En 218 av. J.-C., lorsque les Romains apprirent qu'Hannibal venait de franchir l'Ebre et de gagner les Pyrénées, les consuls Publius Cornelius Scipio et Tiberius Sempronius Longus réagirent en levant des troupes et en fortifiant les villes (Polybe, Histoire générale, III, 40 ; Tacite, Histoires, III, 34). Dans ce cadre, la position stratégique du territoire confisqué aux Boïens fut exploitée (Velleius Paterculus, Histoireromaine, I, 14). Là, deux villes stratégiques furent érigées au rang de colonies et dotées d'un contingent militaire pour assurer leur défense ; Cremona (Crémone) sur la rive gauche du Pô, et Placentia (Plaisance) sur la rive droite. Le territoire de ces deux colonies constituait ainsi un glacis de cités alliées, fermant l'accès aux territoires des cités alliées d'Étrurie aux diverses populations hostiles ; Insubres, Boïens et Ligures (Asconius, Commentaires des discours de Cicéron : Discours contre L. Calpurnius Pison ; Tacite, Histoires, III, 34). De plus, il permettait d'isoler les Boïens en les séparant de leurs traditionnels alliés et constituait un pont entre les territoires fidèles à Rome, et celui des Cénomans(1). Les sources n'ont pas conservé le souvenir des noms des fondateurs de la colonie de Cremona. Il existe par contre un doute quant à l'identité des triumvir ayant procédé à la déduction de Placentia. Selon Asconius, il s'agissait de Publius Cornelius Asina, Publius Papirius Maso et Caius Lutatius (Commentaires des discours de Cicéron : Discours contre L. Calpurnius Pison, III). Tite-Live confesse cependant qu'il existait de son temps plusieurs sources contradictoires et que seul le nom de Caius Lutatius est commun à toutes. Pour les deux autres triumvirs, il privilégie Caius Servilius et Marcus Annius. Selon lui, les autres sources proposent à leur place Manius Acilius et Caius Herennius, ou Publius Cornelius Asina et Caius Papirius Maso (Histoire romaine, XXI, 25). Asconius est visiblement l'un des défenseurs de cette dernière hypothèse.
Ce statut bien particulier de colonies latines qui leur fut octroyé, ne nous est connu que par Asconius (Commentaires des discours de Cicéron : Discours contre L. Calpurnius Pison, III) et revêt une certaine importance. En effet, il implique que les territoires déduits ne furent jamais vidés de leur population gauloise. Il y eu cependant des apports extérieurs, puisque ces deux colonies reçurent un contingent militaire pour assurer leur défense. D'un point de vue strictement politique, ces colonies latins n'étaient pas intégrées à la République romaine, mais étaient considérées comme des États alliés, c'est à dire vassaux de Rome.
Asconius, Commentaires des discours de Cicéron : Discours contre L. Calpurnius Pison (trad. David Kremer, 2006 ), III :"On ne peut pas assimiler la fondation de cette colonie (Placentia) aux colonies transpadanes que Cn. Pompeius Strabo, le père de Cn. Pompeius le Grand a déduites. En effet, il n'a pas constitué ces colonies latines par l'apport de nouveaux colons mais il a donné le statut latin (ius latii) à des habitants qui se trouvaient déjà installés, de sorte qu'ils purent alors bénéficier du même droit que les autres colonies latines, celui d'accéder à la citoyenneté romaine par la petitio aux magistratures. A l'inverse, six-mille hommes, des nouveaux colons, ont été installés à Plaisance, parmi lesquels deux-cents cavaliers. Le but de la fondation était de s'opposer aux Gaulois qui tenaient cette partie de l'Italie. Les triumvirs fondateurs étaient P. Cornelius Asina, P. Papirius Maso et Caius Lutatius. Cette colonie est, d'après mes recherches, la cinquante troisième qui ait été établie, mais comme colonie latine. Le peuple romain a en effet déduit deux types de colonies : de Quirites pour les unes, de Latins pour les autres"
Polybe, Histoire générale, II, 31 :"Après leur victoire, les Romains, se croyant en état de chasser complètement les Gaulois de la vallée du Pô, envoyèrent contre eux les deux nouveaux consuls, Q. Fulvius et T. Manlius, avec une armée et un matériel formidables. Leur arrivée inopinée déconcerta les Boïens, qui durent faire leur soumission. Mais des pluies torrentielles se mirent à tomber et une épidémie se déclara dans l'armée, ce qui entrava son action pendant toute la suite de la campagne."
Polybe, Histoire générale, III, 40 :"Apprenant qu'Hannibal avait passé l'Èbre avec ses troupes plus tôt qu'ils ne s'y attendaient, ils prirent la résolution d'expédier une armée en Espagne sous les ordres de P. Cornélius Scipion et une autre en Afrique avec Ti. Sempronius. Pendant que les consuls procédaient à l'enrôlement des soldats et aux autres préparatifs, on se hâta d'achever l'organisation des colonies qu'on avait décidé auparavant d'envoyer dans la Gaule Cisalpine. On activa, dans les villes, la construction des remparts et on donna l'ordre à ceux qui devaient y habiter de s'y rendre dans les trente jours. On créa ainsi deux villes de six mille colons chacune : la première, en deçà du Pô, fut nommée Plaisance ; la seconde, sur l'autre rive du fleuve, fut appelée Crémone."
Tacite, Histoires, III, 34 :"Ainsi finirent les destins de Crémone, après une durée de deux cent quatre-vingt-six ans. Elle avait été fondée sous les consuls Tib. Sempronius et P. Scipion, au moment où l'invasion d'Annibal menaçait l'Italie. C'était un boulevard qu'on opposait aux Gaulois transpadans et aux irruptions qui pourraient se faire à travers les Alpes. Grâce au nombre d'habitants qu'on y établit, aux rivières ouvertes à son commerce, à la fertilité de ses champs, aux familles venues du dehors et aux mariages entre les colons et leurs voisins, la ville s'accrut et prospéra, épargnée par les armes étrangères, malheureuse dans les guerres civiles."
Tite Live, Histoire romaine (Periochae), XX :"Le censeur Caius Flaminius établit la voie Flaminia et construit le cirque Flaminius. - On conduit des colonies, dans le territoire pris aux Gaulois, à Plaisance et à Crémone."
Tite-Live, Histoire romaine, XXI, 25 :"Ces magistrats étaient Caius Lutatius, Caius Servilius et Marcus Annius. Point de doute pour le nom de Lutatius ; mais, au lieu de Servilius et d' Annius, quelques chroniques portent Manius Acilius et Caius Hérennius ; d'autres, Publius Cornélius Asina et Caius Papirius Maso."
Velleius Paterculus, Histoireromaine, I, 14 :"Vingt-deux ans plus tard on fonda Aefulum et Alsium et deux ans après Frégelles. L'année suivante, sous le consulat de Torquatus et de Sempronius, on établit une colonie à Brundisium et trois ans après à Spolète, l'année où furent institués les jeux floraux. Deux ans après, on conduisit une colonie à Valence et à l'arrivée d'Annibal en Italie, à Crémone et à Plaisance."