Lèves - Peuple celtique ou ligure fortement celtisé de la Gaule cisalpine. Les Lèves furent mentionnés sous les formes Λάοι par Polybe (Histoire générale, II, 17), Laeui par Pline (Histoire naturelle, III, 124), ainsi que Laeuos Ligures et Laeuos par Tite-Live (Histoire romaine, V, 35 ; XXXIII, 37). Les renseignements relatifs à leur localisation sont ténus. Pline les situe dans le voisinage de Ticinum (Pavie) (Histoire naturelle, III, 124), ce qui est corroboré par Tite-Live, qui les localisait dans la vallée du Ticinus (le Tessin) (Histoire romaine, V, 35). Selon ce même auteur, leur frontière méridionale aurait pu être le Pô (Histoire romaine, XXXIII, 37). Enfin, Polybe (Histoire générale, II, 17) et Tite-Live (Histoire romaine, XXXIII, 37) indiquent qu'ils étaient les voisins des Libiciens, qui occupaient une grande partie de l'actuelle Lomellina. Ceci invite à localiser les Lèves dans le centre-nord de la province de Pavie.
Caton (Origines, cité par Pline, Histoire naturelle, III, 124) et Tite-Live (Histoire romaine, V, 35), indiquent que les Lèves (mais aussi les Mariques) étaient des Ligures. Considérant que leur territoire correspondait dans une plus ou moins grande mesure à celui du municipe romaine de Ticinum, les Lèves (et les Mariques) étaient de probables utilisateurs de l'alphabet de Lugano, comme en témoigne la découverte, sur leur territoire supposé, des graffites du vase de Bozzole di Garlasco et de la patère de Gropello Cairoli. Ceci amènerait à croire que ces populations aient été celtiques ou plus ou moins fortement celtisées.
L'époque à laquelle les Lèves se seraient installés dans la plaine du Pô ne fait pas l'unanimité, puisque selon Tite-Live, ils auraient pu être installés dans la région avant l'arrivée de Salyens dans la région, lesquels seraient venus à la suite des Cénomans d'Elitovus (Histoire romaine, V, 35). De son côté, Polybe pense qu'ils s'y sont installés à l'époque de l'arrivée des autres peuples gaulois, et en même temps que les Libiciens (Histoire générale, II, 17). Les deux opinions ne sont pas radicalement contradictoires, puisque selon Tite-Live, les Libiciens ne se seraient installés en Lomellina qu'après avoir été chassés de leur territoire originel par ces mêmes Cénomans (Histoire romaine, V, 35).
Les différentes sources relatives aux événements qui eurent lieu dans la région au cours du IIIe s. av. J.-C. ne mentionnent jamais les Lèves, ni les autres peuples du voisinage coincés entre les Insubres et Taurins, invitant à croire que les uns et les autres aient pu passer sous la dépendance d'un de ces deux peuples. Bien que ce témoignage nettement postérieur doive être abordé avec certaines précautions, on notera justement que Ptolémée place Τίκινον / Ticinum (Pavie) chez les Ἴνσουβροι / Insubres (Géographie, III, 1, 33) (1). Ainsi, bien que rien ne le prouve formellement, il est fort probable que les Lèves aient été affectés par la guerre que se livrèrent les Insubres et Taurins en 218 av. J.-C., sans que nous ne puissions dire s'ils en étaient des belligérants, ou soumis à l'un de ces derniers.
Les Lèves entrèrent réellement dans l'histoire après que les Romains aient eu remporté la Seconde guerre punique. Quelle qu'aient été leur supposée dépendance passée, ils semblent avoir alors repris leur indépendance et / ou être entrés dans l'alliance de Rome. Ainsi, en 196 av. J.-C., pour une raison inexpliquée, alors que les Boïens poursuivaient les armées consulaires de Marcus Claudius Marcellus et Lucius Furius Purpureo, qui venaient de dévaster leur territoire, ils s'en détournèrent finalement pour fondre sur les territoires des Lèves et des Libiciens et les ravager (Histoire romaine, XXXIII, 37). Cette initiative implique nécessairement que ces deux peuples aient été alors indépendants des Insubres (alliés traditionnels des Boïens) et fut peut-être motivée par un rapprochement avec Rome.
Après cet événement, les Lèves et leurs voisins immédiats passèrent assurément sous le joug romain. C'est probablement dans ce cadre que fut créé le municipe de Ticinum.
(1) Ces derniers ont cessé de constituer une entité politique à partir du IIe s. av. J.-C. Aux yeux de Ptolémée (milieu du IIe ap. J.-C.), que signifiait donc ce rattachement aux Insubres, sinon le souvenir d'une appartenance, ou d'une dépendance, plus ancienne ?
Pline, Histoire naturelle, III, 124 :"Novare, issue des Vertacomacores, qui forment aujourd'hui même un canton des Vocontiens, non, comme le dit Caton, des Ligures : deux tribus de ces derniers, les Lèves et les Mariques, ont fondé Ticinum, non loin du Pô."
Polybe, Histoire générale, II, 17 :"Les Gaulois, par leur proximité, avaient avec eux de fréquents rapports. Enchantés de la beauté du pays, ils l'envahirent tout à coup, sur un léger prétexte, avec une nombreuse armée, chassèrent les Tyrrhéniens des campagnes qu'arrosait le Pô et s'y établirent. Celles qui sont les plus rapprochées de la source du fleuve reçurent pour habitants les Laens et les Lébéciens. Un peu plus loin se fixèrent les Insubriens, la plus considérable des peuplades gauloises ; enfin les Cénomans occupèrent les bords du Pô. Quant au pays que baigne l'Adriatique, il était habité par une nation très-ancienne, les Vénètes, qui avaient avec les Gaulois quelque ressemblance pour les vêtements et les moeurs, mais aucune pour le langage. Les faiseurs de tragédies ont souvent parlé de ce peuple et ont débité sur son compte mille choses incroyables. Les plaines au delà du Pô, vers l'Apennin, virent arriver les Ananes d'abord, puis les Boïens, les Lingons, qui touchent à l'Adriatique, et enfin les Sénonais, voisins de la mer."
Tite-Live, Histoire romaine, V, 35 :"Bientôt, suivant les traces de ces premiers Gaulois, une troupe de Cénomans, sous la conduite d'Étitovius, passe les Alpes par le même défilé, avec l'aide de Bellovèse, et vient s'établir aux lieux alors occupés par les Libuens, et où sont maintenant les villes de Brixia et de Vérone. Après eux, les Salluviens se répandent le long du Tessin, près de l'antique peuplade des Lèves Ligures. Ensuite, par les Alpes Pennines. arrivent les Boïens et les Lingons, qui, trouvant tout le pays occupé entre le Pô et les Alpes, traversent le Pô sur des radeaux, et chassent de leur territoire les Étrusques et les Ombriens : toutefois, ils ne passèrent point l'Apennin. Enfin, les Sénons, qui vinrent en dernier, prirent possession de la contrée qui est située entre le fleuve Utens et l'Aesis."
Tite-Live, Histoire romaine, XXXIII, 37 :"Les Boïens crurent que l'armée romaine marcherait avec peu de précautions, les croyant éloignés, et qu'ils pourraient la surprendre; ils la suivirent par des défilés couverts. N'ayant pu l'atteindre, ils traversèrent brusquement le Pô sur des barques, ravagèrent le territoire des Laevi et des Libui, puis se retirèrent; mais, arrivés aux frontières de la Ligurie avec toutes les dépouilles de la campagne, ils rencontrèrent les Romains."