Le passage des hauts cols des Alpes (printemps 218 av. J.-C.)
Arrivés aux premiers corridors des Alpes (mi-octobre), le convoi carthaginois fut attaqué par des montagnards (Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 34), ou pour une raison inconnue par ses anciens alliés, les Allobroges (Polybe, Histoire générale, III, 10), ou une peuplade dépendante de ces derniers ?
Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 34 :"Ensuite on arriva chez une nation assez nombreuse pour un peuple de montagnes. Là, il faillit périr dans une guerre ouverte, mais par ses propres armes, la perfidie et les embûches. Une ambassade des chefs et des vieillards se rend près de lui: "Le malheur des autres, disent-ils, est pour eux une utile leçon; ils aiment mieux éprouver l'amitié que la force des Carthaginois. Disposés à remplir les ordres qu'ils recevront, ils lui offrent des vivres, des guides, et des otages, garants de leurs promesses."
Polybe, Histoire générale, III, 10 :"Hannibal, ayant marché pendant dix jours le long du fleuve, et ayant parcouru une distance de huit cents stades, commença la montée des Alpes. C'est alors qu'il fut exposé à de très grands dangers. Tant qu'il fut dans le plat pays, les chefs des Allobroges ne l'inquiétèrent pas dans sa marche, soit qu'ils redoutassent la cavalerie carthaginoise ou que les Barbares, dont elle était accompagnée, les tinssent en respect. Mais quand ceux-ci se furent retirés, et qu'Hannibal commença à entrer dans les détroits des montagnes, alors les Allobroges coururent en grand nombre s'emparer des lieux qui commandaient ceux par où il fallait nécessairement que l'armée d'Hannibal passât. C'en était fait de son armée, si leurs piéges eussent été plus couverts, mais comme ils se cachaient mal ou point du tout s'ils firent grand tort à Hannibal, ils ne s'en firent pas moins à eux-mêmes. Ce général, averti du stratagème des Barbares, campa au pied des montagnes et envoya quelques-uns de ses guides gaulois pour reconnaître la disposition des ennemis. Ils revinrent dire à Hannibal que, pendant le jour, les ennemis gardaient exactement leurs postes, mais que pendant la nuit ils se retiraient dans une ville voisine. Aussitôt le Carthaginois dresse son plan sur ce rapport ; il fait en plein jour avancer son armée près des défilés, et campe assez proche des ennemis. La nuit venue, il donne ordre d'allumer des feux, laisse la plus grande partie de son armée dans le camp, et avec un grand corps d'élite il perce les détroits et occupe les postes que les ennemis avaient abandonnés. Au point du jour les Barbares, se voyant dépostés, quittèrent d'abord leur dessein, mais comme les bêtes de charge et la cavalerie, serrées dans ces détroits, ne suivaient que sur une longue file, ils saisirent cette occasion pour fondre de plusieurs côtés sur cette arrière-garde. Il périt là grand nombre de Carthaginois, beaucoup moins cependant sous les coups des Barbares que par la difficulté des chemins. Ils y perdirent surtout beaucoup de chevaux et des bêtes de charge, qui dans ces défilés et sur ces rochers escarpés se soutenaient à peine et culbutaient au premier choc. Le plus grand désastre vint des chevaux blessés, qui tombaient dans ces sentiers étroits, et qui en roulant poussaient et renversaient les bêtes de charge et tout ce qui marchait derrière. Hannibal, pour remédier à ce désordre, qui, par la perte de ses munitions, allait l'exposer au risque de ne pas trouver de salut, même dans la fuite, courut au secours des siens à la tête de, ceux qui pendant la nuit s'étaient rendus maîtres des hauteurs, et, tombant d'en haut sur les ennemis, il en tua un grand nombre, mais dans le tumulte et la confusion qu'augmentaient encore le choc et les cris des combattants, il perdit aussi beaucoup de monde. Malgré cela, la plus grande partie des Allobroges fut enfin défaite, et le reste réduit à prendre la fuite."
Ces peuplades alpestres furent vaincues, les carthaginois perdirent beaucoup d'hommes mais dés lors, Hannibal pût franchir les hauts cols des Alpes, "les remparts de l'Italie" selon ses propres mots, rapportés par Tite-Live.