Les Romains peinent à s'entendre sur une stratégie commune (105 av. J.-C.)
À l'annonce de la défaite du légat Marcus Aurelius Scaurus, il devint évident que les Cimbres et leurs alliés comptaient déferler une nouvelle fois sur le district de Gaule transalpine et peut-être même sur l'Italie. Jusqu'alors, il semble que le consul Cnaeus Mallius Maximus et le proconsul Quintus Servilius Caepio avaient divisé ce district en deux départements distincts ; le consul administrant la rive gauche du Rhône, tandis que le proconsul opérait entre la rive droite de ce fleuve et les Pyrénées. Face à l'urgence, le consul intima l'ordre au proconsul Quintus Servilius Caepio d'interrompre sa campagne contre les Volques Tectosages et de se replier avec ses troupes sur le rive gauche du Rhône (Dion Cassius, Histoire romaine, fragment CCLXXI ; Granius Licinianus, Histoire romaine, XXXIII, 6-8). L'objectif du consul était visiblement de rassembler l'ensemble des forces romaines disponibles dans le district de Gaule transalpine sur la rive gauche du Rhône, afin de faire de ce fleuve une frontière et de bloquer une potentielle attaque contre l'Italie depuis le nord.
L'inimitié entre le deux hommes était grande et porta durement préjudice aux Romains. Membre de la famille patricienne des Seruilii et consul l'année précédente, Quintus Servilius Caepio refusait obstinément de reconnaître l'autorité du consul Cnaeus Mallius Maximus, en raison de son statut d'homo nouus. Ainsi, dans un premier temps, Quintus Servilius Caepio refusa de quitter son département (entre Pyrénées et Rhône) mais, craignant que le consul Cnaeus Mallius Maximus ne réussit sans son concours à vaincre les Cimbres et leurs alliés, il accepta finalement de franchir le Rhône. Souhaitant jouer un rôle incontournable dans l'affrontement à venir, il installa son camp entre celui des barbares et celui du consul, tout en refusant toute concertation avec ce dernier. Les tensions touchèrent à leur comble lorsque des ambassadeurs cimbres se présentèrent au camp du consul pour tenter de négocier l'octroi de terres, plutôt qu'au camp de Quintus Servilius Caepio. Les deux hommes en vinrent à s'emporter et à s'injurier (Dion Cassius, Histoire romaine, fragment CCLXXI ; CCLXXII ; Granius Licinianus, Histoire romaine, XXXIII, 6-11).
Dans ces circonstances, et malgré l'enjeu, les forces romaines s'apprêtèrent donc à affronter les Cimbres et leurs alliés en étant divisés. Ceci eut de lourdes conséquences lors de la bataille d'Arausio (6 octobre 105 av. J.-C.).
Sources littéraires anciennes
Dion Cassius, Histoire romaine, fragment CCLXXI :"Servilius fit beaucoup de mal à l'armée par Rome sa jalousie envers son collègue, dont il était l'égal dans tout le reste, mais que la dignité de consul plaçait au-dessus de lui. A la mort de Scaurus, Manlius engagea Servilius à se rendre auprès de lui ; mais celui ci répondit que chacun devait veiller sur son département. Plus tard il craignit que Manlius ne réussît sans son concours, et il ne voulut point lui laisser l'occasion de s'illustrer seul. Il se rapprocha donc de son collègue ; mais il ne campa point dans le même lieu et ne se concerta jamais avec lui. Bien plus, afin de pouvoir attaquer les Cimbres avant Manlius, et d'avoir toute la gloire du succès dans cette guerre, il plaça son camp entre ces barbares et le consul. Malgré ces divisions, l'armée romaine, tant qu'elles restèrent inconnues, inspira d'abord une si grande terreur aux ennemis, qu'ils furent amenés à désirer la paix ; mais les Cimbres ayant envoyé leurs députés à Manlius à cause de sa dignité, Servilius, courroucé de ce qu'ils ne s'étaient pas adressés à lui, ne répondit rien de favorable à un arrangement : peu s'en fallut même qu'il ne fit mettre à mort les députés."
Dion Cassius, Histoire romaine, fragment CCLXXII :"Les soldats forcèrent Servilius à s'aboucher avec Manlius et à s'entendre avec lui sur les mesures exigées par les circonstances. Loin de rétablir la bonne intelligence, cette entrevue rendit leur haine plus violente qu'auparavant : ils se séparèrent, après s'être honteusement emportés jusqu'à la dispute et jusqu'à l'injure."
Granius Licinianus, Histoire romaine, XXXIII, 6-11 :"Le consul Mallius fut alarmé par cette victoire des Cimbres et envoya une lettre suppliant Caepio de se joindre à lui et d'affronter les Gaulois avec une grande armée combinée ; mais Caepio a refusé. Caepio traversa le Rhodanos et se vanta à ses soldats qu'il porterait secours au consul effrayé ; mais il ne voulut même pas discuter avec lui de la conduite de la guerre, et il dédaigna d'écouter les envoyés que le sénat envoyait demander aux généraux de coopérer et de protéger ensemble l'État. Les Cimbres envoyèrent des émissaires pour arranger la paix et demander des terres et du blé à semer, mais il les renvoya si brusquement qu'ils attaquèrent le lendemain. Son camp était situé non loin du camp de Mallius, mais il ne put être persuadé, bien qu'il fût si proche, de réunir leurs armées."
Orose, Histoires contre les païens, V, 16, 1 :"L'an six cent quarante-deuxième de la ville, le consul C. Manlius et le proconsul Q. Caepio furent envoyés contre les Cimbres, les Teutons, les Tigurins et les Ambrones, les tribus gauloises et germaniques qui avaient alors formé une conspiration pour détruire l'Empire romain. Les dirigeants romains se sont partagé le commandement, faisant du Rhodanos la frontière."