Peuple de la province romaine du Norique. Suivant la lecture faite par G. Alfoldy (1974), l'énumération des cités figurant sur les inscriptions honorifiques de Magdalensberg (ILLPRON 234-236) suivrait un ordonnancement géographique, et plus précisément une progression spiralaire. Le peuple à la tête de la confédération y figurerait en premier (Noriques), suivis de leurs voisins immédiats occidentaux (Ambilins et Ambidraves), leurs voisins immédiats orientaux (Upéraces), avant de mentionner les populations plus lointaines, depuis l'ouest jusqu'au nord-ouest (Saevates, Laiances, Ambisontes et Elvètes). Ainsi, les Laiances devraient se situer à l'ouest des Noriques, mais ne seraient pas leurs voisins immédiats. Ils se trouveraient au-delà des Ambilins et Ambidraves, entre les Saevates du Val Pusteria et les Ambisontes du Pinzgau. Par ailleurs, l'inscription de Zuglio atteste que les Laiances étaient les voisins immédiats des Saevates. A partir de ces différentes considérations, le seul territoire qui peut leur être attribué est l'extrémité occidentale de la haute-vallée de la Drave, entre les Alpes carniques et le Hohe Tauern, soit essentiellement l'actuel district de Lienz (Tyrol, Autriche). Enfin, G. Alfoldy conclut son raisonnement en avançant l'idée que la ville de Lienz, voisine immédiate de l'antique Aguntum (Dölsach), conserverait le souvenir de leur nom (Luenzina en 1030).
Attestations et étymologie
Les Laiances ne nous sont connus que par trois inscriptions découvertes à Magdalensberg (Autriche) sous les formes LAIANCI (ILLPRON 234 ; 235 et 236) et (CIVITAS) LAIANCORVM sur une inscription mise au jour à Zuglio (Italie) (CIL 05, 1838). Aucune étymologie pertinente n'a été proposée à ce jour.
Protohistoire
Entre le VIe et le Ier s. av. J.-C., le territoire prêté aux Laiances appartenait à la sphère de la culture de Fritzens-Sanzeno, une culture matérielle du centre-est des Alpes, propre aux peuples rhètes (Strobel, 2011). Tout au long de son histoire, cette culture a été très poreuse aux influences de ses voisins, Vénètes, Étrusques et Celtes. Les influences celtiques sont clairement détectables à partir du Ve s. av. J.-C., sur un plan matériel et religieux. Dés le IVe s. av. J.-C., ces influences sont devenues prédominantes, ce qui a abouti notamment à l'adoption d'un armement typiquement laténien. Notons enfin que plusieurs auteurs ont observé que la culture de Fritzens-Sanzeno a atteint son apogée lorsque s'est développée la culture des oppida en Bavière, soit entre le IIIe et le Ier s. av. J.-C. (Tecchiati, 1999 ; Roncador, 2017). Les travaux de U. Tecchiati (1999), F. Marzatico (2001), S. Marchesini & R. Roncador (2016), R. Roncador (2017), etc. indiquent que les échanges commerciaux et culturels, furent suivis par des relations de type mariage et des apports de populations ayant migré en Rhétie depuis le Nord des Alpes et la plaine du Pô. Ces dernières dynamiques expliqueraient l'adoption d'éléments religieux celtiques, ainsi qu'une influence celtique sur la langue rhétique et l'onomastique. Ainsi, il est tout à fait possible que les Laiances aient été des Celtes s'étant surimposés sur un substrat rhète, à moins qu'ils aient été des Rhètes celtisés.
À une date méconnue, probablement entre la fin du IIe s. et la fin du Ier s. av. J.-C., les Laiances furent intégrés à une confédération des peuples du royaume du Norique. Ils y demeurèrent jusqu'à l'époque romaine.
Histoire
● La conquête romaine
Nous ne savons rien des conditions dans lesquelles les Saevates passèrent sous domination romaine. Le fait que leur nom apparaisse sur les inscription honorifiques de Magdalensberg (ILLPRON 234 ; 235 et 236) est cependant riche en enseignements. En effet, ces trois inscriptions sont datées de 10-9 av. J.-C., elles sont donc postérieures de peu aux campagnes menées par Publius Silius Nerva (16 av. J.-C.) et Tibère et Drusus (15 av. J.-C.) contre les peuples du Norique. Compte-tenu de ce contexte, elles constituaient un évident acte de soumission et de reconnaissance de l'autorité de l'empereur sur la région.
