Les Intéméliens était un peuple ligure, dont le territoire s'est maintenu à travers celui du diocèse de Vintimille, avant les modifications qui lui furent apportées au cours du XIXe s. À l'est, ils dominaient donc une portion notable de l'actuelle province d'Imperia (Italie), jusqu'au sud de la vallée de l'Argentina. À l'ouest, leur territoire s'étendait jusqu'aux portions des vallées de la Bévéra et de la Roya situées dans le département des Alpes-Martimes (France), et le littoral de ce même département jusqu'au mont Agel. Leur métropole était Albium Intemelium, dont le nom fut plus tard contracté sous la forme Albintimilium (Vintimille).
Attestations et étymologie
Le nom des Intéméliens est attesté sous la forme Intimilii dans une lettre de Marcus Caelius Rufus (Cicéron, Lettres aux familiers, VIII, 15), il fut également mentionné sous la forme Intemelii par Tite-Live (Histoire romaine, XL, 41) et Ἰντεμέλιοι par Strabon (Géographie, IV, 6, 1 ; 2). Indirectement, ils furent également mentionnés par Pline sous la forme oppidum Album Intimilium "la ville d'Albium des Intimiliens" (Histoire naturelle, III, 47) et Ptolémée, sous la forme Ἀλβιντιμίλιον "Albium des Intimiliens" (Géographie, III, 1, 3). Enfin, une inscription de Beaulieu-sur-Mer (Alpes-Maritimes) dénomme l'un des ressortissants de cette cité sous le nom d'ALBINTIMILIENS(I) (CIL 05, 7883).
Histoire
● La conquête romaine
L'histoire ancienne des Intéméliens est parfaitement inconnue. Le plus ancien événement relatif à ce peuple est mentionné dans l'Histoire romaine de Tite Live. En effet, il y est fait mention du fait qu'en 180 av. J.-C., au terme d'une nouvelle guerre contre les Apuans, le consul Aulus Postumius Albinus Luscus visita les côtes des Intéméliens et des Ingaunes (Histoire romaine, XL, 41). Cette visite était bien entendu une inspection, qui visait semble-t-il à s'assurer que les Ingaunes respectaient les conditions de la paix qui leur fut imposée l'année précédente. Ce passage autorise donc à penser que les Intéméliens entrèrent dans le girons romain en même temps que leurs voisins orientaux, en 181 av. J.-C. Si tel fut bien le cas, on peut conjecturer qu'ils furent de ces pirates ligures qui s'attaquèrent aux possessions massaliotes en 182 av. J.-C. et qu'en conséquence, ils furent également visés par la campagne de Lucius Aemilius Paullus (181 av. J.-C.).
● La romanisation
Dans un premier temps, le territoire des Intéméliens dépendit du district militaire de Ligurie, qui était administré depuis Pisa (Pise). À une date inconnue et dans des circonstances tout aussi énigmatiques, l'ensemble des territoires situés entre l'Italie (1) et les Alpes, furent organisée en une vaste province, la Gaule cisalpine. Ce fut dans ce contexte que les institutions indigènes des Intéméliens se calquèrent peu à peu sur le modèle romain, ce qui aboutit au fait que le statut de colonie de droit latin leur fut octroyé en 89 av. J.-C.. Dés lors, l'élite de la cité put accéder à la citoyenneté romaine et intégra la tribu Falerna.
Au début de la guerre civile de 49 av. J.-C., César tenta de s'assurer le soutien des populations ayant bénéficié du droit latin en 89 av. J.-C., en leur octroyant la citoyenneté romaine. La colonie de droit latin des Intéméliens fut dés lors érigée au rang de municipe romain. La même année, un événement fort ambiguë (et très mal compris des historiens) agita cette cité. Dans une lettre de Marcus Caelius Rufus à Cicéron, il y est précisé qu'un certain Demetrius dirigeait la garnison cantonnée sur leur territoire pour le compte de César. Bellienus Demetrius, un de ses affranchis, prit parti pour les Pompéiens et parvint à surprendre et à tuer Domitius, un proche de César. Suite à cette événement, les Intéméliens prirent les armes, obligeant Marcus Caelius Rufus a venir y rétablir l'ordre à la tête de quatre cohortes (Lettres aux familiers, VIII, 15).
