégée, où les troupes commandées par Caius Fabius subissaient les assauts répétés des Gaulois. Ce fut là une évidente négligence, puisque les courriers de Litaviccos enflammaient déjà les Éduens.
Notes
(1) Trente mille pas , soit 44,25 à 44,43 kilomètres.
(2) Théoriquement, à la fin de l'époque républicaine, une légion comportait 6000 hommes. Les quatre légions qui furent mises en mouvement représentaient 24000 hommes. Le nombre de cavaliers est quant à lui délicat à évaluer.
(3) Vingt-cinq mille pas, soit 36,87 à 37,02 kilomètres.
César, Guerre des Gaules, VII, 37 :"Tandis que ces choses se passent près de Gergovie, l'Éduen Convictolitavis qui, comme on l'a vu, devait sa magistrature à César, séduit par l'argent des Arvernes, a des entrevues avec plusieurs jeunes gens, à la tête desquels étaient Litaviccos et ses frères, issus d'une illustre famille. Il partage avec eux la somme qu'il a reçue, et les exhorte à se souvenir qu'ils sont nés libres et faits pour commander. La cité des Éduens retarde seule le triomphe infaillible des Gaulois ; son influence retient les autres nations ; s'ils changent de parti, les Romains ne tiendront point dans la Gaule ; il a quelque obligation à César, qui d'ailleurs n'a été que juste envers lui : mais il doit bien plus à la liberté commune ; car pourquoi les Éduens viendraient-ils discuter leur droit et leurs lois devant César, plutôt que les Romains devant les Éduens ? Le discours du magistrat et l'appât du gain ont bientôt gagné ces jeunes gens ; ils offrent même de se mettre à la tête de l'entreprise, et on ne songe plus qu'aux moyens de l'exécuter ; car on ne se flattait pas que la nation se laisserait entraîner légèrement à la guerre. On arrêta que Litaviccos prendrait le commandement des dix mille hommes que l'on enverrait à César ; il se chargerait de les conduire, et les frères se rendraient en avant auprès de César. Ils réglèrent ensuite la manière d'agir pour tout le reste."
César, Guerre des Gaules, VII, 38 :"Litaviccos, avec l'armée mise sous ses ordres, n'était plus qu'à trente mille pas environ de Gergovie, quand tout à coup, assemblant les troupes et répandant des larmes. Où allons-nous, soldats ? leur dit-il ; toute notre cavalerie, toute notre noblesse a péri ; nos principaux citoyens, Éporédorix et Viridomaros, ont été, sous prétexte de trahison, égorgés par les Romains, sans forme de procès. Écoutez ceux qui ont échappé au carnage ; car pour moi, dont les frères et tous les parents ont été massacrés, la douleur m'empêche de vous dire ce qui s'est passé. Il produit alors des soldats qu'il avait instruits à parler selon ses voeux ; ils confirment ce que Litaviccos vient d'avancer ; que tous les cavaliers Éduens avaient été tués, pour de prétendues entrevues avec les Arvernes ; qu'eux-mêmes ne s'étaient sauvés du milieu du carnage qu'en se cachant dans la foule des soldats. Les Éduens poussent des cris, et conjurent Litaviccos de pourvoir à leur salut. Y a-t-il donc à délibérer, reprend-il, et n'est-ce pas une nécessité pour nous de marcher à Gergovie, et de nous joindre aux Arvernes ? Doutons-nous qu'après ce premier forfait, les Romains n'accourent déjà pour nous égorger ? Si donc il nous reste quelque énergie, vengeons la mort de ceux qui ont été si indignement massacrés, et exterminons ces brigands. Il leur montre les citoyens romains qui étaient là sous sa sauvegarde et sous son escorte, leur enlève aussitôt un convoi de vivres et de blé, et les fait périr dans de cruels tourments. Puis il dépêche des courriers dans tous les cantons de la cité, les soulève par le même mensonge sur le massacre de la cavalerie et de la noblesse, et les exhorte à punir toute perfidie de la même manière que lui."