● La romanisation
L'inscription de Zuglio (CIL 05, 1838), datée de l'intervalle 41-54 ap. J.-C., indique qu'au sein de la province romaine du Norique, la cité des Saevates et celle des Laiances furent réunies pour former la ciuitas Saeuatum et Laiancorum, la "cité des Saevates et des Laiances". Cette inscription est donc contemporaine d'un moment important de l'histoire du Norique, lorsque les différentes cites furent pleinement intégrées à l'Empire et reçurent le droit latin. Dans ce cadre, plusieurs cités fusionnèrent pour donner naissance à municipes, organisés autour d'une métropole commune. Dans le cas des Saevates et des Laiances, la métropole fut fixée à Aguntum (Dölsach). Ces deux populations furent dés lors dénommées les Aguntenses.
Inscription de Zuglio (CIL 05, 1838) C(AIO) BAEBIO P(VBLI) F(ILIO) CLA(VDIA) ATTICO IIVIR(O) I(VRE) [D(ICVNDO)] PRIMO PIL(O) LEG(IONIS) V MACEDONIC(AE) PRAEF(ECTO) C[I]VITATIVM MOESIAE ET TREBALLIA[E PRA]EF(ECTO) [CI]VITAT(IVM) IN ALPIB(VS) MARIT<I=V>MIS T[R(IBVNO)] MIL(ITVM) COH(ORTIS) VIII PR(AETORIAE) PRIMO PIL(O) ITER(VM) PROCVRATOR(I) TI(BERI) CLAVDI CAESARIS AVG(VSTI) GERMANICI IN NORICO CIVITAS SAEVATVM ET LAIANCORVM
"A Caius Baebius Atticus, fils de Publius, (de la tribu) Claudia, duumvir pour dire le droit, primipile de la légion V Macedonica, préfet des cités de Mésie et de Triballie, préfet des cités dans les Alpes maritimes, tribun militaire de la cohorte VIII Praetoria, primipile une seconde fois, procurateur de Tiberius Claudius Caesar Augustus Germanicus dans le Norique. La cité des Saevates et des Laiances."
Sources
• G. Alfoldy (1974) - Noricum, Routledge and Kegan Paul, collection : The Provinces of the Roman Empire, Londres et Boston, 413p.
• R. Constantini, (2002) - Sebatum, Atlante tematico di topografia antica; XII Supplemento, L'Erma di Bretschneider, Roma, 136p.
• S. Marchesini & R. Roncador, (2016) - "Celts and Raetians in the central-eastern Alpine Region during the Second Iron Age : multidisciplinary research", in : I. Armit et al., (ed.), Cultural Encounters in Iron Age Europe, Archaeolingua, Series Minor, Budapest, pp.267-284
• F. Marzatico, (2011) - "I Reti in Trentino: Il Gruppo Fritzens-Sanzeno", in : G. Ciurletti & F. Marzatico (eds), Die Räter/I Reti, ArcheoAlp 5., Servizio Beni Culturali/Uffi cio Beni Archeologici, Trento, pp.467-504
• R. Roncador, (2017) - Celti e Reti. Interazioni tra popoli durante la seconda età del Ferro in ambito alpino centro-orientale, BraDypUs ed., Roma, 366p.
• K. Strobel, (2011) - "Zwischen Italien und den 'barbaren' : das werden neuer politischer und administrativer grenzen in caesarisch-augusteischer zeit", in : O. Hekster & T. Kaizer (Hrsg.), Frontiers in the Roman World, Proceedings of the Ninth Workshop of the International Network Impact of Empire, Durham, 16-19. April 2009, Brill, Leiden, pp.199-231
• U. Tecchiati, (1999) - "L'esperienza dell'altro. Scambi e relazioni transculturali nella preistoria e nella protostoria della regione alpina centrale", in : M. Cossetto (ed.), Fare Storia a Scuola, vol 2. Materiali di lavoro del gruppo di studio sulle fonti della storia locale, Istituto Pedagogico in Lingua Italiana, Bolzano/Bozen, pp.13-44
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique