L'oppidum de Marcilhac, puis Ruessium (Saint-Paulien, Haute-Loire) et Anicium (Le Puy-en-Velay, Haute-Loire)
Vellaves
Localisation
Peuple de la Gaule celtique, puis de la province romaine de Gaule aquitaine. Leur territoire correspondait à celui qui fut celui du diocèse du du Puy-en-Velay (avant 1790), soit l'actuel Velay, dans la moitié est du département de la Haute-Loire. La métropole de cette cité était l'oppidum de Marcilhac, puis Ruessium (tous deux dans la commune de Saint-Paulien, Haute-Loire), avant d'être transférée à Anicium (Le Puy-en-Velay, Haute-Loire) dans l'antiquité tardive (Barras, 2004).
Attestations et étymologie
Cet ethnonyme a été mentionné sous la forme Vellauiis par César (Guerre des Gaules, VII, 75), mais aussi Ὀυελλάιοι par Strabon (Géographie, IV, 2, 2) et Οὐέλαυνοι par Ptolémée (Géographie, II, 7, 20). On notera aussi que fort étonnamment, ce peuple ne fut pas mentionné par Pline(1). Les inscriptions honorfiques de Lavoûte-sur-Loire (CIL 13, 1614) et de Saint-Paulien (CIL 13, 1591 ; 1592), ou encore une inscription funéraire du Puy-en-Velay (CIL 13, 1576), toutes datées du IIIe s. ap. J.-C., mentionnent cet ethnonyme sous la forme développée CIVITAS VELLAVORVM. Cette dernière est justement celle qui figure dans la Notice des Gaules (fin du IVe s. ap. J.-C.). Ces différents éléments invitent donc à privilégier la forme latine Vellauii, et à franciser ce nom sous la forme "Vellaves".
Histoire
● Protohistoire
D'après Strabon, les Vellaves furent longtemps une peuplade assujettie aux Arvernes, n'ayant acquis son autonomie qu'à l'époque romaine (Géographie, IV, 2, 2). Fort indirectement, César témoignit également de cet état de fait lorsqu'il indiquait que les Arvernes étaient limitrophes des Helviens, impliquant ainsi que les Vellaves étaient comptés parmi les premiers (Guerre des Gaules, VII, 8). Ce degré d'assujettissement était semble-t-il équivalent à celui des Éleutètes, mais était moins poussé que celui des Cadurques et Gabales, peuples clients des Arvernes. Les Vellaves constituaient très certainement l'un des pagi du sud du territoire des Arvernes, évoqués très ponctuellement par César (Guerre des Gaules, VII, 64).
Les sources anciennes et l'archéologie font état d'une période d'expansion notable de la sphère d'influence des Arvernes au cours des IIIe et IIe s. av. J.-C. et c'est probablement dans ce contexte que les Vellaves passèrent sous leur domination.
● La guerre des Gaules
Les Vellaves ne prirent part que très tardivement à la guerre des Gaules. Ils se tirent suffisamment à l'écart des différents conflits pour n'avoir été mentionnés par César qu'à partir de l'année 52 av. J.-C. En effet, après avoir obtenu le ralliement de nombreux peuples gaulois, Vercingetorix envoya Lucterios dans le sud de la Gaule celtique, en direction de cités n'ayant pas tenu leur engagement d'entrer dans l'insurrection, ou celles possiblement hésitantes en raison de la proximité de la province romaine de Gaule transalpine (César, Guerre des Gaules, VII, 7). Il est difficile de déterminer si ce fut le cas des Vellaves, puisque ceux-ci ne furent pas mentionnés à cette occasion. On peut d'ailleurs envisager le fait qu'ils ne furent pas mentionnés, tout simplement parce qu'en raison de leurs liens étroits avec les Arvernes, ils étaient déjà entrés dans l'alliance à cette date, voire même qu'ils étaient comptés parmi ces derniers. Si tel fut bien le cas, les Vellaves prirent certainement part à cette première offensive contre la province de Gaule transalpine.
