Taurins - Peuple celte ou ligure du Pièmont italien, les Taurins furent mentionnés à de multiples reprises dans l'antiquité sous la forme Ταυρῖνοί par les auteurs grecs (Étienne de Byzance, Polybe, Ptolémée et Strabon) et Taurini par les auteurs latins (Pline et Tite-Live). A ces attestations s'en ajoutent de nombreuses autres, provenant de diverses inscriptions anciennes. Cet ethnonyme trouve son origine dans le thème indo-européen *tauros "taureau" et pourrait constituer une variante locale du gaulois taruos "taureau". Si tel est bien le cas, leur nom semble avoir signifié "ceux du taureau". Le territoire des Taurins s'est étendu depuis les Alpes (Polybe, Histoire générale, III, 60 ; Strabon, Géographie, IV, 6, 6 ; Tite-Live, Histoire romaine, V, 34 ; XXI, 38), jusqu'au Pô (Pline, Histoire naturelle, III, 123). Il correspondait donc au sud du Canavese et des Vallées de Lanzo, le Pinerolese, la vallée du Sangone, jusqu'au Pô, soit une grande partie de l'actuelle province de Turin. Leur métropole était Taurasia, devenue Augusta Taurinorum (Turin) à l'époque romaine.
L'origine ethnique des Taurins ne faisait aucunement consensus dans l'antiquité. Pline (Histoire naturelle, III, 123) et Strabon (Géographie, IV, 6, 6) les ont qualifiés de Ligures. Tite-Live ne s'est pas clairement prononcé, mais a précisé que leur territoire n'appartenait pas à la Gaule cisalpine et les a clairement distingué de leurs voisins, les Libiciens, qualifiés quant à eux de Galli "Gaulois" (1) (Histoire romaine, XXI, 38). En revanche, évoquant leur métropole, Appien l'a qualifiée de Ταυρασίᾳ, πόλει Κελτικῇ "Taurasia, ville celtique" (Hannibalique, V). Enfin, il est sans doute préférable de ne pas prendre en compte les Ethniques d'Étienne de Byzance, puisque le rapprochement proposé avec les Taurisques, semble ne reposer que sur l'homophonie des deux ethnonymes (2) (Ethniques, 230).
Selon Tite-Live, les Gaulois s'étant infiltrés en Italie à la transition du Ve et du IVe s. av. J.-C., passèrent par le Col de Montgenèvre, pour déboucher sur leur territoire (Histoire romaine, V, 34). Ce passage invite à croire que la présence des Taurins était bien antérieure à celle des Gaulois, ce qui plaide pour des origines ligures.
Les Taurins pourraient être entrés en relation avec Rome dés l'époque de la campagne de Publius Furius Philus et Caius Flaminius Nepos contre les Anares (223 av. J.-C.). En effet, l'hypothèse d'un tel rapprochement, voire d'un véritable traité, expliquerait pourquoi les Insubres sont entrés en guerre contre eux (été-automne 218 av. J.-C.), en vue de préparer l'arrivée d'Hannibal dans la plaine du Pô. De son côté, après avoir débouché des Alpes dans leur territoire, Hannibal tenta de les convaincre de rejoindra sa cause, mais sans succès. N'ignorant pas que l'armée consulaire de Publius Cornelius Scipio marchait dans leur direction, pour tenter de les intercepter, les Carthaginois attaquèrent les Taurins. Ces derniers furent rapidement vaincus et Taurasia prise d'assaut (automne 218 av. J.-C.).
Par la suite, les Taurins demeurèrent fidèles à Rome, notamment au cours de la Guerre sociale (90-88 av. J.-C.). À l'instar des autres cités-alliées de Transpadane, ils furent récompensés de leur fidélité par l'octroi du droit latin en 89 av. J.-C.. Dans ce cadre, le territoire des Taurins fut érigé au rang de municipe ; le municipe de Taurasia.
(1) Ce passage fait suite à un fragment des Annales de Lucius Cincius Alimentus, historien romain du IIIe av. J.-C. Rien ne permet de dire si Tite-Live reprend ici des informations de cet auteur, des distinctions sur la base de considérations ethniques objectives, ou s'il s'est contenté de localiser les événements contés, à partir des limites administratives de son temps (Ier s. av. / Ier s. ap. J.-C.).
(2) Nous ne savons rien de l'ouvrage d'Ératosthène cité par Étienne de Byzance, cependant, le troisième livre de Polybe ne rapproche nullement les Taurins des Taurisques (Histoire générale, III, 60). Selon toute vraisemblance, Étienne de Byzance se contente ici, de mentionner des ethnonymes morphologiquement voisins et les ouvrages dans lesquels il les a compilé.
Sources littéraires anciennes
Appien, Hannibalique, V :"Après avoir pris un peu de repos ; il attaque Taurasie, ville celtique, et, l'ayant emportée de vive force, il fait égorger les prisonniers pour frapper de terreur le reste de la Celtique. Arrivé au fleuve de l'Éridan, appelé aujourd'hui le Pô, dans la contrée où les Romains faisaient la guerre aux Celtes surnommés Boïens, il y campa."
Étienne de Byzance, Ethniques, 230 :"Taurisques : Peuple autour des montagnes des Alpes. Ils sont appelés également Taurins, selon Polybe dans le 3e livre. Eratosthène les appelle Terisques, avec un " e ", et on dit aussi Taures."
Pline, Histoire naturelle, III, 123 :"La onzième région, qui vient ensuite, prend du Pô le nom de Transpadane ; elle est tout entière dans l'intérieur des terres, mais elle n'en reçoit pas moins toutes choses de la mer par l'utile canal de son fleuve. Villes : Vibi Forum, Segusio ; colonies, à partir du pied des Alpes : Augusta des Taurins, de l'antique nation des Ligures, et où le Pô commence à être navigable ; puis Augusta Praetoria des Salasses, auprès des deux passages des Alpes ; les portes Graïques et les portes Poenines (on rapporte que les Carthaginois ont passé par celles-ci, et Hercule par celles-là) ;"
Pline, Histoire naturelle, XV, 36 :"Une troisième espèce nommée sappinie vient du faux sapin cultivé ; les pignons en sont recouverts d'une peau plutôt que d'une écorce, et cette peau est tellement tendre qu'on la mange avec le fruit. Une dernière espèce se nomme pityis ; elle provient du pin sauvage, c'est un remède excellent contre la toux. Les pignons bouillis dans du miel sont appelés aquicèles chez les Taurins. Les vainqueurs aux jeux isthmiques sont couronnés avec une couronne de pin."
Polybe, Histoire générale, III, 60 :"Il est curieux de comparer les Alpes, pour l'étendue et la hauteur, aux montagnes les plus considérables de la Grèce, Au Taygète, au Lycée, au Parnasse, au Pélion, à l'Ossa ; et à celles de la Thrace, à l'Hémus, au Rhodope et au Dunax. Chacune de ces montagnes peut être franchie ou tournée en un jour, par un homme sans bagages, mais on ne saurait monter au sommet des Alpes qu'en cinq jours ; et leur étendue, le long de la plaine, est de deux mille deux cents stades. Elles ne présentent que quatre passages : l'un du côté de la Ligurie, près de la mer Tyrrhénienne, l'autre chez les Tauriniens ; le troisième dans le pays des Salasses, et le quatrième en Rhétie."
Polybe, Histoire générale, XXXIV, 10 :"Le premier soin d'Annibal fut donc de soigner ses troupes et de ranimer à la fois chez elles le corps et l'esprit ; il s'occupa également des chevaux. Puis, dès que son armée fut en bon état, après avoir d'abord recherché en vain l'alliance et l'amitié des Tauriniens, peuple situé au pied des Alpes, qui alors était en guerre avec les Insubriens, et qui montrait quelque défiance à l'égard des Carthaginois, il attaqua, sur leur refus, leur place la plus forte, et en trois jours s'en empara. Il fit passer au fil de l'épée tous ceux qui s'étaient opposés à ses desseins, et par là inspira une telle crainte aux peuplades barbares du voisinage, qu'elles vinrent se livrer à lui."
Strabon, Géographie, IV, 6, 6 :"Du côté opposé, c'est-à-dire sur le versant italien de la chaîne des Alpes, habitent les Taurins, nation ligystique, et, avec les Taurins, maintes autres tribus de même origine, celles-là notamment qui forment la population des deux districts connus sous les noms de terre de Donnas et de terre de Cottius. Immédiatement après ces tribus ligyennes, de l'autre côté du Padus, commence le territoire des Salasses ; puis, au-dessus des Salasses, sur la crête même des Alpes, on rencontre successivement les Centrons, les Catoriges, les Varagres, les Nantuates, le lac Lemenna que traverse le Rhône et finalement la source de ce fleuve."
Tite-Live, Histoire romaine, V, 34 :"Les Gaulois virent là un présage de leur destinée : ils aidèrent ces étrangers à s'établir sur le rivage où ils avaient abordé et qui était couvert de vastes forêts. Pour eux, ils franchirent les Alpes par des gorges inaccessibles, traversèrent le pays des Taurins, et, après avoir vaincu les Étrusques, près du fleuve Tessin, ils se fixèrent dans un canton qu'on nommait la terre des Insubres."
Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 38 :"Mais vraisemblablement, et plusieurs historiens en font foi, l'armée carthaginoise ne s'éleva à ce total que par la jonction de ces peuples : Cincius ajoute avoir entendu dire à Hannibal lui-même, qu'il avait perdu trente-six mille hommes, et une quantité prodigieuse de chevaux et d'autres bêtes de somme, depuis le passage du Rhône, jusqu'à sa descente en Italie, sur les terres des Taurini, limitrophes de la Gaule Cisalpine. Comme tous les auteurs sont d'accord sur cette circonstance, je trouve fort étrange qu'il y ait tant d'incertitude pour l'endroit où Hannibal traversa les Alpes, et qu'on ait pu penser communément que ce fut par les Alpes Pennines, qui tiraient alors leur nom du mot Puni. Coelius dit qu'Hannibal prit par le mont de Crémone ; mais ces deux gorges l'eussent conduit, non pas chez les Taurini, mais chez les Gaulois Libi, à travers les montagnards Salassi ; et le moyen de se persuader qu'il eût gagné ainsi la Gaule Cisalpine, puisqu'il eût trouvé toutes les approches des Alpes Pennines fermées à ses troupes par des peuples demi-germains."
Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 39 :"Par une circonstance très favorable pour son début, Hannibal trouva les Taurini en guerre avec les Insubres, leurs voisins. Mais il se voyait dans l'impossibilité d'offrir son armée à l'un des deux partis, parce que ses troupes, en train de se refaire, sentaient d'autant plus vivement les maux qu'elles avaient soufferts. En effet le repos après la fatigue, l'abondance après la disette, la propreté après la saleté la plus affreuse, avaient diversement éprouvé le tempérament des Carthaginois, défigurés et presque semblables à des sauvages. Ce motif détermina le consul Publius Cornélius, lorsqu'il eut débarqué à Pise, et reçu l'armée des mains de Manlius et d'Atilius, à presser sa marche vers le Pô ; et cependant il n'avait que de nouvelles recrues, encore intimidées des affronts qu'elles venaient d'essuyer ; il voulait combattre l'ennemi avant qu'il eût réparé ses forces. Il arriva à Plaisance ; mais Hannibal avait déjà levé le camp ; et la capitale des Taurini, qui avaient rejeté son alliance, avait été emportée d'assaut ; nul doute que la crainte, et même l'affection, n'eussent entraîné dans le parti de Carthage les Gaulois, riverains du Pô, si, au moment où ils ne cherchaient qu'une occasion de se révolter, il n'eussent été surpris par l'arrivée subite du consul. De son côté, Hannibal partit de chez les Taurini, persuadé qu'à son aspect les Gaulois indécis le suivraient bientôt."
Sources épigraphiques
Inscription de Turin (CIL 05, 6955) P(VBLIVS) METELLVS L(VCI) F(ILIVS) DEC(VRIO) TAVR(INIS) ET QVAESTOR ITEM DECVRIO EPOREDIAE ET IIVIR IOVI AVG(VSTO) EX HS X(MILIBVS) TEST(AMENTO) PONI IVSSIT
"Publius Metellus, fils de Lucius, décurion des Taurins et questeur, ainsi que décurion d'Eporedia et duumvir. À l'auguste Jupiter, il a ordonné par testament que soit posée (cette statue d'un montant) de 10000 sesterces."
Inscription de Turin (CIL 05, 7016) D(IS) M(ANIBVS) P(VBLI) ARRII SECVNDINI [...] CVRIAL(ES) TAVR(INI) ET [...]R EPORED(IAE) […
"Aux Dieux Mânes de Publius Arrius Secundinus […], de la curie des Taurins et […] d'Eporedia […]."
"[…] de Cai[...] Sextus Lucr[...] Apolloni[...], scribe d'Augusta des Taurins, sévir d'Eporedia, […], a ordonné par testament que soit fait (ce monument)."