Peuple de la Gaule celtique, puis de la province de Gaule lyonnaise. Les Turons étaient établis sur la Loire, leur territoire correspondait sensiblement à celui de l'ancien diocèse de Tours (avant 1790), au niveau de l'actuelle Touraine. Leurs capitales successives furent Ambacia (Les Châtelliers, Amboise) à l'époque pré-romaine, puis Caesarodunum (Tours).
Attestations et étymologie
Ce peuple fut mentionné par César sous les formes Turonos (Guerre des Gaules, II, 35 ; VII, 4), Turonis (VII, 75) et in Turonis (VIII, 46), Pline sous la forme Turones (Histoire naturelle, IV, 107), Turoni par Tacite (Annales, III, 41) et Τουρόνιοι (var. Τουρογιεῖς) par Ptolémée (Géographie, II, 8, 11). Ils furent également mentionnés sur quelques inscriptions lapidaires sous la forme TVRONO (CIL 13, 1703), CI]VI[TAS TVRONOR(VM) LIBE]RA (CIL 13, 3076a), CIVITAS TVRONOR(VM) LIB[ERA (CIL 13, 3076b) et CIVITAS TV[RON(ORVM) LIBERA (CIL 13, 3077). Cet ethnonyme est gaulois, il s'explique par le terme turo- / tullo- qui signifie "fort" / "gonflé". Suivant J. Lacroix (2003), leur nom pourrait se traduire par "ceux qui sont gonflés (de colère / de fureur guerrière)". La Touraine et Tours conservent le souvenir de leur nom.
Histoire
● Protohistoire
Les Turons sont les homonymes des Turons de Thuringe. Ce constat est communément fait depuis bien longtemps, mais pour l'heure, rien ne permet de dire s'il existait un quelconque rapport entre ces deux populations.
● Guerre des Gaules
Les Turons furent mentionnés pour la première fois à la fin de l'année 57 av. J.-C., lorsque César fit hiverner ses légions sur leur territoire, ainsi que sur celui des Andes et des Carnutes (César, Guerre des Gaules, II, 35).
En 52 av. J.-C., immédiatement après que Vercingétorix ait eu pris la tête des Arvernes, il envoya des délégués auprès de nombreuses cités gauloises pour les inviter à prendre les armes contre les Romains. Les Turons furent parmi les premiers peuples à répondre à son appel et à se joindre à lui (César, Guerre des Gaules, VII, 4). La même année, ils fournirent un contingent de 8000 hommes aux armées de secours chargées de contraindre César à lever le siège d'Alesia (Guerre des Gaules, VII, 75).
Au cours de l'hiver 51-50 av. J.-C., au terme de la huitième campagne de César en Gaule, deux légions furent stationnées chez les Turons pour tenir à l'oeil les peuples riverains de l'océan (Guerre des Gaules, VIII, 46).
● Intégration de la cité des Turons à l'Empire romain
La remise en cause d'un certain nombre de privilèges fiscaux et d'avantages dont bénéficiaient les cités gauloises, leur endettement et celui de leur noblesse, les poussèrent à prendre part à la révolte de Julius Sacrovir et de Julius Florus (21 ap. J.-C.). Dans un contexte fort imprécis, Turons et Andécaves ont précipité leur soulèvement. Ils furent finalement vaincus par le légat Acilius Aviola, venu à la tête de détachements de légions de Germanie inférieure, la cohorte XIII Urbana et des troupes auxiliaires gauloises (Tacite, Annales, III, 41).
Dans un contexte inconnu, les Turons changèrent de statut fiscal. En effet, vers 50 ap. J.-C., ils érigèrent un monument portant trois dédicaces en l'honneur de l'empereur Claude et de ses fils, sur lesquelles ils revendiquaient le fait de bénéficier du statut de cité libre (CIL 13, 3076a ; 3076b ; 3077). Ce changement implique qu'ils furent dés lors partiellement exonérés du paiement du trbut.
● La cité des Turons au Bas-Empire
Dans le cadre de la réforme provinciale de Dioclétien (dernière décennie du IIIe s. ap. J.-C.), la province de Gaule lyonnaise fut divisée en deux nouvelles provinces. À cette occasion, la cité des Turons intégra la province de Lyonnaise seconde.
Lorsque cette province fut à sont tour divisée, lors de la réforme provinciale de Constantin (314 ap. J.-C.), la cité des Turons intégra finalement la province de Lyonnaise troisième.
Sources littéraires anciennes
César, Guerre des Gaules, II, 35 :"Ces succès, l'entière pacification de la Gaule, toute cette guerre enfin, firent sur les barbares une telle impression, que plusieurs des peuples situés de l'autre côté du Rhin envoyèrent des députés à César, pour lui offrir des otages et leur soumission. César, pressé de se rendre en Italie et en Illyrie, leur dit de revenir au commencement de l'été suivant. Il mit ses légions en quartier d'hiver chez les Carnutes, les Andes et les Turons, pays voisins de ceux où il avait fait la guerre, et partit pour l'Italie."
César, Guerre des Gaules, VII, 4 :"On lui donne le titre de roi, et il envoie des députés réclamer partout l'exécution des promesses que l'on a faites. Bientôt il entraîne les Sénons, les Parisii, les Pictons, les Cadurques, les Turons, les Aulerques, les Lémovices, les Andes, et tous les autres peuples qui bordent l'océan : tous s'accordent à lui déférer le commandement. Revêtu de ce pouvoir, il exige des otages de toutes les cités, donne ordre qu'on lui amène promptement un certain nombre de soldats, et règle ce que chaque cité doit fabriquer d'armes, et l'époque où elle les livrera."