Après l'assemblée de Bibracte (été 52 av. J.-C.), les Arvernes et leurs voisins lancèrent une nouvelle série d'attaques contre la Gaule transalpine. Bien qu'ils ne furent pas mentionnés, les Vellaves furent certainement de ces "Gabales et les plus proches cantons des Arvernes", qui attaquèrent les Helviens (César, Guerre des Gaules, VII, 64).
Les Vellaves ne furent finalement mentionnés nommément pour avoir pris part à la levée de l'armée de secours chargée de contraindre les Romains à lever le siège d'Alesia, en contribuant au contingent de 35000 combattants des Arvernes et de leurs alliés (Guerre des Gaules, VII, 76).
● L'autonomie et la romanisation
Considérant l'absence des Vellaves dans l'énumération des peuples effectuée par Pline, tout porte à penser qu'ils étaient toujours sous la domination des Arvernes lors de la réorganisation la Gaule transalpine par Auguste (27 av. J.-C.) et lorsque lorsque Auguste définit le statut des cités de la province (16-13 av. J.-C.). Ce fut certainement très peu de temps après qu'ils gagnèrent leur autonomie, comme l'évoque Strabon (Géographie, IV, 2, 2). Il faut probablement corréler cette indépendance avec l'abandon de l'oppidum de Marcilhac, au profit d'une nouvelle métropole édifiée selon le modèle romain, Ruessium (Saint-Paulien).
● La cité des Vellaves au Bas-Empire
Au IIIe s. ap. J.-C., la plupart des métropoles prirent le nom de leur cité. Ce fut notamment le cas des Vellaves. En effet c'est la métropole, Ruessium prit alors le nom de ciuitas Vellauorum, la "cité des Vellaves", comme en témoignent les bornes milliaires de Beaune-sur-Arzon (CIL 17-02, 320 ; 13, 8871), Chomelix (CIL 17-02, 323 ; 13, 8872), Saint-Jean-d'Aubrigoux (CIL 17-02, 319 ; 13, 8868), Saint-Jean-de-Nay (CIL 17-02, 331 ; 13, 8879), Saint-Paulien (CIL 17-02, 324 ; 13, 8873), Sanssac-l'Église (CIL 17-02, 330 ; 13, 8878) et Thiolent (CIL 17-02, 329 ; 13, 8880), ou encore la Notice des Gaules.
C'est également à cette même époque, et plus précisément dans le cadre de la réforme provinciale de Dioclétien (fin du IIIe s. ap. J.-C.) que cette cité fut rattachée administrativement à la province d'Aquitaine première (Notice des Gaules).
César, Guerre des Gaules, VII, 7 :"Cependant le Cadurque Luctérios, envoyé chez les Rutènes, les attire au parti des Arvernes, va de là chez les Nitiobroges et les Gabales, qui lui donnent les uns et les autres des otages ; puis, à la tête d'une nombreuse armée, il marche pour envahir la Province du côté de Narbonne."
César, Guerre des Gaules, VII, 8 :"César se rendit chez les Helviens, quoique dans cette saison, la plus rigoureuse de l'année, la neige encombrât les chemins des Cévennes, montagnes qui séparent les Helviens des Arvernes. Cependant à force de travail, en faisant écarter par le soldat la neige épaisse de six pieds, César s'y fraie un chemin et parvient sur la frontière des Arvernes. Tombant sur eux au moment où ils ne s'y attendaient pas, parce qu'ils se croyaient défendus par les Cévennes comme par un mur, et que dans cette saison les sentiers n'en avaient jamais été praticables même pour un homme seul, il ordonne à sa cavalerie d'étendre ses courses aussi loin qu'il lui sera possible, afin de causer aux ennemis un plus grand effroi."
César, Guerre des Gaules, VII, 9 :"César ne s'arrêta dans le pays que deux jours, prévoyant le parti que prendrait Vercingétorix ; et il quitta l'armée, sous le prétexte de rassembler des renforts et de la cavalerie. Il laisse le commandement des troupes au jeune Brutus, et lui recommande de pousser en tous sens et le plus loin possible des partis de cavalerie ; il aura soin de ne pas être absent du camp plus de trois jours. Les choses ainsi réglées, il arrive en toute diligence à Vienne, sans y être attendu."