Vers 42 av. J.-C., au cours du second triumvirat, la province de Gaule cisalpine fut intégrée à l'Italie. Cette intégration fut parachevée quelques décennies plus tard lorsque l'empereur Auguste réorganisa administrativement l'Italie. La province de Gaule cisalpine fut démantelée en plusieurs région, et le municipe des Intéméliens intégra la région IX - Ligurie.
Notes
(1) À la fin de l'époque républicaine, l'Italie était bornée au nord par le fleuve Rubico (le Rubicon), l'Apennin septentrional et le nord de la cité de Pisa (Pise).
Sources littéraires anciennes
Cicéron, Lettres aux familiers : Lettre de Caelius Rufus à Cicéron, VIII, 15 :"Que je meure si ce n'est uniquement pour vous voir et causer à fond avec vous, que je voudrais déjà être là-bas ! J'en ai tant a vous dire ! J'ai peur, le moment venu, d'en oublier la moitié, comme de coutume. Pour quel crime suis-je donc condamné à cheminer si fort, contre mon gré, du côté des Alpes ? Les Intimiliens se sont insurgés sans trop savoir pourquoi, voilà tout. Démétrius, qui commande la garnison, a un esclave né dans sa maison, et qui s'appelle Belliénus. Celui-ci, gagné par la faction de Pompée, a trouvé le moyen de surprendre un certain Domitius, personnage noble, hôte de César, et l'a fait étrangler. Là-dessus toute la ville a couru aux armes. Et il me faut y courir, moi, par les neiges, avec quatre cohortes. Toujours quelque esclandre de ces Domitius, allez-vous dire. Vraiment, je n'aurais pas été fâché de voir le fils de Vénus (César) se montrer aussi expéditif avec votre Domitius que l'a été ce fils d'une esclave avec le mien. Salut à votre fils Cicéron."
Pline, Histoire naturelle, III, 47 :"Ligures les plus célèbres : au delà des Alpes, les Salluviens, les Déciates, les Oxubiens ; en deçà des Alpes, les Vénènes, les Vagiennes descendants des Caturiges ; les Statyelles, les Vibelles, les Magelles, les Euburiates, les Casmonates, les Véliates, et ceux dont nous nommerons toutes les villes en parlant du rivage suivant ; le fleuve Rutuba ; la ville Albium Intémelium, le fleuve Mérula ; la ville Albium Ingaunum ; le port Vadum Sabatium ; le fleuve Porcifera, Gênes ; le fleuve Feritor, le port du Dauphin ; Tigullia ; dans l'intérieur : Segestia des Tigullins ; le fleuve Macra, limite de la Ligurie ; en arrière de toutes les localités ci-dessus énumérées, l'Apennin, la chaîne la plus considérable de l'Italie, qui s'étend sans interruption depuis les Alpes jusqu'au détroit de Sicile."
Strabon, Géographie, IV, 6, 1:"Ajoutons qu'à 370 stades de Sabata est la ville d'Albingaunum où habite la tribu ligyenne des Ingaunes, et que, dans l'intervalle de 480 stades qui sépare cette ville du port de Monoecus, s'élève Albium Intemelium, autre ville considérable habitée par les Intéméliens."
Strabon, Géographie, IV, 6, 2:"Et l'on en conclut que, comme les Ligyens se divisaient en Ingaunes et en Intéméliens, on a bien pu, pour distinguer les deux colonies ou établissements fondés par ce peuple sur le bord de la mer, appeler l'un Albium Intemelium, autrement dit l'Intemelium des Alpes, et l'autre [Albium Ingaunum] ou mieux Albingaunum par manière de contraction. Notons cependant qu'à ces deux tribus ou divisions de la nation Ligyenne Polybe en ajoute deux autres, la tribu des Oxybiens et celle des Déciètes."
Tite Live, Histoire romaine, XL, 41 :"Quant aux Ligures des montagnes. A. Postumius fit couper leurs vignes et brûler leurs moissons jusqu'à ce que tous ces désastres les eussent obligés à se rendre et à livrer leurs armes. Postumius s'embarqua ensuite pour visiter la côte des Ingaunes et des Intéméliens."
"À Marcus Aemilius Alico, tribun militaire, (de la tribu) Falerna, albintimiliense, à Marcus Aemilius Mamurra, son fils, à Marcus Aemilius [...], à Marcus Aemilius Proclus, son fils, [...] Barbarus, (de la tribu) Aniensis. […], pour ses maris […] et pour elle-même, de son vivant, a fait (ce monument)."