César, Guerre des Gaules, VII, 39 :"L'Éduen Éporédorix, jeune homme d'une grande famille et très puissant dans son pays, et avec lui Viridomaros, de même âge et de même crédit, mais inférieur en naissance, que César, sur la recommandation de Diviciacos, avait élevé d'une condition obscure aux plus hautes dignités, étaient venus, nominativement appelés par lui, le joindre avec la cavalerie. Ils se disputaient le premier rang, et dans le débat récent pour la suprême magistrature, ils avaient combattu de tous leurs moyens ; l'un pour Convictolitavis, l'autre pour Cotos. Éporédorix, informé du dessein de Litaviccos, en donne avis à César au milieu de la nuit ; il le prie de ne pas souffrir que des jeunes gens, par des manoeuvres perverses, détachent sa cité de l'alliance du peuple romain ; ce qu'il regarde comme inévitable, si tant de milliers d'hommes se joignent à l'ennemi ; car leurs familles ne pourraient manquer de s'intéresser à leur sort, ni la cité d'y attacher une grande importance."
César, Guerre des Gaules, VII, 40 :"Vivement affecté de cette nouvelle, parce qu'il avait toujours porté aux Éduens un intérêt particulier, César, sans balancer un instant, prend quatre légions sans bagage, et toute la cavalerie. On n'eut pas même le temps de replier les tentes, parce que tout, dans ce moment, semblait dépendre de la célérité. Il laissa pour la garde du camp le lieutenant C. Fabius, avec deux légions. Il avait ordonné de saisir les frères de Litaviccos ; mais il apprit qu'ils venaient de s'enfuir vers l'ennemi. Il exhorte les soldats à ne pas se rebuter des fatigues de la marche dans une circonstance aussi urgente. L'ardeur fut générale ; après s'être avancé à la distance de vingt-cinq mille pas, il découvrit les Éduens, et détacha la cavalerie, qui retarda et empêcha leur marche ; elle avait défense expresse de tuer personne. Éporédorix et Viridomaros, que les Éduens croyaient morts, ont ordre de se montrer dans les rangs de la cavalerie et d'appeler leurs compatriotes. On les reconnaît ; et la fourberie de Litaviccos une fois dévoilée, les Éduens tendent les mains, font entendre qu'ils se rendent, jettent leurs armes et demandent la vie. Litaviccos s'enfuit à Gergovie, suivi de ses clients ; car, selon les moeurs gauloises, c'est un crime d'abandonner son patron, même dans un cas désespéré."
César, Guerre des Gaules, VII, 41 :"César dépêcha des courriers pour faire savoir aux Éduens qu'il avait fait grâce à des hommes que le droit de la guerre lui eût permis de tuer ; et après avoir donné trois heures de la nuit à l'armée pour se reposer, il reprit la route de Gergovie."
Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 36 :"Des troubles ayant éclaté, en ce moment, dans le pays des Éduens, il s'y rendit ; mais, après son départ, les soldats qu'il avait laissés à Gergovie eurent beaucoup à souffrir, et César se décida à lever le siège."
Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 37 :"Dans le principe, les Éduens avaient respecté les traités et fourni des secours à César ; mais ensuite, trompés par plusieurs et surtout par Litaviccos, ils lui firent la guerre malgré eux. Celui-ci, n'ayant pu les entraîner autrement à une défection, parvint à se faire charger de conduire à César les secours que les Éduens lui envoyaient. Il se mit incontinent en marche, comme pour s'acquitter de cette mission ; mais il fit prendre les devants aux cavaliers, et ordonna à quelques-uns de revenir immédiatement dans leurs foyers, et d'annoncer que ceux qui étaient partis avec eux et les Éduens qui se trouvaient déjà auprès de César avaient été attaqués et massacrés par les Romains. Puis, par un discours assorti au bruit qu'il faisait répandre, il irrita si vivement les soldats qu'ils se révoltèrent et entraînèrent les autres à suivre leur exemple. Instruit sur-le-champ de ce qui se passait, César renvoya dans leur pays les Éduens qui étaient auprès de lui et qu'on disait avoir été tués ; afin que tout le monde vît qu'ils étaient en vie. Bientôt après il vint lui-même avec la cavalerie : les Éduens se repentirent et se réconcilièrent avec lui."