César, Guerre des Gaules, VII, 75 :"Pendant que ces choses se passaient devant Alésia, les principaux de la Gaule, réunis en assemblée, avaient résolu, non d'appeler aux armes tous ceux qui étaient en état de les porter, comme le voulait Vercingétorix, mais d'exiger de chaque peuple un certain nombre d'hommes ; ils craignaient, dans la confusion d'une si grande multitude, de ne pouvoir ni la discipliner, ni se reconnaître, ni se nourrir. Il fut réglé que les divers états fourniraient, savoir les Héduens, avec leurs clients les Ségusiaves, les Ambivarétes, les Aulerques Brannovices, les Blannovii, trente-cinq mille hommes ; les Arvernes avec les peuples de leur ressort, tels que les Eleutètes, les Cadurques, les Gabales, et les Vellavii, un pareil nombre ; les Sénons, les Séquanes, les Bituriges, les Santons, les Rutènes, les Carnutes, chacun douze mille ; les Bellovaques, dix mille ; les Lémoviques, autant ; les Pictons, les Turons, les Parisii, les Helvètes, huit mille chacun ; [...]."
César, Guerre des Gaules, VIII, 46 :"Il partit ensuite pour Narbonne, avec une escorte de cavalerie, et mit l'armée en quartiers d'hiver sous les ordres des lieutenants. Il plaça quatre légions dans la Belgique, avec M. Antonius, C. Trébonius et P. Vatinius ; il en envoya deux chez les Héduens, dont il connaissait le crédit sur toute la Gaule ; il en plaça deux chez les Turons, sur la frontière des Carnutes, pour contenir toutes les contrées qui touchent l'océan ; deux autres chez les Lémovices, non loin des Arvernes, pour ne laisser sans armée aucune partie de la Gaule."
Pline, Histoire naturelle, IV, 107 :"La Gaule Lyonnaise renferme les Lexoviens, les Vellocasses, les Gallètes, les Vénètes, les Abrincatuens, les Osismiens ; la Loire, fleuve célèbre ; une péninsule remarquable qui s'avance dans l'Océan, à partir des Osismiens, dont le tour est de 625.000 pas, et dont le col a 125.000 pas de large ; au delà de cette péninsule, les Nannètes ; dans l'intérieur, les Héduens, aillés, les Carnutes, alliés, les Boïens, les Sénons, les Aulerques, surnommés Éburoviques, et ceux qui sont surnommés Cénomans ; les Meldes, libres ; les Parisiens, les Trécasses, les Andegaves, les Viducasses, les Bodiocasses, les Unelles, les Cariosvélites, les Diablindes, les Rhédons, les Turons, les Atésuens, les Segusiaves, libres, dans le territoire desquels est Lyon, colonie."
Tacite, Annales, III, 41 :"Il y eut peu de cantons où ne fussent semés les germes de cette révolte. Les Andécaves et les Turoniens éclatèrent les premiers. Le lieutenant Acilius Aviola fit marcher une cohorte qui tenait garnison à Lyon, et réduisit les Andécaves. Les Turoniens furent défaits par un corps de légionnaires que le même Aviola reçut de Visellius, gouverneur de la basse Germanie, et auquel se joignirent des nobles Gaulois, qui cachaient ainsi leur défection pour se déclarer dans un moment plus favorable. On vit même Sacrovir se battre pour les Romains, la tête découverte, afin, disait-il, de montrer son courage ; mais les prisonniers assuraient qu'il avait voulu se mettre à l'abri des traits en se faisant reconnaître. Tibère, consulté, méprisa cet avis, et son irrésolution nourrit l'incendie."
Sources épigraphiques
Inscription de Lyon (CIL 13, 1703) PATERNIO VRSO TVRONO OMNIB(VS) HONORIB(VS) APVD SVOS FVNCT(O) I[NQUISIT(ORI)] GALLIAR[VM] P[RIMO VMQUAM] EX CIVITATE SVA III PROVINC(IAE) GALLIAE
"Paternius Ursus, turon, qui a rempli parmi les siens toutes les fonctions honorables, inquisiteur des Gaules, le premier de sa cité (auquel cet honneur a été decerné). Les trois provinces des Gaules (ont élevé ce monument)."
Inscription de Tours (CIL 13, 3076a) [TI(BERIO) CLAVDIO DRVSI F(ILIO) CAESARI AVG(VSTO) GER]MA[NICO PONT(IFICI) MAX(IMO) TRIBV]NI[C(IA) POTEST(ATE) III IMP(ERATORI) V P(ATRI) P(ATRIAE) CI]VI[TAS TVRONOR(VM) LIBE]RA
"À Tiberius Claudius, fils de Drusus, César, Auguste, Germanique, grand pontife, revêtu du pouvoir tribunicien pour la 3e fois, 5 fois impérator, père de la patrie. La cité libre des Turons (a érigé ce monument)."
Inscription de Tours (CIL 13, 3076b) [TI(BERIO) CLAVDIO CAESARI BRITANNICO TI(BERI) CLAVDI CAESARIS AVG(VSTI) GERMANICI FILIO DRV]SI NEPOTI CIVITAS TVRONOR(VM) LIB[ERA
"À Tiberius Claudius, César, Britannique, fils de Tiberius Claudius, César, Auguste, Germanique, petit-fils de Drusus. La cité libre des Turons (a érigé ce monument)."
Inscription de Tours (CIL 13, 3077) ] CIVITAS TV[RON(ORVM) LIBERA
"[...] La cité libre des Turons (a érigé ce monument)."