César, Guerre des Gaules, VII, 64 :"Les choses ainsi réglées, il (Vercingetorix) ordonne aux Éduens et aux Ségusiaves, limitrophes de la province, de lever dix mille fantassins ; il y ajoute huit cents cavaliers. Il confie le commandement de ces troupes au frère d'Éporédorix, et lui dit de porter la guerre chez les Allobroges. D'un autre côté, il envoie les Gabales et les plus proches cantons des Arvernes, ravager le territoire des Helviens, ainsi que les Rutènes et les Cadurques celui des Volques Arécomiques. En même temps, et par des messages secrets, il sollicite les Allobroges, espérant que les ressentiments de la dernière guerre n'y étaient pas encore éteints. Il promet aux chefs de l'argent, et à la nation la souveraineté de toute la province."
César, Guerre des Gaules, VII, 65 :"Pour résister à toutes ces attaques, le lieutenant L. César n'avait à distribuer, comme garnison, sur tout le territoire de la province, que vingt-deux cohortes tirées de cette province même. Les Helviens attaquent spontanément leurs voisins, sont défaits, perdent C. Valérius Domnotaurus, fils de Caburus, chef de leur nation, et sont repoussés dans les murs de leurs villes. Les Allobroges, ayant établi près du Rhône des postes nombreux, mettent beaucoup de zèle et de diligence dans la défense de leur territoire."
César, Guerre des Gaules, VII, 75 :"Pendant que ces choses se passaient devant Alésia, les principaux de la Gaule, réunis en assemblée, avaient résolu, non d'appeler aux armes tous ceux qui étaient en état de les porter, comme le voulait Vercingétorix, mais d'exiger de chaque peuple un certain nombre d'hommes ; ils craignaient, dans la confusion d'une si grande multitude, de ne pouvoir ni la discipliner, ni se reconnaître, ni se nourrir. Il fut réglé que les divers états fourniraient, savoir les Héduens, avec leurs clients les Ségusiaves, les Ambivarétes, les Aulerques Brannovices, les Blannovii, trente-cinq mille hommes ; les Arvernes avec les peuples de leur ressort, tels que les Eleutètes, les Cadurques, les Gabales, et les Vellavii, un pareil nombre ; […]."
Strabon, Géographie, IV, 2, 2 :"Voici, maintenant, quels sont les peuples compris entre le Garounas et le Liger qui ont été, avons-nous dit, annexés à l'Aquitaine : les Éduens, d'abord, dont le territoire commence à partir du Rhône ; immédiatement après les Éduens, les Vellaves, qui faisaient partie naguère de la nation des Arvernes, mais qui, aujourd'hui, sont indépendants; puis les Arvernes eux-mêmes, les Lémovices et les Pétrocoriens, auxquels il faut ajouter les Nitiobriges, les Cadurques et les Bituriges-Cubes ;"
Sources épigraphiques
Borne milliaire de Beaune-sur-Arzon (1) (CIL 17-02, 320 ; 13, 8871) IMP(ERATORI) CAES(ARI) M(ARCO) AVREL(IO) SEVERO AL[E]XA[N]DRO PIO FEL(ICI) AVG(VSTO) DIVI ANTONINI MAGNI FIL(IO) DIVI S[E]VERI NEPOT(I) [CIVI]T(AS) VELL(AVORVM) [M(ILIA) P(ASSVVM) XII]
"À l'empereur César Marcus Aurelius Severus Alexander, le pieux, favorisé des dieux, Auguste (1), fils du divin Antoninus le grand, petit-fils du divin Severus. La cité des Vellaves, 12 mille pas."
(1) Sévère Alexandre fut empereur de 222 à 235 ap. J.-C.
"À l'empereur (?) César [...] consul [...]. La cité des Vellaves, [...] mille pas [...]."
Lavoûte-sur-Loire (CIL 13, 1614) [FVRIAE SABINIAE TRANQVILLINAE AVG(VSTAE) C]ONIVGI IMP(ERATORIS) D(OMINI) N(OSTRI) MARCI ANTONI GORDIANI AVG(VSTI) CIVITAS VELLAVORVM LIBERA
"À Furia Sabinia Tranquillina, Auguste, épouse de l'empereur notre seigneur, Marcus Antonius Gordianus (2), Auguste. La cité libre des Vellaves."
(2) Gordien III a régné de 241 à 244 ap. J.-C.
Le Puy-en-Velay (CIL 13, 1576) [D(IS) M(ANIBVS) SE]X[T]I DONNI PRISC[IANI?] VELLAVI OMNIBVS OF[FICII]S CIVILIBVS IN CIVITA[TE] SVA FVNCTO A(DLECTORI) FERRAR[IA]RVM G(AIVS) IVL(IVS) PATERNVS AMI[C]VS SIBIQVE VI(V)VS DE PROPRI[O] PONENDVM CVRAVIT ET S(VB) A(SCIA) D(EDICAVIT)
"Aux dieux Mânes de Sextus Donnus Priscianus, vellave, parvenu dans sa cité à toutes les fonctions civiles, receveur des mines de fer. Gaius Iulius Paternus Amicus, à ses frais, a pris soin de poser (ce monument), mais aussi pour lui-même, de son vivant, et sous l'ascia l'a dédié."
"À l'empereur César Lucius Domitius Aurelianus, le pieux, favorisé des dieux, Auguste, grand pontife, revêtu de la puissance tribunicienne, 3 fois consul (3), père de la patrie. La cité des Vellaves, 13 mille pas."
(3) Aurélien fut consul pour la 3e fois entre le 1er janvier et le mois de septembre 275 ap. J.-C.
"À Iulia (Domna), Auguste, mère de notre Auguste (5) et des camps. La cité des Vellaves […]."
(5) Iulia Domna était l'épouse de l'empereur Septime Sévère (193-211). Elle est mentionné ici comme étant la mère de son successeur, Caracalla (211-217).
"À nos seigneurs les empereurs Marcus Iulius Philippus, le pieux, favorisé des dieux, Auguste et Marcus Iulius Philippus, nobilissime César (6). La cité des Vellaves, 3 mille pas."
(6) Philippe II (Marcus Iulius Philippus) fut associé à son père, l'empereur Philippe l'Arabe (Marcus Iulius Philippus), avec le titre de César, entre février 244 et 247 ap. J.-C.
"À nos seigneurs les empereurs Marcus Iulius Philippus, le pieux, favorisé des dieux, Auguste et Marcus Iulius Philippus, nobilissime César (7). La cité des Vellaves, 6 mille pas."
(7) Philippe II (Marcus Iulius Philippus) fut associé à son père, l'empereur Philippe l'Arabe (Marcus Iulius Philippus), avec le titre de César, entre février 244 et 247 ap. J.-C.
"Aux empereurs Césars Caius Vibius Trebonianus Gallus et Caius Vibius Afinius Veldumnianus Volusianus (8). La cité des Vellaves, 4 mille pas."
(8) Volusien (Caius Vibius Afinius Veldumnianus Volusianus) fut associé à son père, l'empereur Trébonien Galle (Caius Vibius Trebonianus Gallus), entre juin 251 et août 253 ap. J.-C.
Sources
• D. Barras, (2004) - "Saint-Paulien / Ruessium (Haute-Loire)", Capitales éphémères. Des Capitales de cités perdent leur statut dans l'Antiquité tardive, Actes du colloque de Tours, 6-8 mars 2003, Fédération pour l'édition de la Revue archéologique du Centre de la France, Supplément à la Revue archéologique du centre de la France, vol.25, pp.473-477
• J. Lacroix, (2003) - Les noms d'origine gauloise, la Gaule des combats, Errance, Paris, 240p. • Pierre Crombet pour l'Arbre Celtique
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique