César rétablit l'ordre chez les Éduens (avril 52 av. J.-C.)
Après le siège et la prise d'Avaricum, César laissa ses troupes autour de cette ville afin qu'elles purent faire des provisions de vivres, en vue de mener une prochaine expédition. Là, une délégation des principaux éduens vint à la rencontre de César afin d'obtenir de lui qu'il mettent fin aux sérieux troubles qui agitaient leur cité. En effet, à l'issue du mandat de Valetiacos (53-52 av. J.-C.), Cotos et Convictolitavis, deux concurrents, tous deux issus de puissantes familles, revendiquèrent l'un et l'autre avoir été nommés à la magistrature suprême. Immédiatement, les clients respectifs des deux hommes s'agitèrent, tandis que le sénat et le peuple étaient partagés, laissant craindre l'imminence d'une guerre civile (Guerre des Gaules, VII, 32).
Au-delà, on observe que ces tensions intervinrent dans un contexte bien particulier. Bien qu'ennemis de longue date des Éduens, les Arvernes parvinrent à attirer dans les rangs de l'insurrection générale certains peuples qui étaient leurs alliés traditionnels ; Bituriges, Sénons et Parises. En l'espace de quelques mois, en raison de leur fidélité à Rome, les Éduens perdirent donc une grande partie de leur influence en Gaule. Ainsi, il est difficile de croire que ces agitations étaient totalement étrangères à ce contexte. D'ailleurs, on notera qu'au cours du mandat de Valetiacos, ou peut-être déjà lorsque Cotos tentait de s'imposer au pouvoir, César eut tendance à douter de la fidélité de l'amitié des Éduens. Ainsi, lorsque Vercingetorix fit campagne chez les Bituriges, César suspecta déjà les Éduens de trahison. Peu après, il ne crut pas opportun de prévenir les Éduens de son passage sur leur territoire, précisant même qu'il envisageait qu'ils ne s'attaquassent à sa personne.
La déstabilisation de la cité des Éduens, alliée de Rome, aurait pu être particulièrement préjudiciable à César, voire pire, aurait pu conduire le prétendant malheureux à chercher un soutien auprès de Vercingetorix. Pour régler définitivement le problème, sans s'éloigner du territoire des Bituriges et sans enfreindre les lois éduennes, qui interdisaient au magistrat suprême de sortir du territoire de sa cité, César invita le sénat de ce peuple et les deux prétendants à venir à sa rencontre à Decetia (Decize). Là, César apprit que les prêtres avaient élu Convictolitavis avec l'intervention des magistrats, impliquant que lui seul fut légitime. Cotos fut quant à lui désigné par son propre frère, Valetiacos, le magistrat suprême de l'année précédente, en infraction avec diverses lois éduennes. César prit donc le parti de Convictolitavis, et contraignit Cotos à quitter le pouvoir (Guerre des Gaules, VII, 32 ; 33). Les partisans de Cotos ne furent aucunement maltraités. Dans un autre passage de la Guerre des Gaules, César indique par exemple que Viridomarosdut même son élévation sociale à César lui-même (Guerre des Gaules, VII, 38).
Estimant avoir éloigné les Éduens du risque de guerre civile, César leur réclama toute leur cavalerie et 10000 fantassins, auxquels ils confia pour mission d'escorter les convois romains, et ainsi contre-carrer la stratégie de la terre brûlée de Vercingetorix. Enfin, il divisa son armée en deux corps. Le premier fut confié à Titus Labienus, et chargé de mener campagne contre les Sénons et les Parises. César prit la tête du second corps, en vue d'attaquer Gergovia (Guerre des Gaules, VII, 34).
Sources littéraires anciennes
César, Guerre des Gaules, VII, 32 :"César demeura encore plusieurs jours dans Avaricum, où il trouva beaucoup de blé et d'autres vivres, et où l'armée se remit de ses fatigues. L'hiver étant à sa fin, et la saison même l'appelant en campagne, il avait résolu de marcher à l'ennemi, soit pour l'attirer hors de ses marais et de ses bois, soit pour l'y assiéger, lorsque les principaux des Héduens vinrent en députation auprès de lui, pour le prier d'accorder son secours à leur cité dans une circonstance extrêmement urgente. L'état, disaient-ils, était dans le plus grand danger ; car, tandis que de tout temps on n'avait créé qu'un magistrat unique qui jouissait de l'autorité suprême pendant une seule année, il y en avait en ce moment deux qui se disaient l'un et l'autre nommés suivant les lois. L'un était Convictolitavis, jeune homme d'une naissance illustre ; l'autre, Cotos, issu d'une très ancienne famille, très puissant par lui-même et par ses grandes alliances ; son frère Valétiacos avait, l'année précédente, rempli la même magistrature. Toute la nation était en armes, le sénat partagé, le peuple divisé, chacun à la tête de ses clients. Si ce différend se prolongeait, la guerre civile était imminente, malheur que préviendraient la promptitude et l'autorité de César."
César, Guerre des Gaules, VII, 33 :"Quoiqu'il crût préjudiciable d'abandonner la guerre et l'ennemi, cependant, comme il savait combien d'inconvénients entraînent de pareilles dissensions, il partit dans la crainte qu'une cité si importante et si étroitement unie au peuple romain, une cité qu'il avait toujours protégée et comblée d'honneurs, n'en vînt aux violences et aux armes, et que le parti qui se croirait le moins fort n'appelât Vercingétorix à son secours ; et il voulait prévenir ce danger. Comme les lois des Héduens ne permettaient pas au souverain magistrat de sortir du territoire, César, ne voulant paraître enfreindre en rien ni leur droit ni leurs lois, prit le parti d'aller lui-même dans leur pays, et cita devant lui, à Décétia, tout le sénat et les deux prétendants. Presque toute la cité s'y rassembla ; il apprit de quelques personnes appelées en secret, que le frère avait proclamé son frère, dans un temps et dans un lieu contraires aux institutions ; les lois défendaient non seulement de créer magistrats, mais même d'admettre dans le sénat deux personnes de la même famille, du vivant de l'une ou de l'autre. César obligea donc Cotos de se démettre de sa magistrature, et ordonna que le pouvoir fût remis à Convictolitavis que, suivant l'usage de la cité, les prêtres avaient élu avec l'intervention des magistrats."
César, Guerre des Gaules, VII, 34 :"Après cette décision, il engagea les Héduens à oublier leurs querelles et leurs dissensions, pour s'occuper uniquement de la guerre, assurés qu'ils étaient de recevoir, après la soumission de la Gaule, les récompenses qu'ils auraient méritées ; il les chargea de lui envoyer promptement toute leur cavalerie et dix mille fantassins, dont il ferait des détachements pour escorter ses convois. Divisant son armée en deux corps, il donne quatre légions à Labiénus pour aller chez les Sénons et les Parisii ; lui-même, à la tête de six autres légions, il s'avance vers Gergovie, le long de la rivière d'Allier."